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LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION À L'ÉGARD DES FEMMES EXAMINE LE RAPPORT DE LA FRANCE

Compte rendu de séance

Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes a examiné aujourd'hui le sixième rapport périodique présenté par la France en vertu de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes. Le Comité adoptera en séance privée des observations finales sur ce rapport, avant de les rendre publiques à l'issue de la session, vendredi 1er février prochain.

Présentant le rapport de la France, Mme Valérie Létard, Secrétaire d'État à la solidarité, a fait savoir que le bilan de la mise en œuvre de la Charte de l'égalité entre les hommes et les femmes remise au Premier Ministre en 2004 a montré que trois ans après son adoption, les trois quarts des 280 engagements pris pour atteindre l'égalité entre les femmes et les hommes étaient soit réalisés, soit en cours de réalisation. S'agissant des femmes immigrées ou issues de l'immigration qui se trouvent sur le territoire français, Mme Létard a déclaré que le Gouvernement français déploie une action volontariste selon trois axes: l'accès au droit, la lutte contre les violences faites aux femmes et enfin l'éducation et l'emploi. La Secrétaire d'État a d'autre part rappelé que conformément aux engagements qu'avait pris le nouveau chef de l'État avant son élection, le Gouvernement français actuel comprend le même nombre de ministres hommes et femmes. Elle a aussi indiqué que la loi du 31 janvier 2007 est venue renforcer le dispositif sur la parité en politique en imposant, sous peine de sanctions financières renforcées, la parité dans les exécutifs des conseils municipaux et des conseils régionaux.

Les choix d'orientation professionnelle des filles et des garçons sont encore le reflet des représentations des rôles sociaux traditionnels assignés à chacun des deux sexes, a par ailleurs souligné Mme Létard. Des inégalités persistent entre hommes et femmes sur le marché du travail, notamment en matière de rémunération. La loi de mars 2006 sur l'égalité salariale entre les femmes et les hommes s'est donnée pour objectif de supprimer en 5 ans les écarts de rémunération entre les personnes des deux sexes.

La délégation de la France était également composée de M. Christophe Guilhou, Représentant permanent adjoint de la France auprès des Nations Unies à Genève, ainsi que de représentants du Ministère du travail, des relations sociales et de la solidarité.

La délégation a fourni aux experts des compléments d'information en ce qui concerne, entre autres, des réserves que la France maintient à l'égard de certaines dispositions de la Convention; de la retraite des femmes; des mariages forcés; des mutilations génitales féminines; de la prostitution; des questions relatives à l'emploi; de la question du port de signes religieux ostensibles; ou encore de la polygamie.

Certains membres du Comité ont relevé que les femmes ont peu recours à la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE) pour déposer plainte. Un expert ayant relevé que la HALDE avait jugé discriminatoire, contraire à la Convention européenne des droits de l'homme et dégradante, la pratique de tests ADN envisagée par le Gouvernement dans sa loi sur l'immigration, la délégation a expliqué qu'il s'agissait d'un dispositif expérimental qui donnera lieu à évaluation fin décembre 2009 pour voir s'il doit être pérennisé. La chef de la délégation a rappelé que le Conseil constitutionnel avait émis sur cette question un avis opposé à celui de la HALDE et elle a souligné que cet avis est aujourd'hui le seul qui s'impose au Gouvernement français.

Lors de sa prochaine séance publique, lundi après-midi, à 15 heures, le Comité tiendra une réunion informelle avec les organisations non gouvernementales concernant la situation dans les pays dont les rapports restent à examiner pour la présente session.



Présentation du rapport de la France

MME VALÉRIE LÉTARD, Secrétaire d'État à la solidarité, a souligné qu'en accord avec les priorités de la communauté internationale, la France montre aujourd'hui clairement, dans sa politique étrangère, son engagement en faveur de la prise en compte explicite des droits des femmes. En témoigne notamment la résolution dont, avec les Pays-Bas, elle a été à l'origine en 2006, qui appelle les États à intensifier la lutte pour l'élimination de toutes les formes de violence à l'égard des femmes. La France attache également une grande importance à la question des droits et du rôle des femmes dans les situations de post-conflit et dans la reconstruction des pays déchirés par la guerre, a ajouté Mme Létard.

La politique française de l'égalité entre les femmes et les hommes repose sur une double approche, a poursuivi la Secrétaire d'État: l'approche spécifique, car les inégalités de fait qui persistent justifient encore des mesures spécialement ciblées en direction des femmes; et l'approche intégrée, car il est nécessaire de prendre en compte l'exigence d'égalité entre les femmes et les hommes dans la conception et la mise en œuvre de l'ensemble des politiques publiques sectorielles, qu'il s'agisse de l'éducation, de l'emploi, de la santé ou encore du sport. Cette approche intégrée de l'égalité a connu une impulsion nouvelle avec la remise au Premier Ministre, en mars 2004, de la Charte de l'égalité entre les hommes et les femmes, a précisé Mme Létard. Le bilan de la mise en œuvre de la Charte, qui a été présenté en mars dernier en Conseil des ministres, a montré que trois ans après son adoption, les trois quarts des 280 engagements pris pour atteindre l'égalité entre les femmes et les hommes étaient soit réalisés, soit en cours de réalisation.

Rappelant que la France maintenait jusqu'à récemment une réserve relative aux dispositions de la Convention qui concernent la protection sociale des femmes rurales, Mme Létard a indiqué que des avancées importantes ont été réalisées pour améliorer l'accès de ces femmes à la protection sociale. Aussi, la Secrétaire d'État a-t-elle indiqué que la procédure de levée officielle de la réserve de la France sur l'alinéa c) du paragraphe 2 de l'article 14 de la Convention a été engagée. En ce qui concerne la transmission aux enfants du nom de famille des parents, a ajouté la Secrétaire d'État, la France n'est pas en mesure de lever cette réserve car le droit français n'est pas totalement conforme aux dispositions de l'alinéa g) du paragraphe premier de l'article 16 de la Convention. En effet, en l'absence de déclaration explicite des parents, si les filiations maternelle et paternelle sont établies simultanément, l'enfant porte automatiquement le nom de son père. Pour autant, a précisé Mme Létard, la France a sensiblement progressé avec l'entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002, qui permet aux parents de transmettre à leurs enfants soit le nom du père, soit le nom de la mère, soit les deux noms, dans l'ordre qu'ils déterminent librement. Les femmes qui le souhaitent ont ainsi désormais la possibilité de transmettre, en accord avec leur conjoint, leur nom de famille à leur enfant.

Conformément aux deux premiers articles de la Convention, a poursuivi Mme Létard, la France s'est dotée d'un arsenal juridique très complet pour protéger les femmes contre les pratiques et les comportements discriminatoires. Ce dispositif sera prochainement complété avec l'adoption d'un projet de loi qui achève la transposition, en droit français, de plusieurs directives européennes, notamment la directive 2004/113 mettant en œuvre le principe de l'égalité de traitement entre les femmes et les hommes dans l'accès à des biens et des services et la fourniture de biens et services. Ce texte précise notamment les définitions de la discrimination, directe et indirecte. Il condamne explicitement les faits de harcèlement moral liés au sexe de la victime et assimile le harcèlement sexuel à la discrimination. Il généralise en outre l'aménagement de la charge de la preuve au bénéfice de la victime de discrimination en raison du sexe. Mme Létard a par ailleurs rappelé que la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE), qui a été créée depuis la dernière audition de la France par le Comité, peut être saisie par toute personne qui s'estime victime de discrimination; elle dispose de pouvoirs importants d'investigation, de médiation et de recommandation.

S'agissant des femmes immigrées ou issues de l'immigration qui se trouvent sur le territoire français, Mme Létard a déclaré que le Gouvernement français déploie une action volontariste selon trois axes: l'accès au droit, la lutte contre les violences faites aux femmes et enfin l'éducation et l'emploi. La loi de 2006 sur la prévention et la répression des violences commises au sein du couple ou contre les mineurs a notamment allongé le délai de prescription pour que la victime puisse intenter une action en justice jusqu'à l'âge de 38 ans, soit 20 ans après sa majorité; celle loi a également prévu la possibilité de réprimer les mutilations sexuelles, y compris lorsqu'elles sont commises à l'étranger sur une victime mineure résidant habituellement en France. Cette même loi s'attache également à prévenir plus efficacement les mariages forcés, notamment en donnant la possibilité aux officiers de l'état civil de déléguer la conduite des auditions des futurs époux à des fonctionnaires spécialisés dans la détection des mariages forcés, a ajouté Mme Létard. Les difficultés d'accès à l'emploi des femmes immigrées ou issues de l'immigration sont supérieures à celles des autres femmes, qui sont elles-mêmes plus touchées que les hommes par le chômage, a par ailleurs fait observer la Secrétaire d'État. Face à cette situation, les pouvoirs publics s'efforcent de former les agents du service public et de l'emploi à la lutte contre la double discrimination à raison du sexe et de l'origine ethnique; ils proposent en outre aux femmes immigrées qui souhaitent créer leur entreprise un accompagnement personnalisé et adapté.

S'agissant de la lutte contre le sexisme et les stéréotypes sexués, le choix des autorités françaises a été d'aggraver les peines encourues pour propos sexistes et de les aligner sur les peines encourues pour propos racistes, a indiqué Mme Létard.

En ce qui concerne la lutte contre la traite et l'exploitation de la prostitution, la Secrétaire d'État a notamment rappelé que la loi de 2003 pour la sécurité intérieure a créé une nouvelle incrimination de traite des êtres humains, passible de 7 années d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende, assortie d'une dizaine de circonstances aggravantes. Quant aux conditions d'admission au séjour, de protection et d'hébergement des femmes étrangères victimes de la traite, elles sont précisées par le décret du 13 septembre 2007 qui prévoit l'attribution d'une carte de séjour temporaire «vie privée et familiale» d'une durée maximale de six mois à celles qui ont rompu tout lien avec les trafiquants présumés. Cette carte de séjour, qui est renouvelable pendant toute la durée de la procédure pénale, permet aux femmes qui en sont titulaires de travailler, de bénéficier d'une protection sociale et d'une allocation temporaire. Après la condamnation définitive des personnes mises en cause, une carte de résident peut leur être délivrée.

La Secrétaire d'État a d'autre part rappelé que conformément aux engagements qu'avait pris M. Nicolas Sarkozy avant son élection à la présidence de la République, l'actuel Gouvernement français comprend le même nombre de ministres hommes et femmes. En revanche, a reconnu Mme Létard, à l'Assemblée nationale, après les dernières élections de juin 2007, seules 107 femmes siègent parmi les 577 élus. En outre, les femmes ne représentent que 6,6% de l'ensemble des maires des communes de plus de 3500 habitants et une seule région est présidée par une femme. Face à cette situation, la loi du 31 janvier 2007 est venue renforcer le dispositif sur la parité en politique en imposant, sous peine de sanctions financières renforcées, la parité dans les exécutifs des conseils municipaux et des conseils régionaux. Le 8 janvier dernier, a par ailleurs souligné Mme Létard, le Président de la République a annoncé qu'il allait confier à Mme Simone Veil une mission de réflexion pour introduire dans la préambule de la Constitution de 1958 des dispositions permettant de garantir, dans les faits, l'égalité entre les hommes et les femmes dans l'ensemble des domaines d'activité de la vie en société.

En France, les filles réussissent mieux à l'école que les garçons, a poursuivi Mme Létard. Elles sont aussi plus diplômées qu'eux. En revanche, les jeunes filles sont encore peu nombreuses à se diriger vers les filières et les écoles les plus valorisées sur le marché du travail. Dans l'enseignement secondaire, les jeunes filles représentent 81% des effectifs de la série littéraire. Les choix d'orientation professionnelle des filles et des garçons sont encore le reflet des représentations des rôles sociaux traditionnels assignés à chacun des deux sexes, a affirmé la Secrétaire d'État.

Malgré la croissance de l'activité féminine et la progression du niveau d'éducation des femmes qui a rejoint, voire dépassé, celui des hommes, des inégalités persistent, en France, entre hommes et femmes sur le marché du travail, a poursuivi la Secrétaire d'État. Parce que les femmes accèdent moins que les hommes aux postes les plus élevés dans les secteurs les plus rémunérateurs, et parce qu'elles subissent - plus que les hommes - le temps partiel, l'écart entre les salaires mensuels moyens des femmes et des hommes reste de 25,3%. Face à cette situation, en 2004, un label égalité a été créé afin de valoriser les efforts des entreprises qui se sont résolument engagées pour promouvoir l'égalité professionnelle. En outre, la loi de mars 2006 sur l'égalité salariale entre les femmes et les hommes s'est donné pour objectif de supprimer en 5 ans les écarts de rémunération entre les personnes des deux sexes, en s'appuyant pour ce faire sur la négociation dans les branches professionnelles et les entreprises. Un plan de résorption des écarts salariaux entre les femmes et les hommes devra être mis en place d'ici le 31 décembre 2009 dans toutes les entreprises où des écarts seront constatés, a par ailleurs indiqué Mme Létard.

Quarante ans après l'adoption de la loi de 1967 qui a autorisé la vente, en France, de la pilule contraceptive, la situation française est qualifiée de paradoxale. En effet, a expliqué Mme Létard, malgré une diffusion massive de la contraception, le nombre de grossesses non désirées reste élevé, celles-ci se terminant, dans la majorité des cas, par une interruption volontaire de grossesse (IVG). Cette situation explique le nombre encore élevé d'IVG pratiquées chaque année en France: plus de 200 000 par an, dont 11 500 sur des mineurs. Face à cette situation, une campagne nationale d'information vient d'être lancée.

S'agissant de la lutte contre les violences au sein du couple, Mme Létard a rappelé qu'une étude récente du Ministère de l'intérieur montre qu'en France, en 2006, une femme est morte tous les trois jours sous les coups de son compagnon. La prévention et la lutte contre ces violences inacceptables ont été renforcées, d'une part avec la mesure d'éviction du conjoint violent du domicile conjugal et, d'autre part, avec le renforcement, en 2006, de la répression des actes de violence, l'amélioration de l'accompagnement des victimes et le développement de la prévention. Enfin, un nouveau plan d'action sur trois ans a été lancé en 2007.

Pour ce qui concerne la situation de l'outre-mer, Mme Létard a rappelé que le principe d'égalité entre hommes et femmes, qui a valeur constitutionnelle en droit français, est applicable sur l'ensemble du territoire de la République française. De la même manière, la Convention s'applique de plein droit sur l'ensemble du territoire et possède, en vertu de l'article 55 de la Constitution, une valeur supérieure aux lois nationales. Par ailleurs, la Constitution, dans son article 75, reconnaît «le droit aux citoyens de la République qui n'ont pas le statut civil de droit commun de conserver leur statut personnel tant qu'ils n'y ont pas renoncé». Ces dispositions obligent à maintenir la possibilité d'opter pour un statut local de droit coutumier dans certaines collectivités d'outre-mer, a précisé Mme Létard. Mais elles n'empêchent pas de mettre ce statut local en conformité avec les autres principes garantis par la Constitution, a-t-elle ajouté. Mme Létard a rappelé qu'en Polynésie française, comme en Nouvelle-Calédonie, les politiques relatives aux droits des femmes et à l'égalité des sexes relèvent de la compétence des autorités locales.

Le sixième rapport périodique de la France (CEDAW/C/FRA/6) affirme que depuis la dernière audition de la France par le Comité, en 2003, une impulsion nouvelle a été donnée aux politiques nationales qui visent à promouvoir les droits des femmes et l'égalité des sexes. Ces politiques répondent à certaines préoccupations qu'avait exprimées le Comité en 2003, notamment sur la situation des femmes immigrées ou issues de l'immigration et la lutte contre les violences dont elles sont victimes (les mariages forcés et les mutilations sexuelles en particulier), sur l'harmonisation de l'âge légal du mariage pour les filles et les garçons, sur les écarts de rémunération entre les hommes et les femmes, ou sur l'accès des femmes à la prise de décisions et l'objectif de parité. Le rapport souligne que depuis la remise du précédent rapport, la France a levé sa réserve relative à l'exercice commun de l'autorité parentale [art. 5 b) et 16 1) d)]. Concernant la réserve portant sur l'article 14 2) c) relatif à l'accès des femmes du monde rural à la sécurité sociale, le rapport fait savoir que le Gouvernement français a pris dans la période récente des dispositions pour leur garantir l'accès aux différentes prestations sociales agricoles. Ainsi, la loi d'orientation agricole de 1999 a créé, pour les conjoints ne souhaitant pas devenir coexploitants ou salariés de l'exploitation, un nouveau statut: celui de conjoint collaborateur, qui ouvre des droits plus importants en matière de pension de retraite. Dès lors, il y a lieu de considérer que, s'agissant des agricultrices françaises, la réserve d'appréciation afférente à la disposition susmentionnée n'a plus lieu de s'appliquer.

En matière de non-discrimination, deux textes sont venus renforcer la législation depuis la rédaction du cinquième rapport: la loi de 2004, portant création de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE), qui peut être saisie soit directement par toute personne s'estimant victime de discrimination, soit par l'intermédiaire d'un député, d'un sénateur ou d'un représentant français au Parlement européen; et la loi de 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. L'écart moyen de rémunération entre les femmes et les hommes s'est stabilisé, poursuit le rapport. Les salaires moyens des femmes travaillant à temps plein et à temps partiel étaient, en 1998, d'un quart inférieur à ceux des hommes. En 2003, cet écart, calculé par rapport à la rémunération médiane, était de 21 %. Il inclut l'effet du temps partiel, plus fréquent parmi les femmes. Largement sous employées, les femmes sont aussi surqualifiées dans les emplois qu'elles occupent.

En France, poursuit le rapport, les résultats de l'enquête nationale sur les violences envers les femmes en France métropolitaine menée en 2000 ont fait apparaître notamment que 9,5 % des femmes interrogées avaient subi des actes de violence conjugale (physique,sexuelle, verbale, psychologique) au cours des 12 derniers mois. Selon une enquête, sur les deux années 2003 et 2004, en France métropolitaine, en moyenne, une femme meurt tous les quatre jours des suites de violences au sein du couple. La moitié d'entre elles subissait déjà des violences. Par ailleurs, indique le rapport, une étude publiée en avril 2005 montre que le nombre de familles monoparentales comprenant au moins un enfant de moins de 25 ans a fortement augmenté (entre 1990 et 1999, il est passé de 1 175 000 à 1 495 000). Cette situation est l'une des principales causes de vulnérabilité chez les femmes.

Examen du rapport

Un membre du Comité a regretté que près de 25 ans après l'adoption de la Convention, un pays comme la France ne soit toujours pas en mesure d'accepter sans réserve toutes les dispositions de cet instrument; à ce jour, la France maintient trois réserves à l'égard de la Convention, a déploré l'expert. Il a toutefois salué l'annonce selon laquelle la réserve à l'égard de l'article 14. 2.c) de la Convention allait être levée. Compte tenu du fait que le pays a modifié sa législation concernant le choix du nom de famille de l'enfant, ce même expert a invité la France à retirer sa réserve à l'égard de l'article 16 de la Convention ou, tout au moins, à en réduire la portée.

Un autre expert a souhaité que les observations finales qui seront adoptées par le Comité à l'issue de cette session soient largement diffusées et communiquées au Parlement, lequel devrait en outre être associé à l'élaboration des rapports que la France présente au Comité.

Quels sont en France les principaux obstacles à l'application directe de la Convention par le pouvoir judiciaire, a-t-il également été demandé?

Un autre membre du Comité a souhaité savoir quelle proportion des plaintes déposées par les femmes devant la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE) émane de femmes migrantes. Quelle mesure le Gouvernement français entend-il prendre suite à la décision de la HALDE jugeant discriminatoire, contraire à la Convention européenne des droits de l'homme et dégradante, la pratique de test ADN telle qu'envisagée par le Gouvernement dans sa loi sur l'immigration, a demandé ce même expert?

Certains membres du Comité ont relevé que les femmes ont peu recours à la HALDE pour déposer plainte auprès de cette autorité.

Un expert a rappelé que, dans ses précédentes observations finales concernant la France, le Comité s'était enquis non seulement des mesures juridiques et autres prises pour mettre en œuvre la Convention, mais également de l'impact de telles mesures - afin de déterminer si le principe d'égalité s'applique bien dans la pratique. Or, sur ce dernier point, le rapport est lacunaire, a constaté l'expert. Il a par ailleurs dit ne pas parvenir à avoir une vue d'ensemble de la manière dont la Convention s'applique dans les DOM-TOM.

Un autre membre du Comité a rappelé que dans ses dernières observations finales sur la France, le Comité avait recommandé au pays de renforcer l'application de la Convention dans les territoires d'outre-mer. Or, font toujours défaut des données sur la situation exacte des femmes et leur statut dans ces territoires, a déploré cet expert.

Un membre du Comité s'est inquiété d'informations qui semblent indiquer que les prostituées en France seraient davantage exposées à certains dangers qu'auparavant.

Un expert a affirmé qu'un certain nombre de femmes portant le foulard se sont vu refuser l'octroi de la nationalité française; certaines se sont vu refuser la délivrance de cartes de résidence et de cartes d'identité au motif qu'elles portaient le foulard. Le port d'un foulard ne saurait être un critère de refus de l'octroi de la nationalité, a souligné cet expert.

La délégation a souligné que le port du foulard est autorisé en France, sauf à l'école publique. Il n'y a donc jamais eu de refus d'entrée sur le territoire national au motif du port du foulard, a assuré la délégation. Elle a en outre rappelé que les jeunes filles dont les parents refusent qu'elles retirent leur foulard peuvent être scolarisées dans des écoles confessionnelles ou privées. En outre, seul un très petit nombre de jeunes filles ont à ce jour été exclues d'un établissement scolaire public au motif du port d'un signe religieux ostensible, a indiqué la délégation.

Au moment de sa ratification de la Convention, en 1983, la France a émis un certain nombre de réserves, a rappelé la délégation. Lors de la dernière audition de la France par le Comité, en 2003, deux réserves subsistaient, dont l'une, concernant la protection sociale des femmes rurales, sera levée d'ici le 14 février 2008, a indiqué la délégation. Une réserve persiste donc concernant l'article 16 de la Convention; mais le maintien de cette réserve ne doit pas masquer le progrès accompli par la loi de 2002, qui permet aux parents de transmettre à leurs enfants soit le nom du père, soit le nom de la mère, soit les deux noms, a souligné la délégation.

S'agissant du statut de la Convention, la délégation a fait remarquer que le caractère d'effet direct ou non d'une Convention est défini par le juge. Les autorités juridictionnelles françaises ne se sont pas prononcées à ce jour sur le caractère d'effet direct ou non de la Convention pour la simple raison qu'elles n'ont pas été saisies d'affaires qui leur auraient permis de le faire, a indiqué la délégation. Les magistrats français ne peuvent d'eux-mêmes invoquer telle ou telle convention internationale; ils sont liés par l'argumentation qu'invoque devant eux les justiciables. S'il est donc une profession à sensibiliser pour que la Convention apparaisse plus souvent dans les décisions de justice, c'est bien celle des avocats, a souligné la délégation.

S'agissant de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE), la délégation a précisé qu'il s'agit d'une autorité administrative indépendante qui a notamment pour mission de lutter contre les discriminations prohibées par la loi. La HALDE étudie les plaintes et dispose de pouvoirs d'investigation; elle engage toute action qu'elle juge nécessaire et dispose d'un pouvoir de transaction pénale. Elle peut infliger des amendes, tant aux personnes publiques qu'aux personnes morales. Depuis 2005, elle a saisi 90 fois le parquet. Depuis sa création, 7% des plaintes reçues relative à l'embauche concernaient des femmes. Certes, la HALDE doit se tourner davantage encore vers les femmes. Mais la discrimination est tellement intégrée dans le comportement des femmes, qu'elles ne vont pas systématiquement déposer un recours, a expliqué la délégation. » Dans le quotidien, les femmes n'ont pas ce réflexe et il faut que nous les aidions à l'avoir», a déclaré la délégation par la voix de la Secrétaire d'État à la solidarité, Mme Valérie Létard. Le premier domaine de discrimination est aujourd'hui celui de l'emploi, a-t-elle précisé.

Toute réforme de la HALDE sera applicable de plein droit aux territoires d'outre-mer, a précisé la délégation.

L'outre-mer a certes des particularités culturelles, mais il existe incontestablement une continuité de l'action publique, y compris en matière de politiques d'égalité, entre la métropole et l'outre-mer, a par ailleurs souligné la délégation.

En ce qui concerne les DOM-TOM, la délégation a par ailleurs rappelé que la polygamie a été supprimée à Mayotte. La délégation a en outre indiqué qu'elle prenait note du souci exprimé par les membres du Comité de disposer à l'avenir d'un rapport global sur l'outre-mer.

S'agissant des tests ADN introduits par la loi du 20 novembre 2007, il s'agit d'un dispositif expérimental qui donnera lieu à évaluation fin décembre 2009 pour voir s'il doit être pérennisé, a déclaré la délégation par la voix de Mme Létard. L'intention du Gouvernement, en la matière, est d'expérimenter et non pas d'inscrire définitivement ces tests dans le droit, a-t-elle expliqué. Ces tests ADN sont pratiqués, uniquement à l'initiative du demandeur de permis de séjour, sur la mère et non sur le père. Si le test rend plus difficile l'entrée sur le territoire français, il le fait indifféremment pour les hommes et pour les femmes. En outre, les femmes peuvent toujours refuser de se soumettre à ces tests. La Secrétaire d'État à la solidarité a rappelé que le Conseil constitutionnel avait émis sur cette question un avis opposé à celui de la HALDE et cet avis est aujourd'hui le seul qui s'impose au Gouvernement français.

En ce qui concerne le délit de «dénonciation calomnieuse», la délégation a souligné qu'il y a dénonciation calomnieuse seulement s'il y a mauvaise foi ou intention de nuire.

Répondant à des questions sur les retraites des femmes, la délégation a notamment fait part de la volonté du Président de la République d'augmenter de 25% le minimum vieillesse et de revaloriser les retraites des épouses d'artisans, de commerçants et d'agriculteurs.

En ce qui concerne la prostitution, la délégation a indiqué que les clients de prostituées majeures n'encourent aucune sanction. En 2003, la France a institué un délit de racolage qui est passible de deux mois d'emprisonnement et d'une amende. L'État estime que cette loi n'a pas porté préjudice aux prostituées et qu'elle a au contraire permis de lutter contre les réseaux de proxénètes, a affirmé la délégation. Les chiffres attestent en effet d'un recul de ces réseaux sur le territoire français. La création du délit de racolage a donc été un progrès pour les femmes qui subissent la prostitution sur le territoire français, a insisté la délégation.

Relevant - comme le reconnaît lui-même le rapport présenté par la France - la subsistance de stéréotypes sexuels dans les manuels et programmes scolaires, un membre du Comité s'est enquis des mesures envisagées par le Gouvernement pour traiter de cette question. L'expert a par ailleurs souhaité savoir si la France entendait revenir sur la loi interdisant le port de foulard à l'école. En effet, la délégation affirme que les jeunes filles qui persistent à vouloir porter le foulard peuvent toujours aller dans une école privée, mais le fait est que ces jeunes filles sont généralement issues de familles immigrées qui n'ont pas les moyens de leur payer une scolarité privée.

Un membre du Comité s'est inquiété des effets néfastes des pesticides sur les femmes de Martinique. Le Gouvernement français devrait avoir l'obligation d'apporter une aide à la Martinique pour protéger les femmes rurales exposées à ces pesticides.

S'agissant de cette dernière question, la délégation a fait observer que 90% des enfants directement concernés par ce sujet ont fait le choix de se conformer à la loi, à l'issue de dialogues menés au sein de chaque établissement. Ceux, très peu nombreux, qui ont en revanche choisi de continuer de porter le foulard ou toute autre signe religieux ostensible ont alors dû se tourner vers l'enseignement privé. Or, nombre d'écoles privées sont sous contrat avec l'État, de sorte qu'il est possible d'envoyer son enfant dans une école privée en s'acquittant seulement de frais extrêmement bas, a assuré la délégation. Ce qui est certain, c'est que tous les enfants sont scolarisés en France, a-t-elle tenu à souligner. En 2007, les cas de port de signe religieux ostensible qui ont été recensés concernaient plutôt des Sikhs, a-t-elle précisé.

La délégation a par ailleurs rappelé que la France ne dispose pas de statistiques concernant spécifiquement les jeunes issus de l'immigration, la collecte de ce type de statistiques n'étant pas autorisée.

En ce qui concerne les questions relatives à l'emploi, la délégation a notamment indiqué que le taux de chômage des femmes continue de se situer 1,5 point au-dessus de celui des hommes. Le temps partiel peut être subi ou choisi, a par ailleurs rappelé la délégation. Aussi, une table-ronde est-elle en préparation afin de sensibiliser les entreprises qui comptent de nombreux postes à temps partiel (notamment dans la grande distribution) en cherchant les moyens de faire en sorte qu'il y ait des possibilités nouvelles de poly-activités pour les personnes employées à temps partiels. D'ores et déjà, en vertu de la loi, lorsqu'un poste se libère dans une entreprise, la personne employée à temps partiel est prioritaire pour le pourvoir. D'autre part, le Gouvernement estime que le congé parental en France est trop long et, souvent, insuffisamment rémunéré.

Si 80% des femmes travaillent encore après avoir eu un premier enfant, le taux d'emploi des femmes chute considérablement dès le deuxième enfant; aussi, convient-il de développer encore davantage les modes de garde des enfants, a souligné la délégation.

La situation de l'emploi dans les DOM-TOM n'est évidemment pas la même que celle qui prévaut en métropole, a ajouté la délégation. En outre-mer, les viviers économiques ne sont pas les mêmes qu'en métropole; les activités économiques n'ont pas subi de mutation comme cela a pu être le cas en métropole et restent essentiellement orientées vers les secteurs traditionnels que sont l'agriculture et la pêche, ainsi que le tourisme.

Répondant à des questions sur le harcèlement, la délégation a rappelé que le Code pénal incrimine non seulement les discriminations fondées sur le sexe, mais aussi le harcèlement, qu'il soit sexuel ou moral. Le délit de harcèlement sexuel est passible d'une peine d'un an d'emprisonnement et d'une amende. Les éléments constitutifs du harcèlement que constituaient l'ordre, la contrainte, la menace ou la pression exercés sur la victime ont été éliminés de la loi, tout comme a été éliminée de la loi la nécessité, aux fins de constitution d'un acte de harcèlement, d'un lien de subordination entre la victime et l'auteur présumé des faits, a précisé la délégation.

En ce qui concerne la situation des femmes rurales, et plus particulièrement leur protection sociale, la délégation a notamment souligné que la loi d'orientation agricole de janvier 2006 a abrogé l'autorisation préalable du chef d'exploitation pour le choix d'un statut par les femmes d'agriculteurs. Depuis janvier 2007, l'abaissement du seuil d'accès aux revalorisations des pensions, entre autres, permet d'améliorer les retraites des agricultrices, dont les carrières sont souvent incomplètes, a précisé la délégation. Maintenir les populations en milieu rural signifie nécessairement de s'intéresser aux femmes, a-t-elle souligné.

Depuis 1993, la loi interdit la célébration d'une union polygame en France, a souligné la délégation. Il n'est en revanche pas possible d'agir sur une union polygame célébrée à l'étranger. Néanmoins, un permis de séjour n'est accordé qu'à la première épouse d'un foyer polygame entrée sur le territoire aux fins du regroupement familial. La délégation a précisé que la polygamie est interdite à Mayotte pour les personnes ayant atteint l'âge de 18 ans au 1er janvier 2005, ce qui signifie que la polygamie est maintenue pour les personnes qui vivaient en union polygame avant cette date.

Le seul territoire en France où l'âge minimum du mariage reste fixé à 15 ans est Mayotte, a ajouté la délégation. Partout ailleurs, cet âge est fixé à 18 ans.

La délégation a par ailleurs expliqué que la loi de 2007 sur l'immigration prévoit, dans le cadre du regroupement familial, que le membre de la famille qui doit rejoindre le conjoint ou parent en France doit subir une évaluation de son degré de connaissance de «la langue de la République». Si l'évaluation montre un besoin de mise à niveau, alors cette mise à niveau se fait par le biais d'une formation dispensée dans le pays d'origine. En aucun cas cette disposition ne constitue une barrière pour venir en France, a assuré la délégation.

La délégation a fait savoir que la France engagerait le processus de consultation en vue de la levée de la réserve que le pays maintient au sujet de l'article 16 de la Convention si le Comité confirme, dans ses observations finales, que la nouvelle législation relative aux noms de famille est conforme à la Convention.

Observations préliminaires

En fin de journée, la Présidente du Comité, Mme Dubravka Šimonoviæ, a rappelé qu'au cours de cette journée, le Comité a pu constater de nombreux progrès du point de vue de la mise en œuvre de la Convention en France. Toutefois, il a également été constaté que beaucoup reste à faire pour donner pleinement effet à la Convention dans ce pays. Le Comité espère qu'à l'avenir, il pourra constater une levée de toutes les réserves que le pays a émises à l'égard de la Convention, a indiqué la Présidente. Elle a rappelé que le Comité souhaite que lors de son prochain passage devant cet organe, la France fasse rapport sur les progrès réalisés en matière de mise en œuvre de la Convention dans les DOM-TOM.

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CEDAW08007F