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LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION À L'ÉGARD DES FEMMES TIENT UNE RÉUNION INFORMELLE AVEC DES ONG

Compte rendu de séance

Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes a tenu, cet après-midi, une réunion publique informelle avec les représentants d'organisations non gouvernementales qui ont partagé, avec les experts, des informations concernant les quatre pays dont les rapports seront examinés cette semaine, à savoir la Bolivie, le Burundi, l'Arabie saoudite et la France.

La situation des femmes rurales et les violences faites aux femmes ont été abordées dans le contexte de la Bolivie. Concernant le Burundi, les discriminations et les vides juridiques dont pâtissent les femmes ainsi que les violences faites aux femmes ou encore le trafic de jeunes filles ont fait l'objet de plusieurs déclarations. Pour ce qui est de l'Arabie saoudite, le tutorat masculin imposé aux femmes a particulièrement été dénoncé. S'agissant enfin de la France, les questions de prostitution, de la faible participation des femmes à la vie publique ou encore de persistance de stéréotypes sexistes ont été évoquées. Un représentant de la Commission nationale consultative des droits de l'homme de la France – seule institution nationale des droits de l'homme à prendre part au débat – a déclaré qu'il souffle actuellement «un vent mauvais sur la situation des étrangers en France, qui touche notamment les sans papiers».

Suite aux présentations, un dialogue s'est déroulé entre les experts du Comité et les représentants d'organisations non gouvernementales concernant la situation dans les pays concernés.

Lundi prochain, le Comité tiendra une autre réunion publique informelle avec les représentants d'ONG et d'institutions nationales de droits de l'homme, qui feront alors part de leurs informations concernant les autres pays dont l'examen des rapports est à l'ordre du jour du Comité pour la présente session, à savoir le Liban, le Luxembourg, le Maroc et la Suède.


Demain matin, à 10 heures, le Comité entamera l'examen des deuxième à quatrième rapports périodiques de la Bolivie, réunis en un seul document (CEDAW/C/BOL/2-4).



Aperçu des déclarations d'organisations non gouvernementales

Sur la Bolivie

Une représentante de l'organisation HelpAge International (Action mondiale sur le vieillissement) a attiré l'attention sur les discriminations dont sont victimes en Bolivie les femmes rurales, en particulier lorsqu'elles sont pauvres et âgées ou encore en raison de leur origine ethnique. Ces femmes rurales en Bolivie n'ont en effet pas accès, entre autres, aux papiers d'identité, à la sécurité sociale ou encore aux services de santé.

Une représentante de l'organisation Católicas por el Derecho a Decidir en Bolivia a pour sa part dénoncé les inégalités et discriminations de fait qui persistent en Bolivie à l'encontre des femmes, ainsi que la faiblesse des mécanismes gouvernementaux de suivi des politiques se rapportant aux femmes. Cette représentante a également dénoncé les obstacles que rencontrent les femmes boliviennes pour ce qui de l'exercice de leurs droits en matière de sexualité et de reproduction, ainsi que la persistance, dans le pays, de la violence faite aux femmes.

Sur le Burundi

Une représentante d'organisations non gouvernementales burundaises s'occupant des questions se rapportant à la Convention a fait part de ses préoccupations en ce qui concerne les discriminations juridiques et les vides juridiques dont pâtissent les femmes au Burundi; la violence faite aux femmes; ou encore le trafic des jeunes filles. Le Code pénal traite différemment l'homme et le femme pour ce qui est du délit d'adultère, a notamment souligné la représentante. La loi sur les successions des régimes matrimoniaux n'a toujours pas vu le jour, a-t-elle ajouté. Elle a en outre attiré l'attention sur le trafic de jeunes filles burundaises vers le Liban qui a été découvert en 2006 et au sujet duquel aucune mesure d'envergure n'a été prise par le Gouvernement, le dossier judiciaire ayant même été étouffé.

Une représentante de l'Organisation mondiale contre la torture et de l'Action des chrétiens pour l'abolition de la torture (ACAT-Burundi) a dénoncé les dispositions discriminatoires qui constituent la base fondamentale des violences faites aux femmes au Burundi. Sur le plan administratif, le Gouvernement n'a mis en place aucune stratégie de lutte contre ces violences, a-t-elle souligné. De nombreuses victimes de violences sexuelles restent dans l'ombre, a-t-elle ajouté. Le conflit armé a infligé aux femmes les pires souffrances, a insisté la représentante. Elle a en outre dénoncé les nombreux cas de violence étatique, c'est-à-dire commises contre les femmes par des agents de l'État.

Sur l'Arabie saoudite

Une représentante de l'organisation IWRAW Asia-Pacific (International Women's Rights Action Watch) a dénoncé le refus de l'Arabie saoudite d'accorder des capacités juridiques aux femmes: quel que soit son âge, la femme doit avoir un tuteur masculin pour travailler, créer une entreprise ou voyager. En outre, aucune femme ne participe à la vie publique, que ce soit au Parlement ou dans des élections municipales. La représentante a par ailleurs attiré l'attention sur l'analphabétisme des femmes en Arabie saoudite, et sur le fait que les femmes n'ont pas accès aux activités physiques et sportives.

Une représentante de Human Rights Watch a indiqué que HRW avait mené sa première mission d'établissement des faits en Arabie saoudite en décembre 2006. Elle a concentré son intervention sur le problème des droits de la femme du point de vue du tutorat masculin imposé aux femmes dans ce pays. Pour ce qui est de leur éventuel accès à l'éducation, les femmes et les jeunes filles dépendent de la bonne volonté de leur tuteur masculin. Le droit des femmes à la santé est également compromis par l'instauration de ce tutorat masculin, a souligné la représentante. Aucun pays au monde ne restreint davantage que l'Arabie saoudite la liberté de mouvement des femmes, a-t-elle ajouté.

Une représentante de United Nations Watch a déclaré que les femmes d'Arabie saoudite sont victimes de discriminations importantes en vertu de lois officielles. Elle a attiré l'attention sur des cas récents de violence contre des femmes étrangères, citant notamment le cas d'une Sri-lankaise condamnée à mort (pour des faits intervenus alors qu'elle n'avait que 17 ans) alors qu'elle était accusée d'avoir tué un enfant. Ces cas récents illustrent la situation de violation systématique des droits des femmes qui prévaut en Arabie saoudite, a déclaré la représentante.

Sur la France

Une représentante de la Coordination française pour le lobby européen des femmes a déclaré que le fonctionnement de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité – dont la création constitue certes un progrès – déçoit les associations de femmes. Il n'y a que 18,5% de femmes à l'Assemblée nationale après les élections de juin 2007, a-t-elle poursuivi. Dans la fonction publique, les femmes accèdent toujours difficilement aux responsabilités, a-t-elle ajouté. Les stéréotypes sexistes sont encore très ancrés dans la société française, a en outre souligné la représentante. Elle a aussi attiré l'attention sur les discriminations collectives à l'égard des femmes en matière d'emploi, faisant observer que trop de femmes se trouvent aujourd'hui en situation précaire sur le marché du travail. Les femmes des collectivités d'outre-mer, en raison de la coexistence d'un droit coutumier et du droit civil commun, subissent des discriminations spécifiques. Quant aux femmes immigrées, elles sont pour leur part victimes d'une double discrimination, en tant que femmes et en tant qu'étrangères en raison de lois sur l'immigration de plus en plus restrictives. La représentante a par ailleurs déclaré que la situation des femmes et familles sans papiers ayant des enfants régulièrement scolarisés est particulièrement dramatique, du fait qu'une circulaire de 2006 prévoyant leur régularisation n'a été que très partiellement et arbitrairement appliquée. En France, une femme meurt tous les trois jours sous les coups de son compagnon, a ajouté la représentante. Elle a en outre déploré l'aggravation de la situation des femmes prostituées en France, du fait de la loi de 2003 qui assimile le racolage, même passif, à un délit. La prostitution n'a pas diminué; elle s'est déplacée et est devenue plus dangereuse pour les femmes concernées.

Une représentante de la Ligue française des droits de l'homme et du citoyen a pour sa part attiré l'attention sur les problèmes de la traite et de la prostitution en France. Sur le plan législatif, a-t-elle notamment déclaré, des progrès réels ont été enregistrés puisqu'en 2003, le Code pénal français s'est doté d'une définition de la traite, encore améliorée en 2007. Pour autant, cette législation n'est pas encore connue ni appliquée par les juges et il n'y a pas eu jusqu'ici de jugement sur la base de ces nouvelles dispositions, le proxénétisme aggravé restant exclusivement invoqué dans les affaires de cet ordre.

Interventions de membres du Comité

Quel jugement les ONG du Burundi portent-elles sur le mécanisme qui s'occupe des droits des femmes dans ce pays, a demandé un membre du Comité ?

Un autre expert a souhaité en savoir davantage sur l'impunité des cas d'assassinats de femmes dont font état certaines ONG s'agissant de la Bolivie. Il a aussi souhaité en savoir davantage sur la pratique en ce qui concerne les règlements à l'amiable des cas de viol au Burundi. En ce qui concerne la France, il a souhaité en savoir davantage sur la disposition du Code pénal relative à la dénonciation calomnieuse.

Un autre membre du Comité a souhaité savoir si seules les femmes âgées n'ont pas accès aux papiers d'identité en Bolivie ou si ce problème touche également d'autres catégories de femmes.

Un expert s'est enquis des difficultés que rencontrent les femmes boliviennes en matière d'accès aux procédures de justice. La ratification, par ce pays, du Protocole facultatif se rapportant à la Convention a-t-elle eu des incidences de ce point de vue, a demandé cet expert ?

Un autre membre du Comité s'est enquis de la présence de femmes dans les instances judiciaires ordinaires en Arabie saoudite, ainsi que du niveau de participation des femmes dans la main-d'œuvre de ce pays.

Réponses complémentaires des ONG

Pour ce qui est de la Bolivie, la représentante d'une ONG a notamment indiqué, s'agissant du problème de l'impunité, que dans les rares cas où des responsables d'actes délictueux relevant de la Convention ont été traduits en justice, on en est arrivé à une situation où des condamnations assorties de longues peines ont été prononcées mais n'ont pas pu être exécutées du fait de la longue durée des procédures qui a laissé le temps aux personnes accusées de disparaître. La ratification du Protocole facultatif n'a pas produit un grand effet du point de vue du pouvoir judiciaire, car l'État ne s'est pas acquitté de son devoir de diffusion de cet instrument, a en outre fait savoir cette représentante. La représentante d'une autre ONG a rappelé que pour obtenir un document d'identité en Bolivie, il faut produire un certificat de naissance ou de baptême; or, beaucoup de femmes, notamment parmi les autochtones, ne disposent pas de tels documents.

En ce qui concerne le Burundi, la représentante d'une ONG a rappelé qu'en 2003, le Gouvernement burundais a adopté une politique nationale visant la réduction des inégalités dont les femmes sont victimes. Pour mener à bien cette politique, il était alors prévu de créer un conseil national pour les questions de genre, assorti d'un comité technique et d'un secrétariat permanent; or, depuis 2003, ces mécanismes n'ont toujours pas vu le jour, a souligné la représentante. Le règlement à l'amiable des violences sexuelles, notamment pour ce qui est des viols, est un pratique courante au Burundi, a déploré la représentante; derrière ces pratiques, se cachent les problèmes de corruption et de manque de sensibilisation à l'égard de ces questions.

Pour ce qui est de l'Arabie saoudite, la représentante d'une ONG a rappelé que la Commission nationale des droits de l'homme est l'organe compétent pour coordonner les activités en matière de promotion des droits de l'homme dans le pays. Or, les membres de cette Commission se sont montrés réticents à dénoncer des cas de violations, même évidentes, des droits de la femme. Quant à la participation des femmes au marché du travail, elle est extrêmement faible en Arabie saoudite, en particulier si l'on ne tient pas compte des femmes émigrées qui travaillent dans ce pays. Il n'y a pas de femmes juges ni procureurs ni avocates en Arabie saoudite, a ajouté la représentante; ce n'est qu'en 2004 que la profession d'avocat a été ouverte aux femmes dans le pays.

S'agissant de la France, la représentante d'une ONG a indiqué que le Code du travail et le Code pénal français définissent le harcèlement sexuel de manière très étroite, puisqu'il s'agit d'agissements dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle. Or, le harcèlement sexuel est un comportement général qui n'a pas nécessairement pour but d'obtenir une faveur sexuelle; dans ce contexte, la représentante a souligné que le délit de dénonciation calomnieuse pour lequel peut être poursuivie une femme déboutée de sa plainte pour harcèlement sexuel est particulièrement injuste.

Contribution des institutions nationales

M. MICHEL FROST (Commission nationale consultative des droits de l'homme de la France) a souligné que sa Commission est de plus en plus associée au processus d'élaboration des rapports présentés par la France aux organes conventionnels. La Commission nationale consultative regrette en revanche de ne pas avoir été associée à l'élaboration des réponses de la France aux questions écrites du Comité, ce qui aurait pourtant permis d'éviter quelques erreurs ou omissions regrettables, que le Comité n'aura pas manqué de relever.

La Commission regrette par ailleurs que la France n'ait pas encore levé la réserve qu'elle a émise à l'égard de l'article 14 c) de la Convention. Elle juge en outre incomplète la réponse apportée par la France à la question qui lui a été adressée par le Comité s'agissant de la réserve que le pays a émise à l'égard de l'article 16 de la Convention. La Commission consultative va bientôt publier un rapport exhaustif sur les réserves et déclarations interprétatives faites par la France au sujet de ses obligations conventionnelles, a fait savoir M. Frost.

M. Frost a par ailleurs attiré l'attention sur le caractère discrétionnaire de la protection des victimes, laissée à la seule appréciation des préfets.

«Il souffle actuellement un vent mauvais sur la situation des étrangers en France, qui touche notamment les sans papiers», a par ailleurs déclaré M. Frost.

Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

CEDAW08003F