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LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION À L'ÉGARD DES FEMMES EXAMINE LE RAPPORT DU LUXEMBOURG

Compte rendu de séance

Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes a examiné aujourd'hui le cinquième rapport périodique du Luxembourg sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes. Le Comité adoptera en séance privée des observations finales sur ce rapport, avant de les rendre publiques à l'issue de la session, le vendredi 1er février.

Le rapport du Luxembourg était présenté par la Ministre de l'égalité des chances, Mme Marie-Josée Jacobs, qui a notamment fait valoir que le Luxembourg venait de notifier la levée de ses réserves concernant la Convention. Mme Jacobs a précisé qu'un «centre de l'égalité de traitement» a été institué en 2006 et évoqué le travail d'information et de sensibilisation mené par le Gouvernement sur la violence domestique, qui a contribué à un changement dans la perception de la violence dans le domaine privé. Grâce à la bonne collaboration entre tous les intervenants, la police, les organisations non gouvernementales et les ministères impliqués, la prise en charge des victimes est constamment améliorée. Mme Jacobs a d'autre part précisé que le programme «actions positives» du Gouvernement a été restructuré de façon à introduire plus de rigueur dans la gestion des actions et dans la collaboration entre État et entreprises. Le Gouvernement reste par ailleurs conscient que la prévention de la violence à l'encontre des femmes reste un grand défi dans lequel il doit s'investir. À ce propos, outre l'action policière, le Luxembourg a agi dans le domaine législatif en élaborant plusieurs projets de lois sur la traite des êtres humains et la criminalité transnationale organisée.

La délégation était également composée de M. Jean Feyder, Représentant permanent du Luxembourg auprès des Nations Unies à Genève; de Mme Maddy Mulheims, Conseillère de Gouvernement au Ministère de l'égalité des chances; de Mme Isabelle Klein, Conseillère de direction au Ministère de l'égalité des chances; et de Mme Christine Goy, Représentante permanente adjointe du Luxembourg auprès des Nations Unies à Genève. La délégation a répondu aux questions et observations des membres du Comité concernant la sensibilisation et la formation des magistrats à l'application des dispositions de la Convention, les mesures visant à favoriser la participation des femmes à la vie publique, divers aspects ayant trait à l'accès des femmes à la santé, les mesures visant à protéger les victimes de violences domestiques, et l'égalité des chances pour les femmes issues de l'immigration, notamment.

La Présidente du Comité s'est félicitée du retrait des réserves émises par le Luxembourg à l'égard de la Convention et son adhésion récente au Protocole facultatif. Elle a toutefois recommandé que le Luxembourg consacre davantage d'efforts au domaine de la formation des personnels du judiciaire et des professions juridiques s'agissant des dispositions de la Convention.


Le Comité se réunira demain, à partir de 10 heures, pour examiner le rapport de Maroc.


Présentation du rapport

MME MARIE-JOSÉE JACOBS, Ministre de l'égalité des chances, a fait valoir que le nouveau Gouvernement luxembourgeois a donné suite aux recommandations du Comité d'experts en décidant notamment la mise en œuvre d'un plan d'action national de l'égalité des femmes et des hommes, en se donnant une structure d'action globale et une structure de mise en œuvre par ministère. Elle s'est dite particulièrement fière que le Luxembourg ait pu notifier au Secrétaire général, avant l'examen du rapport, la levée des deux réserves concernant la Convention. Elle a tenu à préciser que le principe de l'égalité des femmes et des hommes a été renforcé à différents niveaux législatifs, notamment par son ancrage dans la Constitution, laquelle prévoit depuis 2002 que les femmes peuvent ester en justice et réclamer leurs droits à l'égalité. Le projet de loi relatif à la mise en œuvre du principe de l'égalité de traitement en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et la promotion professionnelles et les conditions de travail dans les secteurs privé et public interdit toute discrimination fondée sur le sexe, a ajouté la Ministre. Elle a précisé en outre qu'un «centre de l'égalité de traitement» a été institué par la loi en décembre 2006. Mme Jacobs a en outre précisé que pour contrôler l'impact des mesures législatives et réglementaires sur les sexes, le Gouvernement s'est donné comme instrument une fiche d'évaluation à joindre par le ministère initiateur de la législation à chaque projet de loi ou de règlement, que l'on peut considérer comme un instrument d'autoévaluation du travail législatif du Gouvernement.

Dans le domaine de l'éducation, le Gouvernement a distribué à tous les fonctionnaires une brochure qui les renseigne sur l'intégration du principe de l'égalité des femmes et des hommes dans la Constitution, sur les obligations de l'État découlant de la ratification de la Convention. La brochure explique en outre les notions fondamentales concernant les politiques de l'égalité des femmes et des hommes (par exemple la différence entre «sexe» et «genre»). Par ailleurs, l'institut national d'administration publique offre des formations ciblées sur la mise en œuvre du plan d'action national d'égalité des femmes et des hommes. Les engagements du Gouvernement découlant de la Convention font l'objet de la formation. La participation aux cours laissant toutefois à désirer, le Gouvernement sera probablement amené à imposer une fréquentation obligatoire, a observé Mme Jacobs. La Ministre a par ailleurs indiqué que le choix professionnel est une des causes de la ségrégation professionnelle et de l'écart de salaires entre les femmes et les hommes. Le Gouvernement prévoit d'organiser une conférence ayant pour objectif de sensibiliser les chefs d'entreprise au fait que l'égalité de salaire est un droit et qu'elle représente un facteur économique non négligeable. Mme Jacobs a d'autre part précisé que le programme «actions positives» du Gouvernement a été restructuré de façon à introduire plus de rigueur dans la gestion des actions et dans la collaboration entre État et entreprises.

La Ministre a évoqué le travail d'information et de sensibilisation sur la violence domestique, qui a contribué à un changement dans la perception de la violence dans le domaine privé. De plus en plus de femmes victimes de violence domestique osent sortir de l'ombre, le sujet n'étant plus tabou et les offres de secours connues. Grâce à la bonne collaboration entre tous les intervenants, la police, les organisations non gouvernementales et les ministères impliqués, la prise en charge des victimes est constamment améliorée. L'accent a aussi été mis sur la prise en charge des enfants victimes et témoins de la violence domestique. Enfin, le Gouvernement reste conscient que la prévention de la violence à l'encontre des femmes reste un grand défi dans lequel il doit s'investir. À ce propos, outre l'action policière, le Luxembourg a agi dans le domaine législatif en élaborant plusieurs projets de lois sur la traite des êtres humains et la criminalité transnationale organisée, notamment.

Le cinquième rapport périodique du Luxembourg (CEDAW/C/LUX/5) explique qu'en l'absence de toute disposition constitutionnelle, le principe de la primauté des normes du droit conventionnel international se fonde exclusivement sur la jurisprudence: c'est le contrôle a posteriori du juge qui détermine la primauté de telle ou telle norme sur l'autre. La jurisprudence a adopté une position moniste en acceptant d'écarter l'applicabilité de la Constitution en cas de non-conformité avec le droit international. Cependant, un traité ne peut être utilement invoqué que si la disposition de droit international a un caractère directement applicable. Si l'article 10 bis de la Constitution, qui garantit l'égalité devant la loi, ne prévoit pas expressément une interdiction autonome de discrimination, et notamment de discrimination à raison du sexe, le lien étroit des discriminations avec le principe d'égalité de traitement est cependant incontestable. Les dispositions légales consacrant l'interdiction des discriminations basées sur le sexe se cantonnent essentiellement dans le droit pénal et notamment dans les articles 454 et suivants du Code pénal. Le projet de révision de l'article 11 de la Constitution, qui est en cours depuis 1999, a pour but d'inscrire l'égalité entre les femmes et les hommes expressément dans le texte de la Constitution. Le Luxembourg a approuvé en 2003 le Protocole facultatif à la Convention, fait en outre savoir le rapport.

S'agissant du statut des fonctionnaires, des mesures ont été prises favorisant la conciliation de la vie familiale et professionnelle et introduisant, dans les administrations de l'État, la fonction de personne déléguée à l'égalité entre les femmes et les hommes. La loi du 30 juin 2004 concernant les relations collectives de travail stipule que toute convention collective devra désormais prévoir obligatoirement les modalités de rémunération du principe de l'égalité de rémunération entre hommes et femmes ainsi que l'inscription des modalités concernant la lutte contre le harcèlement sexuel et moral, dont le «mobbing» dans le champ d'application de la convention collective et des sanctions notamment disciplinaires qui peuvent être prises dans ce cadre. En ce qui concerne la violence domestique, la loi autorise depuis 2003 l'expulsion de l'auteur de violences domestiques. Force est de constater qu'un nombre relativement important d'expulsions ont été effectuées, ajoute-t-il: dans la période du 1er novembre 2003 au 31 décembre 2005, 344 mesures d'expulsion ont été acceptées dont 2 % d'auteurs de sexe féminin. Cette loi a en outre abrogé l'article 413 du Code pénal qui rendait excusables le meurtre et les coups ou blessures commis par l'un des époux sur l'autre époux et son complice, à l'instant où il les surprenait en flagrant délit d'adultère. Le rapport indique d'autre part que la loi relative au nom des enfants donne aux parents, mariés ou non, le choix de conférer à leur enfant commun soit le nom du père, soit le nom de la mère, soit leurs deux noms accolés dans l'ordre choisi par eux dans la limite d'un nom pour chacun d'eux.

En 2004, le Gouvernement luxembourgeois a décidé de ne plus émettre d'autorisations pour les ressortissants d'États non membres de l'Union européenne souhaitant travailler à Luxembourg comme «artiste de cabaret» ou dans une activité similaire. Cette décision d'abolir purement et simplement les visas d'artistes témoigne de la volonté du Gouvernement luxembourgeois de prendre des mesures concrètes pour lutter efficacement contre la traite des êtres humains. Enfin, un projet de loi sur le divorce entend abolir le divorce pour faute et le Gouvernement estime nécessaire de modifier également le système actuel des pensions alimentaires pour le rendre plus équitable.


Examen du rapport

Cadre général d'application

Un membre du Comité a demandé à la Ministre de l'égalité des chances de veiller à ce que la définition de la discrimination dans la législation luxembourgeoise soit conforme à l'article 1 de la Convention et qu'elle vise la discrimination directe et indirecte. Se référant à l'article 6, elle a également sollicité des éclaircissements sur sa mise en œuvre et la vision des tribunaux quant à l'invocation des droits subjectifs des individus telle que prévue par la Convention. Elle a par ailleurs interrogé la Ministre sur l'existence ou non d'une formation systématique des magistrats et sur la jurisprudence existante.

Un autre membre du Comité, relevant que le Luxembourg dit s'être doté d'un outil pour contrôler la mise en œuvre de la Convention, a demandé une description de ce mécanisme de contrôle et son rôle dans l'élaboration du rapport présenté aujourd'hui, afin de mieux comprendre le lien établi entre l'application de la Convention et l'élaboration du plan national d'égalité entre hommes et femmes. Se réjouissant du fait que chaque ministère comporte une personne chargée des questions de parité entre hommes et femmes, elle a toutefois demandé des clarifications sur la coordination des actions au niveau interministériel et a regretté que celle-ci ne fasse l'objet que d'une réunion annuelle.

Des clarifications ont été également demandées quant aux domaines prioritaires du plan d'action d'égalité hommes-femmes; est-il mis en œuvre par le biais de quotas? Quels sont les organes responsables de surveiller cette mise en œuvre? Il a été rappelé à cet égard qu'à l'occasion de l'anniversaire en Novembre 2004 de la signature de la Convention, la célébration avait été annulée par manque d'intérêt. Dans ce contexte, que compte faire le Gouvernement pour sensibiliser la population et les agents de l'État?

Rappelant que le Luxembourg a prévu un délai de 3 ans avant de faire le point sur l'évaluation du plan national, un membre du Comité a demandé comment il est prévu d'organiser cette évaluation ainsi qu'une copie de la liste des indicateurs si elle existe. Il a demandé si un office national est chargé de la question ou si elle relève de la responsabilité de chaque ministère. Quel est le niveau de coordination entre les différents organes responsables de l'égalité des chances et quel progrès ont-ils été accomplis en faveur d'une approche intégrée. Comment font les femmes pour déposer une plainte en vertu de la Convention?

Compte tenu du fait que la population du Luxembourg compte beaucoup d'étrangères, un autre membre du Comité a regretté que le rapport ne dresse pas un tableau complet, notamment de la situation des femmes les plus vulnérables. Elle a regretté que le projet «vivre mieux» ne concerne que les femmes mariées étrangères, de la classe moyenne ou supérieure; qu'en est-il des autres?

La Ministre luxembourgeoise de l'égalité des chances a notamment expliqué, en ce qui concerne l'appareil judiciaire, qu'une formation est assurée à tous les niveaux: les magistrats, les étudiants en droit et les avocats. Mais beaucoup d'efforts restent à faire dans ce domaine. L es mentalités demeurent l'obstacle le plus difficile à franchir pour promouvoir l'égalité entre hommes et femmes, a ajouté la Ministre.

La Ministre a souligné que le nouveau Gouvernement constitué en 2004 a décidé de se conformer aux critères européens en parlant plutôt de l'égalité des chances femmes-hommes et non plus seulement de la promotion féminine. Le Ministère de l'égalité des chances couvre ainsi tous les domaines grâce au plan national d'égalité, mais le ministre reste compétent dans son domaine. Elle a toutefois regretté un manque de statistiques suffisantes, ce qui ne permet pas d'agir efficacement dans tous les domaines.

Mme Jacobs a insisté sur les efforts de mise en œuvre de la loi sur la violence domestique. Grâce à une collaboration efficace de la police, les données ont été systèmatiquement enregistrées, ce qui a permis une évaluation de la loi, ce qui est rare au Luxembourg. On a ainsi constaté 17 expulsions du domicile conjugal par mois. Des leçons ont pu être tirées de cette expérience d'évaluation qui permet de mettre les ministres face à leur responsabilité dans leur domaine de compétence.

La Ministre a en outre souligné que ni le Gouvernement ni les partis politiques ne souhaitent l'imposition de quotas pour la promotion de l'égalité des chances, prétextant le risque de dérive vers les «femmes alibi». Mais certains demandent qu'il y ait un tiers de femmes élues ou désignées en politique.

En réponse à la question sur les femmes migrantes et vulnérables, la Ministre a pointé du doigt les problèmes de l'analphabétisme au sein de ces catégories, et de communication liés au manque de maîtrise des langues parlées et apprises au Luxembourg. Compte tenu de l'urgence de cette question au Luxembourg, où 40% de la population est issue de l'immigration, une nouvelle loi sur l'intégration est en cours d'élaboration, a mentionné la Ministre.

Un autre membre de la délégation s'est penché sur le mécanisme de mise en œuvre de l'égalité hommes-femmes, laquelle découle d'une décision du Gouvernement. Elle est revenue sur le fonctionnement du Comité interministériel de l'égalité hommes-femmes, dont les actions sont coordonnées par le ministère de l'égalité des chances, qui fournit également un appui logistique aux différents ministères. Le Comité est composé d'un représentant de chaque ministère se réunissant une fois par année. Les ministères, a-t-elle ajouté, ont été invités à intégrer la politique gouvernementale sur le genre dans leur plan d'action, à développer des indicateurs pour mesurer les progrès, et à faire appel à des experts pour les évaluations. Les ministres sont donc responsables pour leur action et seront évalués fin 2008. La première évaluation sera remise au Gouvernement à la fin février 2008. Une liste des indicateurs sera remise aux expertes du Comité. Rappelant que la plateforme de Pékin a servi de base pour fixer les priorités du Gouvernement dans les domaines de l'intégration des questions relatives aux femmes, de la ventilation des statistiques par sexe, de la formation des agents publics, elle a souligné que ce programme d'action est un exemple de bonne pratique au niveau européen: il fixe des indicateurs et procède à l'évaluation des politiques publiques, ce qui constitue une nouveauté au Luxembourg.

En ce qui concerne le fait que les organisations non gouvernementales féminines du Luxembourg n'ont pas soumis un rapport parallèle, la Ministre a déclaré que ceci ne devait être interprété que comme le signe d'une parfaite harmonie entre l'État et ces dernières.

Quant à la question de la formation des professionnels du juridique, la Ministre a par la suite indiqué qu'elle était attachée à ce que la Convention fasse partie du cursus de base des étudiants en droit, et que davantage d'efforts soient consentis pour former ceux qui sont en poste actuellement. Elle s'est également réjouie de mettre le savoir et l'expérience élaboré au Luxembourg à la disposition des pays qui en auraient besoin.

Lutte contre la discrimination à l'égard des femmes, mesures de protection

Un membre du Comité a demandé des précisions sur les incitations à l'emploi des femmes dans les entreprises privées: quelles sont les résultats de ce programme? A-t-il eu un impact sur la distribution des femmes dans les emplois non-traditionnels? Les entreprises l'utilisent-ils? Quelle est la place des femmes dans l'entreprise?

Une autre experte s'est interrogée sur les mesures juridiques prises par le Gouvernement pour prévenir et lutter contre l'exploitation des enfants et des femmes via internet à des fins pornographiques et de prostitution. Des études ont-elles été menées pour savoir quel est le profil socio-économique des enfants et des femmes exploitées? Quel est le pourcentage de fillettes par rapport aux garçons? Avez-vous pu les retrouver? Un traitement est-il prévu?

En ce qui concerne les actions positives conjointes avec le secteur privé, la Ministre luxembourgeoise a indiqué que des analyses de la situation des femmes dans l'entreprise sont en cours, y compris des consultations avec les employés et les patrons. Il ne suffit pas d'ouvrir une garderie d'enfants sur le lieu de travail, a souligné la Ministre, il faut également évaluer les actions positives. Quant à la problématique de la distribution des femmes dans les secteurs d'activité, a ajouté Mme Jacobs, les filles font effectivement des études supérieures mais dans les professions typiquement féminines, dans l'enseignement, les métiers hospitaliers et malheureusement pas dans les métiers de l'informatique, et autres secteurs plus porteurs en terme de rémunération. Les hommes continuent ainsi à gagner plus que les femmes. Pour lutter contre les stéréotypes persistants et comme mesure d'incitation, le Gouvernement organise avec des ONG des «boys' day» et des «girls' day», autrement dit des visites en entreprise pour les filles et dans des garderies d'enfants pour les garçons, a précisé la Ministre. Elle a toutefois noté qu'il y a plus de 50% de femmes juges au Luxembourg et qu'il n'y a donc pas de discrimination dans ce domaine.

Revenant sur la place des femmes dans l'entreprise, un membre de la délégation a tenu à souligner que les actions menées ont été bien évaluées. Elle a notamment identifié trois domaines prioritaires: l'égalité de traitement et de rémunération, l'égalité dans la prise de décision, et l'égalité dans la conciliation entre vie privée et professionnelle. L'intervenant a noté que toute entreprise qui demande une aide au Gouvernement doit répondre aux critères posés par celui-ci quant à la promotion de l'égalité des chances, ce qui favorisera son image, son identité d'entreprise. L'entreprise reçoit ainsi un certificat d'exemplarité de la Ministre, valable pour 2 ans, au terme desquels l'entreprise est évaluée si elle souhaite renouveler son certificat. Il existe des mesures de subventions pour les entreprises employant le sexe sous-représenté mais elles sont peu utilisées, ce qui a poussé le ministère de l'emploi à sensibilise davantage les entreprises à cette mesure.

En ce qui concerne la lutte contre les stéréotypes dans les familles et la marginalisation des femmes migrantes des pays non-communautaires, la Ministre a précisé que des efforts sont fait pour mieux comprendre les cultures des personnes immigrées, que des agents de l'État, issus de l'immigration sont envoyés dans les familles. Ils servent ainsi de modèles de réussite et d'égalité des chances aux jeunes de l'immigration.

Quant à la question de l'exploitation sur internet des images d'enfants et de femmes, la Ministre a déclaré que bien que des mineurs se prostituent pour se procurer de la drogue, la police ne les connaît pas et ne les a pas retrouvés. Des campagnes ont été lancées contre la traite des être humains pour donner aux victimes la possibilité de témoigner. L'Allemagne, les autres pays voisins et des organisations non gouvernementales collaborent avec le Luxembourg pour protéger et informer ces femmes en leur fournissant notamment des services de traduction.

Un membre de la délégation a indiqué que la loi sur la violence domestique fait l'objet d'une évaluation par un groupe de contrôle se réunissant régulièrement, lequel collecte et étudie toutes les plaintes, dont moins de 2% sont déposées contre la police. Elle a rappelé que cette loi comprend deux volets: l'expulsion du domicile pour 10 jours renouvelables de l'auteur des violences; et les circonstances aggravantes prévoyant la réclusion pour meurtre. L'expulsion est une mesure efficace, a ajouté la délégation, saluant la très bonne coopération et formation de la police en la matière. Des mesures ont été prises pour améliorer la prise en charge des enfants dans les situations de violence domestique, en les aidant notamment à gérer le stress post-traumatique. Le Luxembourg est doté de centres d'hébergement pour femmes victimes de violence. Répondant aux préoccupations soulevées quant aux femmes d'origine immigrée, la Ministre a assuré qu'elles ont droit aux mêmes protections et à une assistance médicale gratuite.

Une experte du Comité ayant regretté la faible participation des femmes voire la diminution de leur nombre dans la vie politique, la chef de la délégation luxembourgeoise s'est dite «peu fière du niveau de représentation féminine dans son pays». Nous avons donné une aide financière aux femmes pour entrer en politique. Des changements ont été enregistrés depuis 15 ans, et tous les partis font des efforts pour trouver des femmes candidates. Mais les femmes exercent souvent une profession, sont mère de famille, et l'entrée en politique représenterait une troisième profession, elles n'ont donc pas le temps de s'engager. Au Gouvernement, les femmes non mariées et sans enfant sont mieux représentées, ce qui est regrettable. Il convient donc de trouver d'autres systèmes pour donner aux femmes la possibilité de s'impliquer dans la vie politique. D'ailleurs, ce sont souvent les hommes qui font de la formation continue, ce qui leur permet de trouver des postes mieux rémunérés. Beaucoup d'efforts ont été faits par le Conseil national des femmes pour agir aux niveaux local et national, mais cela reste insuffisant. Dès qu'on arrête les efforts, les chiffres chutent, a regretté la Ministre. L'égalité est un combat de tous les jours. La Ministre s'est pourtant félicitée de la représentation féminine au niveau de l'administration grâce aux examens, au concours diplomatique, et a souligné que pendant la présidence de l'Union européenne beaucoup de jeunes femmes ont été engagées. Le poste le plus important aux affaires étrangères est occupé par une femme. Elle a rappelé qu'il n'y a pas de frein à l'accession des femmes dans le judiciaire qui compte 50% de femmes juges.

Éducation

Un membre du Comité a souhaité savoir si les étudiants luxembourgeois et ceux issus de l'immigration ont-ils les mêmes opportunités. Quels sont les chiffres sur le taux d'abandon et d'échec scolaire ? Quant à l'ambassadeur du Luxembourg, il a demandé si des mesures ont été envisagées pour stimuler les parents immigrés à envoyer leurs filles dans les filières classiques.

Rappelant que les filles ont de meilleurs résultats que les garçons, la Ministre luxembourgeoise s'est demandée s'il ne conviendrait pas de faire des efforts supplémentaires pour encourager les garçons à mieux réussir. Elle a souligné que les enfants de 8-9 ans issus de l'immigration rencontrent souvent des problèmes d'apprentissage et d'adaptation. Le pays a créé des «maisons relais» pour accueillir ces enfants et leurs parents, des lieux d'écoute et de dialogue. La formation informelle des jeunes, a déclaré la Ministre, est nécessaire pour mieux réussir. Les jeunes issus de l'immigration se retrouvent dans les maisons de jeunes, ils développent avec les éducateurs des films, des projets de lutte contre la drogue et la violence. Ils ne se reconnaissent pas dans la fanfare du village ou autre rassemblement traditionnel. Quant au taux d'abandon, 300 élèves quittent le système scolaire chaque année. Avec le soutien d'un tuteur ou d'un éducateur, certains vont faire des stages en institution privée ou publique. Ainsi, le pays a mis en place des programmes pour favoriser leur intégration dans le marché de l'emploi, ce qui représente une action importante pour la cohésion sociale.

Un membre de la délégation a tenu à préciser qu'aucune différence n'est faite entre enfants étrangers et luxembourgeois et a fait état des divers projets pilotes du Gouvernement visant à accueillir des élèves des lycées techniques, classiques, des handicapés, des autochtones, et des étrangers.

Emploi

Des membres du Comité se sont interrogés sur le manque d'impact des conventions collectives sur les salaires. Un expert a voulu savoir si les conventions collectives prévoient des mesures pour mettre en pratique le principe «à travail égal, salaire égal». Quelles sont les obligations du Gouvernement pour faire changer ces différences salariales ? Des questions ont aussi porté sur le caractère volontaire ou non du travail à temps partiel sur l'existence d'études sur les femmes souffrant de discriminations multiples, telles les étrangères handicapées par exemple. Il a été demandé si le Gouvernement entendait agir pour lutter contre les stéréotypes dont sont victimes les femmes de la part de certains employeurs.

Répondant aux questions du Comité, la Ministre luxembourgeoise a notamment indiqué que les conventions collectives font obligation aux parties de négocier les salaires. Le dialogue social au Luxembourg est tripartite, a précisé la délégation: il rassemble les syndicats, les patrons et les partis. Des lois datant des années 1990 prévoient l'égalité. Cependant, il est clair que les lois sont une chose, mais que la pratique en est une autre. Enfin la nécessité de l'action contre la discrimination est inscrite dans le Code du travail et dans le Code pénal. Ceci est la porte d'entrée pour lutter contre les stéréotypes et faire changer les mentalités.

Répondant à des questions du Comité sur le marché de l'emploi, la délégation a indiqué que 341 personnes travaillent dans l'agriculture, dont peut-être la moitié sont des femmes. Plus de 100 000 frontaliers travaillent au Luxembourg. L'État paie les cotisations pendant deux ans pour les congés parentaux, dont les femmes profitent plus que les hommes.

Santé

Une experte du Comité a relevé que les suicides sont nombreux parmi les jeunes, une unité de psychiatrie spécialisée ayant d'ailleurs été mise sur pied dans les hôpitaux. Des questions ont en outre été posées sur les questions de la santé mentale, la prévention du suicide, la situation des immigrants et les jeunes issus de l'immigration et l'existence ou non d'une politique de santé particulière pour les jeunes et groupes en difficulté. D'autre part, les cancers du poumon sont une importante cause de décès parmi les jeunes femmes. Or les autres aspects du tabagisme ne sont pas mentionnés dans le rapport, tels que les effets sur les enfants et la tuberculose. Le programme de l'OMS de lutte contre le tabagisme est-il suivi par le Luxembourg? D'autres questions ont porté sur l'accès à la santé par les jeunes migrantes et sur les mesures de lutte contre le sida prises par le Luxembourg.

La délégation a répondu à ces questions en indiquant que des centres spécialisés dans la prévention du suicide ont été ouverts. D'autres structures s'adressent aux consommateurs de drogues. Aucune différence n'est faite au niveau du traitement entre autochtones et immigrés, a précisé la délégation. Les caisses maladie remboursent les soins en quasi-totalité. Ainsi, dès l'âge de 52 ans, toutes les femmes reçoivent un bon gratuit pour une mammographie sans distinction entre autochtones et immigrées. Concernant ce programme de mammographies, la délégation a précisé que son pays n'avait pas attendu les directives européennes pour soigner et les suivre les femmes concernées. Le programme sera d'ailleurs étendu aux femmes plus jeunes.

Par ailleurs une loi a été votée interdisant le tabagisme dans les lieux publics, et mettant en avant la nocivité du tabac. Davantage de femmes sont atteintes d'un cancer du poumon que d'hommes, et plus de jeunes femmes fument. La tuberculose est une maladie très rare au Luxembourg, les cas provenant souvent de l'étranger. Les femmes rurales ont les mêmes droits et possibilités en matière d'accès à la santé que les femmes urbaines, les distances n'étant pas un problème au Luxembourg. Quant au VIH/sida, des programmes éducatifs sont mis en place dans les écoles, où l'on trouve également des distributeurs de contraceptifs, sans compter le travail des centres de planning familial. En ce qui concerne l'interruption de grossesse, elle doit intervenir avant les trois premiers mois de grossesse, a indiqué la délégation.

Répondant à des questions de suivi, la délégation a notamment indiqué que l'interruption de grossesse est possible au-delà des trois premiers mois si la mère est en danger. En cas d'anomalie fœtale, la pratique d'une IVG relève de l'éthique, une question discutée avec les parents et le médecin traitant.

Famille

Un membre du Comité a voulu savoir si le projet de loi de réforme du divorce de 2003 avait été adopté. Il a également été demandé quelles dispositions seraient appliquées pour le divorce et si un temps de réflexion serait ménagé en fonction de la présence ou non d'enfants au sein du couple. Une experte a demandé si, en cas de concubinage ou cohabitation, les partenaires à charge étaient aussi bénéficiaires d'indemnités.

Des membres du Comité ont demandé des précisions sur les modalités d'expulsion du domicile des auteurs de violences domestiques, sur une éventuelle révision de la loi relative à la garde conjointe des enfants en cas de divorce et sur les mesures recommandées en matière de récolte de statistiques sur la violence domestique.

Répondant à une question sur le mode de transmission du nom du père ou de la mère et sur la manière de choisir le nom en cas de différend entre parents, la délégation a indiqué que dans un tel cas, les services de l'état civil étaient chargés du tirage au sort du nom retenu.

La délégation a indiqué que les auteurs de violence domestique sont soumis à des mesures spéciales: interdiction de s'approcher de l'école des enfants, et surtout expulsion du domicile dans l'heure suivant le dépôt de la plainte. Les requêtes pour ce faire doivent être déposées au tribunal. Auparavant, la procédure durait souvent trois mois, durant lesquels les femmes changeaient d'avis ou étaient mises sous pression. L'expulsion est actuellement plus expéditive et intervient suite à une communication entre le parquet et la police. La Ministre a ajouté que le taux de divorce est en augmentation au Luxembourg, situé actuellement à environ 50%.

La délégation a aussi précisé qu'un couple lié par un partenariat est tenu de participer à parts égales aux dépenses du ménage. Le partenariat entraîne cependant moins d'obligations que le mariage. Le système de partenariat a été mis en place pour répondre aux besoins particuliers des femmes qui vivaient en concubinage, sans bénéficier de droits. Mais la population n'a pas recours au «PACS» sur une grande échelle, a observé la délégation.

En réponse à d'autres questions, la délégation a en outre précisé que la première évaluation de la loi sur la violence domestique est intervenue en 2006, la prochaine devant avoir lieu en 2008. Quant au principe «à travail égal, salaire égal», une seule femme a saisi un tribunal pour discrimination et elle a gagné, a-t-il été précisé.


Conclusion

MME MARIE-JOSÉE JACOBS, Ministre de l'égalité du Luxembourg, a conclu la présentation du rapport de son pays en indiquant que les recommandations du Comité seraient transmises aux instances du Gouvernement et seraient dûment prises en considération.

MME DUBRAVKA ŠIMONOVIC, présidente du Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, s'est dite satisfaite de ce que le Luxembourg ait retiré toutes les réserves qu'elle avait émises au moment de la ratification de la Convention, et en a félicité le Luxembourg, tout comme de son adhésion au Protocole facultatif. Mme Šimonoviæ a recommandé que le Luxembourg consacre davantage d'efforts au domaine de la formation des membres du judiciaire et des professions juridiques aux dispositions de la Convention.


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CEDAW08010F