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LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME EXAMINE UN RAPPORT SUR LA DIFFAMATION DES RELIGIONS

Compte rendu de séance
Il achève son débat sur les activités du Haut Commissariat aux droits de l'homme

Le Conseil des droits de l'homme a achevé, ce matin, sa discussion sur les activités du Haut Commissariat aux droits de l'homme suite à la présentation faite à ce sujet hier après-midi par la Haut-Commissaire, Mme Louise Arbour. Il a par ailleurs entamé l'examen du rapport du Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l'intolérance qui y est associée, M. Doudou Diène, portant sur les manifestations de la diffamation des religions et en particulier sur les incidences graves de l'islamophobie sur la jouissance de tous les droits.

Présentant son rapport, M. Diène a notamment souligné que l'islamophobie constitue, dans le contexte actuel, la forme la plus grave de diffamation des religions. Idéologie dominante pour un nombre croissant de responsables politiques et de personnalités influentes du monde intellectuel et médiatique, elle réunit les ingrédients objectifs d'un conflit de civilisations et de religions: l'association essentialiste de l'islam à la violence et au terrorisme, la volonté d'imposer l'invisibilité à ses expressions extérieures et le silence à ses pratiquants, notamment par l'interdiction de la construction de mosquées et la suspicion de son enseignement religieux.

Les représentants des pays suivants sont intervenus suite à la présentation de ce rapport: Suisse, Chili, Égypte (au nom du Groupe africain), Pakistan (au nom de l'Organisation de la Conférence islamique), Cuba, Portugal (au nom de l'Union européenne) et Chine.

Poursuivant en début de séance sa discussion commencée hier sur les activités du Haut Commissariat aux droits de l'homme, le Conseil a entendu certaines délégations souligner que la nécessité de faire démarrer au plus vite le processus d'examen périodique universel ne devrait pas dispenser d'accorder le temps nécessaire aux États pour préparer, de manière participative, leurs rapports nationaux. Une majorité de délégations s'est clairement prononcée en faveur de la tenue de la première session de cet examen après la session principale du Conseil, en mars-avril 2008, a-t-il été souligné. S'agissant également de cet examen, plusieurs intervenants ont en outre souligné qu'il y a lieu de procéder à la mise en place des deux fonds volontaires créés par la résolution du Conseil du 18 juin dernier pour aider certains pays à se préparer à ce processus d'examen.

Les représentants des pays suivants ont fait des déclarations dans ce cadre: Thaïlande, République démocratique du Congo, Myanmar, Algérie, Maroc, Belgique, Argentine, République démocratique du Congo, Éthiopie, Soudan, Nouvelle-Zélande, Burundi, Turquie. La représentante de l'Union africaine a également pris la parole, ainsi que les représentants des organisations non gouvernementales ci-après: Asian Forum for Human Rights and Development (au nom de Pax Romana, Mouvement international contre toutes les formes de discrimination et Asian Legal Resource Centre); Amnesty International; Mouvement international ATD - Quart monde; Commission colombienne de juristes; Association pour l'éducation d'un point de vue mondial (au nom de l'Union mondiale pour le judaïsme libéral, Association of World Citizens et l'Union internationale humaniste et laïque); Commission internationale de juristes; Human Rights Watch; et International Educational Development.

L'Iran, la Chine, Sri Lanka, le Zimbabwe et la Colombie ont exercé leur droit de réponse.

Au cours de la séance, le Président du Conseil, M. Doru Romulus Costea, a annoncé qu'hier, jeudi 13 septembre, l'Assemblée générale des Nations Unies a adopté à New York la Déclaration sur les droits des peuples autochtones, par un vote de 143 voix pour, 4 contre et 11 abstentions. «C'est une bonne nouvelle et nous félicitons spécialement tous ceux qui ont lutté pour cette Déclaration», a déclaré M. Costea. La Haut-Commissaire aux droits de l'homme a également salué cet événement.


Cet après-midi, à 15 heures, le Conseil doit achever l'examen du rapport de M. Diène sur les manifestations de la diffamation des religions et en particulier sur les incidences graves de l'islamophobie sur la jouissance de tous les droits. Il doit ensuite entamer un exercice d'examen, de rationalisation et d'amélioration des mandats en se penchant sur les mandats du Rapporteur spécial sur la liberté de religion ou de conviction et du Groupe de travail sur la détention arbitraire.


Suite du dialogue avec la Haut-Commissaire aux droits de l'homme

M. SIHASAK PHUANGKET KEOW (Thaïlande) a souligné l'importance que son pays accorde à la nécessité d'établir une relation forte entre le Conseil des droits de l'homme et le Haut Commissariat. La Thaïlande attend le soutien du Haut Commissariat pour l'examen périodique universel. Il est essentiel que les pays qui feront l'objet en premier d'un examen doivent disposer de suffisamment de temps pour se préparer. La Thaïlande a toujours été un fervent partisan de la création d'institutions régionales des droits de l'homme, a ajouté le représentant thaïlandais. S'agissant de la situation à Sri Lanka, la Thaïlande est heureuse d'apprendre les mesures positives adoptées par Sri Lanka et espère que cela se poursuivra.

M. CHOE MYONG NAM (République populaire démocratique de Corée) s'est inquiété de la tendance à la politisation qui se manifeste de plus en plus fortement au Conseil, surtout au chapitre des mandats par pays. Il faut déplorer que les décisions de maintenir ces mandats soient en fait prises d'avance, sans respect des procédures établies. À ce jeu, la République populaire démocratique de Corée se trouve souvent perdante, a observé son représentant, estimant qu'il lui est désormais impossible de rester passive devant ces anomalies. Concernant l'examen périodique universel, le représentant a observé qu'il devra être un forum de coopération, et non de stigmatisation. Le risque est ici que certains États ne tentent d'imposer leurs valeurs. Dans tous les cas, la République populaire démocratique de Corée s'opposera, comme par le passé, à toute tentative de politisation des travaux, a déclaré que le représentant.

M. IDRISS JAZAÏRY (Algérie) a souligné, s'agissant de l'examen périodique universel, qu'il y a lieu de procéder à la mise en place des deux fonds volontaires institués par la résolution du 18 juin 2007. Le recours à des fonds alternatifs ou ad hoc ne saurait constituer la voie appropriée. Par ailleurs, l'Algérie a noté l'accent mis par la Haut-Commissaire sur le démarrage de l'examen périodique universel à la date la plus rapprochée possible; ceci ne devrait pas nous dispenser d'accorder le temps nécessaire aux États pour préparer, de manière participative, leurs rapports nationaux, a fait observer le représentant. C'est pourquoi une majorité de délégations s'est clairement prononcée en faveur de la tenue de la première session de cet examen après la session principale du Conseil et non en février 2008. D'autre part, a poursuivi le représentant, l'Algérie est pour un renforcement des procédures spéciales s'inscrivant impérativement dans le cadre du processus de rationalisation, de révision et d'amélioration des mandats. Quant à l'appel adressé aux États pour l'institution d'invitations permanentes en faveur des détenteurs de mandats, il convient de rappeler que cette question est diversement appréciée, y compris par ceux qui se sont prononcés en sa faveur.

M. U NYUNT SWE (Myanmar) a fait part au Conseil des évolutions politiques récentes au Myanmar. En 2003, le Gouvernement a mis en place un plan en sept étapes pour la transition vers la démocratie. Les quinze chapitres de la Constitution ont été adoptés. Le projet de Constitution sera présenté au peuple et des élections libres et justes se tiendront. Le processus de transformation du pays en un État démocratique avance. Malheureusement, certains veulent jeter le trouble et ternir l'image du Gouvernement, a déploré le représentant. Récemment, le Gouvernement a accru le prix du pétrole et du gaz naturel. Des manifestations ont été lancées suite à cette décision. Le Gouvernement essaye d'atteindre ses buts: mettre en place une nation moderne et développée. Le Gouvernement a pris en compte les intérêts de la population et coopère avec les organes des droits de l'homme. Le Myanmar poursuivra son plan pour engager un processus démocratique.

M. MOHAMMED LOULICHKI (Maroc) s'est dit satisfait de l'engagement du Haut-Commissaire à accorder toute l'assistance possible aux délégations qui le souhaitent pour participer pleinement aux séances du Conseil. Il a indiqué que l'examen périodique universel traduit dans sa finalité un partenariat, et est un «joyau» que le Conseil doit protéger et valoriser. Tous les membres du Conseil sont interpellés pour contribuer au succès du nouvel instrument. Ceci ne pourra être fait qu'en étant fidèles aux principes qui le sous-tendent et en étant pragmatiques et coopératifs dans la mise en œuvre. La délégation marocaine demande que la révision des mandats dans un esprit ouvert et constructif pour renforcer leur efficacité dans l'intérêt de la protection et de la promotion universelle des droits de l'homme. Par ailleurs, le représentant a rappelé que les États membres du Mouvement des non alignés ont souligné l'importance pour les Nations Unies de se doter d'un instrument interactif sur l'Éducation et la formation en matière de droits de l'homme. Comme l'a indiqué le représentant de la Suisse antérieurement, le Maroc et la Suisse ont pris une initiative dans ce domaine qui sera soumise au Conseil pour l'adoption, pendant la présente session, d'une décision demandant au futur Comité consultatif de préparer un projet de Déclaration sur l'éducation comportant une plateforme d'action concrète.

M. ALEX VAN MEEUWEN (Belgique) a relevé que les activités croissantes du Haut Commissariat aux droits de l'homme sur le terrain portent leurs fruits. Certaines situations décrites par la Haut-Commissaire sont encourageantes, a-t-il souligné; tel est notamment le cas en Colombie, où la Belgique se félicite du prolongement du mandat du bureau du Haut Commissariat à Bogotá. En revanche, en République démocratique du Congo – et malgré certains progrès -, la persistance des violations des droits de l'homme et la situation dans l'est du pays sont particulièrement préoccupantes. Au Burundi, on peut constater une évolution positive, a poursuivi le représentant belge; toutefois, des problèmes liés aux droits de l'homme demeurent et méritent notre attention, a-t-il déclaré. La Belgique invite donc la Haut-Commissaire à continuer son action dans la région africaine des Grands Lacs. La situation des droits de l'homme en Iraq soulève également de nombreuses préoccupations, a ajouté le représentant belge. Durant cette session, a-t-il en outre fait savoir, la Belgique a l'intention de déposer une résolution ayant pour but de renforcer le dialogue avec les différents mécanismes régionaux et d'exposer les évolutions positives dans toutes les régions. Des consultations sur ce texte seront organisées dès que possible, a indiqué le représentant de la Belgique.

M. SEBASTIAN ROSALES (Argentine) a souligné l'importance de faire en sorte que soient pleinement respectés les accords conclus au Conseil des droits de l'homme pour mettre en place un mécanisme efficace d'examen périodique universel. Il demeure important d'avoir des sources très diverses pour cet examen. L'Argentine se félicite de la volonté du Haut Commissariat de continuer de prêter assistance aux États. Par ailleurs, l'Argentine est d'avis qu'il est nécessaire de préserver l'indépendance des titulaires de mandat.

M. SÉBASTIEN MUTOMB MUJING (République démocratique du Congo) a remercié la Haut-Commissaire aux droits de l'homme d'avoir visité son pays afin de s'y rendre compte par elle-même des réalités sur le terrain et d'amener son institution à activer la coopération technique. Elle a été reçue par les autorités politiques en commençant par le chef de l'État et a pu visiter des prisons notamment. Elle a été assurée par le Gouvernement de sa détermination de rencontrer ses préoccupations en vue de l'avènement de l'état de droit et le respect des droits de l'homme. La République démocratique du Congo a fait de la lutte contre l'impunité son cheval de bataille, comme en témoigne la ratification du statut de Rome de la Cour pénale internationale (Cour pénale internationale), puis par la saisine de ladite Cour par le Gouvernement en 2004, ce qui a abouti aujourd'hui au procès en cours à La Haye d'un ancien chef rebelle. En outre, toujours pour lutter contre l'impunité, le Gouvernement a fait des actes de violence sexuelle des infractions autonomes et lancé une initiative conjointe de lutte contre les violences sexuelles. Un appui technique s'avère nécessaire pour le renforcement de ces instruments et structures, a fait valoir le représentant. Ce dernier a déclaré par ailleurs qu'il n'avait pas été trouvé, dans les procès récents, des cas corroborant les allégations faisant état d'interférences de la part des autorités politiques et militaires dans l'administration de la justice. Enfin, le représentant a appelé la communauté internationale à tout mettre en œuvre pour mieux garantir le respect des droits de l'homme dans la région des Grands Lacs.

M. ALLEHONE MULUGETA ABEBE (Éthiopie) s'est félicité que le Haut Commissariat aux droits de l'homme soit disposé à soutenir l'examen périodique universel et notamment à appuyer la participation des pays les moins développés à ce processus. La disponibilité de ressources financières par le biais de l'établissement des fonds volontaires prévus par la résolution du 18 juin dernier constitue une exigence essentielle pour la participation effective de ces pays, a-t-il souligné, rappelant qu'il incombe au Conseil d'établir avant toute chose ces fonds. Il a en outre indiqué que son pays appréciait la décision prise par le Haut Commissariat en adoptant un projet de droits de l'homme commun élaboré par le Ministère fédéral des affaires étrangères de l'Éthiopie et par la Commission nationale des droits de l'homme.

M. KHADIJA RACHIDA MASRI (Union africaine) a tenu à souligner qu'un calibrage minutieux du processus de l'examen périodique universel contribuerait à sa réussite et à son efficacité durant la phase de mise en œuvre. Ce processus devrait commencer après la session du Conseil du mois de mars prochain. Il convient également de rappeler que les États africains ont mis en place leur propre mécanisme de révision appelé Mécanisme africain d'évaluation par les pairs. Même s'il s'agit d'un mécanisme volontaire, il n'en demeure pas moins qu'il respecte les meilleures pratiques de rendre des comptes au niveau de la gouvernance. Les États africains soumettent également sur une base régulière des rapports périodiques bi-annuels sur la législation et d'autres mesures prises dans le domaine des droits et des libertés reconnus par la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples. L'Union africaine estime que l'examen périodique universel doit prévoir la flexibilité dans la mise en œuvre afin de permettre aux États de s'acquitter de leur responsabilité d'une manière efficace, opportune et non restrictive. Pour assurer une mise en œuvre efficace de l'examen périodique universel, le Conseil devrait accélérer la mise en place du Fonds d'affectation volontaire pour les États membres qui ont besoin d'une assistance pour respecter leurs engagements. S'agissant de la Conférence de Durban, l'Union africaine estime que la prochaine réunion du Comité préparatoire doit aboutir à un accord sur les questions de fond relatives à cette Conférence de révision. En ce qui concerne la situation dans la région des Grands lacs, l'Union africaine est contre l'impunité. Toutefois il est important de noter que le processus de réconciliation est souvent compliqué et que la méthode traditionnelle pour régler les différends nécessite du temps pour faire ses preuves. S'agissant de la République démocratique du Congo, l'Union africaine encourage son gouvernement dans sa disponibilité à coopérer avec la Haut-Commissaire.

M. ABDEL HAMEED ABDEEN MOHAMED (Soudan) a salué les progrès réalisés dans les efforts menés contre la sélectivité et la politisation des questions soumises au Conseil. Le représentant a aussi déclaré que les pays à faible revenu pourraient rencontrer des difficultés à faire face à leurs obligations en matière d'examen périodique universel. Il a aussi préconisé qu'il soit mis un terme aux mandats par pays. Il a enfin appelé à un renouvellement des efforts en matière de coopération.

MME AMY LAURENSON (Nouvelle-Zélande) a souligné que, maintenant que le Conseil dispose d'un cadre global pour ses institutions, la Nouvelle-Zélande attend la mise en œuvre effective de ce cadre. La Nouvelle-Zélande est en outre d'avis que l'examen périodique universel peut influencer positivement et améliorer le respect des droits de l'homme et la mise en œuvre de ces droits sur le terrain. Aussi, la Nouvelle-Zélande espère-t-elle que le cadre coopératif et constructif de l'examen périodique universel permettra d'engager un dialogue inclusif aboutissant à des résultats significatifs, avec un traitement égal de tous les États.

M. NESTOR NKUNDWANBAKE (Burundi) a remercié la Haut-Commissaire aux droits de l'homme pour ses visites dans la région des Grands lacs. La Haut-Commissaire a ainsi pu se rendre compte des avancées enregistrées dans le cadre du processus de paix. Le Burundi appelle la communauté internationale à continuer à accompagner le Burundi dans ses efforts de reconstruction nationale et de relance économique.

M. AHMET UZUMCU (Turquie) a estimé que le processus institutionnel doit être mené à bien avec le plus d'efficacité possible, notamment pour ce qui concerne l'examen périodique universel. Ce nouveau mécanisme devra absolument bénéficier du soutien du Haut Commissariat. La Turquie estime en outre que, compte tenu des problèmes de préparation à cet exercice rencontrés par certains États, il pourrait être judicieux de commencer l'examen avec une série de pays volontaires. Concernant les anciens groupes de travail de l'ancienne Sous-commission, il convient de procéder à révision au cas par cas, a déclaré le représentant, qui a aussi estimé que les critères de sélection des candidats au Comité consultatif adoptés en juin dernier constituent des lignes directrices utiles. Enfin la révision des mandats est une étape importante du processus institutionnel du Conseil et il faut espérer à cet égard un résultat permettant d'améliorer et de renforcer les procédures spéciales.

MME DULANI KULASINGHE (Asian Forum for Human Rights and Development, au nom de Pax Romana, Mouvement international contre toutes les formes de discrimination et Asian Legal Resource Centre) a déploré l'insuffisance des mécanismes régionaux et internes de droits de l'homme dans la région asiatique, plaidant pour la mise en place d'un tel mécanisme dans le cadre de l'Association des Nations de l'Asie du Sud-Est (ANASE). Elle a par ailleurs dénoncé la répression des manifestations pacifiques au Myanmar et a demandé que des mesures concrètes soient prises à ce stade face à cette situation. La représentante s'est en outre félicitée de la présence du Haut Commissariat aux droits de l'homme au Népal. Elle a par ailleurs exprimé l'espoir que la visite de la Haut-Commissaire aux droits de l'homme à Sri Lanka permettrait de promouvoir le respect des droits de l'homme dans ce pays. Elle s'est à cet égard inquiétée du sort des travailleurs humanitaires à Lanka, rappelant qu'une soixantaine de travailleurs humanitaires ont été tués ou enlevés depuis 2006 dans ce pays.

MME PATRIZIA SCANELLA (Amnesty International) a salué la signature de l'accord pour la prolongation pendant trois ans du mandat du bureau du Haut Commissariat en Colombie. Ce renouvellement était essentiel étant donné la grave situation des droits de l'homme dans ce pays. La Colombie continue de faire face à une crise humanitaire et des droits de l'homme très grave malgré les améliorations notées dans certains indicateurs. Amnesty International demeure préoccupé par le nombre très élevé de personnes déplacées dans le pays. Les disparitions forcées et les détentions arbitraires se poursuivent. Toutes les parties au conflit continuent de commettre des crimes de guerre et contre l'humanité. Amnesty International reste en outre préoccupé par les violations du droit humanitaire. Le représentant a ajouté que son organisation reçoit de nombreuses informations concernant des informations d'exécutions extra-judiciaires. Les syndicalistes, les défenseurs des droits de l'homme et les travailleurs sociaux sont trop souvent victimes de ces violations.

M. XAVIER VERZAT (Mouvement international ATD - Quart monde) a rappelé que les plus pauvres ont droit à notre soutien et à notre appui, et qu'ils veulent être reconnus comme des partenaires dans la lutte contre la pauvreté. Ce point est au cœur du projet de «principes directeurs sur l'extrême pauvreté et les droits de l'homme». Avec la consultation en cours, le Conseil examine pour la première fois un projet de texte international contre la misère. ATD-Quart Monde appelle l'ensemble des partenaires du Conseil des droits de l'homme à examiner attentivement ce projet de principes directeurs et à transmettre leurs commentaires. L'organisation prie également l'ensemble des partenaires du Conseil de s'associer aux rassemblements qui auront lieu le 17 octobre, journée internationale pour l'élimination de la pauvreté, à Genève, New York et ailleurs, afin que le courage et l'espoir des plus pauvres nous entraînent tous plus loin sur un chemin de dignité et de paix.

M. GUSTAVO GALLON (Commission colombienne de juristes) a remercié la Haut-Commissaire aux droits de l'homme pour avoir prorogé de trois ans le mandat de son bureau à Bogota ainsi que pour avoir exprimé son soutien aux victimes et aux défenseurs des droits de l'homme durant la visite qu'elle a effectuée en Colombie les 8 et 9 septembre dernier. Le représentant a par ailleurs insisté sur la nécessité de démanteler le paramilitarisme, qui continue d'assassiner de manière sélective plus de 800 personnes, en moyenne, chaque année. Il est en outre nécessaire de renforcer l'état de droit en Colombie, notamment dans le contexte des enquêtes judiciaires portant sur les importants ministres et parlementaires proches du Gouvernement qui ont eu des relations étroites avec les groupes paramilitaires. Il convient en outre de garantir le droit des victimes à la vérité, à la justice et à réparation. Il convient d'instaurer en Colombie un cadre pour une paix négociée.

M. DAVID G. LITTMAN (Association pour l'éducation d'un point de vue mondial, au nom de l'Union mondiale pour le judaïsme libéral, Association of World Citizens et l'Union internationale humaniste et laïque) a demandé, s'agissant de l'Iran, comment on pouvait rechercher le meilleur consensus sur les questions relatives aux droits des femmes alors qu'une loi religieuse dans ce pays permet le mariage de fillettes âgées de 9 ans? En ce qui concerne la lutte contre la profanation des religions, le représentant a rappelé la nécessité de condamner tous les appels à tuer au nom de Dieu.

M. LUCAS MACHONE (Commission internationale de juristes) a souligné que la situation s'est notablement détériorée au Myanmar, où des manifestations pacifiques et des opposants ont été réprimées. En Colombie, a-t-il poursuivi, il faut aborder la question de l'impunité des groupes paramilitaires et les limitations auxquelles se heurtent les victimes quant à leur droit à la vérité, à la justice et à réparation. À Sri Lanka, la situation s'est détériorée depuis 2006 du fait des violations des droits de l'homme et du droit international humanitaire perpétrées par toutes les parties; aussi, le Conseil devrait-il exhorter le Gouvernement sri-lankais à accepter l'établissement d'une présence du Haut Commissariat aux droits de l'homme sur le terrain, afin de contribuer à prévenir toute violation supplémentaire des droits de l'homme. Au Zimbabwe, l'escalade récente des attaques physiques à l'encontre des membres des professions juridiques ainsi que l'intimidation continue exercée à l'encontre des tribunaux sont préoccupantes. Enfin, les conséquences des mesures antiterroristes restent un sujet de grave préoccupation dans un certain nombre de pays, notamment en Israël, aux États-Unis, en Fédération de Russie et au Pakistan.

MME JULIE DE RIVERO (Human Rights Watch) a dit partager les préoccupations exprimées s'agissant de la situation en Birmanie. Ce pays compte plus de 1100 prisonniers politiques. Le Conseil devrait prendre des mesures décisives pour mettre fin à cette situation. S'agissant de la situation en Somalie, de graves violations du droit international humanitaire par toutes les parties au conflit sont relevées. Un panel indépendant d'experts devrait être mis en place pour condamner les graves violations des droits de l'homme perpétrées par les diverses parties. En ce qui concerne la situation à Sri Lanka, Human Rights Watch demande au Conseil, en collaboration avec le Gouvernement, d'aider à mettre en place un plan pour que la mission de surveillance des Nations Unies des droits de l'homme soit envoyée sur place dès que possible.

MME KAREN PARKER (International Educational Development) s'est félicitée de la visite prochaine de la Haut-Commissaire à Sri Lanka, où de nombreuses questions restent en suspens, en particulier le blocage de l'aide humanitaire par l'armée et le détournement de fonds de secours destinés aux victimes tamoules du raz-de-marée de 2004. En Afghanistan, la Haut-Commissaire devra se pencher sur la situation médicale de nombreuses victimes de guerre, et en particulier sur le nombre anormalement élevé d'enfants nés avec des malformations, un problème relevant du droit à la santé.

MME LOUISE ARBOUR, Haut-Commissaire aux droits de l'homme, a indiqué attendre avec intérêt les occasions qui s'offriront de discuter de toutes les questions qui intéressent les membres du Conseil, individuellement ou collectivement. Rappelant l'importance qu'elle accorde à l'examen périodique universel, elle a par ailleurs exprimé l'espoir que toutes les ressources nécessaires seront disponibles pour cet examen.

Mme Arbour a par ailleurs tenu à exprimer sa satisfaction suite à l'adoption, par l'Assemblée générale des Nations Unies, de la Déclaration sur les droits des peuples autochtones. Nous avons toutes les raisons de nous féliciter de cette avancée, a-t-elle déclaré.


Droit de réponse

M. A. ESHRAGH JAHROMI (Iran) a tenu à répondre aux déclarations faites par le Canada et une organisation non gouvernementale. L'Iran rejette l'ensemble de la déclaration faite par le représentant du Canada. Des allégations aussi peu fondées montrent que les anciennes habitudes de politiser le débat se poursuivent. Malheureusement, alors que l'on pointe du doigt l'Iran, on peut rappeler aux membres du Conseil la politique de deux poids deux mesures concernant les violations massives des droits de l'homme dans les territoires palestiniens commises par Israël. Au Canada il y a de nombreuses violations politiques des droits de l'homme; des personnes autochtones sont traitées comme des personnes de deuxième classe, leur situation s'aggrave; des cas de discrimination raciale, de violences policières, de violences à l'encontre des femmes sont relevés. L'Iran demande au Canada de s'acquitter de ses obligations en matière des droits de l'homme et de respecter ses engagements internationaux. S'agissant de la déclaration d'une organisation non gouvernementale, tous les Iraniens exercent leur plein droit constitutionnel, y compris les Bahá'ís, a assuré le représentant iranien.

M. ZHAO XING (Chine), répondant à une intervention faite hier par la Société pour les peuples en danger, a déclaré que les mesures relatives à la question de la réincarnation du bouddha prises par le Gouvernement chinois l'ont été à la demande des milieux bouddhistes tibétains eux-mêmes, et ce dans le plein respect aussi bien du dogme que des réalités historiques. Ces mesures garantissent le bon exercice du culte et assurent la paix sociale et culturelle. Quant à la «disparition» dénoncée par l'organisation, elle ne recouvre en réalité que les mesures de protection prises en faveur d'un petit garçon qui n'est la réincarnation de personne, et avec le plein accord de ses parents, a expliqué représentant.

MME SHIRANI GOONETILLEKA (Sri Lanka) a répondu aux déclarations faites par plusieurs intervenants devant le Conseil - notamment ceux de Pax Romana, de Asian Legal Resource Centre, de Asian Forum for Human Rights and Development et du Mouvement international contre toutes les formes de discrimination – concernant les attaques alléguées contre des dirigeants religieux et des lieux de culte à Sri Lanka. Elle a rappelé que la Rapporteuse spéciale sur la liberté de religion ou de conviction s'était rendue à Sri Lanka en mai 2005 et que cette visite s'était avérée très constructive, contribuant énormément au dialogue interreligieux dans le pays. Aussi, la délégation sri-lankaise souhaite-t-elle exprimer ses graves préoccupations face aux déclarations d'un petit groupe d'organisations non gouvernementales qui – si elles ont courageusement exposé certaines des atrocités commises par le LTTE, ce qu'elles ne faisaient pas par le passé – se sont désespérément efforcées de dépeindre Sri Lanka comme un pays où il n'y aurait pas de liberté de religion et où les dirigeants religieux et les lieux de culte seraient soumis à des attaques constantes. Quant au cas particulier du père Nihal Jim Brown, il convient de souligner que le Gouvernement a décidé d'inclure ce cas dans le nombre de violations de droits de l'homme alléguées soumises à la Commission spéciale d'enquête, qui est surveillée par le Groupe international indépendant d'éminentes personnalités.

M. FRANCIS T. MUNHUNDIRIPO (Zimbabwe) a tenu à réagir à la déclaration faite hier par le Portugal au nom de l'Union européenne. Le Conseil est censé s'écarter des pratiques de politisation. Le Zimbabwe est déçu que la déclaration de l'Union européenne soit truffée d'imprécisions. Il est curieux que l'Union européenne se dise préoccupée par les souffrances du peuple zimbabwéen alors que sa situation actuelle résulte des sanctions économiques imposées au pays par le Royaume-Uni pour encourager un changement de régime, a relevé le représentant. Le Zimbabwe rappelle qu'il se réserve le droit de promulguer des lois pour protéger la sécurité de ses habitants et sa souveraineté et de punir ceux qui violent ces droits.

MME CLEMENCIA FORERO UCROS (Colombie) a dit ne pas comprendre comment l'organisation Amnesty International a pu parler d'une «soi-disant» démobilisation des paramilitaires, compte tenu du fait que cette démarche a permis une réduction considérable de la violence dans les zones concernées. En outre le Gouvernement n'a jamais hésité à juger les militaires impliqués dans des crimes contre les syndicalistes. La protection des victimes constitue un défi considérable pour la Commission nationale de réconciliation. Les cas qui ont été ici dénoncés font l'objet d'enquêtes sérieuses, a assuré la représentante, et le Gouvernement a pris l'engagement de châtier les responsables de crimes.


Examen du rapport sur la diffamation des religions et en particulier sur les incidences graves de l'islamophobie sur la jouissance de tous les droits

Présentation du rapport

M. DOUDOU DIÈNE, Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l'intolérance qui y est associée, a rappelé que le Conseil des droits de l'homme l'a invité à faire rapport sur toutes les manifestations de la diffamation des religions et en particulier sur les incidences graves de l'islamophobie sur la jouissance de tous les droits. Il a indiqué que le rapport traite également d'autres manifestations de discrimination religieuses, notamment l'antisémitisme, la christianophobie et d'autres appels à la haine qui visent les pratiques religieuses. Cette approche holistique est basée sur la conviction du Rapporteur spécial que l'égalité de traitement de toutes les formes de discrimination constitue une condition nécessaire pour combattre efficacement la diffamation des religions. Dans son rapport, M. Diène explique avoir analysé la tendance croissante de la diffamation des religions dans le contexte actuel caractérisé par la banalisation du racisme et de la xénophobie et leur légitimation intellectuelle. M. Diène a relevé que la coïncidence du discours diffamatoire avec des politiques ou des pratiques d'exclusion politiques et socio-économiques des minorités religieuses est en train de constituer un mécanisme favorable à l'incitation à la haine raciale et religieuse.

Selon M. Diène, l'islamophobie constitue la forme la plus grave de diffamation des religions. Idéologie dominante pour un nombre croissant de responsables politiques et de personnalités influentes du monde intellectuel et médiatique, elle réunit les ingrédients objectifs d'un conflit de civilisations et de religions: l'association essentialiste de l'islam à la violence et au terrorisme, la volonté d'imposer l'invisibilité à ses expressions extérieures et le silence à ses pratiquants, notamment par l'interdiction de la construction de mosquées et la suspicion de son enseignement religieux. Deux développements récents illustrent la gravité de l'islamophobie: une manifestation la semaine dernière à Bruxelles de partis et groupes politiques belges et européens contre, cite M. Diène, «l'islamisation de l'Europe» et la montée de restrictions ou d'opposition à la construction de mosquées, notamment à Cologne, ainsi que le projet de référendum de l'Union démocratique du Centre sur l'interdiction de construire de nouveaux minarets en Suisse.

Toujours en Suisse, M. Diène a dit regretter qu'une affiche récente relative à une proposition de renvoi des étrangers criminels qui vient de susciter une polémique sur ses connotations racistes. M. Diène à dit estimer que cette affiche était de nature à susciter la haine raciale et religieuse. La liberté d'expression ne doit pas servir de paravent à l'incitation à la haine raciale et religieuse. S'agissant de l'antisémitisme, M. Diène a relevé qu'il reste profondément prégnant dans ses terres d'élection, notamment dans la nouvelle Europe, mais gagne insidieusement d'autres régions du monde.

Le Rapporteur spécial a noté que la lutte contre la discrimination à l'égard des religions pose un défi fondamental et complexe, à la fois politique et éthique, inhérent à la tension entre d'une part la singularité de chaque phobie et, d'autre part, l'universalité des causes de ces phobies. Le défi politique que doivent relever les sociétés multiculturelles est de concevoir des politiques et des programmes articulés autour de deux principes liés, à savoir la reconnaissance et le respect des spécificités religieuses, culturelles et ethniques de chaque groupe ou communauté, et la promotion de la connaissance réciproque et des interactions de ces communautés.

S'agissant de ses recommandations, elles s'articulent autour des orientations suivantes: la centralité de l'acceptation et de la promotion de la diversité; la nécessité de centrer le dialogue interreligieux autour de l'éthique commune à toutes les religions et non sur les dogmes théologiques; l'introspection critique pour toute religion sur les sources historiques et théologiques de la diffamation dont elle est victime; la promotion d'une action conjointe des religions pour la démocratie, les droits de l'homme et la lutte contre la pauvreté dans leurs sociétés et enfin, l'équilibre et la complémentarité entre la liberté d'expression et la liberté de religion, a conclu M. Diène.

Le rapport sur les manifestations de la diffamation des religions et en particulier sur les incidences graves de l'islamophobie sur la jouissance de tous les droits (A/HRC/6/6), préparé par le Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l'intolérance qui y est associée, rappelle que les stratégies de lutte contre l'antisémitisme, la christianophobie et l'islamophobie doivent promouvoir l'idée qu'il faut traiter ces différentes phobies de la même manière et éviter d'établir des priorités à l'heure de combattre toutes les formes de discrimination.

Le rapport relève que les partis démocratiques traditionnels sont maintenant de plus en plus nombreux à avoir recours au langage de la crainte et de l'exclusion, prenant pour cible les minorités ethniques ou religieuses en général, et les immigrés et les réfugiés en particulier, et les utilisant comme boucs émissaires afin de se maintenir au pouvoir ou d'y accéder. Sur le plan idéologique, le concept manichéen d'un choc des civilisations et des religions est de plus en plus présent dans le mode de pensée et la rhétorique des élites politiques, intellectuelles et médiatiques, en particulier dans un contexte international où la lutte contre le terrorisme est une priorité. Cette démarche se manifeste par un refus de la diversité, un rejet dogmatique du multiculturalisme et une défense de l'identité fondée sur des «valeurs» intangibles, ainsi que par l'amalgame des facteurs raciaux, culturels et religieux. La discrimination à l'égard des communautés religieuses et de leurs membres prospère dans un environnement où les religions et les croyances sont dénigrées ou calomniées par un discours intellectuel ou politique délibéré qui les diabolise. Dans son expression la plus typique, l'islamophobie consiste à considérer les musulmans comme des opposants aux valeurs dites occidentales, voire, souvent, comme des ennemis et une menace pour les valeurs nationales et la cohésion sociale. Il s'ensuit un discours qui cherche bien souvent à convaincre les musulmans établis à l'étranger qu'ils doivent «assimiler» les cultures locales, en leur demandant implicitement ou explicitement de renoncer à leur patrimoine culturel et religieux, voire à leur visibilité. Les aéroports sont un lieu privilégié d'actes individuels de discrimination à l'égard de musulmans, souligne notamment le rapport. De nombreux cas de musulmans accusés sans raison dans divers aéroports du monde ont ainsi été signalés. Certains de ces actes étaient le fait de représentants des institutions de l'État, notamment des services de sécurité, mais d'autres participaient de la démarche individuelle de passagers ou d'autres usagers de l'aéroport, ce qui témoigne d'un climat général d'islamophobie. Par exemple, des pilotes ont demandé au personnel de sécurité de l'aéroport d'intervenir contre des passagers musulmans, des passagers ont demandé l'exclusion de passagers musulmans sous prétexte que ceux-ci ne leur inspiraient pas confiance, etc. La manifestation la plus virulente de cette tendance est celle qui a visé plusieurs employés musulmans de l'aéroport Charles-de-Gaulle de Paris, à qui l'on a retiré leur autorisation de sécurité, en 2006, au motif qu'ils représentaient une menace pour les passagers.

Le Rapporteur spécial appelle notamment les dirigeants politiques et les intellectuels à s'engager davantage pour rejeter et condamner fermement toute manifestation de haine et de xénophobie, en particulier celles qui émanent des plates-formes racistes et xénophobes de partis démocratiques et des alliances de gouvernement qui permettent aux promoteurs de ces plates-formes de mettre leurs programmes en pratique avec la légitimité démocratique nécessaire. Le Rapporteur spécial appelle également les États membres à promouvoir dans leurs politiques nationales le dialogue entre les cultures et les religions, et à éviter toute action, position ou déclaration fondée sur le concept diviseur du choc des civilisations. En outre, face à l'instrumentalisation croissante de la liberté d'expression par des groupes d'extrême droite, le Rapporteur spécial appelle tous les acteurs concernés à s'interroger de nouveau sur la complémentarité entre la liberté d'expression et la liberté de religion et sur l'équilibre à préserver entre ces deux droits.

Enfin, le Rapporteur spécial recommande de promouvoir le dialogue entre les cultures, les civilisations et les religions par des initiatives qui tiennent compte de: la nécessité de traiter de manière égale la lutte contre toutes les formes de diffamation des religions, de façon à éviter toute hiérarchisation des différentes manifestations de discrimination même si leur spécificité et leur intensité peuvent varier avec l'histoire, la géographie et la culture; la profondeur historique et culturelle de toutes les formes de diffamation des religions et, partant, la nécessité de compléter les mesures d'ordre juridique par une démarche intellectuelle et éthique, en tenant compte des processus, mécanismes et représentations qui sont la cause profonde de ces manifestations de discrimination à travers le temps; le lien fondamental entre la singularité spirituelle, historique et culturelle de chaque forme de discrimination des religions et l'universalité de leurs causes sous-jacentes; la nécessité de créer les conditions propices à la rencontre, au dialogue et à la collaboration afin de favoriser l'harmonie sociale, la paix, le respect des droits de l'homme et le développement, et de combattre toutes les formes de racisme, de xénophobie et de discrimination
à l'égard de toutes les religions et traditions spirituelles.

Débat

M. BLAISE GODET (Suisse) a confirmé le lancement d'une initiative populaire contre la construction de minarets en Suisse, et noté que M. Diène a pris acte de la réponse du Conseil fédéral à son interpellation concernant certaines affiches visant le renvoi de Suisse d'étrangers ayant commis des crimes graves. Toutes les sociétés modernes sont confrontées à une accélération de la diversité dans tous les domaines. La dynamique liée à la mondialisation peut conduire à un climat de tension identitaire qu'il est ensuite facile d'exploiter à des fins politiques, a observé M. Godet. La démocratie directe suisse est vivante, participative: elle permet au peuple de proposer des modifications constitutionnelles, ce qui implique une certaine transparence dans le débat politique. De la sorte, des thèmes très controversés sont ouvertement discutés sur la voie publique, et parfois de manière discutable ou regrettable. Cependant, la Suisse a modifié son Code pénal, en 1994, dans le sens de la criminalisation de l'incitation au racisme sur la voie publique, une loi acceptée par le peuple. Il appartient donc aux tribunaux de poursuivre, d'office, les actes condamnables à ce titre. Quant au Gouvernement, il a pris position fermement contre toute forme de racisme. Il a en outre lancé un train de mesures en faveur de l'intégration harmonieuse des étrangers, en collaboration étroite avec la société civile: en effet, la meilleure réponse aux manifestions xénophobes consiste à œuvrer de manière pratique et efficace en faveur de l'intégration des étrangers, a conclu e représentant suisse.

M. JUAN MARTABIT (Chili) a remercié M. Diène pour la présentation de son rapport et a salué la qualité de son travail sur la diffamation des religions et en particulier l'islamophobie. Ce rapport doit être appréhendé de concert avec les rapports précédents du Rapporteur spécial et ne doit pas être considéré comme établissant une hiérarchie dans la diffamation des religions, a rappelé le représentant chilien. Le racisme est un phénomène universel et il en va de même de la diffamation des religions, a-t-il ajouté. On peut trouver dans toute société des individus ou groupes d'individus qui abusent de la liberté d'expression; mais il n'en demeure pas moins que la liberté d'expression ne doit jamais être considérée comme un problème et que les religions doivent accepter la critique, pour autant qu'elle soit empreinte de respect, a par ailleurs déclaré le représentant chilien. Le Chili partage les recommandations du Rapporteur spécial concernant la nécessité de promouvoir le dialogue interculturel, a-t-il notamment indiqué.

M. OMAR SHALABY (Égypte, au nom du Groupe africain) a noté que le rapport de M. Diène reprend le contexte idéologique et politique des tendances croissantes des religions. Il ne faut pas accepter la banalisation du racisme et sa légitimation. Le Groupe africain souscrit aux recommandations du Rapporteur spécial. Le respect des droits de l'homme constitue le pilier le plus fort de la sécurité nationale et de la démocratie. À ce sujet, est-ce que le Rapporteur spécial pourrait-il revoir cette question dans l'un des ses futurs rapports afin d'adopter des recommandations plus précises ? Le Rapporteur spécial encourage le Conseil à adopter des normes complémentaires au sujet de la liberté d'expression et de religion, mais est-ce que les commentaires généraux issus des organes conventionnels correspondent à l'objectif que nous recherchons, comme le commentaire général 15 du Comité des droits de l'homme qui a très peu d'effet. Enfin, concernant l'affiche de la campagne d'un parti politique suisse, le Groupe africain remercie le Rapporteur spécial de son action rapide et positive et réitère son appel pour le retrait rapide de cette affiche. Pour conclure, le groupe africain aimerait connaître l'avis du Rapporteur spécial sur les dessins diffamatoires parus récemment dans un journal suédois qui visaient l'islam.

M. MASOOD KHAN (Pakistan, au nom de l'Organisation de la Conférence islamique) a partagé l'avis du Rapporteur spécial selon lequel la question de la diffamation des religions ne saurait être dissociée d'une réflexion approfondie sur les tendances en matière de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et d'intolérance qui se développent dans le contexte politique et idéologique actuel. L'OCI condamne le terrorisme sous toutes ses formes et manifestations, a par ailleurs souligné le représentant pakistanais. Les médias internationaux continuent d'invoquer les actes d'une petite minorité extrémiste pour dénigrer l'ensemble du monde musulman et l'islam en tant que religion. La communauté internationale doit traiter des causes profondes du terrorisme, notamment des situations graves d'injustice et de répression impliquant des musulmans ainsi que des conditions de pauvreté et du manque d'opportunités – qui nourrissent l'extrémisme et le terrorisme. La conclusion du rapport de M. Diène selon laquelle la diffamation des religions est un phénomène à la hausse est à la fois alarmante et basée sur les faits. L'OCI est particulièrement préoccupée par la tendance croissante à diminuer la signification des actes individuels de discrimination en les considérant comme banals. De tels actes aggravent la haine entre les diverses communautés religieuses et sont contraires à l'esprit du multiculturalisme, a souligné le représentant. L'OCI souhaite suggérer au Conseil et au Haut Commissariat aux droits de l'homme d'engager des consultations afin d'examiner la possibilité de rédiger une convention visant à combattre la diffamation des religions et à promouvoir la tolérance religieuse.

M. YURI ARIEL GALA LOPEZ (Cuba) a remercié le Rapporteur spécial, M. Diène, estimant que le thème de la diffamation des religions est de plus d'actualité dans de nombreux pays, où des comportements sélectivement antireligieux ont conduit à des amalgames. L'augmentation de l'islamophobie est préoccupante depuis 2001, les musulmans étant ciblés individuellement ou collectivement dans les pays développés. L'aspect le plus visible de ce comportement se reflète dans les politiques de sécurité, qui servent de prétexte pour justifier l'islamophobie sous couvert d'un discours pseudo-scientifique. Aux États-Unis, on constate une quantité innombrable de cas de violations des droits de personnes d'origine arabe; en Europe, on doit se préoccuper de la montée de partis politiques d'extrême droite. Dans ce contexte, l'appel lancé aux États membres pour qu'ils mettent en œuvre des politiques d'intégration est pertinent; des efforts doivent aussi être consentis pour la reconnaissance de l'universalité des causes fondamentales du racisme et la nécessité de promouvoir la lutte contre toutes les formes de xénophobie.

M. GONCALVO SILVESTRE (Portugal, au nom de l'Union européenne) a déclaré que l'Union européenne tenait à remercier le Rapporteur spécial pour son rapport. Toutefois, comme cela a déjà été dit au cours de la 4e session du Conseil, l'Union européenne trouve problématique de concilier la notion de diffamation avec le concept de discrimination. Selon l'Union européenne, ces deux concepts sont de nature différente. La discrimination est basée sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion ou l'opinion politique, l'origine sociale ou nationale, le statut de naissance, etc. L'Union européenne ne voit pas le concept de «diffamation des religions» comme valable dans un discours sur les droits de l'homme. Le droit international des droits de l'homme protège principalement les individus dans l'exercice de leur liberté de religion ou de croyance et non pas les religions en tant que telles. Néanmoins, l'Union européenne reconnaît que de nombreux aspects de ce rapport sont pertinents car ils concernent les efforts pour éradiquer la discrimination raciale, le racisme, la xénophobie et l'intolérance. Le Rapporteur spécial a reconnu que des efforts considérables ont été déployés au niveau de l'Union européenne. L'une des recommandations insiste sur le besoin d'éviter de hiérarchiser les formes de discrimination. L'Union européenne rejette fermement la hiérarchisation des victimes de discrimination. Le représentant a souhaité savoir comment le travail futur du Rapporteur spécial peut concilier la tendance d'apporter une attention particulière aux manifestations de discrimination avec la nécessité d'éviter une hiérarchisation entre les victimes? L'Union européenne aimerait également savoir si le Rapporteur spécial a eu l'occasion d'engager un dialogue avec le Comité des droits de l'homme ou d'autres Rapporteurs spéciaux au sujet des interactions entre la liberté d'expression, la liberté de religion et la non-discrimination.

M. ZHAO XING (Chine) a remercié M. Diène pour son rapport sur la diffamation des religions et en particulier l'islamophobie – rapport qui aborde aussi les questions de l'antisémitisme et de la christianophobie. Dans un monde globalisé, la promotion d'une coexistence pacifique entre les individus de toutes couleurs, races et religions constitue un grand défi, a souligné le représentant chinois. La Chine, en ce qui la concerne, entend continuer à soutenir le travail du Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme, a-t-il indiqué. Comment le Rapporteur spécial entend-il articuler les aspects juridiques avec l'aspect éthique et intellectuel de la problématique associée à la diffamation des religions, a demandé le représentant? En outre, quels sont les commentaires et l'évaluation que le Rapporteur spécial fait au sujet de la mise en œuvre de la Déclaration et du Programme d'action de Durban? Quels sont à ce sujet les domaines dans lesquels davantage d'efforts de la communauté internationale s'avèrent nécessaires ?


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