Fil d'Ariane
LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME OUVRE LES TRAVAUX DE SA CINQUIÈME SESSION EN SE PENCHANT SUR L'INDÉPENDANCE DE LA JUSTICE ET LE RACISME
Le Conseil des droits de l'homme a ouvert ce matin, à Genève, les travaux de sa cinquième session ordinaire en entendant des déclarations d'ouverture de son Président, M. Luis Alfonso de Alba, et de la Haut-Commissaire aux droits de l'homme, Mme Louise Arbour. Le Conseil a ensuite entamé l'examen des rapports présentés par le Rapporteur spécial sur l'indépendance des juges et des avocats et par le Rapporteur spécial sur les formes contemporaines du racisme, de la discrimination raciale, de la xénophobie et de l'intolérance qui y est associée.
Le Président du Conseil, M. de Alba, a salué les progrès réalisés depuis un an en ce qui concerne le processus de consolidation institutionnelle du Conseil. Il a souligné que, grâce au travail dévoué des facilitateurs des différents groupes de travail, il a pu mener à bien au cours du dernier mois écoulé un vaste processus de consultations qui lui a permis d'élaborer un texte consolidé, présenté le 4 juin dernier aux délégations comme base pour avancer vers la conclusion des discussions sur cette question du renforcement institutionnel. Il est nécessaire de parvenir à des accords au cours de la présente session sur les principaux aspects du renforcement institutionnel, même si certaines questions devront être définies à un stade ultérieur, a déclaré le Président.
Des efforts de coopération sont encore nécessaires pour mener à leur terme les efforts de renforcement institutionnel du Conseil, a pour sa part souligné Mme Louise Arbour, Haut-Commissaire aux droits de l'homme. Attirant l'attention sur l'aspect qu'elle estime le plus novateur, de la réforme, à savoir le mécanisme d'examen périodique universel, elle s'est félicitée que le Conseil soit sur le point de parvenir à un accord. Mme Arbour a d'autre part rendu compte des activités qu'elle a menées depuis la précédente session du Conseil, en mars dernier, faisant plus particulièrement part des visites qu'elle a entreprises dans plusieurs pays d'Asie centrale et dans la région africaine des Grands Lacs. Elle s'est notamment dite persuadée qu'il existe un potentiel important de paix et de développement durables dans la région, mais que le risque de nouvelles irruptions de violence à grand échelle et de retour des conflits ne peut être écarté, en particulier en République démocratique du Congo.
Après avoir adopté son ordre du jour et son programme de travail pour la présente session, le Conseil a entendu M. Leandro Despouy, Rapporteur spécial sur l'indépendance des juges et des avocats, qui a notamment indiqué être parvenu à la conclusion que, dans toutes les régions du monde, les responsables de la justice courent des risques. Il a par ailleurs constaté avec une vive inquiétude que le processus de réforme du pouvoir judiciaire ne vise parfois qu'à le limiter. Il a en outre indiqué que l'un des problèmes relevant de son mandat qui revêt la plus grande gravité est celui du jugement de civils par des tribunaux militaires. Il a également relevé que les États ne respectent pas souvent le principe de non-refoulement des personnes qui encourent des risques de violations des droits de l'homme dans leur pays. Relevant qu'une déclaration d'état d'exception est souvent source de graves violations de droits de l'homme, le Rapporteur spécial a proposé l'élaboration d'une déclaration internationale qui consacrerait l'ensemble des principes et pratiques existants et qui aurait pour objet de garantir le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales en période d'état d'exception. M. Despouy a par ailleurs fait part des réserves que lui inspirent plusieurs questions en rapport avec le Cour pénale suprême iraquienne. Il a aussi rendu compte des missions qu'il a effectuées aux Maldives et en République démocratique du Congo.
Le Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l'intolérance qui y est associée, M. Doudou Diène, a pour sa part présenté son rapport sur les plates-formes politiques qui incitent à la discrimination raciale ou l'encouragent ainsi que son rapport sur la mission qu'il a effectuée en juin 2006 en Fédération de Russie. M. Diène a notamment attiré l'attention du Conseil sur deux manifestations croissantes de la banalisation du racisme, à savoir la lecture ethnique et raciale des questions politiques, économiques et sociales et le traitement idéologique et politique de l'immigration comme un enjeu sécuritaire et comme une menace à l'identité nationale. Un exemple en la matière vient d'être donné par la France avec la création d'un Ministère spécifique à cet égard, a-t-il souligné. S'agissant de la Fédération de Russie, le Rapporteur spécial a déploré une dynamique profonde de racisme et de xénophobie dans la société russe, qui s'articule autour de la multiplication d'incidents et de crimes racistes, et de l'extension de cette violence aux membres d'organisations de défense des droits de l'homme, aux intellectuels et étudiants engagés dans le combat contre le racisme. M. Diène a également fait état de l'existence d'un certain degré d'impunité dont jouissent les auteurs de ces actes. La perpétuation de la violence raciste et xénophobe constitue la menace la plus grave à l'approfondissement d'un processus démocratique dans la Fédération de Russie, a-t-il estimé.
Les Maldives, la République démocratique du Congo et la Fédération de Russie sont intervenues en tant que pays concernés par ces rapports. Des représentants des États suivants sont intervenus dans le cadre d'un débat interactif avec les deux Rapporteurs spéciaux: Australie, Allemagne, Brésil, Mexique, République de Corée, Argentine, Uruguay, Inde, Chine, Pakistan, Bangladesh, Fédération de Russie, Philippines, Pérou, Maroc, Cambodge, Indonésie, Géorgie, Belgique, Djibouti, Venezuela, Nouvelle-Zélande, Japon, Canada, États-Unis, République populaire démocratique de Corée et Tunisie.
Lorsqu'il poursuivra ses travaux, cet après-midi, à 15 heures, le Conseil achèvera sa discussion sur les deux rapports présentés ce matin, avant d'entendre les présentations des rapports portant sur le droit à l'alimentation; sur le droit au logement convenable en tant qu'élément du droit à un niveau de vie suffisant; et sur les conséquences néfastes des mouvements et déversements illicites de produits et déchets toxiques pour la jouissance des droits de l'homme. Le Président du Conseil a annoncé que le rapport de Mme Sigma Huda, Rapporteuse spéciale sur les droits fondamentaux des victimes de la traite des êtres humains, en particulier les femmes et les enfants, qui devait être présenté aujourd'hui, serait présenté lors d'une prochaine session du Conseil.
Déclarations d'ouverture
Dans sa déclaration d'ouverture, le Président du Conseil des droits de l'homme, M. LUIS ALFONSO DE ALBA, a insisté sur l'intense travail accompli ces six derniers mois, en particulier en matière de renforcement institutionnel du Conseil. Il a indiqué que la présente session permettrait d'étudier plusieurs rapports de titulaires de mandats de procédures spéciales et de vérifier le degré de mise en œuvre de diverses décisions importantes déjà prises par le Conseil.
M. de Alba a salué les progrès réalisés depuis un an en ce qui concerne le processus de consolidation institutionnelle du Conseil. Il a souligné que, grâce au travail dévoué des facilitateurs des différents groupes de travail, il a pu mener à bien au cours du dernier mois écoulé un vaste processus de consultations qui lui a permis d'élaborer un texte consolidé, présenté le 4 juin dernier aux délégations comme base pour avancer vers la conclusion des discussions sur cette question du renforcement institutionnel. Nous sommes face à des questions d'une extrême complicité et qui revêtent une pertinence historique particulière pour ce qui est d'améliorer le fonctionnement du système des droits de l'homme, a souligné le Président du Conseil. Il a notamment insisté sur l'examen périodique universel - élément clef dans la recherche de l'universalité, de l'égalité de traitement, de la coopération et du dialogue constructif s'agissant du traitement des droits de l'homme. Rappelant que l'Assemblée générale a mandaté le Conseil pour perfectionner et, lorsque cela s'avère nécessaire, rationaliser les mandats de la défunte Commission des droits de l'homme, afin de maintenir un système de procédures spéciales, un avis spécialisé et un mécanisme de plaintes, il a souligné que le Conseil accorde une importance claire à tous ces mécanismes. Enfin, M. de Alba a insisté sur la nécessité de considérer l'ordre du jour du Conseil et son programme de travail de manière conjointe en gardant à l'esprit l'importance qu'il y a à maintenir un équilibre entre prévisibilité et flexibilité. Il est en outre essentiel de maintenir un équilibre de traitement entre les différents droits de l'homme tout au long du cycle annuel du Conseil, a ajouté M. de Alba. Il est nécessaire de parvenir à des accords au cours de la présente session sur les principaux aspects de l'édification institutionnelle, en gardant à l'esprit qu'il y a des détails et des questions qui devront être définis à un stade ultérieur du travail du Conseil, a conclu le Président.
MME LOUISE ARBOUR, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, a souligné que le travail intense mené jusqu'ici par le Conseil pour mettre en place les bases de ce nouvel organe devrait porter ses fruits dans le courant de cette semaine. Rendant compte des activités qu'elle a menées depuis le mois de mars dernier, elle a indiqué s'être rendue au Kirghizistan, au Tadjikistan, au Kazakhstan et au Turkménistan, ainsi que dans la région des Grands Lacs en Afrique. S'agissant des quatre pays d'Asie centrale visités, elle a indiqué avoir rencontré sur place les chefs de gouvernements ainsi que des représentants des Nations Unies et de la société civile. Elle s'est notamment réjouie de la création prochaine d'un bureau régional du Haut-Commissariat à Bishkek, au Kirghizistan. Les derniers préparatifs pour un accord juridique en ce sens sont en bonne voie, a-t-elle précisé. Mme Arbour a d'autre part estimé encourageante la disponibilité de ses interlocuteurs en Asie centrale à faire face aux défis en matière de droits de l'homme. Dans les quatre pays susmentionnés, il convient de trouver un meilleur équilibre entre pouvoir exécutif d'un côté et pouvoirs judiciaire et législatif, de l'autre, a-t-elle souligné, précisant que ces deux derniers sont trop faibles pour assurer une application effective des droits de l'homme. Mme Arbour a notamment fait état de la persistance d'informations de mauvais traitement et de torture dans l'ensemble de la région, ainsi que des restrictions à la liberté d'expression et d'association qui y entravent la participation démocratique. Des institutions nationales de droits de l'homme indépendantes et efficaces sont nécessaires, a souligné la Haut-Commissaire. Tout en saluant les progrès réalisés par chacun des gouvernements concernés pour ce qui est de s'acquitter de leurs obligations internationales, elle a indiqué que ces gouvernements devraient approfondir leurs engagements, notamment en garantissant l'accès aux mandataires des procédures spéciales.
En ce qui concerne sa visite dans la région africaine des Grands Lacs, Mme Arbour a expliqué que de retour d'Afrique, elle a informé le Conseil de sécurité sur la situation en République démocratique du Congo et la Commission de consolidation de la paix sur la situation au Burundi. Elle a précisé que sa visite dans la région l'avait également amenée au Rwanda. Mme Arbour s'est dite persuadée qu'il existe un potentiel significatif de paix et de développement durables dans la région. Pour autant, a-t-elle ajouté, le risque de nouvelles irruptions de violence à grand échelle et de retour des conflits ne peut être écarté, en particulier en République démocratique du Congo. Les défis pour les droits de l'homme demeurent considérables, a insisté Mme Arbour. La discrimination et un manque criant de jouissance des droits économiques et sociaux affectent la plus grande partie de la région, a-t-elle souligné. À cet égard, elle s'est dite alarmée face à la violence sexuelle à grande échelle qui sévit dans la région et qui a les proportions d'une pandémie en République démocratique du Congo. Aujourd'hui, la principale menace à la sécurité dans la région des Grands lacs réside dans la culture de l'impunité qui y règne, a déclaré la Haut-Commissaire aux droits de l'homme. Il faut inverser la tendance actuelle en la matière; c'est un préalable indispensable à une paix durable dans la région, a-t-elle insisté. Elle a expliqué que l'exemple du Rwanda et des efforts déployés par ce pays pour faire face au grand nombre de personnes qui avaient pris part au génocide mérite d'être relevé. En sus de recourir à l'assistance de la communauté internationale pour mettre en place le Tribunal pénal international, le Rwanda a mis au point un système de tribunaux (les gacaca) pour offrir compensations aux victimes et promouvoir la réconciliation, a-t-elle souligné. Pour conclure, Mme Arbour a jugé encourageante l'acceptation par la République démocratique du Congo du lancement d'un «exercice de cartographie» des droits de l'homme qui, avec le concours de la MONUC, permettra de dresser un inventaire des violations les plus graves des droits de l'homme et du droit international humanitaire survenues entre mars 1993 et juin 2003, ce qui permettra par ailleurs d'évaluer les capacités existantes au sein du système de justice nationale afin de faire face à ces violations. Mme Arbour s'est en outre réjouie des progrès enregistrés en matière de justice transitionnelle au Burundi, soulignant que le Président a confirmé son engagement de mettre en place un comité permanent et impartial pour le processus national de consultations.
Enfin, la Haut-Commissaire a rappelé que des efforts de coopération sont encore nécessaires pour mener à leur terme les efforts d'élaboration institutionnelle du Conseil. Une fois que son cadre opérationnel et ses modalités de fonctionnement auront été mis en place, ce Conseil devra accorder toute son attention aux nombreuses situations de droits de l'homme, émergentes ou existantes depuis longtemps, qui requièrent une action. Il devra continuer de s'inspirer de l'expertise et des ressources du système des procédures spéciales et la société civile devra continuer de jouer un rôle essentiel dans les activités et priorités du Conseil. Mme Arbour a en outre attiré l'attention sur l'aspect qu'elle estime le plus novateur, à savoir le mécanisme d'examen périodique universel. Il s'agit d'un instrument moteur pour la promotion et la protection des droits de l'homme. Arriver à un accord sur ce mécanisme ne fut certes pas tâche aisée, mais le Conseil est sur le point d'y parvenir, a-t-elle conclu.
Présentation de rapports
M. LEANDRO DESPOUY, Rapporteur spécial sur l'indépendance des juges et des avocats, a indiqué que son rapport fournit une description générale des différents facteurs affectant le système judiciaire et qui ont une incidence sur son fonctionnement et son indépendance ou qui affectent l'état de droit. Le rapport analyse également l'incidence des états d'exception sur les droits de l'homme, en particulier du point de vue des restrictions qu'ils imposent à l'exercice de la fonction judiciaire, et évoque un certain nombre d'événements relatifs à la justice internationale.
Le Rapporteur spécial a indiqué être parvenu à la première conclusion selon laquelle dans toutes les régions du monde, les responsables de la justice courent des risques : ils sont victimes de harcèlements, d'intimidations, de dénis, de menaces, voire parfois de disparitions forcées. Les cas consignés en 2006 montrent que ces phénomènes sont fréquents, puisqu'ils représentent environ 55 % des communications. Face à cette situation les autorités n'assurent pas toujours une protection adéquate et c'est pourquoi le Conseil des droits de l'homme doit renforcer la protection des différents acteurs participant à la justice, a souligné le Rapporteur spécial.
S'agissant des normes et des pratiques affectant l'État de droit, certaines circonstances d'ordre institutionnel affectent le pouvoir judiciaire, tels que la corruption de ce pouvoir, la lenteur de la justice ou encore l'inégalité dans l'accès à la justice. M. Despouy a par ailleurs constaté avec une vive inquiétude que le processus de réforme du pouvoir judiciaire ne fait parfois que le limiter.
En ce qui concerne les avocats, le Rapporteur spécial a notamment constaté des situations de défaut de respect des garanties liées à l'exercice de leurs fonctions. M. Despouy a par ailleurs indiqué que l'un des problèmes relevant de son mandat qui revêt la plus grande gravité est celui du jugement de civils par des tribunaux militaires. La peine capitale est aussi une question abordée dans le rapport, a-t-il précisé. Il a en outre relevé que les Etats ne respectent pas souvent le principe de non-refoulement des personnes qui encourent des risques de violations des droits de l'homme.
Le Rapporteur spécial a par ailleurs noté qu'une déclaration d'état d'exception est souvent source de graves violations de droits de l'homme. Le plus grand nombre de violations - et, qui plus est, parmi les plus graves - est souvent constaté dans les situations de crise. À cet égard, M. Despouy a proposé l'élaboration d'une déclaration internationale qui consacrerait l'ensemble des principes et pratiques existants et qui aurait pour objet de garantir le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales en période d'état d'exception. Un texte ainsi codifié serait une référence qui imposerait sans équivoque aux États de conformer leur pratique en période de crise aux normes internationales en la matière. Le Rapporteur spécial recommande donc au Conseil des droits de l'homme de mettre en place un mécanisme chargé de rédiger une telle déclaration et, parallèlement, de recueillir les avis des parties intéressées par cette question.
En matière de justice internationale, M. Despouy a notamment fait part de ses réserves que lui inspirent plusieurs questions en rapport avec le Cour pénale suprême iraquien, s'agissant notamment de la capacité de cette instance de prononcer des peines de mort ou encore de l'impact de l'insécurité et de la violence régnant sur le déroulement des procès.
S'agissant de la mission qu'il a effectuée aux Maldives du 25 février au 1er mars dernier, M. Despouy a tenu à remercier le Gouvernement pour lui avoir offert l'occasion d'analyser sur place la situation. Il a constaté plusieurs défauts concernant le système judiciaire qui exigent qu'il soit procédé à des réformes profondes. Le pouvoir judiciaire est privé d'indépendance, a souligné M. Despouy, avant d'encourager le Gouvernement à procéder aux reformes requises.
En ce qui concerne sa mission en République démocratique du Congo. effectuée du 15 au 21 avril 2007, M. Despouy a noté que le pays s'est doté d'une nouvelle Constitution et a organisé les premières élections démocratiques en 2006. Aujourd'hui, la République Démocratique du Congo doit relever deux grands défis, a-t-il poursuivi : établir un État de droit et une démocratie fondés sur une séparation effective des pouvoirs et faire face aux séquelles des crimes du passé. M. Despouy a également estimé qu'il était important du point de vue des droits économiques, sociaux et culturels que le pays récupère la maîtrise de ses ressources naturelles. Enfin, le Rapporteur spécial a demandé que les États suivants répondent favorablement à ses demandes de visite : Tunisie, Nigéria, Kenya, Turkménistan, Ouzbékistan, Iran, Sri Lanka et Cambodge.
Le rapport sur l'indépendance des juges et des avocats (A/HRC/4/25) retrace et analyse l'action menée par le Rapporteur spécial depuis le début de son mandat dans le cadre de la procédure des communications et des missions de pays, afin que le Conseil puisse se faire une idée générale de la nature et l'ampleur des attaques portées contre le système judiciaire. Il aborde également une question particulière et importante, celle de l'incidence des états d'exception et des lois connexes sur les droits de l'homme et l'administration de la justice. Il évoque des événements qui relèvent de la justice internationale, thème qu'il est envisagé d'approfondir à l'avenir. Le Rapporteur préconise notamment la consolidation des mécanismes de défense de la magistrature, en particulier à travers le mandat du Rapporteur spécial, qui devrait voir sa capacité d'action renforcée.
Compte tenu de la dégradation dramatique de la situation en Iraq, et de la sentence prononcée par la Cour pénale suprême d'Iraq, le Rapporteur spécial réitère les critiques qu'il avait formulées en octobre 2006 devant l'Assemblée générale, et il recommande que l'Organisation des Nations Unies participe à la constitution d'un tribunal indépendant respectueux des normes internationales en matière de droits de l'homme. Enfin, le Rapporteur spécial se félicite de l'adoption de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, et il engage les États à la ratifier rapidement.
L'additif 1 au rapport (non disponible en français) résume les communications adressées et reçues des gouvernements.
L'additif 2 (non disponible) résume la mission aux Maldives effectuée par le rapporteur spécial.
L'additif 3 réunit les notes préliminaires sur la mission en République démocratique du Congo effectuée du 15 au 21 avril 2007. M. Despouy relève que la construction d'un pouvoir judiciaire indépendant, fort et efficace doit être une priorité du Gouvernement et des acteurs internationaux actifs dans le domaine de la justice et des droits de l'homme. Sans un renforcement urgent et conséquent du secteur de la justice en République démocratique du Congo, l'État de droit et la consolidation des acquis démocratiques, dans lesquels les Congolais et la communauté internationale ont beaucoup investi pendant ces dernières années, ne pourront devenir une réalité dans le pays.
M. DOUDOU DIÈNE, Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l'intolérance qui y est associée, a présenté son rapport sur les plates-formes politiques qui incitent à la discrimination raciale ou l'encouragent, ainsi que deux additifs au rapport sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l'intolérance qui y est associée qu'il avait déjà présenté lors d'une session précédente et qui portent respectivement sur le résumé des cas transmis aux gouvernements et des réponses reçus (A/HRC/4/19/Add.1) et sur la mission qu'il a effectuée en Fédération de Russie du 12 au 17 juin 2006.
M. Diène a expliqué que son rapport, qui analyse les principales plates-formes politiques qui incitent à la discrimination raciale ou l'encouragent en Europe, en Asie en Afrique, en Amérique et au Moyen-Orient, confirme les tendances lourdes déjà identifiées dans les précédents rapports, comme la banalisation du racisme, la prégnance de plates-formes politiques racistes ainsi que de partis et mouvements d'extrême droite et la légitimation intellectuelle croissante de ces plates-formes. Dans ses conclusions, le Rapporteur spécial a souligné l'importance de l'expression d'une volonté politique forte et d'une grande vigilance éthique pour s'opposer non seulement à la prégnance des ces plates-formes, mais également pour éviter de donner une légitimité démocratique à ces partis en les incluant dans des coalitions de gouvernement. Il a en outre attiré l'attention du Conseil sur deux manifestations croissantes de la banalisation du racisme, à savoir la lecture ethnique et raciale des questions politiques, économiques et sociales et le traitement idéologique et politique de l'immigration comme un enjeu sécuritaire et comme une menace à l'identité nationale. Un exemple en la matière vient d'être donné par la France avec la création d'un Ministère spécifique à cet égard, a-t-il souligné. M. Diène a par ailleurs plaidé pour la participation et la représentation des minorités ethniques culturelles et religieuses au processus décisionnel dans la vie politique, culturelle et économique afin de mettre un terme aux deux expressions centrales de la discrimination dont elles sont victimes : l'invisibilité et le silence.
Évoquant ensuite la mission qu'il a menée en Fédération de Russie, le Rapporteur spécial a fait état de l'existence d'une dynamique profonde de racisme et de xénophobie dans la société russe, qui s'articule autour de la multiplication d'incidents et de crimes racistes, notamment perpétrés par des groupes néo-nazis, dont le degré de violence se traduit de plus en plus par des assassinats de personnes non slaves et originaires d'Afrique, d'Asie, du monde arabe et du Caucase, ainsi qu'autour de l'extension de cette violence aux membres d'organisations de défense des droits de l'homme, aux intellectuels et étudiants engagés dans le combat contre le racisme ; M. Diène a également fait état de l'existence d'un certain degré d'impunité dont jouissent les auteurs de ces actes. Il s'est en outre inquiété de la montée de l'antisémitisme et de l'intolérance religieuse - notamment l'islamophobie -, ainsi que de l'existence de plates-formes politiques qui incitent à la discrimination raciale. Dans ses recommandations, le Rapporteur spécial a plaidé pour l'élaboration d'un programme fédéral d'action contre le racisme et la xénophobie, avec la participation démocratique de toutes les communautés nationales et des organisations de défense des droits de l'homme. M. Diène a rappelé que la Fédération de Russie dispose de deux atouts majeurs, que sont le maillage multiethnique profond de la société, qui structure en profondeur son identité multiculturelle, et l'héritage historique du combat contre le nazisme. La perpétuation de la violence raciste et xénophobe constitue la menace la plus grave à l'approfondissement d'un processus démocratique dans la Fédération de Russie, a-t-il insisté, avant de se proposer de suivre la situation avec vigilance.
Le rapport sur les plates-formes politiques qui incitent à la discrimination raciale ou l'encouragent (A/HRC/5/10, à paraître en français) se penche notamment sur la légitimation progressive de plates-formes qui propagent la haine et l'exclusion, que ce soit de la part de certains intellectuels qui promeuvent des discours d'exclusion centrés sur la défense de l'identité nationale ou de la part de partis politiques parmi les principaux qui soit recourent à la même rhétorique anti-immigrant et xénophobe que les organisations politiques d'extrême droite, soit se retrouvent dans des coalitions de gouvernement avec de tels groupes. Étant donné le défi posé par l'instrumentalisation croissante de la liberté d'expression de la part des groupes d'extrême droite, le Rapporteur spécial appelle à une réflexion renouvelée autour du thème de l'équilibre et de la complémentarité entre liberté d'expression et liberté de religion.
Le rapport du Rapporteur spécial sur sa mission en Fédération de Russie (A/HRC/4/19/Add.3, à paraître en français) conclut que s'il n'y a pas de politique de racisme d'État en Fédération de Russie, la société russe est confrontée à une tendance alarmante de racisme et de xénophobie. Cette montée alarmante de la violence raciste et xénophobe est liée à deux tendances fondamentales dans la société russe, à savoir : d'une part, le fait que le fondement idéologique de la montée de ce type de violence prend sa source dans l'interprétation ethnique, de la part des groupes néo-nazis et extrémistes ainsi que de la part de certains partis politiques, du nationalisme politique promu par les autorités russes afin de remplir le vide idéologique laissé par l'effondrement de l'ex-Union soviétique; et, d'autre part, la profonde crise sociale et économique que traverse la société russe et qui a nourri l'instrumentalisation politique de l'idéologie du nationalisme, tout en promouvant une culture de xénophobie et de racisme dans les groupes de plus en plus marginalisés de la société. Dans ce contexte, l'approche sécuritaire dominante de la question de l'immigration ainsi que l'association croissante entre minorités ethniques et religieuses, d'une part, et criminalité, de l'autre - justifiée par le «combat contre le terrorisme» -, apportent une légitimité à la rhétorique et à la violence racistes et xénophobes. Aussi, M. Diène recommande-t-il notamment que soit officiellement reconnue l'existence du racisme, de la discrimination raciale et de la xénophobie et que soit exprimée une volonté politique de combattre ces phénomènes.
Débat interactif avec les Rapporteurs spéciaux
M. MOHAMED JAMEEL AHMED (Maldives) s'est dit satisfait du rapport de M. Leandro Despouy, dont la visite aux Maldives s'est déroulée dans le contexte d'un vaste programme de réformes du système judiciaire du pays. Ces réformes visent à marier charia et droit laïque emprunté aux systèmes modernes, pour que le pays puisse s'adapter aux exigences juridiques du monde moderne. Une nouvelle constitution est en voie de rédaction, qui prévoit notamment la création d'une cour suprême. Un nouveau code pénal est également en préparation. Une Commission des services judiciaires a été instituée pour aider le Président à prendre des décisions en matière de nomination et de révocation des magistrats. Des progrès importants ont été obtenus dans le domaine de la formation des juges, qui bénéficient d'une formation à l'étranger et dans le pays. Certains magistrats bénéficient par ailleurs d'un programme de formation continue lancé en 2005. Les Maldives collaborent dans ce domaine avec des institutions de Singapour pour la formation du personnel administratif en particulier. Il faut aussi relever la nomination des premières femmes juges aux Maldives, une percée historique. Enfin le Gouvernement des Maldives entend utiliser toutes les ressources à sa disposition pour garantir l'indépendance des juges, a assuré son représentant.
M. EUGÈNE LOKWA ILWALOMA (République démocratique du Congo) a rappelé que son pays vient d'organiser les premières élections démocratiques après quarante années de régime autoritaire. La République démocratique du Congo vient de se doter des institutions légitimes et d'une Constitution qui garantit les droits humains et les libertés fondamentales ainsi que l'indépendance des pouvoirs. Toutefois, l'histoire politique autoritaire et la guerre ont eu des conséquences néfastes et préjudiciables sur le fonctionnement de l'État, a souligné le représentant congolais. Afin de consolider la démocratie et l'État de droit, le Gouvernement a pris une série de mesures dans le domaine de la justice. Ainsi, une loi portant statut des magistrats a été promulguée en octobre 2006 et d'autres lois doivent prochainement suivre. La Commission permanente de réforme du droit congolais a également achevé des avant-projets de loi sur la Cour Constitutionnelle prêts à être soumis au Gouvernement. Le représentant de la République démocratique du Congo a ajouté que, d'ores et déjà, la lutte contre l'impunité et le respect des droits de l'homme font partie des priorités du programme gouvernemental. Le Ministère de la justice a aussi signé un accord avec la Belgique dans le cadre d'un programme de coopération. L'harmonisation de la législation nationale avec les normes internationales figure parmi les axes prioritaires du Ministère de la justice, a affirmé le représentant. Il a tenu à faire remarquer que les différentes initiatives prises par son pays répondent aux recommandations du Rapporteur spécial, mais a ajouté que l'édification de l'État de droit et de la démocratie qui passe par une justice indépendante est un travail de longue haleine.
M. VALERY LOSHCHININ (Fédération de Russie) a souligné que son gouvernement coopère activement avec les procédures spéciales et porte une grande attention aux recommandations et observations qu'elles formulent. Il a expliqué qu'en invitant M. Diène, son pays considérait que le but de sa visite devait être de faire une analyse sérieuse et impartiale de la situation du racisme et de la xénophobie en Russie. «Malheureusement, nos attentes n'ont pas été confirmées», a-t-il regretté. Le rapport est politisé et partial. Et les informations soumises par les diverses instances officielles n'ont pas été prises en compte. Les quelques pages consacrées à une description, dite officielle, de la situation dans le pays prend surtout en compte des présentations effectuées par des organisations non gouvernementales et sont éloignés de la réalité des faits en Russie, a-t-il poursuivi. Il a à cet égard estimé que les tentatives de décrire la situation et de présenter l'histoire de la Russie sont restées superficielles. Certes, il y a eu des manifestations de racisme dans le pays mais en conclure qu'il y aurait en Russie des tendances dominantes de racisme est exagéré, a estimé le représentant russe. Il a ainsi estimé qu'insinuer qu'il y a de graves défauts dans le système russe sur la base de simple supputations, est absurde. «Nous ne pensons pas être parfaits, a-t-il poursuivi, mais parler d'une crise économique et sociale en Russie alors que la situation est stable est exagéré». Il a à cet égard souligné que des problèmes peuvent survenir dans un pays comme la Russie qui accueille près de 800 nationalités et groupes éthniques, avant d'assurer que le Gouvernement œuvre à surmonter ces problèmes. Nous comptions sur un dialogue constructif avec le Rapporteur spécial et nous constatons qu'à ce jour un tel dialogue n'a pas pu être établi, a-t-il déploré. Pour conclure, le représentant russe a insisté sur l'importance d'inclure les principes d'impartialité et de volonté de véritable coopération dans le code de conduite des procédures spéciales.
MME CAROLINE MILLAR (Australie) a souligné que le renforcement de l'indépendance des juges est indispensable pour assurer la protection des droits de l'homme et a fait valoir que l'Australie collabore avec des pays de sa région dans ce domaine. L'Australie doit dire cependant son inquiétude face aux violations des droits des avocats et à la remise en cause de l'indépendance du pouvoir judiciaire à Fidji, depuis un peu plus d'un an. L'Australie est également inquiète des atteintes au pouvoir judiciaire pratiquées au Zimbabwe, situation dont elle aimerait voir le Rapporteur spécial se saisir.
MME ANKE KONRAD (Allemagne, au nom de l'Union européenne) a indiqué que l'Union européenne a adopté une résolution facilitant la lutte contre les appels publics à la discrimination raciale ou religieuse. La représentante a demandé à M. Doudou Diène, Rapporteur spécial sur le racisme, s'il avait vu d'autres cas dans le monde où des mesures similaires ont été prises pour garantissant simultanément la liberté d'expression et la lutte contre la discrimination raciale. La représentante a par ailleurs remercié le Rapporteur spécial Leandro Despouy de son rapport sur l'indépendance du pouvoir judiciaire, notant qu'il recommande l'adoption, par les États, de mesures de protection des juges et avocats. La représentante a par ailleurs voulu savoir comment le Rapporteur spécial compte suivre l'évolution des systèmes judiciaires cambodgien et sri-lankais.
M. SÉRGIO ABREU E LIMA FLORENCIO (Brésil), intervenant au sujet du rapport de M. Doudou Diène, a rappelé que l'Assemblée générale des Nations Unies a exprimé sa profonde préoccupation face aux récentes tentatives visant à établir des hiérarchies entre les formes émergentes et renaissantes de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l'intolérance qui y associée. Il a demandé instamment aux États d'adopter des mesures pour lutter contre ces fléaux. Le Brésil insiste sur la responsabilité des États pour adopter des mesures efficaces de manière à réprimer les nouvelles formes de racisme. Le Brésil est également préoccupé quant à la nécessité d'accorder une attention particulière aux effets négatifs du racisme et de la discrimination raciale sur la pleine jouissance des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels par les minorités nationales ou ethniques ou les majorités souffrant de discrimination. À ce sujet, le Brésil est en train de mener des efforts pour aboutir à l'adoption d'une convention interaméricaine contre le racisme et toutes les formes de discrimination et d'intolérance. Cette Convention doit aider l'hémisphère américain à élaborer des stratégies efficaces pour promouvoir le lien entre le racisme et la discrimination et la construction dans la durée d'un multiculturalisme égalitaire.
M. JUAN MANUEL GÓMEZ ROBLEDO (Mexique) a expliqué que sa délégation souscrit à l'idée qu'il faut renforcer les pratiques en matière d'indépendance des juges et des avocats et partage la recommandation du Rapporteur spécial sur l'organisation d'un séminaire d'experts sur cette question, sous l'égide du Haut-Commissariat. Il faut aborder cette question dans un contexte plus vaste, a-t-il plaidé, et notamment établir un lien avec le sujet plus vaste de la lutte contre le terrorisme. À cet égard, il a dit partager les inquiétudes du Rapporteur spécial face aux violations des droits de l'homme sous prétexte de lutte contre le terrorisme et s'agissant de l'incompatibilité des jugements prononcés par le haut tribunal irakien avec les normes des droits de l'homme. À cet égard, il a rappelé que son pays condamne la peine de mort et a souhaité que le Rapporteur spécial fasse un commentaire sur ce que le Conseil et les États membres pourraient faire si un tel cas se reproduisait et pour éviter que de tels tribunaux prononcent des peines qui devraient appartenir au passé. S'agissant du rapport de M. Doudou Diène, il a partagé l'inquiétude manifestée par le Rapporteur spécial sur l'apparition d'une nouvelle rhétorique en matière de suprématie raciale. Les effets des actions des groupes extrémistes peuvent être considérables, a-t-il averti. Pour conclure, il a encouragé le Rapporteur spécial à continuer d'évaluer les pratiques racistes, comme il l'a si bien fait jusqu'ici.
M. DONG-HEE CHANG (République de Corée) a regretté que le rapport de M. Leandro Despouy ne s'intéresse pas suffisamment aux violations directes des doits et de l'indépendances des juges et avocats, et qu'il empiète sur certains thèmes abordés par d'autres titulaires de mandats. Quant au rapport sur le racisme et la xénophobie de M. Doudou Diène, le représentant a dit partager la conclusion du Rapporteur spécial que ces phénomènes risquent d'affecter la stabilité régionale et les relations entre États. L'engagement des dirigeants démocratiques du monde entier doit être renforcé et il faut appuyer l'idée de M. Diène de demander l'adoption de codes de conduite volontaires pour lutter contre le racisme.
M. SERGIO CERDA (Argentine) a souligné, s'agissant du rapport de M. Leandro Despouy, que son pays s'est investi dans la lutte contre l'impunité. Ila estimé que le Rapporteur spécial pourrait également aborder la question de l'accès à la justice, de même que la question du droit à la vérité. S'agissant de la conception des institutions, et particulièrement du Code de conduite, le représentant argentin a indiqué que son pays suivait les négociations sur le sujet et qu'il serait important que les deux rapporteurs concernés puissent formuler leurs commentaires sur cette question.
Un représentant de l'Uruguay s'est dit en accord avec les affirmations du Rapporteur spécial sur l'indépendance des juges et des avocats s'agissant des facteurs de nature à affecter l'indépendance des juges, de la menace subtile à l'assassinat, en passant par la disparition forcée. Les victimes sont généralement, mais pas exclusivement, les personnes qui interviennent sur des questions pénales qui concernent le crime organisé tel le trafic de stupéfiants. L'indépendance peut également être touchée par la corruption, a-t-il ajouté, soulignant en outre que l'affectation des juges peut dépendre d'affinités politiques au détriment de l'expérience ou de la formation professionnelle.
MME PAULINE DAVIES (Uruguay) intervenant au sujet du rapport du Rapporteur spécial sur le racisme, s'est dite d'accord avec la nécessité exprimée par le Rapporteur d'inclure les minorités et groupes vulnérables dans les instances du pouvoir politique du pays. Elle s'est en outre inquiétée de la discrimination croissante à l'égard des migrants et, s'intéressant plus spécifiquement à la situation en Amérique latine, de la coïncidence préoccupante entre facteurs raciaux et culturels et indicateurs de pauvreté et d'exclusions. Elle a à cet égard rappelé que son pays œuvre à sensibiliser la population sur les questions du racisme et de l'exclusion, dans le but de créer une société plus égalitaire.
M. SWASHPAWAN SINGH (Inde) a remercié le Rapporteur spécial chargé des formes contemporaines de racisme pour son étude sur les plates-formes politiques à caractère raciste, observant que ledit rapport mentionne, à tort, le système de castes existant en Inde. Le représentant a rappelé les efforts importants consentis par le Gouvernement indien à l'instauration de l'égalité entre les citoyens. Le système de castes n'étant pas basé sur des critères raciaux, a rappelé le représentant, il ne peut donc s'agir d'une manifestation de racisme, a-t-il souligné.
MME REN XIAOXIA (Chine), commentant le rapport sur le racisme, a déclaré que ce rapport permet de mieux comprendre les formes nouvelles de ce phénomène. Le rapport fait une large place à une analyse au niveau du pays et du continent. La représentante chinoise a relevé que le rapport mentionne que le terrorisme ne peut pas être mis en équivalence avec certaines religions. La Chine a toujours soutenu que le terrorisme ne devait en aucune manière être assimilé à une religion. À ce titre, une plus grande information est nécessaire sur les cultures non intégrées afin d'en avoir une connaissance approfondie, a estimé la représentante chinoise.
MME TEHMINA JANJUA (Pakistan, au nom de l'Organisation de la conférence islamique) a estimé que M. Diène a été extrêmement franc dans la mise en lumière des formes contemporaines de racisme et de xénophobie et l'a remercié pour son rapport. Citant ce dernier, elle s'est inquiétée de la résurgence de la violence raciste, de la résistance intellectuelle et politique au multiculturalisme, du rejet de la diversité, et de la hiérarchisation des libertés fondamentales, et en particulier celle qui place la liberté d'expression au-dessus des autres et notamment de la liberté de religion. Elle s'est dite préoccupée par le retour du racisme et de l'islamophobie et remercié le Rapporteur spécial d'attirer l'attention du Conseil sur l'actuelle tendance à associer l'Islam avec la violence et le terrorisme et les mesures de stigmatisation prises à l'égard des musulmans. C'est un sujet de préoccupation et le Conseil ne peut rester sourd à ces signaux de régression et à la montée de la violence raciste, a-t-elle insisté. Elle a ainsi exhorté le Conseil à prendre des mesures pour mettre en œuvre les recommandations du Rapporteur spécial.
M. MUSTAFIZUR RAHMAN (Bangladesh) a salué l'objectivité du Rapporteur spécial, M. Diène. Il s'est s'inquiété de la «légitimation démocratique» du racisme telle qu'elle se rencontre en Europe. Il est également néfaste d'établir des hiérarchies entre les libertés et a souligné qu'une autre source d'aggravation du phénomène du racisme se manifeste notamment par une augmentation de l'islamophobie. Les gouvernements doivent manifester leur volonté de lutter contre ces phénomènes et mettre en œuvre des mesures pratiques pour répondre aux exigences du Programme de Durban. On pense par exemple à des campagnes systématiques de lutte contre la diffamation des religions, a insisté le représentant.
M. YURI BOYCHENKO (Fédération de Russie) a indiqué que sa délégation faisait une évaluation positive du rapport de M. Leandro Despouy, notamment s'agissant de son analyse des principes qui garantissent un équilibre entre droits et exigences de sécurité dans le cadre de la mise en place d'états d'exception. S'agissant de l'élaboration de la déclaration internationale sur ce thème, la question doit être examinée dans tout le contexte des mesures qui régissent le rôle de l'État, a estimé le représentant russe. La Fédération de Russie aimerait savoir si le Rapporteur spécial a l'intention de demander l'avis à tous les États concernés et quelles sont les mesures nécessaires pour renforcer l'activité afin de développer et intensifier les travaux à cet égard? La Fédération de Russie a estimé que ce rapport constitue une nouvelle contribution au parachèvement de la conception d'un système judiciaire intégral. En ce qui concerne la visite du Rapporteur spécial prévue en Russie, le représentant russe a dit regretter que celle-ci n'ait pas pu avoir lieu au mois d'avril alors que son pays avait pris toutes les mesures pour organiser cette visite. Toutefois, la Russie est d'accord pour reporter cette visite, a indiqué le représentant russe.
MME JUNIVER MAHILUM-WEST (Philippines) s'est félicitée de l'attention accordée par M. Despouy sur les conséquences de la proclamation de l'état d'urgence sur l'indépendance de la justice . Aux Philippines, l'instauration de l'état d'urgence a été une mesure très limitée dans le temps, a rappelé la représentante, indiquant que la Cour suprême avait, dans ce contexte, fait la preuve du rôle central de l'indépendance du système judiciaire dans la vie juridique du pays. La représentante philippine s'est aussi dite d'accord avec M. Diène quant à la nécessité de traiter les migrants de manière juste et d'envisager leur contribution économique sous un jour favorable. La représentante a par ailleurs approuvé l'insistance sur la notion de dialogue interreligieux mise en avant par le Rapporteur spécial. Elle a enfin demandé si M. Diène entendait intensifier ses activités dans la région du Pacifique.
M. JUAN PABLO VEGAS (Pérou) a estimé que les deux brillants rapports présentés aujourd'hui illustrent l'importance des procédures spéciales. Soulignant que son pays accorde une importance toute particulière au mandat du Rapporteur spécial sur l'indépendance des juges et des avocats, il a demandé au Rapporteur spécial de développer sa proposition de déclaration internationale sur les états d'exception. Il a ainsi rappelé que son pays a connu une période d'état d'exception et que c'est au cours de cette période que les pires violations des droits de l'homme ont été commises. Il a espéré qu'une prise en compte de ce problème contribuerait à faire en sorte que cette situation ne se reproduise pas. Il s'est en outre montré en faveur de l'organisation d'un séminaire d'experts sur cette question. Enfin, faisant référence au rapport de M. Diène, il a expliqué que l'expression «Amérique latine» fait référence à une réalité plutôt culturelle, alors que l'expression «Amérique du Sud» est géographique. Il a à cet égard demandé que l'expression «Amérique latine» ne soit pas employée de manière péjorative, mais comme un héritage qui tient compte de l'apport fondamental en Amérique latine par toutes les cultures, y compris les cultures préhispaniques et africaines.
M. MOHAMMED LOULICHKI (Maroc) a remercié M. Diène pour la mise à jour de son étude. Il a estimé que les manifestations multiples d'incitation à la haine, à la xénophobie et à l'intolérance qui se développent devraient constituer une source d'inquiétude et inciter les États à prendre des mesures pour lutter contre ces dérives. Le Maroc tient à mettre l'accent sur plusieurs questions fondamentales, notamment sur l'importance de l'éducation et de la formation aux droits de l'homme pour lutter contre toutes les formes de racisme et de discrimination raciale. À cet égard, le Maroc compte présenter à la prochaine session du Conseil un projet de résolution visant le lancement du processus en vue de l'adoption d'une déclaration des Nations Unies portant sur l'éducation et la formation aux droits de l'homme. Le Maroc a aussi tenu à souligner l'importance de l'équilibre et de la complémentarité entre la liberté d'opinion et d'expression et la lutte contre la discrimination. Si le Maroc accorde la plus haute importance à la liberté d'expression, celle-ci ne peut pas constituer un prétexte pour véhiculer des propos racistes ou discriminatoires. Le Maroc tient aussi à souligner l'importance primordiale du dialogue interculturel et interreligieux qui contribuent au renforcement des valeurs de paix et de tolérance. À ce sujet, le Maroc a pris individuellement et de concert avec des pays amis plusieurs initiatives pour renforcer la compréhension et le respect mutuel. Enfin, s'agissant du rapport de M. Despouy, le Maroc considère que l'indépendance des juges et des avocats constitue un fondement essentiel de l'État de droit. Le système législatif marocain garantit cette indépendance, a fait remarquer le représentant marocain, qui a ajouté qu'une réforme est en voie d'élaboration afin de renforcer l'indépendance des avocats.
M. CHHEANG VUN (Cambodge) a fait valoir que la Constitution et les lois de son pays renforcent les droits de l'homme et l'état de droit. Les institutions souveraines que sont le Sénat, par exemple, ou encore les instances régionales, exercent leurs mandats dans le plein respect des textes fondamentaux, a assuré le représentant. Répondant à une observation spécifique du Rapporteur spécial M. Leandro Despouy, le représentant a indiqué que, selon la loi nationale, les avocats étrangers doivent obligatoirement être inscrits à l'un des barreaux cambodgiens et respecter les règles de procédure en vigueur.
M. GUSTI AGUNG WESAKA PUJA (Indonésie) a expliqué que son pays reconnaît l'importance de préserver l'indépendance du judiciaire et d'assurer l'accès à la justice, mais pas au préjudice de la souveraineté nationale ou de l'ordre législatif et judiciaire existant. L'indépendance du judiciaire est essentielle pour la promotion et le respect de l'état de droit, et en fonction de leurs besoins spécifiques, les États doivent disposer de l'espace politique nécessaire pour décider quelle législation peut au mieux s'appliquer. Le pouvoir judiciaire est le gardien de la primauté du droit, a-t-il souligné, avant d'estimer que le Rapporteur spécial doit chercher à renforcer les mécanismes sur lesquels repose l'état de droit. Enfin, il a souhaité savoir si le Rapporteur spécial est d'accord avec l'idée que la primauté du droit constitue une garantie suffisante dans le contexte d'un état d'urgence. Il a par ailleurs salué le rapport du Rapporteur spécial sur le racisme, et souligné que le rapport encourage les États à formuler de nouveaux engagements pour assurer que tous les citoyens jouissent des bienfaits de la démocratie, a-t-il souligné. Enfin, il a demandé des précisions sur la méthode utilisée pour l'application du code de conduite volontaire proposé. N'est-ce pas difficile de l'imposer, alors qu'il implique autant une volonté qu'une obligation d'agir, a-t-il demandé ?
M. LEVAN MIKELADZE (Géorgie) a remercié les deux Rapporteurs spéciaux qui ont présenté ce matin leur rapport. S'agissant de celui de M. Diène, la Géorgie partage les conclusions du rapport et souligne que la xénophobie et la discrimination raciale constituent une menace croissante, non seulement pour les droits des victimes, mais aussi pour le développement de la démocratie et de la cohésion sociale. Ce phénomène peut être terrifiant quand il trouve une traduction dans des politiques étatiques. Le représentant de la Géorgie a tenu à rappeler les cas de persécution et de déportation de près de 6000 citoyens géorgiens en Fédération de Russie depuis le mois de septembre 2006. Ces cas sont accompagnés de la violation des droits fondamentaux de ces personnes. Dans trois cas, les personnes déportées ont trouvé la mort. La Géorgie a dit apprécier l'intention du Rapporteur spécial de prendre des mesures à ce sujet. La Géorgie est prête à coopérer pleinement avec le Rapporteur spécial sur ce point.
M. BART OUVRY (Belgique) a demandé à M. Diène comment la communauté internationale peut agir contre les plates-formes politiques incitant au racisme, par exemple dans le contexte du conflit dans la région du Darfour. Le représentant belge s'est aussi félicité de la qualité du rapport de M. Despouy concernant la République démocratique du Congo, la Belgique étant particulièrement intéressée à la reconstruction du système judiciaire de ce pays, comme ses initiatives dans ce domaine en attestent.
M. MOHAMED-ZIAD DOUALEH (Djibouti) a félicité M. Despouy pour la qualité de son rapport, soulignant qu'il propose une analyse sérieuse et approfondie de la question de l'indépendance du judiciaire. Il a rappelé qu'il est vital que les États assurent sécurité et protection des acteurs du judiciaire. Et notamment dans les cas où un pays sort d'un conflit et que le système a été fragilisé ou a cessé d'exister. M. D'autre part, il a salué la qualité du rapport de M. Diène. Il a estimé que son étude dresse un tableau préoccupant de la situation du racisme et de la xénophobie actuelle et qu'elle pose la question des fondements mêmes des démocraties actuelles. M. Doualeh a ainsi estimé qu'il semble y avoir une remise en cause radicale des fondements de la démocratie. Le défi est énorme et la tâche semble insurmontable, a-t-il poursuivi avant d'encourager le Rapporteur spécial dans son travail.
M. JUAN ARIAS PALACIO (Venezuela) a relevé que le renforcement des pouvoirs des juges et des fonctionnaires de justice a été identifié par son pays comme étant une tâche prioritaire. Le Venezuela contribue à améliorer l'administration de la justice par la mise au point et l'exécution de programmes de formation. À cet égard, des concours pour l'obtention du diplôme de juge ont été organisés et plus de cinq cents juges ont été formés. Le tribunal suprême de justice a également établi un code de conduite des tribunaux pour assurer l'impartialité qu'attend le justiciable. Dès le mois d'octobre 2007, des tribunaux mobiles seront créés pour atteindre les zones les plus éloignées du pays. M. Arias a estimé que le Rapporteur spécial devrait également aborder la question de l'accès à la justice. S'agissant de rapport de M. Diène, le représentant a souligné que la Constitution du Venezuela comporte tous les éléments pour permettre une société multiethnique et pluriculturelle. Le Venezuela partage les conclusions de M. Diène.
MME AMY LAURENSON (Nouvelle-Zélande) a remercié les deux Rapporteurs spéciaux pour leurs exposés très complets. S'agissant du rapport sur l'indépendance de la justice, elle a souligné en particulier que son pays s'inquiète de la situation à Fidji, après le coup d'État militaire en 2006: la presse y fait état depuis six mois de nombreux cas de violence et de mesures remettant en cause de l'indépendance de la justice. La représentante a demandé au Rapporteur spécial s'il comptait s'intéresser davantage à cette situation.
M. HIROSHI MINAMI (Japon) a rappelé que le Japon a adhéré à la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale en 1995 et a clairement montré sa volonté de lutter contre la discrimination. Il a également souligné que son pays soutient la construction à long terme d'une société multiculturelle, démocratique, non discriminatoire et interactive, fondée sur la reconnaissance, le respect et la promotion de la diversité culturelle, ethnique et religieuse, ainsi que l'a recommandé M. Diène dans son rapport. Le Japon promeut des stratégies d'élimination de la discrimination à l'égard des Dowas, des Aïnous et des ressortissants étrangers, a-t-il insisté. Enfin, il a partagé l'avis du Rapporteur spécial sur l'importance de créer une société multiculturelle tolérante.
MME NADIA STUEWER (Canada) a demandé si M. Despouy avait l'intention d'examiner dans ses prochains rapports la grave question de la corruption dans les systèmes judiciaires. Ce phénomène porte atteinte à l'état de droit, a-t-elle souligné. Elle a également demandé quels sont les mécanismes de défense de la magistrature que M. Despouy aimerait voir consolider. Concernant le rapport de M. Diène, la lutte contre la discrimination constitue un élément essentiel de la démocratie. Le Canada s'est préoccupé par la situation au Zimbabwe et il encourage le Rapporteur spécial à effectuer une visite dans ce pays.
MME VELIA DE PIRRO (États-Unis) a déclaré que son pays est très préoccupé par les menaces contre les juges et les avocats défendant les droits de l'homme décrites dans le rapport de M. Despouy. Elle a demandé au Rapporteur spécial des précisions chiffrées sur ces phénomènes, et des indications détaillées des pays où ils surviennent. Les États-Unis estiment cependant que l'analyse théorique faite des états d'urgence dans le rapport ne ressortit pas du mandat - déjà assez vaste - du Rapporteur spécial.
M. CHOE MYONG NAM (République populaire démocratique de Corée) a dit apprécier les efforts déployés par le Rapporteur spécial sur le racisme. Il a déploré que des cas d'intimidations et de harcèlement à l'égard des ressortissants coréens au Japon se poursuivent et expliqué qu'ils sont sources de grande inquiétude pour sa délégation. Nous avons à maintes reprises essayé d'attirer l'attention de la communauté internationale sur ces problèmes, a-t-il expliqué. Pour conclure, il a saisi l'occasion pour encourager M. Diène à poursuivre son travail, et lui a demandé ce qu'il compte faire pour remédier à la situation des Coréens au Japon.
M. ALI CHERIF (Tunisie) a remercié M. Diène pour son travail exhaustif. Parmi les recommandations faites par M. Diène, la Tunisie retient notamment celle qui incite à obtenir une ferme volonté pour combattre le phénomène du racisme et de la discrimination raciale. La lutte, tant au niveau national qu'international, pour enraciner davantage les valeurs humaines est essentielle. La Tunisie déploie d'importants efforts pour promouvoir la culture de la différence.
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