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LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION À L'ÉGARD DES FEMMES EXAMINE LE RAPPORT DU MAROC

Compte rendu de séance

Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes a examiné aujourd'hui le rapport périodique du Maroc, concernant les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes. Le Comité adoptera en séance privée des observations finales sur ce rapport, avant de les rendre publiques à l'issue de la session, le vendredi 1er février.

Dans sa présentation du rapport, Mme Nouzha Skalli, Ministre marocaine du développement social, de la famille et de la solidarité, a souligné la méthode participative d'élaboration du rapport et de la large publicité qui en a été faite. Elle a fait valoir un contexte politique favorable à la promotion des droits des femmes au Maroc, la prise en compte de la promotion de l'égalité entre hommes et femmes dans les projets de développement social, économique et culturel. Elle a tenu à souligner que le Maroc a mis en place de nouvelles structures pour la promotion des droits humains lesquelles font une place de choix aux principes d'équité et d'égalité hommes-femmes; c'est le cas en particulier de l'Instance Équité et Réconciliation, du Conseil consultatif des droits de l'homme et de l'Initiative nationale de développement humain. La Ministre a indiqué que les diverses réformes entreprises, notamment le nouveau Code de la famille de 2004, la révision du Code pénal et du Code du travail prennent toute en compte les impératifs de promotion de la femme, que ce soit au niveau de l'accès au marché de l'emploi, de la lutte contre la violence à l'égard des femmes ou de leur représentativité en politique. La Ministre a qualifié ces réformes de «révolution tranquille» et a souhaité que les nouvelles lois contribuent à faire changer les mentalités.

L'importante délégation marocaine était également composée de M. Mohammed Loulichki, Représentant permanent du Maroc auprès des Nations Unies à Genève, de représentants du Ministère du développement social, de la famille et de la solidarité, de représentants de la Primature, du Ministère des affaires étrangères et de la coopération, du Ministère de la justice, du Ministère de l'économie et de finances, du Ministère de la santé, du Ministère de l'éducation nationale, du Ministère des habous et des affaires islamiques, du Ministère de l'intérieur. La délégation a répondu aux questions et observations des membres du Comité concernant les mesures de promotion de l'égalité entre les sexes, la loi sur la nationalité, les questions d'éducation et de santé, les mesures de lutte contre la marginalisation des femmes en zone rurale et leur intégration dans les stratégies nationales de développement; la persistance de dispositions discriminatoires dans la législation; la question de la violence faite aux femmes. À cet égard, la délégation a notamment précisé que le viol dans le couple n'est pas criminalisé dans le Code pénal, compte tenu du fait que l'acte sexuel constitue un devoir conjugal.

La Présidente du Comité a souligné que les progrès réalisés par le Maroc sont remarquables. Le pays connaît en effet une «révolution législative tranquille». Il faut pourtant supprimer certaines lois discriminatoires toujours en vigueur.


Le Comité se réunira demain matin à 10 heures pour examiner le rapport de la Suède.

Présentation du rapport

MME NOUZHA SKALLI, Ministre du développement social, de la famille et de la solidarité du Maroc, s'est félicitée du processus d'élaboration du rapport, lequel a fait l'objet d'une démarche participative des organisations non gouvernementales, des agences spécialisées des Nations Unies et d'acteurs gouvernementaux. Elle en outre mentionné que de nombreuses actions de sensibilisation ont été menées pour faire connaître le rapport à travers le pays comme notamment sa présentation publique en mai 2006; sa présentation aux deux chambres du Parlement qui a alimenté une discussion mouvementée; et sa présentation devant les médias le 9 janvier 2008. L'allocution de la Ministre s'est articulée autour de trois aspects principaux: le contexte politique favorable à la promotion des droits des femmes au Maroc; l'état de la mise en œuvre de la Convention; la perspective genre dans les projets visant l'amélioration des droits sociaux, économiques et culturels.

Conformément à l'engagement du Maroc pour les droits humains, Mme Skalli s'est réjouie de la mise en place de mécanismes gouvernementaux en la matière. Elle a notamment insisté sur la restructuration du Conseil consultatif des droits de l'homme (CCDH), l'Instance Équité et Réconciliation (IER), la création du poste de «Diwan el-Madhalim», l'équivalent d'un Ombudsman marocain, et l'Initiative nationale de développement humain (INDH) lancée par le Roi le 18 mai 2005 afin de mettre fin à toutes les disparités y compris celles relatives au genre, au développement humain et aux droits socio-économiques et culturels. Elle a souligné que ce contexte favorable a permis la nomination de 7 femmes ministres à plein titre au Maroc, et qu'il s'agit de la première fois que des postes stratégiques sont confiés aux femmes. La ministre a assuré que dans sa stratégie d'intégration de la dimension genre au niveau multisectoriel, le Gouvernement marocain envisage d'améliorer la représentativité des femmes en politique.

Concernant l'état de mise en œuvre de la Convention, la Ministre s'est penchée principalement sur la question de la levée ou le remplacement des réserves et de l'adhésion au Protocole facultatif, sur les diverses réformes législatives. Elle a à ce titre indiqué que le nouveau Code de la famille de 2004, de même que la révision du Code pénal et du travail vont tous dans la direction de meilleures garanties des droits des femmes, que ce soit au niveau de l'accès au marché de l'emploi ou de la pénalisation du harcèlement sexuel sur le lieu de travail. La Ministre a qualifié ces réformes de «révolution tranquille» et a déclaré que les nouvelles lois contribueront à faire changer les mentalités.

Parmi les efforts visant à promouvoir l'égalité entre les sexes, une stratégie nationale a été adoptée par le Gouvernement en mai 2006, a annoncé la Ministre, qui implique notamment l'intégration de l'égalité des sexes dans les cahiers des charges pour la révision des manuels scolaires. Une Charte a été signée pour favoriser l'amélioration de l'image de la femme dans les média, les instances gouvernementales intègrent dans les réformes budgétaires des budgets sensibles au genre, et s'attèlent à la production et à l'institutionnalisation de statistiques sexo-spécifiques. La lutte contre la violence fait également l'objet d'une stratégie nationale et le Gouvernement envisage la mise en place d'un observatoire en la matière. La Ministre a toutefois reconnu que la culture de la discrimination et les violences à l'égard des femmes de même que l'analphabétisme en milieu rural persistent et que les soutiens existants sont actuellement insuffisants.

Notre défi, a-t-elle poursuivi, est de «gendériser» les initiatives afin qu'elles profitent aussi bien aux hommes et qu'aux femmes, de faire en sorte qu'une vision égalitaire domine les politiques publiques visant à réduire les écarts entre les hommes et les femmes.

Le rapport du Maroc (CEDAW/C/MAR/4, réunissant les troisième et quatrième rapports périodiques), souligne que l'harmonisation de la législation interne avec les dispositions des instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme ratifiés par le Maroc permet une meilleure effectivité et consécration des droits reconnus par lesdits instruments. On note ainsi la réforme du Code des libertés publiques; l'adoption d'une nouvelle législation pénitentiaire incorporant des dispositions spécifiques aux femmes en vue de respecter leur spécificité et leur intégrité aussi bien physique que psychique et de garantir leurs droits en tant que femmes et mères; la réforme de la loi sur le recueil légal des enfants (la Kafala), permettant à la femme célibataire de recueillir un enfant alors que ce droit n'était reconnu qu'aux femmes mariées; la réforme partielle du Code pénal pour renforcer la protection des femmes et des enfants, en incriminant la traite, la prostitution et la pornographie impliquant les enfants, ainsi que le harcèlement sexuel et la violence à l'égard des femmes, en introduisant des dispositions concernant la lutte contre toutes formes de discrimination, y compris à l'égard des femmes et la possibilité pour l'épouse de bénéficier de circonstances atténuantes au même titre que l'époux pour coups, blessures et homicides en cas de flagrant délit d'adultère; et l'adoption d'une nouvelle loi régissant l'état civil et le décret d'application s'y rapportant instaurant un livret de famille en lieu et place du livret d'état civil où la femme n'existait que par rapport à ses enfants.

La réforme du Code de la famille adopté à l'unanimité en 2004 par la Chambre des représentants permet aux femmes de recouvrer leurs droits et de lever l'injustice et l'iniquité qui pesaient sur elles, de garantir le respect des droits de la femme et de tous les membres de la famille pour la stabilité de cette dernière. La coresponsabilité des époux dans la gestion du foyer y est consacrée. Le Code de la famille s'est accompagné de la création de nouvelles structures, à savoir les sections de justice de la famille, de l'institution d'un juge chargé des mariages et a reconnu le ministère public comme partie principale dans toute action concernant la mise en œuvre du Code de la famille. Les instruments internationaux dûment ratifiés et publiés au Bulletin officiel sont supérieurs à la législation interne en cas de conflit, souligne en outre le rapport. Eu égard à l'intérêt porté à la promotion des droits de la femme, le Roi a annoncé, le 30 juillet 2006 à l'occasion de la fête du trône, le droit de l'enfant d'accéder à la nationalité de sa mère marocaine. Ainsi, à l'occasion de la célébration de la Journée internationale de la femme en mars 2006, un communiqué du Ministère de la justice, chargé des questions relatives aux droits de l'homme, a notamment annoncé la levée de la réserve émise sur le deuxième paragraphe de l'article 9, la réserve sur l'alinéa f du premier paragraphe de l'article 16 et sur le deuxième paragraphe de l'article 16, la suppression de la déclaration émise sur le quatrième paragraphe de l'article 15.

En dépit du cadre normatif s'inscrivant davantage dans la consécration de l'égalité entre les femmes et les hommes, de grandes différences sont encore à relever entre les proportions des femmes et des hommes quant à la jouissance de certains droits, tels le bénéfice des prestations de sécurité sociale, les emplois occupés par les femmes par rapport à ceux des hommes, le niveau des salaires, le risque d'exclusion, la proportion des femmes pauvres, les prédispositions à la précarité, l'analphabétisme, etc. Ces différences s'expliquent par des situations de fait où interfèrent aussi bien des éléments sociologiques, culturels que la situation économique et sociale de la femme. Prenant en considération l'importance de lutter contre la violence à l'égard des femmes, parallèlement aux possibilités de recours existantes, on souligne la mise en place d'un «point focal genre» auprès de la direction de la police judiciaire et la création en son sein d'une entité spéciale dirigée par un commissaire de police pour lutter contre la violence familiale. La mise en place de cette dernière a permis la diffusion d'un message à l'ensemble des commissariats du Royaume pour la collecte des informations et des statistiques mensuelles sur les violences à l'égard des femmes arrivées à la connaissance de la police. En matière pénale, des réformes ont été entreprises pour abroger les dispositions discriminatoires à l'égard des femmes. Parmi les principales contraintes identifiées à l'effectivité des dispositions susmentionnées, on souligne notamment le faible niveau d'alphabétisation des femmes, surtout en milieu rural, indique le rapport.


Examen du rapport

Cadre d'application de la Convention

S'exprimant sur le commentaire d'un membre du Comité sur l'impact moindre des nouvelles disposition du code de la famille en milieu rural, la Ministre a reconnu que les mentalités doivent certes évoluer, que ce n'est pas uniquement la réticence des juges par rapport au nouveau code de la famille qui est en cause. Elle a fait valoir à cet égard que le Gouvernement mène des campagnes de sensibilisation.

Quant à la question relative à des différences d'application de la Convention au Maroc et au Sahara occidental, la Ministre a tenu à souligner que les lois sont appliquées sur l'ensemble du territoire marocain et que le Sahara ne fait pas l'objet de discrimination. Elle a rappelé notamment que l'Initiative nationale de développement humain (INDH) vise à mettre à niveau les régions pauvres en leur allouant des fonds de développement.

Mesures de lutte contre la discrimination et de promotion de l'égalité

En ce qui concerne le Conseil consultatif des droits de l'homme (CCDH) et la «perspective genre», la délégation a expliqué que les programmes de «réparation communautaire», notamment, ont intégré cette perspective afin de permettre aux femmes victimes de violations dans le passé et dans le présent de bénéficier d'une couverture sanitaire efficace.

Quant à la question de la représentation féminine au sein du CCDH et de l'Instance Équité et Réconciliation (IER), la Ministre a indiqué que les femmes y sont représentées à 20%, et que nombre d'entre elles sont connues depuis longtemps pour leur engagement en faveur des droits humains.

Sur la question des moyens humains et financiers à disposition pour la promotion du développement des femmes et de l'égalité de sexes, la Ministre a souligné que 60 provinces et préfectures mènent sur le terrain les actions décidées par son Ministère, lequel donne les orientations et coordonnent l'action avec les autres acteurs du développement. Nous avons donc les moyens d'infléchir notre action en faveur des femmes et de faire appliquer les décisions, a-t-elle ajouté, tout en soulignant le rôle de l'Initiative nationale de développement humain comme complément dans la lutte contre les disparités.

Sur la question des montants du budget consacrés aux questions sexospécifiques la délégation a déclaré que leur part a augmenté de plus de 16 % en passant de 375,97 millions de dirham en 2007 à 460 millions en 2008.

Répondant à la question du lien entre stratégies nationales en faveur de l'égalité et des résultats obtenus, la délégation a tenu à préciser qu'il n'y a pas de séparation homme-femme dans la budgétisation «sensible au genre». Il s'agit d'agir selon une nouvelle conception du budget tenant compte des besoins spécifiques aux filles-garçons, en milieu rural et urbain. Elle a précisé que 17 départements se sont joints à l'évaluation de la dépense publique par genre, basée sur les indicateurs de performance. Ces réformes budgétaires ont eu un impact positif sur l'éducation, la réduction du taux d'analphabétisme, par le biais d'un programme d'alphabétisation des adultes, dont deux millions de femmes ont été les bénéficiaires. Elle a en outre ajouté que grâce aux mesures prises, 92% de la population marocaine rurale a accès à l'eau potable de nos jours, que 84% ont accès à l'électricité, ce qui décharge les femmes et fillettes de ces corvées. Quant au taux d'accessibilité à la santé, il a augmenté de 41% en 2003 à environ 60% en 2007.

La délégation a ajouté que la «dimension genre» constitue un critère majeur de sélection des projets de l'Initiative nationale de développement humain. En outre, la «dimension genre» s'est avérée essentielle dans la lutte contre la pauvreté ce que confirme les données sur les microcrédits souvent octroyés aux femmes pour gérer leurs propres activités.

Le Gouvernement a la ferme volonté d'augmenter la représentativité des femmes en politique et ceci aux niveaux régional, local et national, a assuré la délégation.

Violence à l'égard des femmes

Sur la question de l'augmentation de la violence à l'égard des femmes, la Ministre a indiqué que si les statistiques de violence ont augmenté, cela ne veut pas dire que la violence a augmenté mais que des moyens ont été mis en place qui permettent de nos jours de répertorier cette violence de manière plus efficace.

La délégation a ajouté qu'une enquête nationale sur la violence à l'égard des femmes fera partie du plan d'action 2008-2009. Selon les chiffres, 80% des femmes se plaignant de violence sont victimes de violence conjugale, mais des efforts restent à faire pour une connaissance fine de l'ampleur du phénomène. Au niveau législatif, un débat est en cours pour amender le code pénal afin d'y introduire des mesures incriminant les violences faites aux femmes. Les plans d'action du Ministère du développement prévoient l'extension des centres d'écoute, d'orientation et de formation, et des structures d'hébergement, avec la collaboration du Ministère de la santé notamment. Nous planifions un observatoire pour la lutte contre la violence faite aux femmes afin de collecter les données permettant une action ciblée et multidimensionnelle en coopération avec tous les acteurs de la société.

Revenant sur le thème des crimes d'honneur, la délégation a déclaré que les auteurs de ces crimes sont incriminés dans le code pénal. Il est toutefois vrai que le viol dans le couple n'est pas criminalisé dans le code pénal compte tenu du fait que l'acte sexuel constitue un devoir conjugal. Pour lutter contre la violence faite aux femmes, le Ministère de la justice reçoit les plaintes et les victimes bénéficient d'une aide judiciaire si nécessaire. Le Ministère a mis en place un guide englobant tous les textes juridiques pouvant être utiles aux victimes de même qu'aux magistrats et professeurs de droit.

Sur la question de la lutte contre les stéréotypes sur les femmes, la Ministre a tenu à saluer l'accompagnement de l'élément religieux au Maroc dans la coordination et la diffusion des campagnes de sensibilisation en la matière par le biais notamment des prêches du vendredi.

Participation à la vie publique, question de la nationalité

Souhaitant une meilleure représentativité des femmes au Gouvernement et au Parlement, un membre du Comité a déclaré que les 20% actuels sont insuffisants, et qu'il serait souhaitable qu'il y en ait 50%. Il a été ajouté que l'accès des femmes aux postes de pouvoir demeure bien trop faible et qu'il conviendrait de mettre en place des mesures d'action affirmative.

Sur la loi relative à la nationalité, un membre du Comité s'est interrogé sur la compatibilité, avec l'article 9 de la Convention, de la disposition permettant à une femme de renoncer à sa nationalité marocaine mais pas à un homme. Une autre experte a noté que bien que la femme puisse actuellement transmettre sa nationalité à ses enfants, la loi a été amendée de manière discriminatoire car il est toujours interdit à la femme marocaine de transmettre sa nationalité à son époux étranger.

La Ministre marocaine a répondu à cela que la femme marocaine peut maintenant renoncer à sa nationalité. Il s'agit selon Mme Skalli, d'un droit supplémentaire donné à la femme. Elle a en outre ajouté qu'elle milite personnellement en faveur des questions d'égalité homme-femme en matière de nationalité. La Ministre a regretté à cet égard la décision de prolonger de 3 à 5 ans l'attente imposée à une étrangère mariée à un marocain afin d'accéder à la nationalité marocaine.

Quant à l'accès des femmes au Parlement, la Ministre a indiqué que chaque parti politique pouvait présenter une liste de 30 femmes, ce qui a permis en 2002 d'avoir des femmes représentantes de partis politiques. Aucune mesure affirmative n'a été prise depuis car les pouvoirs publics ont pensé que les partis politiques allaient se mobiliser compte tenu de toutes les actions en faveur des femmes prises à travers le pays. Ça ne s'est pas fait et on a enregistré en 2007 un recul de 35 à 34 femmes représentées au Parlement, recul symbolique mais significatif. La lutte pour la représentativité doit être menée de plein pied par la promotion notamment de la discrimination positive des femmes

Emploi et éducation

Les membres du Comité ont notamment posé des questions sur les mesures prises par le Gouvernement pour sensibiliser la population au nouveau code du travail; les mesures visant à éliminer la ségrégation dans l'emploi; la participation des femmes aux postes à responsabilité; l'emploi des femmes dans des postes non traditionnels; les mesures visant à promouvoir l'égalité de salaire entre hommes et femmes à travail égal; la protection des jeunes filles employées comme domestiques. Ils ont également souhaité des données sur les femmes du Sahara occidental sur le marché de l'emploi.

Dans le domaine de l'éducation, les experts ont notamment voulu savoir quelles stratégies étaient mises en œuvre pour assurer que l'éducation rurale atteint le même niveau que l'éducation urbaine; si des équipement spéciaux sont prévus dans les établissements scolaires pour les filles handicapées; si des mesures sont prises pour lutter contre les stéréotypes concernant le rôles des femmes dans la société.

La délégation a reconnu que le système éducatif doit œuvrer pour l'égalité et déployer des efforts pour la scolarisation des filles en milieu rural. Elle a fait état de progrès en matière de scolarisation des fille: entre 2003 et 2006, le taux est passé de 89,4 à 91,6% dans le primaire. L'État a mis en place un «Programme de la deuxième chance» qui propose une forme de scolarité informelle. Un programme de lutte contre l'abandon scolaire a également été mis sur pied, ainsi que des mesures visant à remédier à l'analphabétisme chez les femmes.

La loi sur l'enseignement fondamental de 2002 comporte des dispositions sur le contrôle des absences et la surveillance de la fréquentation scolaire. Des mesures budgétaires ont également été prises par une augmentation du budget de l'État consacré à l'éducation . Sur le plan pédagogique, des efforts sont déployés en faveur d'une valorisation de l'image de la femme dans les manuels scolaires, notamment. Des bourses sont en outre accordées aux filles, ainsi qu'une assistance pour le transport scolaire de manière à favoriser la fréquentation scolaire. Des mesures sont prises pour encourager la scolarisation de la petite fille rurale, en collaboration avec les organisations non gouvernementales locales de développement. L'éducation est également un pilier dans la lutte contre la violence. Des séances sont organisées dans les écoles en matière d'éducation aux droits de l'homme et s'agissant de la violence à l'égard des femmes.

La Ministre marocaine a assuré le Comité que le nouveau Gouvernement fait de l'enseignement une de ses priorités.

En matière d'emploi, un autre membre de la délégation a expliqué que le Maroc mène une politique active pour lutter contre le chômage, élargir la sécurité sociale et le droit à la retraite, pour renforcer la négociation entre les partenaires sociaux et la représentation des salariés dans les entreprises. Le représentant a fait valoir que le taux d'emploi des femmes est passé de 22,2 à 24,6% entre 2002 er 2006. En milieu rural il est passé de 32 à 37% et en milieu urbain de 76 à 80,7%. Il a toutefois précisé que 84% des femmes actives en milieu rural travaillent dans le domaine de l'aide familiale, ce qui est un statut défavorable.

La délégation a assuré le Comité que les conditions d'un processus de modernisation sociale sont réunies, et que les stratégies participatives viennent renforcer les activités locales dans le domaine de la santé, de l'éducation, de l'amélioration de l'infrastructure routière, et de l'accès à l'énergie.

S'agissant des femmes des provinces du Sahara, la Ministre a expliqué que cette région se voit offrir les mêmes opportunités que les autres. Le Maroc a beaucoup investi pour remédier à la situation précaire des populations de ces régions et ces provinces ont fait l'objet d'une discrimination positive. Les indicateurs sont favorables dans ces régions.

Quant à la question des aides ménagères et des filles domestiques, la délégation a indiqué que le Gouvernement a mis en place un programme pour lutter contre le phénomène, selon trois axes: le suivi juridique, par un projet de loi prévoyant la criminalisation de ceux qui emploient et la sensibilisation de la société marocaine; l'élargissement du partenariat avec la société civile pour lutter contre phénomène.

Santé, violence domestique

Des questions ont été posées par des membres du Comité sur l'incidence du VIH/sida, les réponses apportées au problème des grossesses non désirées et au danger des avortements clandestins, les solutions apportées pour faire face à l'augmentation de la mortalité maternelle, l'accès des femmes rurales aux services de santé, le fonctionnement du système d'assurance maladie obligatoire.

Répondant en outre à une question sur la situation des femmes victimes de viols conjugaux, la Ministre marocaine a indiqué que la question est au centre des débats sur la réforme du Code pénal s'agissant de la lutte contre les violences conjugales. Elle a reconnu que la tradition judiciaire au Maroc veut que la violence sexuelle soit traitée au tribunal par des gestes symboliques, afin d'éviter la parole. Ces gestes symboliques sont compris par le juge sans que la victime ait prononcé un mot et il prend des mesures.

La mortalité maternelle est une préoccupation du Ministère de la santé. La délégation a indiqué que le pays a connu 227 décès pour 100 000 naissances pour la période 1993-2003. depuis, des efforts ont été faits, mais la problématique de la mortalité maternelle reste préoccupante. Un plan d'action plus ambitieux est en cours d'élaboration, qu ivise à augmenter l'accessibilité de la femme aux services de santé et améliorer l'accueil. Il est en outre prévu que tout décès maternel fasse l'objet d'un audit. Un observatoire national sur les décès maternels contribue à répertorier et à lutter contre ce fléau. Le pays favorise l'implication du secteur privé et des citoyens dans l'effort de lutte contre la mortalité maternelle.

La délégation a par ailleurs indiqué que le budget pour les médicaments sera doublé pour atteindre 1 milliard de dirhams, afin que tout citoyen puisse bénéficier de soins.
Des moyens seront en outre mis à disposition pour les endroits difficilement accessibles.

La couverture médicale a commencé en mai 2002 dans le but d'améliorer les conditions de santé de la population, elle comporte deux volets, l'assurance maladie obligatoire pour les retraités, les travailleurs du public et du privé, d'une part, et d'autre part le «RAMED», à l'intention de la population démunie qui n'ont pas les ressources nécessaires pour une couverture de santé, soit environ 8,5 millions d'habitants. Ce volet du programme sera introduit dès mars prochain en phase pilote, pour une généralisation dès la fin 2008. Le programme vise à faire passer de 34% à 70% la couverture de santé de la population marocaine. Pour les indépendants, les 30% restant, des mécanismes spécifiques ont été élaborés.

Protection de la famille, questions sociales

Les membres du Comité ont notamment souhaité connaître les mesures envisagées par le Gouvernement marocain pour améliorer la situation des femmes en milieu rural, souvent maintenues à la maison, et pour lesquelles il faudrait favoriser un emploi lucratif. Quel rôle est envisagé pour les organisations non gouvernementales dans de telles missions? Des questions ont également porté sur la participation des filles et des femmes aux initiatives de lutte contre la pauvreté, en particulier par le biais d'une formation.

Les experts se sont par ailleurs interrogés sur la question de savoir si un homme peut toujours divorcer par répudiation. S'agissant du nouveau régime de divorce, quelles peuvent être les conséquences économiques du divorce pour la femme? Des membres du Comité ont observé que le principe de la séparation de biens dans le divorce malgré une communauté de biens pendant le mariage n'est pas compatible avec la Convention. Des questions ont aussi été posées sur les droits de la femme en situation de compagnonnage, ainsi que sur les droits de succession.

S'agissant de l'âge légal du mariage, fixé à 18 ans pour garçons et filles, des experts ont fait observer que le code de la famille permet au juge de prononcer des dérogations, sans limite d'âge, c'est une lacune sur laquelle il serait souhaitable de se pencher. Il a aussi été relevé que le Maroc maintien la pratique de la polygamie, sous contrôle du juge.

La situation de la femme rurale est au cœur des priorités au Maroc, a affirmé la délégation, qui a souligné que l'amélioration de cette situation sera l'indicateur du succès du développement. Les budgets publics pour toutes les régions du pays ont été augmentés pour favoriser la bonne gouvernance et la représentativité des femmes. Le Maroc est attaché à relever les défis du développement et atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement, notamment en permettant une revalorisation des femmes dans le monde rural.

Conscient que l'eau est une ressource stratégique, le Maroc a pris des mesures qui ont permis de porter de 14% en 1994 à 92% aujourd'hui l'accès à l'eau potable par les populations rurales. Cela a un impact important sur la vie des filles et des femmes, chargées de la corvée d'eau. Une enquête a en effet montré que 25% des filles sont chargées de la corvée d'eau contre 15% de garçons. La délégation a aussi souligné l'impact de la généralisation de l'accès à l'eau potable. Elle a permis de générer plus de 500 000 jours de travail, de faire diminuer de manière drastique les diarrhées chez les enfants. Quant au taux d’électrification, il est passé de 17% en 1996 avant le lancement du programme d'électrification à 94% en 2006. Elle a permis d’augmenter la scolarisation des filles n’étant ainsi plus soumise à la corvée de collecte du bois dont la mauvaise combustion avait un impact négatif sur la santé. L’électrification a ajouté la délégation a eu un impact sur la baisse de la violence à l'égard des femmes. Le Gouvernement vise la généralisation en 2008.

La Ministre a d'autre part indiqué que des centres multifonctionnels sont en cours d'élaboration pour promouvoir l'artisanat des femmes. Elle a regretté la persistance des mécanismes de résistance au changement mais s’est dite convaincue que les lois jouent un rôle structurant.

Quant à la répudiation, la Ministre a assuré que la pratique a disparu au Maroc, et que le divorce est désormais soumis à l'autorisation du juge et réglementé. La formation des juges est certes nécessaire pour une application optimale du nouveau code de la famille. Sur la question de l'âge minimum du mariage, il arrive que les familles dans le monde rural résiste au changement et contourne la loi, a déclaré la Ministre en déplorant que certains juges délivrent de manière abusive des contrats de mariage précoce. Il existe toutefois des mécanismes de dénonciation de ces anomalies. Quant à la polygamie, la délégation a démontré qu'elle constitue une exception et que la femme a le droit de nos jours de se libérer du mariage en cas de polygamie. La loi, a-t-elle par ailleurs souligné à plusieurs reprises, ne parle que de la deuxième, non plus de la troisième et de la quatrième femme. En ce qui concerne la question de l'héritage, la Ministre s'est félicité du fait que la réforme du Code de la famille permette également aux filles par la mère d'hériter. Auparavant, les femmes étaient prises en charge par la famille, ces réformes prouvent qu'aujourd'hui les choses ont changé: le combat pour l'égalité n'est pas le combat d'un jour, a ajouté la Ministre.

Questions de suivi

Répondant à des questions sur les initiatives en faveur des femmes, la Ministre a indiqué que des projets de loi sont prêts, notamment les lois contre la violence, contre la pédophilie, sur la protection des femmes de ménage, sur la criminalisation des employeurs d'enfants. Sur la question de la représentation des femmes, modifier les mentalités ne se fait pas à court terme. Elle a aussi souligné que dans le contexte des votes tribaux, il y a peu de chance qu'une femme soit élue. Seules des mesures d'action affirmative peuvent permettre de renforcer la représentativité des femmes en politique. C'est un dossier prioritaire pour la Ministre.

Conclusion de la Présidente

La Présidente du Comité, MME DUBRAVKA ŠIMONOVIC, a souligné que les progrès réalisés par le Maroc sont remarquables. Le pays connaît en effet une «révolution législative tranquille». Il faut pourtant supprimer certaines lois discriminatoires toujours en vigueur.


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CEDAW08011F