Aller au contenu principal

LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME EXAMINE LA SITUATION DES DROITS DE L'HOMME AU CAMBODGE, EN HAÏTI ET EN SOMALIE

Compte rendu de séance

Le Conseil des droits de l'homme a examiné cet après-midi, au cours de sa troisième séance de la journée, le rapport du Représentant spécial du Secrétaire général pour les droits de l'homme au Cambodge, M. Yash Ghai, et celui de l'expert indépendant chargé par le Secrétaire général d'examiner la situation des droits de l'homme en Haïti, M. Louis Joinet. Il a également entendu une présentation de l'expert indépendant chargé d'examiner la situation des droits de l'homme en Somalie, M. Ghanim Alnajjar.

M. Ghai a rappelé que l'an dernier a marqué le quinzième anniversaire des accords de Paris. Depuis cette date, le Cambodge a connu des progrès en matière d'éducation et de santé. La croissance économique s'est aussi révélée très impressionnante ces dernières années. Malheureusement, il faut déplorer de nombreuses violations des droits de l'homme et des écarts en matière de démocratie. Les tribunaux sont encore utilisés à des fins politiques, l'impunité demeure pour les groupes politiquement influents et de graves restrictions sont imposées à la liberté d'expression et aux droits syndicaux.

Dans le cadre du débat interactif avec le Représentant spécial, le Conseil des droits de l'homme a entendu le Cambodge à titre d'État concerné. Les représentants des pays suivants ont également fait des déclarations : Canada, Allemagne, Philippines, Japon, Indonésie, Malaisie, Australie, Slovaquie et États-Unis.

S'agissant du rapport sur la situation des droits de l'homme en Haïti, M. Joinet a observé que plusieurs événements importants sont survenus dans ce pays grâce au retour à la légalité constitutionnelle, avec un Parlement et un Président élus sans irrégularités majeures. L'une des priorités en Haïti réside actuellement dans la lutte contre la grande criminalité et dans l'amélioration du système de police et de justice. L'expert indépendant a fait part de son espoir que s'instaure une coordination entre tous les agents de l'État pour lutter contre la grande criminalité.

Haïti est intervenu à titre d'État concerné, ainsi que les représentants du Canada, de l'Allemagne au nom de l'Union européenne, du Luxembourg, de l'Algérie, des États-Unis, du Chili et du Brésil.

M. Alnajjar a expliqué qu'en raison de l'insécurité due aux conflits qui ont éclaté récemment en Somalie il n'a pas été en mesure d'effectuer sa mission et s'est donc trouvé dans l'impossibilité de soumettre un rapport à la présente session. Il a donc procédé à une mise à jour orale de son précédent rapport, relevant la situation des droits de l'homme en Somalie a malheureusement encore empiré. Il a notamment attiré l'attention sur des bombardements d'hôpitaux et d'écoles et le déplacement de centaines de milliers de personnes.

L'Allemagne au nom de l'Union européenne, Djibouti, les États-Unis et l'Italie sont intervenus dans le cadre du débat interactif avec l'expert indépendant.

En fin de séance, le Conseil a entendu les interventions de la Commission nationale des droits de l'homme française et d'Asia Pacific Forum of National Institutions, avant d'écouter les représentants des organisations non gouvernementales suivantes: Commission nationale des droits de l'homme de la France; Forum Asie-Pacifique d'institutions nationales; Internationale démocrate de centre; Amnesty International; Human Rights Watch; Fédération internationale des Ligues des droits de l'homme; Fédération syndicale mondiale; Asian Legal Resource Center; Centre Europe – Tiers Monde - CETIM; Consejo Indio de Sud America; International Helsinki Federation for Human Rights, au nom également de International Federation for Human Rights ; et la Comisión Juridica para el Autodesarrollo de los Pueblos Originarios Andinos.


Le représentant d'Haïti a exercé le droit de réponse.


Demain matin, le Conseil des droits de l'homme se réunira à partir de 10 heures pour examiner la question du suivi des décisions qu'il a prises lors de sessions précédentes. Au cours de la journée, qui ne connaîtra pas d'interruption de séance jusqu'à 18 heures, le Conseil doit aussi se pencher sur la question du renforcement institutionnel.

Examen du rapport du Représentant spécial du Secrétaire général pour les droits de l'homme au Cambodge

M. YASH GHAI, Représentant spécial du Secrétaire général pour les droits de l'homme au Cambodge, a rappelé que l'an dernier a marqué le quinzième anniversaire des Accords de Paris, qui ont rétabli la paix dans le pays et jeté les bases de sa reconstruction. Depuis ces Accords, le pays a été soumis à une administration unifiée et a connu des progrès en termes d'éducation et de santé. En outre, la croissance économique s'y est révélée très impressionnante ces dernières années. Le Représentant spécial s'est aussi félicité de la ratification par le Cambodge du Protocole facultatif à la Convention contre la torture, ainsi que de l'adoption d'un nouveau code de procédure pénale.

Cependant, d'autres aspects sont moins positifs, a poursuivi M. Ghai. Ainsi, alors que le rétablissement des valeurs et pratiques démocratiques et l'importance centrale de la protection et de la promotion des droits de l'homme figuraient au programme des Accords de Paris, les progrès enregistrés dans ces domaines sont, malheureusement, notoirement insuffisants. Comme cela est indiqué dans son rapport, M. Ghai a souligné que de nombreuses violations des droits de l'homme et des écarts aux principes démocratiques sont à déplorer au Cambodge, notamment dans le domaine judiciaire. Les tribunaux sont encore utilisés à des fins politiques par le Gouvernement, a insisté le Représentant spécial. L'impunité demeure pour les personnes et les sociétés riches et politiquement influentes. Ceci engendre une corruption généralisée.

Il convient par ailleurs de déplorer les graves restrictions imposées à la liberté d'expression, a poursuivi M. Ghai. Le Gouvernement cambodgien n'hésite pas à incriminer ses opposants du crime de «désinformation» pour les envoyer en prison, a-t-il précisé. Un rapport indépendant publié il y a quelques jours à peine fait état de l'octroi frauduleux de concessions d'exploitation forestière, en violation de nombreuses lois et au profit de personnes proches des plus hautes autorités, a indiqué le Représentant spécial. Par ailleurs, d'autres violations sont à déplorer, s'agissant notamment des droits syndicaux et des droits des peuples autochtones. M. Ghai s'est inquiété de l'échec orchestré de l'État de droit, qui procure un terrain fertile à la corruption et à l'exploitation des couches les plus faibles de la société. Peut-être le prochain jugement des Khmers rouges mettra-t-il en évidence la faiblesse du système judiciaire et accentuera-t-il la pression en faveur de réformes, compte tenu en particulier des allégations très sérieuses remettant en cause le mode de sélection des magistrats des chambres extraordinaires. Mais il est à craindre que le Gouvernement, qui va très bientôt bénéficier des revenus de nouvelles ressources pétrolières et minérales, ne devienne encore plus négligent à l'égard des droits de ses citoyens et du respect de la légalité, a affirmé M. Ghai.

Dans son rapport sur les droits de l'homme au Cambodge (A/HRC/4/36), le Représentant spécial rend compte de la deuxième mission au Cambodge, qu'il a effectuée en mars 2006, et réitère les préoccupations qu'il avait exprimées dans sa déclaration au Conseil des droits de l'homme en septembre 2006. Le Représentant spécial décrit les problèmes d'ordre systémique qu'il a constatés au regard des engagements souscrits en vertu des accords de paix signés à Paris le 23 octobre 1991. Le rapport se conclut par des recommandations visant à aider le Gouvernement et le peuple cambodgiens à garantir le respect et l'exercice des droits de l'homme pour tous. Parmi ces recommandations, figurent celles visant à: adopter à titre prioritaire des mesures destinées à assurer l'indépendance, l'impartialité et l'efficacité du Conseil constitutionnel, du Conseil suprême de la magistrature et du système judiciaire dans son ensemble; permettre l'accès effectif des citoyens à ces institutions afin qu'ils puissent faire valoir leurs droits; achever l'élaboration des lois et des codes qui constituent des éléments essentiels de l'État de droit, promulguer ces textes et les mettre en œuvre conformément à la Constitution et aux instruments internationaux applicables. Le Rapporteur spécial recommande en outre que soit protégé le droit de tous les Cambodgiens à mener des activités de promotion et de protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales en assurant le respect sans réserve de la Déclaration sur le droit et la responsabilité des individus, groupes et organes de la société de promouvoir et protéger les droits de l'homme et les libertés fondamentales universellement reconnus. De même, le Gouvernement devrait abroger les dispositions législatives relatives à la diffamation, à la désinformation et à la provocation et veiller à ce que les forces de l'ordre ne dispersent les manifestations et les rassemblements qu'en cas de nécessité absolue.

Par ailleurs, le Représentant spécial note que les procédures devant les chambres extraordinaires des tribunaux cambodgiens constituées pour juger les dirigeants khmers rouges et les principaux responsables des crimes commis sous le régime du Kampuchea démocratique ont commencé. Ces procès, qui ont pour objet de souligner la valeur des droits de l'homme et d'en promouvoir le respect, de dénoncer les effets néfastes de l'impunité et de renforcer l'état de droit et l'appareil judiciaire, resteront vains si le Gouvernement ne fait rien pour mettre fin aux pratiques décrites dans le présent rapport et les rapports précédents, qui sont contraires à ces objectifs. Le Représentant spécial met également en avant la responsabilité particulière de soutenir le Cambodge dans ses efforts pour renforcer les droits de l'homme et garantir la justice sociale qui incombe à la communauté internationale.


Déclarations

M. CHHEANG VUN (Cambodge) a noté que le rapport de M. Ghai ne s'est attardé que sur les aspects négatifs à motivation politique de la situation des droits de l'homme au Cambodge. Il est grave que M. Ghai prétendent que les violations des droits de l'homme au Cambodge sont intentionnelles et systématiques et qu'elles sont perpétrées par le gouvernement royal du Cambodge dans le seul but de conserver le pouvoir. Les traits dominants de ce qu'affirme le Représentant spécial occultent tous les efforts déployés par les plus hautes institutions d'un pays souverain et indépendant dont le dessein est de promouvoir la démocratie, le respect des droits de l'homme, le respect des lois, la liberté d'expression, la liberté de presse, la liberté de réunion et la mise en œuvre des instruments internationaux de droits de l'homme dans le Royaume.

M. Vun a insisté sur le fait que les accusations inacceptables de M. Ghai ne reflètent pas la réalité de la situation des droits de l'homme au Cambodge. Encore une fois, le Cambodge rejette catégoriquement les propos du Représentant spécial. Le Cambodge demande un rapport qui reflète la réalité de la situation des droits de l'homme dans le pays et qui soit impartial, reconnaissant les progrès réalisés depuis 1993. Le Cambodge demande par ailleurs au Conseil d'inviter le Haut Commissariat aux droits de l'homme à régulariser rapidement la situation de son bureau à Phnom Penh, car ce dernier opère irrégulièrement au Cambodge.

M. PAUL MEYER (Canada) a remercié le Représentant spécial pour son rapport sur les droits de l'homme au Cambodge et a estimé que ce dernier met en exergue les aspects essentiels de la situation des droits de l'homme dans le pays. Il est important de promouvoir un dialogue et de fournir des explications sur les faits qui sont portés à la connaissance du Conseil, a-t-il ajouté. Promouvoir un tel dialogue est notre but à tous ici, a-t-il insisté. Le représentant canadien a par ailleurs exprimé sa préoccupation s'agissant de la situation des droits de l'homme au Cambodge. Il a notamment déploré que, suite à la publication par une organisation non gouvernementale d'un rapport faisant état de violations des droits de certaines catégories de personnes, les auteurs de ce rapport aient été poursuivis par le Gouvernement cambodgien. Le représentant canadien a tenu à réaffirmer l'importance de respecter la liberté d'expression. Il a demandé au Représentant spécial s'il envisage de présenter des recommandations sur la façon dont le Gouvernement pourrait assurer les droits des activistes des droits de l'homme.

MME ANKE KONRAD (Allemagne, au nom de l'Union européenne) a souhaité obtenir des informations plus récentes concernant la dernière visite de M. Ghai au Cambodge. Il a indiqué que l'Allemagne soutenait les efforts menés par le Haut Commissariat aux droits de l'homme sur le terrain et s'est réjoui de l'approche systémique adoptée dans le rapport de M. Ghai. Dans ce rapport, a-t-il notament relevé, il est fait état de l'impunité face aux violations des droits de l'homme. L'Allemagne regrette que des tribunaux aient maintenu la sentence concernant deux hommes considérés comme innocents. L'Allemagne aimerait également que le Représentant spécial évoque le rôle que pourrait jouer la communauté internationale dans ce pays.

MME JUNEVER MAHILUM-WEST (Philippines) a remercié M. Ghai pour la présentation de son rapport et a fait observer que la situation au Cambodge doit être évaluée à l'aune de la situation de transition dans laquelle se trouve ce pays. De grands progrès ont été accomplis par le Cambodge, comme en témoignent les efforts consentis en direction de la réduction de la pauvreté ou du renforcement de l'éducation. La croissance y est favorable. Les Philippines encouragent le Cambodge à poursuivre dans cette voie, qui ouvrira la porte d'un dialogue constructif avec la communauté internationale.

M. SHU NAKAGAWA (Japon) a remercié M. Ghai pour son rapport et s'est félicité de l'élection du Conseil des communes qui s'est déroulée au Cambodge dans une atmosphère pacifique. Le bon déroulement de cette élection a contribué à la démocratisation du Cambodge, a-t-il précisé. Se référant au rapport du Représentant spécial, il a toutefois regretté qu'un système judiciaire adéquat fasse encore défaut au Cambodge. Comment, de l'avis du Représentant spécial, la communauté internationale pourrait-elle contribuer au renforcement des efforts déployés dans le pays, a-t-il demandé?

M. BENNY SIAHAAN (Indonésie) a souligné que tout ce qui pourrait contribuer à éclipser les progrès enregistrés au Cambodge minera ces derniers. La protection des droits de l'homme peut se faire en ayant recours à la coopération, a fait valoir le représentant indonésien.

M. WESTMORELAND PALON (Malaisie) a déploré que le rapport de M. Ghai ne tienne pas compte des efforts consentis par le Gouvernement du Cambodge, dans le domaine du respect des droits de l'homme en particulier. Le Gouvernement cambodgien s'efforce de faire bénéficier le peuple cambodgien de tous ses droits, notamment économiques ou sociaux. L'amélioration de la situation des droits de l'homme est un processus progressif que les États doivent s'approprier grâce au soutien de l'aide internationale. La Malaisie encourage donc le Cambodge dans ses efforts et exhorte la communauté internationale à poursuivre son assistance à ce pays.

MME RACHEL WHITE (Australie) a estimé qu'à l'instar des autres mandats par pays, le Représentant spécial pour les droits de l'homme au Cambodge continue de jouer un rôle important et contribue de manière effective à la promotion et la protection des droits de l'homme là où cela est plus que nécessaire: sur le terrain. Elle a rappelé qu'une promotion efficace des droits de l'homme passe par la démocratisation des institutions et la création d'un véritable État de droit. À cet égard, elle s'est réjouie des premières élections communales qui se sont tenues en avril dernier. Elle a toutefois attiré l'attention sur certaines questions pour lesquelles des améliorations sont encore nécessaires, s'agissant notamment de la nécessité d'assurer que les électeurs ne sont pas harcelés. Pour conclure, elle a rappelé que son pays a toujours aidé le Cambodge à renforcer l'État de droit et a fait part d'un certain nombre de programmes d'aide mis en œuvre à cette fin.

M. DRAHOSLAV STEFANEK (Slovaquie) a abordé la question des concessions de terre au Cambodge en relevant que selon le rapport du Représentant spécial, les octrois de concessions ont plutôt constitué des privations. Il semble qu'il y ait donc dans ce domaine un problème d'application et de mise en œuvre, plutôt qu'un problème avec la loi elle-même, a fait remarquer le représentant slovaque.

MME JAN LEVIN (États-Unis) a dit approuver le principe de la poursuite du mandat du Représentant spécial et des activités du Bureau du Haut Commissaire aux droits de l'homme au Cambodge. La représentante a noté des améliorations intervenues dans la situation au Cambodge, notamment dans le domaine de la lutte contre la traite des êtres humains. Les États-Unis félicitent le Cambodge pour la tenue d'élections générales il y a peu, déplorant toutefois la persistance de difficultés en matière d'organisation. Les États-Unis s'inquiètent aussi du niveau de corruption régnant au Cambodge, et appellent à un renforcement important des capacités du pouvoir judiciaire, qui doit être le garant du respect des droits de ses citoyens. Des mesures doivent aussi être prises en matière de politique foncière. Enfin, le Cambodge doit œuvrer encore à la pleine réalisation des droits civils et politiques inscrits dans sa Constitution.

Conclusions du représentant spécial sur la situation au Cambodge

M. YASH GHAI, Représentant spécial du Secrétaire général pour les droits de l'homme au Cambodge, a souligné que le procès de deux hommes, a priori innocents mais accusés du meurtre d'un syndicaliste, a mis en évidence les faiblesses de la justice cambodgienne. Il faut notamment renforcer le Conseil constitutionnel et le Conseil supérieur de la magistrature, a-t-il souligné. Il est impératif de permettre à ces deux institutions de fonctionner correctement. D'autre part, il a estimé qu'il serait également judicieux de mettre en place un Comité d'enquête. En effet, a expliqué M. Ghai, le chef de la police a reconnu avoir reçu des instructions lui intimant de suivre et d'arrêter ces deux personnes. En outre, la personne qui a assisté au meurtre, maintenant réfugiée en Thaïlande, a affirmé que les deux personnes qui ont été arrêtées n'étaient pas présentes au moment du crime. Il faut faire quelque chose, a-t-il poursuivi, suggérant que la grâce présidentielle pourrait leur être accordée. Quant au rôle de la communauté internationale, M. Ghai a estimé essentiel que l'assistance internationale soit couplée avec des améliorations du système juridique. On pourrait également encourager des sanctions commerciales, a-t-il ajouté, arguant que des marchandises sont échangées de façon illégale. Pour conclure, s'agissant des concessions foncières, le Représentant spécial a expliqué qu'une nouvelle loi a été promulguée et qu'elle offre un cadre idéal pour revoir les concessions existantes.

M. CHHEANG VUN (Cambodge) a demandé au Conseil de revenir sur la nomination de M. Ghai comme Représentant spécial des Nations Unies sur les droits de l'homme au Cambodge. Le Cambodge n'accepte plus le mandat de M. Ghai au Cambodge. Ses propos sont inacceptables.


Examen du rapport sur la situation des droits de l'homme en Haïti

M. LOUIS JOINET, Expert indépendant sur la situation des droits de l'homme en Haïti, a observé que, depuis la publication de son rapport, plusieurs événements importants sont intervenus dans ce pays, grâce au retour à la légalité constitutionnelle, avec un Parlement et un Président élus sans irrégularités majeures. L'une des priorités en Haïti réside actuellement dans la lutte contre la grande criminalité et dans l'amélioration du système de police et de justice. M. Joinet a décrit l'état d'avancement de divers chantiers importants pour Haïti, notamment dans le domaine de la réforme de la police, avec des améliorations structurelles importantes en termes de certification et de formation du personnel, mais aussi en termes opérationnels: on constate ainsi une amélioration de la coopération entre la police civile et les forces de la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH), ainsi qu'une meilleure coopération de la population. En définitive, on enregistre une diminution des attaques contre la MINUSTAH, signe fragile mais palpable d'un apaisement du front de la criminalité organisée.

L'expert indépendant a fait part de son espoir, mentionnant ses discussions avec le Président Préval, que s'instaurera une coordination entre tous les agents de l'États (impôt, police) pour la lutte contre la grande criminalité. Cinq officiers supérieurs de la police nationale ont été arrêtés dans ce contexte, ce qui constitue une grande première en Haïti. Le site internet de la Mission des Nations Unies de stabilisation en Haïti (www.minustah.org) contient par ailleurs un rapport mensuel sur l'état des prisons et du système judiciaire en général. Enfin, dans d'autres domaines, M. Joinet a relevé avec satisfaction la formation locale d'experts informatiques et les premiers pas de l'état civil en Haïti.

Dans son rapport sur la situation des droits de l'homme en Haïti (A/HRC/4/3), M. Louis Joinet relève la persistance de dysfonctionnements dans le fonctionnement de la police, de la justice et des prisons. Dans le domaine de la police, on relève, entre autres et outre des cas de mauvais traitements en cas d'arrestation, un non-respect fréquent du délai de garde à vue dont les registres sont trop souvent mal tenus, des pratiques par certains policiers de la prétendue «conciliation entre parties» pouvant donner lieu à des transactions financières douteuses. Dans le domaine de la justice, l'Expert indépendant appelle l'attention sur la corruption endémique, le manque de légalisme (juges de paix ne respectant pas les délais légaux de transmission des dossiers ou libérant des détenus alors qu'ils ne sont pas juridiquement compétents), le non-respect par les autorités de la procédure de renouvellement des mandats des juges, ou encore un absentéisme chronique de certains magistrats parfois assimilable à un abandon de poste. En milieu carcéral, l'Expert indépendant continue de déplorer une surpopulation record, aggravée par la vétusté des bâtiments, l'absence d'eau de qualité et de soins médicaux appropriés.

D'importantes difficultés pour lutter contre l'inflation de la délinquance organisée qui se manifeste, surtout dans la période récente, par l'ampleur du trafic de drogues et une vague sans précédent d'assassinats et d'enlèvements avec rançon qui touchent toutes les classes, y compris les plus défavorisées: personnalités diverses (y compris un ancien ministre, un juge et des parlementaires), de simples passants, des enfants à la sortie de l'école, enlèvement collectif de passagers de transports en commun. Face à cette situation, le Gouvernement a tout d'abord tenté de réagir par la négociation avec les responsables de gangs, initiative qui a déclenché de vives réactions sur le thème «prime à l'impunité». Tout en laissant ouverte la possibilité pour les membres des gangs d'intégrer le programme «Désarmement, Démantèlement, Réinsertion», le Gouvernement a décidé de réagir par des opérations montées conjointement par la Police nationale haïtienne (PNH) et la MINUSTAH à la suite desquelles semble s'amorcer une baisse de cette criminalité.

Enfin d'importantes avancées restent à concrétiser dans le domaine de la lutte contre les violences faites aux femmes: délivrance obligatoire de certificats médicaux, criminalisation du délit de viol, suppression de la circonstance atténuante de l'adultère en cas d'assassinat de l'épouse par le mari, dépénalisation partielle de l'avortement; et d'autre part, en ce qui concerne le statut civil: admissibilité de la recherche en paternité, réglementation du concubinage («plaçage»), du travail domestique et mise au point d'un programme de planification familiale.


Déclarations

M. JEAN-CLAUDE PIERRE (Haïti) a tenu à exprimé la reconnaissance de son gouvernement à M. Joinet pour les judicieuses recommandations qu'il a formulées dans son rapport. Dès leur accession au pouvoir, le Chef de l'État, M. René Preval, et le Chef du gouvernement, M. Jacques-Édouard Alexis, se sont donnés pour objectif la consolidation d'un État de droit, l'aménagement d'un environnement sûr et stable et la lutte contre la pauvreté. Le Gouvernement haïtien est convaincu que le renforcement de l'État de droit passe par une réforme en profondeur du système judiciaire. À cet égard, il a conçu et mis au point un plan d'action axé sur la réforme du Statut de la magistrature, du Conseil de la magistrature et de l'École de la magistrature. Des projets de loi élaborés à cet effet ont été déposés au Parlement haïtien pour ratification. Il convient de signaler la nomination d'un Secrétaire d'État responsable de la réforme judiciaire. Le Gouvernement mène aussi une politique active en matière de protection des droits de l'homme.

Il est à signaler qu'en matière de protection des droits de l'enfant, le Parlement haïtien vient de ratifier deux Conventions de l'OIT sur l'âge minimum pour le travail des enfants et les pires formes de travail des enfants. Le Gouvernement procède en outre à une épuration au sein de la police nationale d'Haïti. De même, il mène une lutte acharnée contre la corruption. Dans le domaine de la sécurité, le Gouvernement a adopté un plan d'action qui commence déjà à porter ses fruits. Aujourd'hui, la paix est presque revenue dans les rues. Haïti reste attaché à l'idée selon laquelle, là où sévit la pauvreté, la démocratie et l'état de droit sont menacés et la pleine jouissance des droits de l'homme risque de demeurer un vœu pieu. D'où la nécessité pour la communauté internationale et le Conseil des droits de l'homme en particulier d'accorder une attention particulière aux droits socio-économiques et au droit au développement.

À ce tournant décisif de son histoire, Haïti a plus que jamais besoin de justice, de paix et d'institutions solides de droits civiques, politique et économique, a conclu le représentant haïtien; plus que jamais il est nécessaire que la coopération qu'entretient M. Joinet avec les autorités du pays soit renforcée. Le Gouvernement haïtien demande la prorogation du mandat de M. Joinet, a ajouté le représentant.

M. PAUL MEYER (Canada) s'est dit préoccupé par les faiblesses du système juridique haïtien. Il a rappelé que son pays s'est engagé à aider Haïti dans les réformes que le pays doit mener et notamment s'agissant des réformes de la justice, du système pénal et de la police. Il a encouragé l'expert indépendant à faire part de ses vues sur la situation depuis l'entrée en fonction du nouveau gouvernement, et a notamment souhaité connaître quels sont les défis que, de l'avis de l'expert, le Gouvernement devrait relever en priorité. D'autre part, il a demandé à l'expert indépendant comment il voit le renforcement du travail accompli en faveur des droits de la personne dans le contexte actuel et sur le long terme pour l'après MINUSTAH. Comment faire en sorte que les droits des personnes reçoivent l'attention voulue, a-t-il demandé?

MME ANKE KONRAD (Allemagne, au nom de l'Union européenne) a observé que M. Joinet est parvenu à instaurer une relation constructive avec les différentes autorités haïtiennes, un facteur qui facilitera sans doute les progrès à long terme dans le domaine des droits de l'homme. L'échec du système judiciaire pourrait entraîner un recul des droits de l'homme, notait l'expert indépendant dans son rapport, c'est pourquoi la représentante a voulu savoir dans quelle mesure les recommandations de M. Joinet en matière de renforcement de l'appareil judiciaire avaient été appliquées avec succès. La représentante de l'Union européenne a aussi demandé des précisions sur le sort réservé aux recommandations de M. Joinet en matière de planning familial et de politiques familiales.

M. JEAN FEYDER (Luxembourg) a rappelé qu'au cours des années 80, le Fonds monétaire international et la Banque mondiale ont invité Haïti à engager des réformes, au point qu'Haïti possède aujourd'hui l'une des économies les plus libéralisées du monde. Le représentant a cité le cas du riz, comme exemple emblématique à cet égard; les importations du riz ont explosé, alors que la la production locale a chuté. Résultat: alors que dans le passé, l'agriculture haïtienne était autosuffisante et subvenait aux besoins de sa population, le pays doit maintenant utiliser environ 80% de ses recettes d'exportation pour l'importation de produits alimentaires. Aussi, M. Feyder a demandé à l'expert s'il n'estime pas que ces questions ont un impact sur la jouissance des droits de l'homme et, par conséquent, méritent également d'être examinées.

M. IDRISS JAZAIRY (Algérie) voudrait que le Conseil des droits de l'homme réfléchisse à un moyen plus structuré pour s'associer aux détenteurs de mandats qui arrivent à promouvoir ce genre de dialogue et de coopération qui, comme dans le cas d'Haïti, a permis de faire progresser les droits de l'homme. L'Algérie aimerait qu'on rende hommage aux détenteurs de mandat qui ont réussi le dialogue et la coopération avec les États concernés.

MME JAN LEVIN (États-Unis) a estimé que l'expert indépendant devrait être félicité pour son exposé complet de la situation en Haïti. Elle a estimé aussi que les élections qui se sont déroulées récemment dans ce pays sont encourageantes, mais que les systèmes policier et judiciaire doivent encore être renforcés. Les États-Unis ont fait des dons importants pour soutenir les efforts d'Haïti dans ce sens, et en particulier pour la lutte contre les bandes organisées, avec quelque succès. Les États-Unis, qui restent préoccupés par la situation dans le système correctionnel, continueront cependant d'appuyer les efforts du Gouvernement.

M. EDUARDO CHIHUAILAF (Chili) a souligné que l'élection de René Préval en tant que Président de la République constitue un grand pas en avant pour la consolidation de la légalité en Haïti. Certaines pratiques incompatibles avec le respect de la dignité humaine persistent, a toutefois regretté le représentant chilien. Il a en outre demandé au Gouvernement haïtien de mettre en œuvre les réformes nécessaires pour améliorer la condition juridique et sociale des femmes. Il a aussi appelé la communauté internationale à continuer de soutenir le Gouvernement haïtien dans ses efforts pour consolider la démocratie et aider à la mise en œuvre des programmes sociaux. Revenant plus spécifiquement au rôle de son pays, il a expliqué que son gouvernement a renouvelé la présence de 600 soldat chiliens pour la MINUSTAH. Enfin, il a souhaité que le Conseil soit solidaire avec les organisations non gouvernementales présentes sur le terrain. En effet, les ONG et la société civile jouent un rôle fondamental dans la reconstruction et la consolidation de ce pays, a-t-il estimé.

M. SERGIO DE ABREU E LIMA FLORÊNCIO (Brésil) a exprimé à M. Joinet la reconnaissance de son gouvernement pour son rapport sur la situation en Haïti. Le Brésil est convaincu que la MINUSTAH, qui comporte un important contingent brésilien, a joué un rôle essentiel dans le retour du pays à la légalité constitutionnelle. Mais le Brésil, qui estime que le soutien de la communauté internationale est essentiel, participe également à des programmes de coopération technique. La détérioration des relations entre la police et le système judiciaire peut être un obstacle à la résolution de la crise par le Gouvernement. C'est pourquoi il faut insister sur l'importance des activités de conseil et de soutien aux activités visant à la restauration du dialogue entre ces institutions. Dans ce contexte, la promotion d'une force de police démocratique et efficace est d'une importance vitale, a souligné le représentant brésilien, estimant qu'il faut en particulier veiller à la formation des policiers et à la lutte contre la corruption et les trafics de drogue au sein de cette institution.


Conclusions de l'expert indépendant

M. LOUIS JOINET, expert indépendant sur la situation des droits de l'homme en Haïti, a expliqué qu'il ne suffit pas d'épurer la police ou la magistrature car le problème réside dans un niveau de corruption très élevé. En effet, un nombre très important de policiers et de magistrats devrait être suspendu. Et que deviendront ceux qui seraient exclus a demandé M. Joinet. Cette situation n'est pas simple. M. Joinet a ajouté qu'il s'attachera à ce deuxième aspect du problème lorsqu'il se rendra en Haïti en novembre prochain.

En réponse à une question sur le rôle de la coopération internationale, M. Joinet a indiqué qu'il n'y avait plus de laboratoire de police scientifique dans ce pays, et il a lancé un appel général pour une assistance dans ce domaine.

S'agissant de l'état des prisons, c'est un point très préoccupant. Il a dit avoir constaté, dans un lieu de détention du Cap Haïtien, «des corps agglutinés comme des asticots sur une motte de terre», a témoigné M. Joinet, qui a jugé cette situation insupportable. Au départ, l'expert indépendant était contre l'idée de créer de nouvelles prisons par crainte de mises en détention supplémentaires, mais finalement il accepte l'idée d'une nouvelle prison à Port-au-Prince pour améliorer les conditions de détention.

M. Joinet a également expliqué que si le président Préval donnait une priorité à la lutte contre la corruption sous toutes ses formes, c'est parce qu'il n'y a pas d'investisseurs sans un minimum de sécurité. Il faut donc de la sécurité pour lutter contre la pauvreté. En ce qui concerne la condition des femmes, un excellent ministère a été créé mais la situation rencontre des problèmes en raison de l'encombrement du calendrier parlementaire.

Enfin, M. Joinet a indiqué qu'il a beaucoup apprécié l'intervention d'Haïti et de l'Algérie. Mais certaines choses faites dans le cas d'Haïti pourraient l'être moins facilement avec l'adoption du projet du code de bonne conduite, car il s'agit en l'état d'un «code de méfiance» alors que M. Joinet a cherché à introduire la confiance. L'expert indépendant a également reconnu qu'il y avait eu des heurts avec la MINUSTAH, mais que les choses étaient en voie d'amélioration.

M. JEAN-CLAUDE PIERRE (Haïti) a souligné que chaque rapport produit par l'expert indépendant constitue un outil de travail important pour les chercheurs du pays. Il a en outre remercié les partenaires pour leur soutien technique et financier inlassable, et notamment le Canada, l'Allemagne, le Luxembourg, l'Algérie, le Chili, les États-Unis et le Brésil.


Examen de la situation en Somalie

Présentation orale de l'expert indépendant

M. GHANIM ALNAJJAR, expert indépendant chargé d'examiner la situation des droits de l'homme en Somalie, n'ayant pas été en mesure d'effectuer sa mission annuelle en Somalie comme prévu en raison de l'insécurité due aux conflits qui ont éclaté récemment en Somalie, s'est trouvé dans l'impossibilité de soumettre un rapport à la cinquième session du Conseil des droits de l'homme et a donc procédé à une mise à jour orale à l'intention des membres du Conseil. Il a notamment relavé qu'en 2006, la situation des droits de l'homme en Somalie était déjà difficile et qu'elle a malheureusement encore empiré. En juin 2006, après des semaines de conflit ayant entraîné de nombreux morts et blessés, les pourparlers de paix ont échoué entre parties au conflit, qui a entraîné une reprise du conflit en décembre. D'après certains rapports, des violations des droits de l'homme et du droit international humanitaire ont eu lieu. Début 2007, le Conseil de sécurité a décidé (résolution 1734) une opération impliquant 1700 soldats ougandais en remplacement des troupes européennes déjà sur place à Mogadiscio.

Dans le centre et le sud de la Somalie, de nombreux rapports font état de bombardements d'hôpitaux et d'écoles. Les personnes déplacées de l'intérieur seraient entre 400 000 et 500 000, qui s'ajoutent à quelque 400 000 personnes déjà déplacées près de la capitale. Ces personnes sont régulièrement rançonnées, brutalisées et violées. La viabilité de la paix en Somalie passe par l'instauration d'un processus de dialogue et de réconciliation nationale. La situation des défenseurs des droits de l'homme s'est aggravée, avec des assassinats ciblés de journalistes et de militants. Le harcèlement sexuel est prévalent, le système de justice inefficace, les milices autonomes entretiennent un sentiment d'impunité. Des enfants sont enrôlés comme soldats. Les affrontements récents réduisent à néant les chances d'éducation des enfants. Les droits économiques, sociaux et culturels sont fortement compromis. La Somalie connaît une importante dégradation de son environnement et la piraterie sévit. L'espoir dans le centre et le sud de la Somalie est actuellement très réduit, a déploré l'expert indépendant.

Au Somaliland, le fonctionnement de la justice est encore très problématique, même si le Programme des Nations Unies pour le développement mène des projets intéressants. Au Puntland, l'absence de système judiciaire est criante et il faut dénoncer les abus contre les boat-people ainsi que le trafic d'êtres humains. Les Nations Unies et les autorités nationales doivent s'efforcer de faire respecter les droits de la population. Les Nations Unies et la communauté internationale doivent travailler avec les instances de transition et appuyer le processus de réconciliation, qui est le point de départ d'un processus plus général.

MME ANKE KONRAD (Allemagne, au nom de l'Union européenne) a déclaré apporter son soutien sans réserve au mandat de l'expert indépendant sur la situation des droits de l'homme en Somalie. L'Union européenne déplore la reprise des combats à Mogadiscio, a-t-elle poursuivi. Elle a invité toutes les parties au conflit à s'engager en faveur d'un cessez-le-feu et à garantir l'accès aux secours humanitaires. Compte tenu de la crise humanitaire qui se dessine et des conflits qui font rage dans le pays, elle s'est demandée si ces facteurs ne vont pas exacerber les effets des inondations de 2006. Dès lors, que faire pour protéger la population et assurer l'accès humanitaire, s'est-elle interrogée? En matière d'acheminement de l'assistance humanitaire, elle a souhaité connaître l'avis de l'expert sur l'évolution, à laquelle on assiste actuellement, d'une approche basée sur l'accès plutôt que sur les besoins. Elle a également demandé comment les droits des personnes déplacées pourraient être au mieux protégés et comment la participation des femmes dans le processus politique pourrait être assurée. Elle s'est en outre demandée comment assurer les droits de l'homme dans le système juridique actuel.

M. MOHAMED_SIAD DOULAEH (Djibouti) a noté que l'accès à l'eau potable et à l'assainissement est extrêmement limité en Somalie. Tant que la situation politique et de sécurité ne seront pas stabilisées, on ne peut pas s'attendre à une amélioration sensible des droits de l'homme en Somalie, a-t-il estimé. Djibouti n'est pas convaincu que le recours à la force sera très utile car cela pourrait bloquer le processus dans des positions crispées. Le soutien politique, matériel et financier reste essentiel, a affirmé le représentant.

MME JAN LEVIN (États-Unis) a déclaré que la sécurité en Somalie est compromise par des combats et par des déplacements de populations. Les États-Unis appuient l'instauration d'un gouvernement stable capable de répondre aux attentes du peuple somalien et de lutter efficacement contre le terrorisme. L'envoyé spécial du Gouvernement des États-Unis sur place aura des discussions avec tous les acteurs et parties concernés par ce conflit, y compris les institutions des Nations Unies.

M. ROBERTO VELLANO (Italie) a réaffirmé l'engagement de l'Italie pour apporter son soutien à la Somalie - un pays qui s'est engagée sur la voie difficile de la paix et de la réconciliation nationale. Le représentant italien a annoncé qu'une conférence sur les femmes somaliennes aurait lieu, demain, mercredi 13 juin, à Rome. Cette conférence s'inscrit dans le cadre des efforts communs de la communauté internationale afin de faire entendre la voix des femmes dans le processus de paix. Relevant que selon l'expert indépendant, les déplacements massifs de population que connaît actuellement la Somalie favorisent le trafic des êtres humains, le représentant italien a souhaité savoir quelles mesures devraient être prises pour enrayer ce phénomène. Relevant en outre que les conflits et la violence actuels entraînent de graves violations des droits de l'homme, et en particulier des droits de l'enfant, il a demandé à l'expert de préciser les mesures de protection qui pourraient être prises en faveur des enfants.


Conclusions de l'expert indépendant

M. GHANIM ALNAJJAR, expert indépendant sur la situation des droits de l'homme en Somalie, a expliqué que le renforcement de la protection des civils passe par un processus politique. La stabilité du Gouvernement est un facteur fondamental pour la protection des droits de l'homme dans le pays, a-t-il insisté. La situation des personnes déplacées continue d'être préoccupante et la question de la traite des êtres humains relève d'un phénomène extrêmement complexe, a poursuivi l'expert. La capacité des autorités du Puntland à contrôler leur littoral, particulièrement long, est impressionnante; néanmoins, la communauté internationale pourrait aussi apporter des moyens techniques de contrôle dans ce domaine. Les groupes étrangers qui profitent de l'anarchie régnant en Somalie volent au pays de nombreuses ressources, a par ailleurs déploré M. Alnajjar.


Déclarations d'institutions nationales et d'organisations non gouvernementales

M. MICHEL FORST (Commission nationale des droits de l'homme de la France) a salué la pertinence du rapport concernant la situation des droits de l'homme en Haïti. Les efforts effectivement consentis pour rétablir la légitimité constitutionnelle dans ce pays se heurtent à la corruption et à la menace de rétablissement de la peine de mort, a-t-il ajouté. La situation en Haïti montre à quel point les droits de l'homme sont indivisibles et interdépendants, a-t-il poursuivi. La Commission nationale des droits de l'homme de la France tient à féliciter M. Joinet pour la pertinence des mesures qu'il préconise; néanmoins, si des ressources ne sont pas allouées, les efforts déployés risquent à nouveau de se solder par des déceptions.

M. KIEREN FITZPATRICK (Forum Asie-Pacifique d' institutions nationales) s'est félicité de la décision du Gouvernement du Cambodge de créer une institution des droits de l'homme conforme aux Principes de Paris et dotée de moyens d'enquête. Le Forum Asie-Pacifique, après des discussions avec les autorités nationales cambodgiennes, se déclare prêt à appuyer les travaux de cette nouvelle institution.

MME LIZZY CHAVIANO (Internationale démocrate de centre) a pris la parole pour témoigner des souffrances subies par son père, fondateur d'une organisation de défense des droits de l'homme appelé Conseil national pour les droits civils à Cuba. Son travail humanitaire, qui consistait à récolter des informations sur les cas de disparitions, a gêné la police. Aussi, en mai 1994, a-t-il été emprisonné, a-t-elle expliqué. Il a alors été torturé psychologiquement pendant un an, n'a pas été jugé et s'est vu privé de tous ses droits. Il a s'est vu infliger une peine de 13 ans d'emprisonnement, dans des conditions difficiles, aucun soin médical ne lui ayant été apporté et aucune visite de membres de la famille n'ayant été autorisée. Aujourd'hui, de nombreux Cubains connaissent le même sort, a souligné la représentante, qui a demandé au Gouvernement cubain de respecter les droits de l'homme.

M. MARTIN HILL (Amnesty International) a rappelé que de graves violations des droits de l'homme continuent d'être perpétrées en Somalie. Les efforts de reconstruction n'ont fait que commencer, a-t-il ajouté. Il a souhaité que soit élargi le mandat de l'expert indépendant, tout comme devraient être élargies les missions du Haut Commissariat aux droits de l'homme sur le terrain, afin notamment de fournir une assistance technique et des avis aux institutions de transition. Amnesty International estime également que les institutions de transition devraient agir pour veiller à la protection des droits de l'homme et garantir la sécurité d'accès aux institutions humanitaires afin qu'elles puissent venir en aide aux personnes déplacées.

M. SEBASTIAN GILLIOZ (Human Rights Watch) a indiqué que son organisation a documenté des violations graves des droits de l'homme et du droit international humanitaire en Somalie, perpétrées par la plupart des groupes armés en conflit dans ce pays. À Mogadiscio, les violations - dont certaines constituent des crimes de guerre - se sont intensifiées ces cinq derniers mois contre les civils. Des centaines de personnes ont été blessées et 300 000 personnes ont dû fuir; des milliers d'entre elles ont été rançonnées ou violées au moment de leur fuite. Le Conseil des droits de l'homme doit soutenir les efforts visant à protéger les civils et à poursuivre les responsables. Le mandat associé à toute force d'interposition devra inclure la protection des civils, a préconisé le représentant de Human Rights Watch. Il a par ailleurs demandé au Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme au Bélarus quelles mesures il recommandait d'adopter face au refus obstiné du Gouvernement de ce pays de recevoir les titulaires de mandats des Nations Unies.

M. RENAN HÉDOUVILLE (Fédération internationale des Ligues des droits de l'homme) a exprimé sa préoccupation s'agissant de la situation générale des droits de l'homme en Haïti. Des efforts ont certes été déployés par la police nationale d'Haïti et les forces de la MINUSTAH, mais l'insécurité reste un fléau qui ronge la société haïtienne, a-t-il déploré. Il a ainsi fait part du récent assassinat de deux personnes œuvrant dans le domaine de la communication. En matière de justice, la situation est préoccupante, compte tenu - en particulier - du système de détention préventive prolongée et des mauvaises conditions de détention, a poursuivi le représentant. Pour ce qui est de la situation en matière de droits économiques, sociaux et culturels, il convient de constater qu'une très grande majorité de la population n'a pas accès aux besoins de base, a-t-il ajouté. Aussi, a-t-il demandé au Conseil des droits de l'homme d'encourager les pays à œuvrer pour le renforcement des institutions d'Haïti et d'adopter une résolution sur la situation des droits de l'homme en Haïti qui encourage le Gouvernement à prendre des mesures concrètes susceptible de favoriser l'amélioration des droits de l'homme.

M. GEORGE MAURIKOS (Fédération syndicale mondiale) a déclaré, s'agissant de Cuba, que les paradoxes et les contradictions se maintiennent sans que quiconque ne s'en émeuve. Toutes les recommandations concernant ce pays préconisent des mesures drastiques que seule Cuba doit supporter. Comment peut-on oser proposer une telle mise en scène? De qui se moque-t-on? Pourquoi Cuba est-elle sur le banc des accusés alors qu'elle est victime d'un pouvoir étranger qui pratique même le terrorisme d'État, a demandé le représentant?

M. LAO MONG HAI (Asian Legal Resource Center) a déploré l'affiliation des juges cambodgiens à des partis politiques et leur assujettissement à des mesures contraignantes, alors que les magistrats devraient être indépendants et libres de toute attache politique. Près de 400 000 familles cambodgiennes ont été touchées par le récent décret réformant la propriété foncière, a poursuivi le représentant. Comment agir pour protéger les droits de ces familles, s'est-il interrogé? Comment obliger le Gouvernement cambodgien à respecter le principe de l'indépendance de la justice, a-t-il demandé?

Personne, ni aucun État n'est ni ne devrait être au-dessus de la loi, a souligné M. HERNÁN BADENAS (Centre Europe – Tiers Monde - CETIM). Or, depuis sa création, le Conseil ne maintient à son ordre du jour que quatre pays, le Bélarus, la République populaire démocratique de Corée, Cuba et le Myanmar - hérités de la défunte Commission des droits de l'homme. Aussi, le représentant du CETIM a-t-il dénoncé cet héritage du «deux poids deux mesures» qui avait justement motivé la suppression de la Commission. Les mandats par pays ont montré leurs limites, a-t-il poursuivi; le Conseil devrait consacrer son énergie à la mise en place de l'examen périodique universel, avec pour objectif final la recherche d'une application effective de tous les droits de l'homme partout dans le monde.

M. ROLAND BARNES (Consejo Indio de Sud America) a rappelé que le Conseil des droits de l'homme est censé éliminer toutes les violations des droits de l'homme partout dans le monde. Or, le Conseil ne semble pas avoir démontré son aptitude à appréhender toutes les situations de violations des droits de l'homme. Tous les États devraient être traités sur un pied d'égalité. Pour cela, il convient d'éliminer la sélectivité et la politisation.

M. DZMITRI MARKUSHEUSKI (International Helsinki Federation for Human Rights, au nom également de International Federation for Human Rights [Bélarus]) a estimé que la pire situation des droits de l'homme en Europe est celle du Bélarus, où les militants et défenseurs des droits de l'homme sont harcelés et soumis à des peines d'emprisonnement. Les médias indépendants ne sont pas épargnés, comme en témoignent les cas de journalistes battus et de diffusion restreinte. Le Gouvernement du Bélarus se montre incapable de respecter ses obligations en matière de droits de l'homme et n'a pas donné suite aux demandes de visites des procédures spéciales des Nations Unies. Le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme dans ce pays est actuellement seul en mesure de faire entendre les voix des victimes et d'améliorer la situation des droits de l'homme dans ce pays, a conclu le représentant.

M. TOMÁS ALARCÓN (Comisión Juridica para el Autodesarrollo de los Pueblos Originarios Andinos) a relevé que les mandats par pays ont à maintes reprises pris en compte les situations de violation des droits des peuples autochtones. Ils ont montré que, dans tous les pays où vivent des peuples autochtones, de telles violations se produisent et, par conséquent, que cette question requiert un traitement adéquat. Aussi, le représentant a-t-il fait valoir la nécessité d'accorder plus d'attention aux droits des peuples autochtones. Il a recommandé au Conseil d'établir de nouvelles normes en la matière. Le Conseil doit rendre justice aux peuples autochtones en créant un organe spécifiquement consacré aux droits des peuples autochtones, un organe qui tienne compte de leurs droits, de leurs besoins approfondis et des situations graves auxquelles ils sont confrontés.

Droit de réponse

M. JEAN-CLAUDE PIERRE (Haïti) a fait savoir que le Gouvernement haïtien a ordonné l'ouverture d'une enquête sur l'affaire des deux journalistes assassinés dans le pays. En ce qui concerne la corruption, ce phénomène n'est pas nouveau dans le paysage haïtien, a déclaré le représentant; il n'en demeure pas moins que le Gouvernement déploie de nombreux efforts pour éradiquer ce mal.

Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

HRC07040F