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LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE EXAMINE LE RAPPORT DU NICARAGUA

Compte rendu de séance

Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport périodique du Nicaragua sur la mise en œuvre, par ce pays, des dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Nicaragua, M. Régis de Gouttes, a relevé la nécessité pour le Nicaragua de mettre en œuvre un programme global de promotion des populations autochtones et afrodescendantes, ainsi qu'une stratégie nationale de lutte contre le racisme. Saluant les efforts déployés par le Gouvernement en matière de lutte contre la discrimination, il a enjoint le pays à continuer sur cette voie et à ratifier la Convention n°169 de l'Organisation internationale du travail. Il a également préconisé que le Nicaragua accepte la procédure des communications individuelles prévue par la Convention sur l'élimination de la discrimination raciale.

Mme Alicia Martín Gallegos, Représentante permanente du Nicaragua auprès de l'Office des Nations Unies à Genève, a déclaré que le Gouvernement souhaite porter à la population un message de réconciliation, de solidarité et d'égalité des chances pour tous. Elle a ainsi attiré l'attention sur la promulgation de lois et l'adaptation du code pénal s'agissant des délits de discrimination, ainsi que sur le lancement de campagnes de sensibilisation dans ce domaine. D'autre part, elle a tenu le Comité informé du suivi du verdict rendu par la Cour interaméricaine des droits de l'homme sur l'affaire de la communauté «Awas Tingni», par lequel le Nicaragua s'était vu obligé d'indemniser cette communauté et de délimiter et titulariser ses terres.

La délégation nicaraguayenne, qui comprenait également des représentants des Missions du Nicaragua auprès des Nations Unies à Genève et à New York ainsi qu'une experte en droits de l'homme, a fourni aux experts des compléments d'information en ce qui concerne, entre autres, les efforts entrepris pour assurer une meilleure représentation des communautés autochtones et ethniques au sein des organes de l'État; le processus d'adhésion à la Convention n°169 de l'Organisation internationale du travail sur les peuples indigènes et tribaux; la mise en œuvre d'une loi sur les réfugiés qui garantisse les droits des réfugiés et la non-discrimination à leur égard; la question de la déontologie des journalistes; les modalités du Programme d'accès à l'administration de la justice dans les zones rurales qui institue des facilitateurs judiciaires ruraux chargés d'intégrer à l'application de la justice la poursuite des traditions, des usages et des coutumes des communautés autochtones.

Le Comité doit adopter des observations finales sur le rapport du Nicaragua, qui seront rendues publiques à la fin de la session, le vendredi 7 mars 2008.


Le Comité doit entamer cet après-midi, à 15 heures, l'examen du rapport du Moldova (CERD/C/MDA/7).


Présentation du rapport

MME ALICIA MARTÍN GALLEGOS, Représentante permanente du Nicaragua auprès de l'Office des Nations Unies à Genève, a souligné que le Gouvernement de réconciliation et d'unité nationale, conscient des obligations auxquelles le pays a souscrit en tant que partie aux principaux instruments internationaux en matière de droits de l'homme, a pour priorité de promouvoir et protéger les droits de l'homme de tous les Nicaraguayens. Elle a précisé que le rapport présenté est le fruit de larges consultations avec la société civile et les organisations non gouvernementales.

Mme Martín Gallegos a expliqué que l'État a fait des progrès importants au niveau législatif et administratif pour assurer la mise en œuvre de la Convention pour l'élimination de la discrimination raciale. Au niveau législatif, la Constitution garantit l'égalité des droits et devoirs de tous les Nicaraguayens sans distinction de naissance, de nationalité, de croyance politique, de race, de sexe, de langue, de religion, d'opinion, d'origine, de position économique ou de condition sociale, a-t-elle indiqué. Et la Convention est considérée comme loi ordinaire et peut être invoquée devant les tribunaux.

Pour honorer les obligations qu'il a contractées en vertu de la Convention, a poursuivi la représentante nicaraguayenne, l'État a promulgué un certain nombre de lois, et notamment la loi sur l'usage officiel des langues des communautés de la côte atlantique; le Règlement du Statut d'autonomie des deux régions de la côte atlantique; la loi sur le régime de propriété communale des peuples autochtones et des communautés ethniques des régions autonomes de la côte atlantique et des rivières Bocay, Coco, Indio et Maiz; et le décret portant création du Conseil de la côte caraïbe. De même, l'état a promulgué des lois générales contenant des dispositions spéciales pour protéger les droits des populations autochtones, comme la loi générale sur l'éducation, la loi sur la promotion du développement intégral des jeunes et la loi générale sur la santé.

En matière d'éducation, elle a fait part de l'entrée en vigueur d'un Système éducatif autonome régional qui reconnaît les droits des peuples autochtones et des communautés ethniques à une éducation interculturelle dans leur langue maternelle et à l'étude de l'espagnol en tant que langue nationale. Dans le domaine de la santé, la loi générale sur la santé permet aux régions autonomes de définir leur propre modèle de santé publique conformément à leurs traditions, cultures et coutumes. Quant au règlement du statut d'autonomie des deux régions de la côte atlantique, il prévoit que les peuples autochtones et les communautés ethniques aient un Gouvernement davantage décentralisé, a-t-elle précisé. Ils peuvent ainsi participer à l'élaboration et l'exécution des programmes de développement national dans leur région. Mme Martín Gallegos a souligné à cet égard que le statut d'autonomie permet à ces populations d'administrer leurs programmes d'éducation, de culture et de transport, ainsi que de mettre en œuvre des projets économiques, sociaux et culturels qui leur sont propres. Elle a en outre a fait part d'avancées importantes réalisées en matière de démarcation des terres communales. S'intéressant ensuite aux peuples autochtones du Pacifique et du centre et du nord du Nicaragua, la déléguée a indiqué qu'un projet de loi promouvant les droits de ces peuples est actuellement étudié par l'Assemblée nationale. Sur la plan administratif, le Bureau du Procureur spécial pour la défense des droits des peuples autochtones et des communautés ethniques joue un rôle fondamental dans la promotion des droits des peuples autochtones, a-t-elle ajouté, soulignant notamment que cette institution a la faculté de recevoir des plaintes.

Le Nicaragua, en reconnaissant sa diversité ethnique, en assurant une protection juridique et en se dotant d'un cadre institutionnel, a fait un pas considérable vers le multiculturalisme et la gestion du pluralisme ethnicoracial, a fait observer la représentante. Elle a également réitéré l'attachement du Gouvernement de réconciliation et d'unité nationale à la protection et à la promotion des droits de l'homme, au moment où le monde commémore le soixantième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme.

Le quatorzième rapport périodique du Nicaragua (CERD/C/NIC/14) indique notamment l'adoption d'une loi sur l'usage officiel des langues des communautés de la côte atlantique et explique qu'un Système éducatif autonome régional, axé sur l'éducation intégrale des populations autochtones et des communautés ethniques et comprenant un Programme d'éducation interculturelle bilingue, a été approuvé. Il est dans l'intérêt du Gouvernement de réconciliation et d'unité nationale de ratifier les instruments internationaux pour promouvoir les droits de l'homme, chaque fois que cela est en harmonie avec la Constitution politique et sert les Nicaraguayennes et les Nicaraguayens À cet égard, le Gouvernement nicaraguayen réexaminera la pertinence de la ratification de la Convention no 169 de l'OIT et mènera les consultations appropriées avec toutes les institutions de l'État et organismes de la société civile concernés par son contenu.

Le rapport indique par ailleurs que des travaux ont été entrepris en vue de la création d'une commission interinstitutionnelle sur les réfugiés au Nicaragua, avec pour objectif fondamental d'élaborer un projet de loi sur cette question. D'autre part, il souligne l'État nicaraguayen veille au respect des droits des migrants qui traversent son territoire pour se rendre aux États-Unis et explique que le transit est facilité en raison des engagements pris par les autorités migratoires d'éliminer les obligations de visa pour certaines nationalités.

Le rapport précise en outre que la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale a rang de loi ordinaire dans la législation nationale du Nicaragua. Il informe également des activités du Bureau du Procureur pour la défense des droits de l'homme, institution chargée de la défense des droits de l'homme et du contrôle de l'adhésion de l'administration et de ses fonctionnaires au respect des droits de l'homme; du Centre des droits de l'homme, de la citoyenneté et de l'autonomie, organisme non gouvernemental qui met en place divers programmes pour éliminer la discrimination raciale; et du Bureau du Procureur spécial pour la défense des droits des peuples autochtones et des communautés ethniques qui reçoit notamment des plaintes et, dans la mesure de leurs possibilités, résout des conflits par une médiation en première instance ou en les transférant aux instances pertinentes.

Examen du rapport

Observations et questions des membres du Comité

M. Régis de Gouttes, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Nicaragua, a souligné que ce rapport est présenté plus de douze ans après l'examen du précédent rapport. Entre temps, beaucoup de changements se sont produits dans le pays, a-t-il souligné. À plusieurs reprises, le Comité a rappelé au Gouvernement ses obligations conventionnelles s'agissant de la présentation de ses rapports périodiques. En outre, en février 2006, le Comité a été saisi au titre de la procédure d'alerte précoce et d'action urgente d'une pétition émanant de la communauté autochtone «Awas Tingni» se plaignant notamment des menaces concernant leurs titres de propriété. M. de Gouttes a rappelé qu'après qu'une délégation soit venue s'expliquer devant les membres du Comité en février 2007, cette communauté a saisi à nouveau le Comité. Il a à cet égard souhaité avoir des compléments d'information sur cette affaire.

S'intéressant ensuite à la situation des réfugiés, le rapporteur s'est demandé si le projet de loi établissant une Commission nationale pour les réfugiés et censé garantir les droits des réfugiés et l'interdiction de la discrimination à leur égard a été approuvé par l'Assemblée nationale et si cette Commission a été mise en place. En ce qui concerne les migrants, et notamment les migrants temporaires qui traversent le territoire du Nicaragua à destination des États-Unis, M. de Gouttes a demandé des précisions sur l'application de la loi sur le contrôle de la circulation des migrants dont le rapport fait état. Il a à cet égard souhaité de plus amples informations sur les mesures de régularisation des travailleurs migrants temporaires.

Tout en saluant l'adoption de mesures législatives et réglementaires qui s'inscrivent dans la ligne des exigences de la Convention, comme par exemple la loi sur l'usage officiel des langues des communautés autochtones de la Côte atlantique ou le statut d'autonomie des deux régions de la Côte Atlantique, le rapporteur a fait observer que des efforts doivent encore être faits pour assurer une meilleure représentation des communautés autochtones et ethniques au sein des organes de l'État.

Le rapporteur a préconisé que le pays ratifie la Convention n°169 de l'Organisation internationale du travail sur les peuples indigènes et tribaux afin de renforcer la protection des droits des communautés ethniques et autochtones. En outre, il serait intéressant de savoir comment le Gouvernement entend donner un suivi à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones adoptée par l'Assemblée générale en septembre 2007, a ajouté le rapporteur. Il a par ailleurs demandé des précisions quant au statut juridique de la Convention sur l'élimination de la discrimination raciale en droit interne nicaraguayen. La Convention a-t-elle ou non une autorité supérieure aux lois internes ? M. de Gouttes a également souhaité savoir si la Convention peut être invoquée directement par les particuliers devant les tribunaux nationaux. Il s'est aussi demandé si le Gouvernement du Nicaragua envisage de faire la déclaration prévue à l'article 14 de la Convention par laquelle il accepterait la procédure des communications individuelles.

Citant le rapport de M. Doudou Diène, Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l'intolérance qui y est associée, le rapporteur a regretté qu'en dépit des progrès liés au statut d'autonomie des régions et à la construction d'un multiculturalisme démocratique, des préjugés raciaux et des pratiques discriminatoires à l'égard des populations autochtones subsistent. S'il existe tant de programmes pour améliorer la situation des peuples autochtones, c'est bien l'indication de l'existence d'un racisme structurel, a insisté un autre membre du Comité.

M. de Gouttes a également fait part de ses préoccupations face au clivage ethno-socio-économique entre les régions du Pacifique et les régions de l'Atlantique et face à la protection des droits fonciers des populations autochtones. À cet égard, il a souhaité connaître les derniers développements du Bureau du Procureur spécial pour la défense des droits des peuples autochtones et des communautés ethniques. Un autre expert s'est pour sa part étonné du manque d'information dans le rapport du Nicaragua sur les peuples autochtones établis dans la région centrale du pays.

D'autre part, M. de Gouttes s'est fait l'écho de rapports d'organisations non gouvernementales qui laissent apparaître des carences de la justice dans les régions autonomes et a souhaité disposer d'exemples pratiques sur la justice coutumière et les normes qu'elle pratique. De même, il a demandé des informations au sujet des allégations de violations des droits de l'homme et de mauvais traitements imputés à la police nationale dans les régions autonomes.

En matière de santé, le rapporteur s'est enquis de la mise en œuvre effective des mesures sanitaires développées par le gouvernement, comme le plan national de santé 2004-2015. Citant des organisations non gouvernementales, il s'est inquiété de l'insuffisance des infrastructures sanitaires dans les régions autonomes de l'Atlantique Sud et Nord. Quelles sont les mesures qui ont été prises pour remédier à cette situation, a-t-il demandé ?

M. de Gouttes a également souhaité obtenir des renseignements sur le nombre de plaintes qui ont été présentées devant le Procureur spécial pour la défense des droits des populations indigènes et des communautés ethniques, ainsi que le résultat de ces plaintes.

Qu'en est-il des poursuites dans les cas d'actes de discrimination raciale, a demandé un expert ? Quelles sont les décisions prises par les juges et comment sont-elles appliquées ? Il a à cet égard fait remarquer que l'absence de plaintes pour discrimination ne reflète pas nécessairement l'absence de discrimination. Les plaintes peuvent faire défaut si la population manque d'information sur la discrimination raciale, par crainte de représailles ou par méfiance à l'égard des instances administratives, a-t-il indiqué pour illustrer son idée.

Enfin, un expert a souhaité connaître l'image que le pays a de lui-même. Le Nicaragua se présente comme une nation métisse, dans quelle mesure cette image est-elle toujours d'actualité, a-t-il demandé ?


Réponses de la délégation

Mme Martín Gallegos a remercié les membres du Comité pour l'intérêt qu'ils ont manifesté à l'égard du rapport du Nicaragua. Elle les a également remerciés d'avoir su reconnaître les efforts déployés par le Gouvernement.

La chef de la délégation nicaraguayenne a reconnu que les indices de pauvreté les plus élevés se trouvent dans les zones rurales. Il existe un fossé dans le développement entre la côte Atlantique et la côte Pacifique, exacerbé par les difficultés d'accès et les catastrophes naturelles, a-t-elle ajouté. Elle a à cet égard assuré que le Gouvernement souhaite assumer la dette historique qu'il a à l'égard de ses populations de la côte caraïbe pour qu'elles puissent connaître un développement durable. Les programmes tels que «faim zéro» témoignent des efforts du Gouvernement dans ce sens, a-t-elle souligné. Le Gouvernement s'efforce en outre de créer un climat favorable aux investissements étrangers.

La délégation a par ailleurs tenu à souligner que le Nicaragua est l'un des pays présentant l'un des taux les plus faibles de délinquance dans toute l'Amérique centrale. Le phénomène des «maras» (bandes de jeunes délinquants) ne se produit pas au Nicaragua, a-t-elle précisé.

La délégation a tenu à informer les membres du Comité des avancées qui ont été réalisées dans le cadre de l'affaire de la communauté «Awas Tingni». En vertu du verdict rendu par la Cour interaméricaine des droits de l'homme, le Nicaragua doit créer les moyens législatifs et administratifs pour délimiter et titulariser les terres de cette communauté. Pour procéder aux mesures de délimitation, le tribunal a accordé un délai de 15 mois. La déléguée a indiqué que le Gouvernement du Nicaragua et des représentants de la communauté Anwas Tingni se sont réunis en présence de délégués de la Cour interaméricaine des droits de l'homme et se sont entendus sur la création de deux commissions de travail. La première supervise l'application de tout ce qui a trait aux investissements dans les services communs, alors que la seconde se charge de l'application et la mise en œuvre des processus de démarcation et de titularisation, a-t-elle précisé. Cette dernière Commission a donc discuté des modalités du processus de démarcation et a décidé de poser un diagnostic sur l'utilisation des terres communales, avec la pleine participation de la communauté. Ainsi, la communauté Awas Tingni doit présenter à la Commission intersectorielle de démarcation et de titularisation une demande de titularisation assortie du diagnostic y afférent. À cet égard, Mme Martín Gallegos a expliqué que dans la détermination du diagnostic, il y a eu un conflit et un problème de chevauchement entre trois communautés autochtones. Devant cette situation, la Commission intersectorielle de démarcation et de titularisation a transféré cette question au Conseil régional autonome de l'Atlantique Nord pour qu'il résolve ce litige.

Ainsi, c'est en février 2007 que le Conseil régional autonome a réglé ce conflit opposant les Awas Tingni aux trois autres communautés, condition essentielle pour entamer le processus de démarcation et que puisse être remis le titre correspondant, a souligné la déléguée du Nicaragua. Un plan de délimitation a ensuite été approuvé et mis en œuvre dès juillet 2007, a-t-elle souligné, précisant que 12 bornes ont déjà été posées et 23 sont en cours d'installation. Les parties prenantes ont décidé de mener à bien la titularisation d'ici à juillet 2008, a-t-elle ajouté. En matière d'investissement dans les services communs, Mme Martín Gallegos a expliqué que le Gouvernement s'était engagé à construire un foyer pour les étudiants de la communauté et s'y est tenu. En outre, il a fourni des machines à coudre et offert des cours de couture à 35 femmes de la communauté. Pour conclure, parmi les dernières avancées en matière de démarcation des territoires autochtones, elle a cité la récente finalisation du plan d'installation de 30 bornes dans le territoire «Awaltara Luhpia Nani» dans la Région autonome de l'Atlantique Sud, consacrant une augmentation du territoire de cette communauté de plus de 240 000 hectares.

Répondant à des questions portant sur l'image de son pays que se fait la population, la délégation a expliqué que le Nicaragua est fier de ses racines. Le message porté à la population est un message de réconciliation, de solidarité et d'égalité des chances pour tous, a-t-elle ajouté.

La loi pour les réfugiés n'est pas encore entrée en vigueur, a expliqué la délégation en réponse à une question du rapporteur, car des consultations sont actuellement tenues sur cette loi. S'agissant des migrants, elle a souligné qu'avec la révision de la loi sur le contrôle de la circulation des migrants, des nouvelles façons d'acquérir un statut sont maintenant prévues pour cette catégorie de la population. Elle a également expliqué que le Nicaragua et le Costa Rica ont coopéré sur un projet de codéveloppement pour la maîtrise des flux migratoires et mis en place une politique binationale sur les travailleurs migrants destinée à garantir les droits de ces travailleurs. La mise en œuvre de cette politique vise la régularisation des flux migratoires du travail et la promotion de l'insertion de ces personnes sur le marché du travail, a-t-elle précisé.

S'intéressant ensuite à la définition de la discrimination raciale dans la législation nationale, la chef de la délégation a expliqué que le code pénal contient une définition large du concept de discrimination et que les actes de discrimination sont passibles de peines de prison ou d'amendes, ou les deux. En outre, toute personne qui publie ou favorise des actes de discrimination peut également être passible d'amende, a-t-elle ajouté. La représentante a également rappelé que la Constitution définit que tous sont égaux devant la loi, sans distinction de naissance, de nationalité, de race, de sexe, de langue, de religion, d'origine ou de condition sociale; elle satisfait donc aux exigences de la Convention. À un expert qui demandait s'il existe des dispositions du nouveau code pénal relatives aux organisations à caractère raciste ou aux associations qui diffusent des idées racistes, un membre de la délégation a indiqué que la diffusion d'idées racistes ne constitue pas un délit en tant que tel. Toutefois, un article de loi stipule que quiconque publie ou encourage les actes de discrimination sera sanctionné et passible d'une amende. De telles organisations pourraient tomber sous le coup de cette disposition, a-t-elle précisé.

Quant à la ratification de la Convention n°169 de l'Organisation internationale du travail, la délégation a indiqué que toute une série de démarches a été initiée, dès 1996, en vue de cette ratification. Un projet de décret de ratification a même été élaboré; mais la procédure n'a pas été suivie et le projet n'a pas été transmis à l'Assemblée nationale. Actuellement, le projet a été repris et des consultations sont menées avec les Ministères compétents comme le Ministère du travail. Des études doivent être menées pour analyser la compatibilité de cette Convention avec la législation nationale, a-t-elle souligné.

Un expert ayant souhaité davantage d'informations sur les «facilitateurs judiciaires ruraux», la délégation a expliqué qu'ils font partie d'un Programme d'accès à l'administration de la justice dans les zones rurales. Le facilitateur judiciaire rural est une personne auxiliaire à l'administration judiciaire, a-t-elle précisé. Il est chargé de conseiller les habitants de la communauté, de mener des médiations extrajudiciaires dans les cas où la loi l'y autorise et d'appuyer le juge dans les activités et les démarches propres à l'administration de la justice. Mme Martín Gallegos a à cet égard précisé qu'il existe aujourd'hui 627 facilitateurs, dont 20% sont des femmes, et qu'ils sont surtout présents dans les municipalités les plus pauvres. Un expert s'étant demandé si l'accès à la justice est assurée pour tous dans leurs langues maternelles, la délégation a précisé que l'assistance d'un interprète est gratuite et garantie par l'État.

À l'expert qui souhaitait connaître les mesures prises pour lutter contre les préjugés et les stéréotypes négatifs, Mme Martín Gallegos a fait part des multiples initiatives mises en œuvre par le Gouvernement de réconciliation et d'unité nationale dans ce but. Ainsi, elle a indiqué que le Gouvernement encourage la participation dans la fonction publique et aux postes de décisions d'afrodescendants ou de personnes provenant des différentes communautés. L'objectif est de promouvoir une politique d'égalité et de non discrimination dans les fonctions de l'État, a-t-elle précisé. La représentante nicaraguayenne a fait observer que la prévention de la discrimination est également assurée par les mesures coercitives contenues dans le code pénal. En outre, elle a indiqué que le 21 mars a été proclamé journée internationale pour l'élimination de la discrimination raciale.

Plusieurs experts s'inquiétant des mesures prises pour lutter contre les stéréotypes véhiculés par les médias et s'enquerrant de l'existence d'un code de déontologie des journalistes, la délégation a souligné qu'une loi portant création de l'école de journalisme, premier pas vers un code de déontologie, est actuellement en attente d'approbation. Des formations et des cours sur les droits de l'homme sont prévus, en collaboration avec des organisations non gouvernementales, à l'intention des journalistes pour qu'ils soient sensibilisés à l'importance, dans le cadre de leur métier, du respect des droits de l'homme, mais également des droits de la femme et des droits des peuples autochtones.

De grands progrès ont été réalisés dans la promotion des droits de l'homme, a souligné la délégation, de la promulgation de lois à l'organisation de campagnes de sensibilisation pour le développement d'une culture de connaissance et de respect des droits fondamentaux. Les droits de l'homme et la Constitution sont une matière obligatoire dans l'enseignement élémentaire, a-t-elle en outre précisé, avant d'ajouter qu'il en est de même dans la formation de cadres militaires et policiers destinés à des postes de commandements.

L'unité dans la diversité est la vision du Nicaragua, a affirmé Mme Martín Gallegos. Et cette vision implique un respect total de chacune des cultures qui compose le pays, a-t-elle conclu.

Observations préliminaires

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Nicaragua, M. Régis de Gouttes, a remercié la délégation pour ses efforts. Il a dit avoir apprécié tout particulièrement la sincérité et la franchise dont elle a fait preuve dans ses réponses, notamment s'agissant de la persistance de certains stéréotypes racistes dans le pays.

Il a mis l'accent sur l'importance pour le Nicaragua, pays multiculturel et multiethnique, de mettre en œuvre - ainsi que l'a préconisé le Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme - un véritable programme global de promotion des populations autochtones et afrodescendantes qui souffrent de la pauvreté et de sous-développement. Une stratégie nationale de lutte contre le racisme devrait être développée. Et un nouveau mode de relation entre l'État et les peuples autochtones devrait être repensé, a également souligné M. de Gouttes, avant d'ajouter qu'une plus grande effectivité est attendue dans le processus d'autonomie régionale. En ce qui concerne la mise en œuvre des traités internationaux, il a renouvelé sa recommandation de ratifier la Convention n°169 de l'Organisation internationale du travail. Il a également souhaité que le Nicaragua fasse la déclaration en vertu de l'article 14 de la Convention pour accepter la procédure des communications individuelles. Entre autres domaines d'intérêt pour le Comité, le rapporteur a relevé l'importance de respecter les droits fonciers des peuples autochtones et de promouvoir une meilleure représentation de ces populations dans les élections autonomes, au sein du Parlement et dans les administrations de l'État.

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