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LE COMITÉ DES DROITS DE L'ENFANT EXAMINE LES RAPPORTS DU CHILI AU TITRE DES DEUX PROTOCOLES FACULTATIFS DE LA CONVENTION

Compte rendu de séance

Le Comité des droits de l'enfant a examiné, aujourd'hui, les deux rapports initiaux présentés par le Chili au titre des Protocoles facultatifs relatifs à l'implication d'enfants dans des conflits armés et à la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants.

En ce qui concerne l'implication d'enfants dans les conflits armés, M. Jean Zermatten, rapporteur pour l'examen de ce rapport, a notamment suggéré que l'âge minimal du recrutement volontaire soit fixé par la loi à 18 ans, ce qui n'est pas actuellement le cas. Il reste aussi à criminaliser formellement le recrutement de mineurs.

La délégation chilienne, dirigée par M. Juan Martabit, Représentant permanent du Chili auprès des Nations Unies à Genève, a fait valoir que le service militaire a été rendu volontaire en 2005, et qu'il est maintenant impossible qu'un mineur de moins de 18 ans soit engagé dans un conflit armé. La délégation a répondu aux questions du Comité s'agissant en particulier de l'activité des écoles privées de formation prémilitaire, ou encore les compétences respectives des tribunaux militaires et civils.

S'agissant de la question de la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants M. Kamel Filali, rapporteur du Comité pour l'examen de ce rapport, a notamment salué le pas récemment franchi par le Chili dans la reconnaissance officielle du problème de la traite des enfants et de sa gravité. Il a toutefois relevé que le délit de vente d'enfants n'est pas défini par la loi, ce qui est une carence au regard du Protocole facultatif. De même, le tourisme sexuel ne figure pas dans la législation comme un délit en soi. La co-rapporteuse, Mme Rosa María Ortiz, a pour sa part indiqué que le Comité recommanderait que le Chili criminalise explicitement les crimes condamnés par le Protocole facultatif. Il recommandera également une harmonisation des mécanismes de protection des droits des enfants et la poursuite des efforts de collaboration du Chili avec les institutions internationales et les pays voisins.

La délégation chilienne a indiqué que le Chili avait approuvé plusieurs lois importantes concernant, en particulier, l'allongement de la durée de la prescription des délits sexuels commis contre des mineurs et le durcissement des conditions de mise en liberté conditionnelle pour les auteurs d'abus sexuels contre des mineurs. L'État et la société civile ont d'autre part uni leurs efforts pour assurer la protection des victimes de la traite et de la pornographie mettant en scène des enfants. Le Service national des mineurs (SENAME) a secouru, entre 2003 et 2007, 1510 enfants victimes de commerce sexuel, en collaboration avec des organisations non gouvernementales. La délégation a aussi répondu à des questions sur la cybercriminalité visant les mineurs.

Outre M. Martabit, la délégation chilienne était composée de représentants des Ministères des relations extérieures, de la défense, de la justice, de la planification et du développement ainsi que de la Police judiciaire et du Ministère public.

Le rapport du Chili était le dernier examiné par le Comité au cours de la présente session.

Lors de sa prochaine séance publique, le vendredi 1er février, à partir de 10 heures, le Comité fera connaître ses observations sur les rapports des cinq pays dont il a été saisi au cours de la session: Timor Leste, Allemagne, République dominicaine, Koweït et Chili.

Présentation des rapports

Présentant les rapports soumis par son pays, M. JUAN MARTABIT, Représentant permanent du Chili auprès des Nations Unies à Genève, a indiqué que le Chili avait approuvé plusieurs lois importantes concernant, en particulier, l'allongement de la durée de la prescription des délits sexuels commis contre des mineurs et le durcissement des conditions de mise en liberté conditionnelle pour les auteur d'abus sexuels contre des mineurs. La Parlement est actuellement saisi d'un projet incriminant les délits de trafics d'êtres humains et ayant pour objet la protection des victimes, conformément aux dispositions du Protocole de Palerme, ratifié par el Chili en 2005. En matière d'adoption, le pays a adopté une la loi sur la pénalisation de la remise ou de la vente d'enfants à des tiers à des fins de trafic. Contre le travail des enfants, le Chili a renforcé les exigences conditionnant l'embauche d'enfants de 15 ans et plus, avec en particulier la définition d'une liste d'emplois dangereux et interdits. L'État et la société civile ont d'autre part joint leurs efforts pour assurer la protection des victimes de la traite d'enfants et de la pornographie mettant en scène des enfants. Le Parquet a pour sa part mis sur pied des unités régionales de prise en charge et de protection des témoins et victimes mineurs.

Le Service national des mineurs (SENAME) a secouru, entre 2003 et 2007, 1510 enfants victimes de commerce sexuel, en collaboration avec des organisations non gouvernementales. De nouveaux services de réhabilitation sont actuellement mis sur pied pour renforcer la capacité d'action du SENAME. Le Chili, en collaboration avec l'Organisation internationale du travail et d'organisations de la société civile, a mis en place des stratégies de sensibilisation de la société au problème de l'exploitation sexuelle et commercial des enfants au Chili. D'autre part, la politique migratoire du Gouvernement est orientée vers des mesures de prévention des violations des droits des enfants par le biais de la réinsertion économique et culturelle des enfants victimes de la traite, stigmatisés ou exclus au point de vue social.

Enfin, le service militaire a été rendu volontaire en 2005, a souligné M. Martabit, et il est maintenant impossible qu'un mineur de moins de 18 ans soit engagé dans un conflit armé. L'accès aux armes est régi par une loi qui stipule les conditions de la détention d'armes et prévoyant des peines lourdes en cas de délit.

La rapport initial du Chili relatif à l'application du Protocole facultatif concernant l'implication d'enfants dans les conflits armés (CRC/C/OPAC/CHL/1) indique notamment que, pour entrer dans les écoles de formation militaire, il faut avoir achevé la quatrième année de l'enseignement secondaire, ce qui correspond généralement à l'âge de 18 ans; dans certains cas, l'âge minimum de 18 ans est expressément exigé. De toute manière, les programmes de formation durent de deux à cinq ans, ce qui signifie qu'à leur sortie, les élèves ne sont plus mineurs. Les normes applicables disposent que les mineurs de 18 ans qui effectuent leur service militaire ne peuvent pas être mobilisés. Ils ne peuvent donc en aucun cas participer à un conflit armé, ni être impliqués dans une situation exceptionnelle décrétée par le Président de la République conformément à la Constitution. D'autre part, au Chili, la conscription obligatoire ne vise que les hommes de plus de 18 ans. La législation chilienne ne contient aucune disposition permettant aux autorités d'abaisser l'âge minimum de recrutement dans des circonstances exceptionnelles (telles que l'état d'urgence).

Le principe directeur du recrutement dans les forces armées est l'enrôlement prioritaire des personnes qui ont fait savoir qu'elles étaient volontaires. Si elles ne suffisent pas à constituer le contingent requis, il est fait appel à des non-volontaires, tirés au sort parmi les hommes de plus de 18 ans inscrits sur le Registre militaire. L'intention de se porter volontaire doit être manifestée expressément et officiellement par l'intéressé. Pour se présenter comme volontaire, il faut faire partie de la base de la conscription et donc avoir 18 ans révolus. L'unique disposition de la loi sur le recrutement qui envisage la possibilité qu'un mineur de 17 ans effectue le service militaire en tant que volontaire exige que l'intéressé en fasse la demande expresse et interdit qu'il soit mobilisé avant d'avoir atteint la majorité. Par ailleurs, les forces armées offrent un certain nombre d'avantages aux citoyens en âge d'effectuer le service militaire afin de les encourager à se porter volontaires: programmes de formation, possibilité d'achever le cycle primaire ou secondaire pour les conscrits dont l'instruction est incomplète, bourse d'études du Ministère de la défense nationale octroyée au soldat le plus brillant de chaque unité, programme de réinsertion professionnelle, entre autres. Le rapport précise enfin qu'il n'existe pas au Chili de groupes armés distincts des forces armées

Le rapport initial du Chili concernant la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (CRC/C/OPSC/CHL/1) indique que c'est principalement au Ministère de la justice qu'il incombe d'élaborer des politiques visant la répression pénale de ce type d'infractions, sous toutes leurs formes. Cette action est renforcée par la signature de plusieurs instruments, en particulier la Convention no 182 de l'Organisation internationale du travail (OIT) concernant l'interdiction des pires formes de travail des enfants et l'action immédiate en vue de leur élimination. De même, l'accord conclu avec l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) a permis d'appuyer la conception et la mise en œuvre d'un plan pilote d'aide aux enfants et adolescents victimes d'exploitation sexuelle et commerciale, quelle qu'en soit la forme, y compris le trafic à des fins sexuelles. Dans le cadre du programme national intitulé «Apprenons à bien traiter les enfants» (2000-2006), exécuté par le Comité national intersectoriel de prévention de la maltraitance et des abus sexuels d'enfants, le Gouvernement s'est attaqué au problème de l'exploitation sexuelle et commerciale des enfants. S'agissant de la recherche sociale dans ce domaine, le Gouvernement met en œuvre, dans le cadre d'une collaboration entre le Service national des mineurs (SENAME), le Ministère du travail et de la prévision sociale et l'OIT, un projet visant à mettre au point un système unique et novateur de recensement des pires formes de travail des enfants. Ainsi, les services de police, le réseau de prise en charge du SENAME et la Direction du travail ont pu constituer un registre permettant de recenser les cas, d'assurer leur suivi et de prendre en considération l'opinion des enfants et des adolescents au sujet de leurs propres besoins, afin d'élaborer des politiques de réparation mieux adaptées. En outre des recherches ont permis d'établir un diagnostic de l'ampleur et des caractéristiques actuelles de l'exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales au Chili, en particulier l'utilisation d'enfants à des fins de prostitution. Elles ont abouti à la conclusion, qu'il convenait de mettre au point des politiques et programmes intersectoriels intégrant les secteurs de la justice, de la santé, de l'éducation et de l'emploi.

Sur le plan législatif, un progrès important a été accompli dans la lutte contre l'exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales et sa répression pénale avec la publication en 2004 de la loi modifiant les dispositions du Code pénal et du Code de procédure pénale relatives aux infractions sexuelles contre des enfants. Cette loi vise à combattre durablement la pédophilie, la pornographie mettant en scène des enfants et les réseaux opérant sur l'Internet et à réglementer de manière plus complète le traitement des différentes infractions sexuelles contre des enfants et des adolescents, en particulier de toutes les formes d'exploitation sexuelle à des fins commerciales, en créant de nouvelles qualifications pénales. Elle a notamment alourdi les peines pour la majorité des infractions sexuelles contre des enfants ou des adolescents, porté l'âge du consentement sexuel de 12 à 14 ans, afin de protéger le développement et l'intégrité sexuelle des mineurs de 14 ans, et érigé en infraction spécifique le fait d'«obtenir des services sexuels» d'un mineur (moins de 18 ans) contre rémunération ou autre contrepartie. Ainsi, pour la première fois, le droit chilien punit les clients d'enfants ou d'adolescents victimes d'exploitation sexuelle à des fins commerciales, ce qui devrait contribuer à décourager le commerce sexuel des enfants. La loi habilite aussi les tribunaux nationaux à connaître de certains délits commis en dehors du territoire de la République.


Examen du rapport relatif au Protocole facultatif concernant l'implication d'enfants dans les conflits armés

M. JEAN ZERMATTEN, rapporteur du Comité pour l'examen de ce rapport, a souligné avec appréciation le fait que la loi chilienne de modernisation du service militaire obligatoire pose de manière claire qu'il n'y a ni recrutement ni implication d'enfants de moins de 18 ans dans les conflits armés. Cependant, l'article 69 de cette loi réserve la possibilité d'un recrutement «sans limite d'âge» en des cas exceptionnels. Le rapporteur a en outre relevé que la législation actuelle permet toujours le recrutement volontaire dès 16 ans. Le fait de recruter des enfants doit être poursuivi au pénal, précise le Protocole facultatif: or la loi chilienne ne criminalise pas ce délit. Le risque que des groupes criminels, non étatiques, se livrent à cette activité est pourtant avéré, a observé le rapporteur.

Une question demeure quant à la diffusion des mesures du Protocole. Par ailleurs, le rapporteur a voulu savoir si depuis janvier 2007 le Chili avait ou non lancé les démarches pour l'instauration d'une institution nationale, ou d'un ombudsman, des droits de l'enfant, comme il avait été recommandé antérieurement par le Comité.
Cadre d'application et diffusion du Protocole facultatif

La délégation a expliqué qu'un jeune chilien peut suivre une formation militaire dans les forces armées pour autant qu'il ait achevé sa scolarité obligatoire. Cependant, compte tenu de la durée de la formation - deux ans - il est impossible que le jeune soit engagé dans un conflit militaire avant l'âge adulte. Par ailleurs, tous les jeunes d'au moins 18 ans doivent se présenter obligatoirement à un bureau de recrutement. Une exception prévoit que des volontaires peuvent être enrôlés dès 17 ans révolus. Il est exclu de par la loi que des jeunes de 16 ans soient enrôlés. Aucun jeune ne peut être mobilisé au front avant l'âge de 18 ans, toujours en vertu de la loi. Le chef de délégation a ajouté n'avoir aucun souvenir ni connaissance, même dans l'histoire, d'engagements de mineurs lors de conflits extérieurs. La conscription de jeunes de moins de 17 ans n'est pas non plus attestée, jusqu'à preuve du contraire.

Depuis 2006, la prescription obligatoire n'existe plus en pratique, a précisé la délégation, le service étant accompli par des volontaires, dont le nombre dépasse régulièrement l'effectif requis des forces armées. Le recrutement prévoit un rapport socio-économique du conscrit et de son environnement familial. Seul un tiers des jeunes aptes au service effectuent ce service (soit seize mille recrues), les volontaires étant recrutés de manière prioritaire. Les volontaires non retenus passent dans la réserve et reçoivent une instruction à ce titre. Les enfants de moins de 18 ans doivent être volontaires et disposer de l'accord parental. Le volontariat est aussi une manière d'acquérir une des formations techniques dispensées par l'armée, a précisé la délégation. La tendance est d'ailleurs à une professionnalisation intégrale des forces armées. Une loi devrait sans doute spécifier ces modalités, a estimé un membre de la délégation.

Le code de justice militaire ne connaît pas les délits de viols et autres abus sur des mineurs. En cas de violation des droits d'un mineur par un soldat, le procureur civil est compétent pour engager des poursuites, a précisé la délégation en réponse à une demande d'explication. Le fait d'appartenir aux forces armées chiliennes est d'ailleurs une circonstance aggravante de ces crimes. Les retombées disciplinaires, outre les poursuites civiles, peuvent aller jusqu'à l'expulsion de forces armées. Les deux séries de sanctions ne sont pas mutuellement exclusives. La délégation a expliqué que, des conflits de compétence entre tribunaux militaires et civils s'étant produits par le passé, les mesures de correction nécessaires ont été prises récemment afin de clarifier leurs attributions respectives et garantir la bonne administration de la justice, au profit des victimes et au détriment des coupables. Ainsi, répondant à des questions au sujet de quarante-deux chasseurs andins décédés lors d'une sortie en haute montagne, la délégation a fait savoir que les tribunaux militaires ont pris des sanctions très sévères contre la chaîne de commandement, les tribunaux civils ayant statué sur les demandes d'indemnisation formulées par les familles des conscrits.

Les conditions de détention et de port d'armes à feu sont la majorité, la formation préalable et l'obtention d'une autorisation en bonne et due forme. Un mineur découvert en possession d'une arme sera, depuis juin 2007, déclaré pénalement responsable dès 14 ans. Il s'agit d'une responsabilité différente de celle d'un adulte. Les sanctions prises viseront à sa réinsertion sociale. Le jeune sera déféré devant une instance spécialisée, chargée d'évaluer la pertinence de la sanction à cet égard.

Répondant à des questions sur les modalités de diffusion du Protocole facultatif, la délégation a indiqué que le Gouvernement agit dans ce domaine par le biais d'institutions telles que le SENAME. Ce dernier s'efforce d'atteindre toutes les couches sociales. Un service d'action communautaire agit au niveau local. Un service de recherche est chargé de la prévention et de l'information concernant les dispositions du Protocole facultatif. D'autre part les institutions de l'État coordonnent leur action avec les organisations non gouvernementales.

Le Chili envoie trois mille soldats en mission de paix dans le monde. Au cours de ces dix dernières années, aucune plainte n'a jamais été lancée contre ces soldats pour violation des dispositions des Protocoles facultatifs, ce qui témoigne de la qualité de la formation de ces militaires, a fait valoir la délégation.

Réfugiés, migrants

Quelles mesures et programmes de réhabilitation ont été pris en faveur des enfants réfugiés de Colombie ou de Palestine, victimes de traumatismes particuliers, ont demandé des experts du Comité. Existe-t-il des procédures pour identifier parmi les requérants des enfants enrôlés dans des conflits armés?

La délégation chilienne a indiqué que son Gouvernement mène, avec le Haut Commissariat aux réfugiés, des programmes d'accueil à l'intention de jeunes Colombiens en particulier. Le Chili, comme d'autres pays hôtes, a le droit de distinguer les réfugiés et d'analyser les situations individuelles avec le Haut Commissariat pour les réfugiés. Le Chili accueille environ mille réfugiés, aucun cas d'enfant soldat n'ayant été détecté. Par ailleurs, douze familles étendues, qui comprennent des réfugiés palestiniens originaires d'Iraq, font l'objet de mesures d'intégration ciblées.

D'une manière générale, les migrants proviennent essentiellement des pays voisins du Chili. Le Gouvernement procède régulièrement à des régularisations globales de «sans-papiers». En effet, le souci des autorités est d'éviter les risques d'abus, fréquents contre ces populations fragilisées.

Écoles prémilitaires

Plusieurs questions des membres du Comité ont porté sur l'activité d'une école prémilitaire, hors du contrôle du Ministère de la défense, accueillant des enfants dès l'âge de 12 ans. Une experte a demandé si des statistiques ventilées étaient disponibles concernant les enfants étudiant dans cet établissement, notamment de manière à permettre de comprendre les raisons de leur enrôlement (la pauvreté par exemple). L'Institut Luis Martínez, agréé par l'État, reçoit-il un financement public, a demandé un membre du Comité.

La délégation a indiqué que l'institut en question était un établissement scolaire privé, totalement indépendant du Ministère de la défense et des forces armées régulières. Son fonctionnement et ses programmes pédagogiques sont autorisés par le Ministère de l'éducation national. Il s'agit du seul établissement de ce genre. La formation proprement prémilitaire y est limitée à deux heures par semaine, a indiqué la délégation. Le financement est assuré pour partie par l'État, pour partie par les parents. Les activités de cet établissement s'inscrivent en réalité dans le courant des nouvelles préparations privées aux formations supérieures, a précisé le chef de délégation. L'institut n'a rien à voir avec le bataillon d'instruction des forces armées terrestres réservé aux jeunes volontaires.

D'une manière générale, les autorités n'ont jamais reçu d'information sur la participation d'un enfant chilien à un conflit armé, dans quelque partie du monde que ce soit. Le cas échéant, l'État disposerait des ressources et de la volonté nécessaires pour aider les victimes, a assuré le chef de la délégation chilienne.

Un membre du Comité a toutefois souligné qu'un risque existe toujours, observant notamment que les sociétés de sécurité recrutent volontiers des jeunes recrues. Dans ce contexte, il faut observer que selon les dires mêmes de la délégation, un grand nombre de jeunes volontaires ne peuvent être accueillis dans les forces régulières. Des mesures sont-elles prises pour les protéger de recrutements illégaux?

Observations préliminaires

M. JEAN ZERMATTEN, rapporteur du Comité, s'est félicité du dialogue constructif qui s'est déroulé avec la délégation et a déclaré avoir appris avec satisfaction qu'aucun enfant chilien de moins de 18 ans ne peut être engagé dans un conflit. Les mesures prises par le Chili pour la diffusion et l'enseignement des droits de l'homme dans l'armée sont bonnes, a estimé M. Zermatten. En outre, l'institut de formation prémilitaire ne semble pas poser de problème au regard du Protocole facultatif. Le recrutement volontaire pourrait être fixé par la loi à 18 ans, a toutefois suggéré le rapporteur. Il reste aussi à criminaliser formellement le recrutement de mineurs. En outre, la question de la création d'un poste d'ombudsman des enfants demeure en suspens.


Examen du rapport relatif au Protocole facultatif concernant la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants

M. KAMEL FILALI, rapporteur du Comité pour l'examen de ce rapport, a salué le pas récemment franchi par le Chili dans la reconnaissance officielle du problème de la traite des enfants et de sa gravité. Le Gouvernement a entrepris de revoir la législation nationale dans ce domaine, ce qui témoigne de la volonté de l'État à cet égard. D'autres aspects positifs sont la ratification de la Convention n° 182 de l'Organisation internationale du travail, sur les pires formes de travail des enfants, la révision de la loi sur la prescription des crimes sexuels ou encore l'instauration en 2004 d'un tribunal de la famille.

Reste que le délit de vente d'enfants n'est pas défini par la loi, ce qui est une carence au regard du Protocole facultatif. De même, le tourisme sexuel n'est pas considéré comme un délit en soi. Par ailleurs, le Chili aurait dû préciser, dans son rapport, la mesure dans laquelle le principe d'intérêt supérieur de l'enfant a été pris en compte dans les révisions législatives. En outre, le rapporteur a demandé des précisions sur la fiabilité des statistiques concernant l'adoption et la vente d'enfants et sur la question de la vente d'organes, notamment. Enfin, le rapport ne dit rien de l'action de la société civile et il devrait préciser le statut juridique exact du SENAME, ainsi que son rôle et les moyens dont il dispose au niveau matériel et juridique. Le rapport indique encore que des bureaux de protection des droits de l'enfant ont été mis en place dans tout le pays et que des lignes téléphoniques sont à disposition pour l'écoute des jeunes. Cependant, il semble que les tribunaux condamnent très peu et accordent de nombreux non-lieux: ceci pose en particulier le problème de la preuve. Enfin quelle est l'expérience du Chili en matière de lutte contre la cybercriminalité visant les mineurs?

MME ROSA MARÍA ORTIZ, co-rapporteuse, a félicité le Chili pour les mesures qu'il a prises en matière de défense des droits de l'enfant. Elle a demandé quelle avait été la participation des organisations non gouvernementales à la rédaction du rapport. Le Chili reste l'un des derniers États à devoir encore ratifier certaines conventions internationales relatives aux enfants, a observé Mme Ortiz, ajoutant qu'il faudra aussi criminaliser formellement le crime de possession de matériel pornographique mettant en scène des enfants. La co-rapporteuse a en outre demandé si le Gouvernement avait avancé dans son projet de désignation d'un ombudsman pour les enfants. Mme Ortiz a mis en doute l'efficacité de l'articulation de tous les programmes mis en œuvre par le Chili, une situation qu'elle a imputée au statut incertain du SENAME.

Cadre d'application et diffusion du Protocole facultatif, aspects juridiques

Répondant à l'observation d'une experte, qui relevait l'importance pour les États de respecter une méthodologie éprouvée, la délégation a assuré que le prochain rapport serait rédigé dans le respect des directives ad hoc du Comité.

La place des Protocoles facultatifs et de la Convention dans l'ordre juridique national est assurée par la Constitution, qui pose la nécessité du respect des instruments internationaux des droits de l'homme et confie au Gouvernement le soin d'en mettre en œuvre les dispositions. Il n'y a pas d'obstacle juridique en la matière, a assuré la délégation, et ces instruments priment sur le droit interne. Un expert a relevé à ce propos l'importance d'une criminalisation effective des délits recensés par le Protocole facultatif, faute de quoi le juge ne pourra utiliser le Protocole facultatif. La délégation a indiqué à cet égard que des projets de loi permettant de traiter au pénal les dispositions du Protocole facultatif sont actuellement en cours d'examen.

Répondant à d'autres demandes, la délégation a précisé que le droit national est aligné sur la Convention des droits de l'enfant, les tribunaux de la famille en appliquant les articles. La réforme sur les peines n'est pas encore terminée, a ajouté la délégation. Les peines pour les enfants ne doivent pas porter atteinte au bien-être physique ou mental de l'enfant. Un conseiller technique et des travailleurs sociaux assistent le juge dans sa décision.

Répondant à des questions sur la désignation d'un ombudsman, la délégation a indiqué que le Parlement est saisi de ce dossier ainsi que d'un projet de loi sur la création d'une institution nationale des droits de l'homme. Le Gouvernement vise au respect des principes de Paris. Une commission des deux chambres est en train de débattre de la teneur du projet.

Protection des enfants témoins et victimes

La délégation a indiqué que la loi facilite dorénavant la poursuite des auteurs des délits contre les enfants. La difficulté consiste souvent à convaincre les personnes ayant fait l'objet d'abus qu'elles sont bien des victimes et de s'assurer leur collaboration aux fins de poursuivre les coupables. Les victimes ont droit à réparation et peuvent s'adresser à des organes de soutien.

Depuis la réforme du code de procédure pénale, il appartient au Ministère public d'assurer la protection des victimes mineures. L'objectif est d'empêcher tout contact avec les auteurs des violations. Les victimes ne sont donc pas confrontées directement à leur bourreau. Ceci concerne non seulement le jugement mais aussi l'instruction. Les mineurs bénéficient de l'aide juridique. Les tribunaux de la famille ne sanctionnent pas les délits, mais instruisent les dossiers pour les procès pénaux. Les enfants victimes de délits sont éventuellement placés sous tutelle. Si leur intégrité l'exige, les enfants bénéficient d'une protection contre la personne accusée, même si cette personne a été innocentée lors du procès, au titre du manque de preuve par exemple.

Protection des enfants des rues, disparitions d'enfants

Soulignant la grande vulnérabilité des enfants des rues, un membre du Comité a souhaité des explications sur les politiques appliquées pour remédier à l'importance de ce phénomène au Chili, notamment compte tenu de l'exploitation sexuelle dont ces enfants sont victimes. Comment la police traite-t-elle les victimes, a-t-il demandé, après avoir relevé qu'il semble que ces enfants sont poursuivis pour vagabondage?

Des questions ont aussi été posées sur le trafic d'enfants, le travail des enfants ou l'exploitation sexuelle, la vente d'enfants. Il s'agit moins de réagir que de prendre les devants en légiférant face à ces phénomènes, a complété une experte.

Le chef de la délégation a indiqué n'avoir pas eu connaissance de cas de vente d'enfants au Chili. Un cas a été cité d'une jeune future mère ayant mis en vente son bébé à naître: il s'agit là d'un cas isolé, dont a été saisi le SENAME. Cette institution a pris en charge, en coordination avec le juge, cette jeune fille, qui a finalement décidé de garder son enfant. Un expert a précisé que le Protocole facultatif incrimine la vente dans un sens large: un enfant forcé au travail est ainsi réputé avoir fait l'objet d'une vente, un fait qui doit être incriminé par les lois nationales du Chili.

La délégation a par ailleurs indiqué que le nombre de 7000 enfants disparus au Chili cité par un membre du Comité correspond en réalité aux plaintes enregistrées et englobe ainsi un très grand nombre de cas d'enfants fugueurs, qui réintègrent rapidement leur foyer. La police dispose d'une cellule de recherche des enfants disparus susceptibles d'être victimes d'exploitation sexuelle. Parmi d'autres moyens d'action, la délégation a mentionné les contrôles aux frontières. À la connaissance de la délégation, il n'existe pas de réseaux organisés de traite d'enfants au Chili, étant entendu que seule la traite transfrontalière est prise en compte par les textes.

Adoption

Un membre du Comité s'est inquiété de la mansuétude des tribunaux en matière de répression des violations des lois sur l'adoption, une mansuétude qui pourrait peut-être expliquer la croyance du Gouvernement que la vente d'enfants n'existe pas au Chili.

La vente déguisée en adoption est inacceptable aux yeux du juge, a répondu la délégation, le magistrat étant habilité, en cas de crime, à confier l'enfant à un tuteur. Si la mère ou les parents veulent mettre leur enfant en adoption, ils doivent suivre une procédure spécifique; de même, les enfants abandonnés ne sont adoptables qu'après une procédure juridique en bonne et due forme. Le SENAME est chargé de trouver des familles adoptantes, parmi lesquelles le juge fera un choix en fonction des intérêts de l'enfant. On voit qu'il est très difficile de tromper tous les intervenants de cette chaîne procédurale, a estimé la délégation.

Lutte contre l'exploitation sexuelle des enfants

La délégation a indiqué que les juges chiliens distinguent encore entre simple possession de matériel pornographique et détention à des fins de commerce, un point doctrinal qui est en cours de réévaluation. Le Chili prononce environ 2000 condamnations par an pour délits sexuels. La loi condamne la traite internationale d'enfants à des fins de prostitution. La zone nord du Chili est le théâtre de nombreuses dénonciations à ce titre.

Service national des mineurs

En réponse à plusieurs questions sur le SENAME, la délégation a fait savoir qu'il s'agit d'un organisme public, dépendant du Ministère de la justice. Sa mission est de protéger les enfants et de réinsérer les jeunes délinquants. Le SENAME a des antennes dans toutes les régions du pays et collabore avec 500 organisations non gouvernementales. Le SENAME gère des projets d'intervention spécialisée dans tout le territoire en cas d'exploitation d'enfants. Il accorde un soutien psychosocial aux enfants dans le besoin. D'autres programmes sont orientés vers la lutte contre l'exploitation sexuelle des enfants. Des superviseurs du SENAME assurent le suivi et l'évaluation des projets menés en collaboration avec les organisations non gouvernementales. Dix projets concernent les enfants des rues, en fonction des problèmes signalés.

Actuellement, à Santiago, un «observatoire des rues» semi-public est chargé du dépistage des cas problématiques, a indiqué al délégation. L'objectif de la prise en charge est de redonner aux enfants une perspective sur leur propre avenir et de les aider au plan pratique, notamment en matière de santé.

Par ailleurs, l'action en matière de lutte contre la prostitution des enfants et des jeunes tient compte de l'apparition de la prostitution des jeunes garçons, a assuré la délégation en réponse à d'autres questions du Comité.

La délégation a aussi indiqué que des «bureaux régionaux de protection des droits» sont chargés de la prévention sur le terrain: dans le cadre du Protocole facultatif, il s'agit de campagnes de sensibilisation, de la gestion de lignes téléphoniques d'urgence et anonymes pour les enfants.

Autres questions

Répondant à des questions de suivi, la délégation a indiqué que le Parlement est saisi de la désignation d'un ombudsman de enfants, de même que d'un projet de loi sur la création d'une institution nationale des droits de l'homme. Une commission parlementaire bicamérale est en train de débattre de la teneur du projet.

Un expert ayant demandé quelles mesures ont été prises par le Gouvernement pour lutter contre la criminalité sur Internet, la délégation a indiqué que le Chili ne peut agir en matière de production de matériel pornographique à l'étranger.

La délégation a indiqué que les services du parquet disposent d'équipes spécialisées dans la criminalité sur Internet, comprenant policiers, techniciens en informatique et psychologues. Ces équipes sont chargées de détecter activement la pédopornographie sur Internet et de mener des missions de recherche d'enfants disparus. Une opération récente a permis de démanteler un groupe produisant du matériel pornographique, groupe dont tous les membres ont été condamnés.

Le principe général concernant la commercialisation et le stockage de matériel pornographique a été revu en 2003. La Cour suprême est actuellement saisie de la question de la criminalisation de la possession de matériel pornographique.

Les crimes commis contre les enfants sont poursuivis d'office par le Ministère public. Le juge détermine à quel moment l'enfant victime peut participer au procès. Les jeunes victimes d'un délit sont entendues par trois magistrats, dont l'un servira de relais et de filtre avec l'avocat de l'accusé. Le procureur procède à une audition confidentielle, dans une salle séparée. Les parents peuvent être présents pour rassurer leurs enfants.

Un expert du Comité a relevé que les crimes commis à l'étranger peuvent être poursuivis par les tribunaux nationaux pour autant que les enfants soient chiliens. Il a estimé que cette restriction était contraire aux dispositions du Protocole facultatif. Le fait d'étendre la protection aux enfants non chiliens permettrait de lutter plus efficacement contre le tourisme sexuel.

À cet égard, la délégation a rappelé que le Chili n'est pas connu comme destination spécialement reconnue pour ce type de tourisme. D'autre part, le tourisme sexuel n'est pas une catégorie juridique. Cependant, la prostitution de jeunes est une réalité, dont les coupables sont sanctionnés par le Chili. L'Organisation internationale du travail a réalisé une étude de la perception, par les clients, des enfants prostitués, étude ayant servi par la suite à une campagne de sensibilisation.

L'Observatoire de l'enfance a pour mission de mettre en place un système de suivi des mesures prises en faveur de l'enfance et d'émettre des propositions pour combler les lacunes juridiques et réglementaires dans ce domaine, a précisé sa coordinatrice, membre de la délégation chilienne. D'autres programmes nationaux visent à sensibiliser les parents à leurs devoirs ainsi qu'aux problèmes rencontrés par leurs enfants.

Les pokémones sont un nouveau phénomène qui voit notamment des photographies parfois compromettantes de jeunes qui sont diffusées sur certains blogs, a indiqué la délégation en réponse à une question précise. Un jeune homme s'est suicidé suite à une publication de ce genre. Le SENAME est intervenu dans cette affaire, la famille de la victime s'étant exprimée publiquement. Le SENAME a lancé une campagne de prévention à l'intention des enfants et des parents, campagne montrant les dangers guettant les enfants sur Internet et les conséquences de l'utilisation irréfléchie des appareils photos des téléphones portables. À chaque problème, les autorités interviennent pour que la vie privée des adolescents concernés soit préservée par les médias.

Conclusion de la délégation

M. JUAN MARTABIT, Représentant permanent du Chili auprès des Nations Unies à Genève, a rappelé l'importance de la réforme du code de procédure pénale amorcée au Chili, notamment s'agissant des mesures pratiques envisagées pour l'audition des jeunes victimes. L'ambassadeur a relevé la dangerosité de la nouvelle criminalité sur Internet qui exige une coopération internationale. La délégation prendra bonne note des observations du Comité et en rendra compte dans sa capitale, a assuré M. Martabit.

Observations préliminaires

MME ROSA MARÍA ORTIZ, co-rapporteuse du Comité, s'est félicitée du dialogue constructif mené avec la délégation. Mme Ortiz s'est aussi félicitée du dialogue avec les organisations non gouvernementales. Le Comité recommandera que le droit chilien criminalise explicitement les violations des dispositions du Protocole facultatif. Il recommandera également une harmonisation des mécanismes de protection des droits de l'enfant et la poursuite des efforts de collaboration du Chili avec les institutions internationales et les pays voisins. Enfin, le Chili doit étendre la compétence de ses tribunaux pour juger de crimes contre des enfants commis à l'étranger.

MME AGNES AIDOO, présidente du Comité, a constaté les progrès réalisés par le Chili en matière de protection des enfants mais a souligné que le pays doit encore tenir compte de certains facteurs de risque. Le Chili peut s'engager encore davantage pour la protection de ses enfants, a conclu la présidente.


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