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LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE EXAMINE LE RAPPORT DE L'INDE

Compte rendu de séance
Divergence de vues entre l'Inde et le Comité s'agissant de la compétence du Comité à examiner la question des castes

Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a examiné, vendredi après-midi et ce matin, le rapport périodique de l'Inde sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

Le Représentant permanent de l'Inde auprès des Nations Unies à Genève, M. Swashpawan Singh, a d'emblée affirmé que la discrimination fondée sur la caste est une question qui ne relève pas de la définition de la discrimination raciale telle qu'énoncée à l'article premier de la Convention. M. Dipankar Gupta, professeur à l'Université Nehru de New Delhi, a pour sa part exposé les raisons sociologiques pour lesquelles il ne saurait être fait un amalgame entre les notions de race et de caste. M. Goolam E.Vahanvati, Procureur général de l'Inde, a souligné que la Constitution de l'Inde enjoint l'État à ne dénier à personne le droit d'égalité devant la loi. En outre, elle interdit la discrimination fondée sur la religion, la race, la caste, le sexe ou le lieu de naissance. La Constitution stipule que l'intouchabilité est abolie et sa pratique sous quelque forme que ce soit interdite, a rappelé le Procureur général. La Constitution prévoit en outre une discrimination de protection en faveur des classes de citoyens «en retard» du point de vue social ou éducatif ou des castes et tribus «énumérées» dans la liste établie par le chef de l'État selon des critères bien définis.

La délégation indienne, qui était également composée de représentants du Ministère de la justice sociale et du Ministère des affaires étrangères, a fourni aux experts des compléments d'information en ce qui concerne, notamment, la loi sur les forces armées et autres lois spéciales promulguées dans le contexte de la lutte contre le terrorisme ainsi que la loi sur la police; les questions de nationalité; la question des mariages intercastes; la Commission nationale des droits de l'homme; le travail des enfants; les questions relatives aux réfugiés et celles relatives aux peuples autochtones et tribaux.

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Inde, M. Linos Alexandre Sicilianos, a salué le fait que le Gouvernement de l'Inde, sans être d'accord avec la position juridique du Comité, est tout à fait conscient des problèmes concernant en particulier les intouchables ou certaines tribus énumérées. Il a toutefois souligné que l'interprétation selon laquelle la notion d'ascendance ne renverrait qu'à l'ascendance raciale ne découle ni du sens ordinaire du terme ni des travaux préparatoires de la Convention. Dans la pratique, la discrimination fondée sur l'ascendance persiste en Inde, a-t-il affirmé, déplorant notamment la persistance de châtiments extrajudiciaires pour des mariages intercastes ainsi que la double discrimination dont souffrent les femmes dalit. Le rapporteur s'est inquiété d'allégations de déplacements de peuples autochtones et de tribus dans plusieurs régions de l'Inde.


Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l'examen du rapport de l'ex-République yougoslave de Macédoine (CERC/C/MKD/7).



Présentation du rapport

Le Représentant permanent de l'Inde auprès des Nations Unies à Genève, M. SWASHPAWAN SINGH, a souligné que ce dix-neuvième rapport périodique, bien que parvenant au Comité avec un certain retard, dresse un tableau complet de la situation en Inde. Il a rappelé que la Constitution indienne reflète l'idéal de pluralisme et de tolérance associé à une société pluraliste, plurilingue et multiculturelle. L'Inde n'a jamais vacillé dans son engagement en faveur de la tolérance, a-t-il insisté. La Constitution indienne proscrit la discrimination sous quelque motif que ce soit, a ajouté M. Singh. La discrimination fondée sur la caste est une question qui ne relève pas de la définition de la discrimination raciale telle qu'énoncée à l'article premier de la Convention, a par ailleurs déclaré le Représentant permanent. La Constitution établit une distinction entre les notions de caste, de race et d'ascendance, a-t-il insisté. M. Singh s'est dit encouragé par les progrès obtenus par son pays et a assuré que l'Inde est ouverte à la discussion et au dialogue.

Il n'y a pas en Inde de discrimination institutionnalisée qui serait le fait de l'État, a poursuivi M. Singh. Il a fait part de l'objectif des autorités de rendre autonomes les secteurs défavorisés de la société indienne. Il a en outre souligné que la Commission nationale des droits de l'homme de l'Inde est très active pour promouvoir le programme national en faveur des droits de l'homme.

L'Inde figure au nombre des pays les plus touchés par le fléau du terrorisme, a par ailleurs indiqué M. Singh. La foi du pays dans ses valeurs fondamentales n'en a pas pour autant été ébranlée, a-t-il ajouté.

Présentant le rapport indien, M. GOOLAM E.VAHANVATI, Procureur général de l'Inde, a rappelé que la Constitution indienne stipule que l'Inde est une république démocratique souveraine, socialiste et laïque. La justice sociale, l'égalité et la dignité de la personne forment les piliers de la démocratie sociale indienne, a-t-il ajouté. L'article 14 de la Constitution de l'Inde enjoint l'État à ne dénier à personne le droit d'égalité devant la loi, chacun devant bénéficier d'une protection égale devant la loi, a poursuivi M. Vahanvati. Il a en outre rappelé que dans la structure constitutionnelle indienne, les tribunaux supérieurs peuvent exercer leur pouvoir d'examen judiciaire pour l'application de tout droit fondamental, y compris le droit à l'égalité; la portée d'un tel pouvoir est extrêmement vaste, a souligné le Procureur général. Ainsi, une partie qui s'estime lésée peut-elle toujours chercher compensation par le biais des procédures juridiques ordinaires ou par le biais d'une requête écrite, en vertu de l'article 226 de la Constitution, devant les tribunaux supérieurs.

M. Vahanvati a par ailleurs souligné que l'article 15 de la Constitution interdit la discrimination sur certaines bases spécifiques, à savoir lorsque la discrimination est fondée sur la religion, la race, la caste, le sexe ou le lieu de naissance. Quant à l'article 16 de la Constitution, il garantit l'égalité de chances pour tous les citoyens dans les questions relatives à l'emploi et interdit la discrimination sur des bases précisées dans la loi. Alors que l'article 14 de la Constitution garantit le droit général à l'égalité, les articles 15 et 16 sont des manifestations de ce même droit en faveur des citoyens, dans certaines circonstances particulières. La Constitution indienne prévoit en outre une discrimination de protection en faveur des classes en retard du point de vue social ou éducatif ou des castes et tribus énumérées, a rappelé le Procureur général; aussi, a-t-il précisé, des programmes de discrimination compensatoire ou protectrice ont-ils été mis en œuvre par les différents États et par le Gouvernement de l'Union.

L'article 17 de la Constitution stipule que l'intouchabilité est abolie et sa pratique sous quelque forme que ce soit interdite, a poursuivi M. Vahanvati. Ce même article affirme que l'application de toute incapacité découlant de l'intouchabilité constitue un délit punissable par la loi, a-t-il précisé. Bien entendu, une simple énumération de droits, pour admirable qu'elle soit, ne saurait avoir de valeur sans moyens de les mettre en œuvre, a reconnu le Procureur général, qui a fait valoir que le droit de saisir la Cour suprême pour l'application des droits fondamentaux constitue en soi un droit fondamental reconnu par la Constitution.

M. Vahanvati a déclaré que jusqu'en 1996, il n'avait jamais été affirmé que la caste relevait du concept de discrimination raciale sur la base de l'«ascendance»; ce n'est qu'en 1996, soit trois décennies après la création du Comité, qu'une telle assertion a vu le jour.

Complétant cette présentation, M. DIPANKAR GUPTA, professeur à l'Université Nehru de New Delhi, a présenté les raisons sociologiques pour lesquelles il ne saurait être fait un amalgame entre les notions de race et de caste. La caste comme la race sont des notions non pas scientifiques mais sociologiques, a-t-il souligné. Il a expliqué qu'en fait, l'idée qui sous-tend le système des castes en Inde est que mélanger les «substances propres à chaque caste» provoque une «pollution». La notion de hiérarchie inamovible dans les castes - associée à l'idée de castes ayant à leur sommet le brahmane - est une notion erronée, a affirmé M. Gupta. L'idée que les Brahmanes seraient des chefs est erronée, a-t-il insisté. Il y a même en Inde des régions où les Brahmanes sont mal considérés. Une caste n'a de sens que dans un rayon de 300km au plus, a indiqué M. Gupta; il s'agit donc en fait d'un phénomène local. Le phénomène d'intouchabilité est présent dans toutes les castes, a par ailleurs indiqué M. Gupta.


Le rapport périodique de l'Inde (quinzième au dix-neuvième rapport: CERD/C/IND/19), qui couvre la période allant de 1996 à 2006, rappelle que l'Inde est la patrie de plus d'un milliard de personnes d'origines et de religions diverses. C'est une société tolérante dans laquelle des individus de foi et de confession différentes se sont unis pour édifier la plus grande démocratie du monde et où les droits de l'homme et les libertés fondamentales universellement reconnus sont garantis à tous les citoyens protégés sans discrimination. En vertu du Code pénal, l'incitation à la discrimination raciale est une infraction, poursuit le rapport. La Constitution dispose qu'aucun citoyen ne sera, pour des raisons fondées sur la religion, la race, la caste, le sexe ou le lieu de naissance, frappé de quelque incapacité que ce soit ou soumis à une restriction. La Constitution prévoit en outre expressément que l'État est tenu de protéger les groupes vulnérables contre les injustices et toutes les formes d'exploitation. Le Code pénal, quant à lui, érige en infraction l'incitation à la haine raciale fondée sur divers motifs, dont la race. Le rapport rappelle que le Gouvernement indien maintient que la «caste» ne saurait se confondre avec la «race», ni être englobée dans l'«ascendance» aux termes de l'article premier de la Convention. Les termes «race» et «caste» sont mentionnés séparément dans la Constitution indienne en tant que motifs interdits de discrimination. Par conséquent, ils ne peuvent pas être considérés comme interchangeables ou synonymes. Si le concept de caste était englobé dans celui de race, il n'y aurait aucune raison de les citer séparément. C'est la raison pour laquelle le présent rapport, à l'instar du précédent, ne contient pas de renseignements sur les castes et tribus énumérées ou sur des questions s'y rapportant. Par obligeance à l'égard des membres du Comité, le Gouvernement indien se fera un plaisir de fournir au Comité, s'il le souhaite, des renseignements sur ces castes et tribus énumérées, sans rapport avec l'obligation de lui présenter des renseignements en vertu de la Convention.

Le Gouvernement indien a adopté une politique palliative afin de créer un environnement propice à l'exercice des droits de l'homme chez certains groupes vulnérables de la société qui ont été socialement et économiquement défavorisés. Parmi les mesures qui ont été prises figurent la réservation de postes dans la fonction publique et l'administration, de sièges au Parlement et dans les organes législatifs des États, et la mise en place de conseils consultatifs et de départements distincts pour la protection sociale de ces groupes, qui ont été répertoriés dans les annexes pertinentes de la Constitution et sont désignés sous le nom de castes/tribus «énumérées» (ou défavorisées). La Commission nationale pour les castes énumérées et la Commission nationale pour les tribus énumérées sont chargées d'assurer l'application de ces mesures et d'étudier les cas de violation de ces droits tandis que divers projets et plans spécifiques ont été mis en place pour promouvoir les chances des bénéficiaires en matière d'éducation et d'emploi. Une société nationale de financement du développement en faveur des castes et tribus défavorisées a notamment été créée pour étudier et financer des projets de développement économique jugés viables. De même, les mesures palliatives se multiplient en faveur de groupes défavorisés appartenant à la catégorie des autres couches opprimées de la population: réservation d'une proportion supplémentaire de 27% des emplois dans l'administration, création d'une société nationale de financement du développement en faveur de ces groupes défavorisés pour financer à des conditions libérales l'amélioration de la technique et de la gestion des entreprises qui serait également l'organe le plus haut placé chargé de contrôler les activités de société analogues dans les divers États.


Examen du rapport

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Inde, M. LINOS ALEXANDRE SICILIANOS, a rappelé que selon la Convention de Vienne sur le droit des traités, un traité doit être interprété de bonne foi, à la lumière, notamment, de son but. En outre, selon cette même Convention de Vienne, un terme sera interprété dans un sens donné s'il est établi que telle était l'intention des parties. Conformément à son sens ordinaire, le terme «ascendance» désigne la ligne généalogique par laquelle on remonte des enfants aux parents; il semble donc que les auteurs de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale aient voulu interdire les discriminations liées à la naissance d'une personne et qui se transmettent de génération en génération. Les travaux préparatoires à la rédaction de la Convention confirment cette approche, contrairement à ce que prétend l'Inde, a déclaré M. Sicilianos. Il apparaît qu'à l'époque de l'élaboration de la Convention, l'Inde entendait bien inclure la question des castes dans le champ d'application de la Convention, a insisté l'expert. Donc l'interprétation selon laquelle la notion d'ascendance ne renverrait qu'à l'ascendance raciale ne découle ni du sens ordinaire du terme ni des travaux préparatoires de la Convention, a fait valoir M. Sicilianos.

La Convention ne concerne pas seulement la discrimination fondée sur la race; elle concerne aussi la discrimination fondée, entre autres, sur l'origine nationale, sur l'origine ethnique et sur l'ascendance, a rappelé M. Sicilianos. Le titre de la Convention ne reflète pas l'ensemble des discriminations couvertes par ce traité, a-t-il insisté.

Le Comité est conscient que la Constitution indienne a aboli le système de castes et les discriminations y relatives, a souligné M. Sicilianos. En outre, d'importantes mesures d'action affirmative ont été prises par les autorités indiennes, a-t-il relevé. Dans la pratique toutefois, la discrimination fondée sur l'ascendance persiste dans le pays, a-t-il déclaré. Il a déploré la persistance de châtiments extrajudiciaires pour des mariages intercastes, du lynchage ou du viol, ainsi que la double discrimination dont souffrent les femmes dalit. Le travail forcé et le travail des enfants persistent également en Inde, a ajouté M. Sicilianos. D'autre part, a-t-il poursuivi, une discrimination de facto frappe les dalit pour ce qui est de la participation à la vie publique. M. Sicilianos a également dénoncé l'impunité dont jouissent les forces de police en cas de sévices contre des dalit.

Plus de 80 millions de personnes en Inde, notamment les Adivasis, sont classées par l'Organisation internationale du travail parmi les peuples autochtones, a rappelé M. Sicilianos. Or, il semble qu'il n'y ait pas de critère précis pour désigner les tribus «énumérées», a-t-il relevé.

M. Sicilianos a indiqué que le Comité avait été saisi d'une procédure d'alerte pour violations des droits de populations autochtones dans le nord-est de l'Inde, en rapport avec la construction de grands barrages. Il a souhaité connaître la réaction de la délégation indienne à ce sujet.

Le rapporteur a par ailleurs fait état d'informations selon lesquelles la religion des Adivasis ne serait pas reconnue, certains groupes hindouistes fondamentalistes souhaitant même convertir ces populations.

L'expert s'est également inquiété d'informations faisant état de déplacements de peuples autochtones et de tribus dans plusieurs régions de l'Inde.

M. Sicilianos s'est en outre enquis de la situation des populations réfugiées du Myanmar. Pour quelles raisons l'Inde n'est-elle toujours pas partie à la Convention de 1951 sur le statut des réfugiés, a-t-il aussi demandé?

En conclusion, M. Sicilianos a insisté sur le fossé important qui existe entre les textes législatifs, d'une part – notamment la Constitution, et la réalité pratique.

Un autre expert a rappelé que les castes «énumérées» concernent 16,5% de la population indienne (soit 166,6 millions de personnes) et les tribus «énumérées» 8% (soit 84,3 millions de personnes). Il semble qu'il soit possible de s'entendre sur le fait que le système de caste est source de discrimination, a affirmé cet expert, ajoutant qu'il est difficile de ne pas faire l'amalgame entre caste et ascendance.

Un expert a relevé les importantes contradictions qui apparaissent entre ce qu'affirment les autorités indiennes et les informations en provenance des organisations non gouvernementales qui, elles, rapportent notamment des problèmes fonciers, des problèmes de déplacements forcés, ainsi que des problèmes de logement, de santé et d'éducation.

Un membre du Comité a indiqué ne pas comprendre pourquoi un pays comme l'Inde qui, en 1965, a voulu que l'ascendance soit inscrite au nombre des motifs de discrimination retenus dans la Convention, soit soudain devenu opposé à toute référence à la notion de caste, bien que personne ne prétend que la caste et la race sont synonymes. Quand et pourquoi l'Inde a-t-elle opéré un tel revirement de position s'agissant de la question des castes, a insisté cet expert?

Le système des castes a pour effet de défavoriser et d'opprimer des catégories de personne, a souligné un expert. Ce système constitue une discrimination fondée sur l'ascendance, a insisté un autre. Un troisième a souligné que le problème des castes déborde le seul cadre de l'Inde et concerne d'autres pays du monde, comme le Comité a pu l'observer en 2002, lors de son débat qui a abouti à l'adoption de son observation générale n°29 sur la discrimination fondée sur l'ascendance, et notamment les castes. Cet expert a exprimé l'espoir que pourra être surmontée la divergence de vues qui demeure entre l'Inde et le Comité s'agissant de ces questions.

En Inde, un nombre important de personnes se trouvent dans les couches inférieures, du point de vue de la place qu'elles occupent au sein de la société, a fait observer un expert, soulignant qu'il convenait de trouver une voie d'intégration constructive pour ces personnes, a affirmé cet expert.

Plusieurs membres du Comité ont souligné que le Comité avait pour habitude de se pencher sur la situation des populations autochtones et tribales.


Renseignements complémentaires et réponses de la délégation indienne

La délégation de l'Inde a assuré que les autorités du pays n'ont jamais prétendu qu'il n'y a pas de discrimination fondée sur la caste en Inde. Tel n'est clairement pas le cas, a-t-elle ajouté. Très consciente de ce fait et profondément préoccupée par la discrimination fondée sur la caste, l'Inde est totalement engagée à y remédier à tous les niveaux. Pour autant, il est incorrect voire inacceptable de prétendre que, lors de la négociation de la Convention dans les années 60, l'Inde avait eu l'intention d'inclure la notion de caste dans le champ d'application de cet instrument, a affirmé la délégation. Elle a par ailleurs rappelé que la Constitution indienne a aboli la notion d'intouchabilité et que des dispositions ont été prises afin de traiter la discrimination fondée sur la caste. La référence qui avait été faite lors des travaux préparatoires à la Convention, en 1965, aux castes énumérées n'avait pour seul objet que de protéger, pour tout scénario à venir, les mesures spéciales prévues par la Convention en 1950 en faveur des castes énumérées défavorisées; cela n'avait rien à voir avec la définition de la discrimination raciale ni avec la notion d'ascendance, a insisté la délégation. La position du Gouvernement de l'Inde concernant ces questions a toujours été cohérente et il n'a jamais subi le moindre changement, a-t-elle ajouté.

De l'avis de la délégation, les politiques visant à lutter contre la discrimination raciale et le racisme ne sont de toute évidence pas les mêmes que celles qui visent à lutter contre les conséquences des castes.

La notion de caste ne recoupe pas celle de groupe ethnique, a par ailleurs souligné la délégation. Caste ne signifie pas non plus race, a-t-elle rappelé. L'Inde dispose de lois spécifiques visant à lutter contre la discrimination fondée sur la caste, a-t-elle ajouté.

Un expert ayant fait état d'informations inquiétantes concernant les violences sexuelles à l'encontre des femmes dalit, la délégation a rappelé que le mandat du Comité concerne simplement la discrimination raciale. La question du droit des femmes relève du Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, a insisté la délégation.

La loi sur les forces armées (dispositions spéciales) de 1958 et autres lois spéciales promulguées dans le contexte de la lutte contre le terrorisme ont toujours tenu compte de la nécessité de garantir une protection appropriée des droits de l'homme, a par ailleurs souligné la délégation.

La loi sur la police remonte à l'époque coloniale, a rappelé la délégation. La Cour suprême ayant mis l'accent sur la nécessité pour le Gouvernement d'agir dans ce domaine, la réforme de la police occupe grandement le Gouvernement, a-t-elle ajouté.

Il n'existe aucune disposition relative à l'acquisition automatique de la nationalité indienne par mariage avec un ressortissant indien, a indiqué la délégation en réponse à une autre question.

Un membre du Comité ayant souhaité savoir si des restrictions frappent les mariages mixtes, la délégation a souligné que la Cour suprême, dans son jugement du cas Lata Singh c. l'État d'Uttar Pradesh, avait récemment demandé que soit assurée la protection des couples composés de personnes issues de castes différentes. Un expert a souhaité en savoir davantage sur le contenu des recommandations de protection figurant dans les directives associées à l'arrêt de la Cour suprême mentionné par la délégation.

Un membre du Comité ayant insisté pour savoir à quelle caste est censé appartenir un enfant issu de parents appartenant à des castes différentes, la délégation a indiqué qu'un tel enfant est alors censé n'appartenir à aucune caste.

La Commission nationale des droits de l'homme est une institution autonome devant être dirigée par le Président de la Cour suprême de l'Inde, a en outre indiqué la délégation. Ses recommandations reçoivent la plus haute attention de la part des autorités gouvernementales, a-t-elle assuré.

La peine de mort existe bien en Inde mais n'est appliquée que dans de très rares cas, a d'autre part souligné la délégation en réponse à la question d'un membre du Comité.

S'agissant du travail des enfants, la délégation a souligné qu'il s'agit d'un fléau que l'Inde veut combattre. Mais ce phénomène ne touche pas seulement les castes énumérées; il touche toutes les castes et c'est la pauvreté qui en est la cause, a affirmé la délégation. Fort heureusement, plusieurs organisations, gouvernementales et non gouvernementales, parmi lesquelles le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF), se sont efforcées de mettre un terme au travail des enfants sous toutes ses formes, notamment dans l'État de l'Uttar Pradesh, a indiqué la délégation.

Interrogée sur son éventuelle intention de faire la déclaration prévue à l'article 14 de la Convention afin de reconnaître la compétence du Comité pour recevoir et examiner des plaintes individuelles, la délégation a mis en avant l'indépendance de la Cour suprême de l'Inde et a rappelé que la Constitution indienne prévoit la saisine directe de la Cour suprême pour toute personne ou tout groupe de personnes qui s'estime lésé. Il existe en outre toute une gamme de recours autres en cas de violation des droits de l'homme, y compris auprès de la Commission nationale des droits de l'homme, a ajouté la délégation.

En ce qui concerne les questions relatives aux réfugiés, la délégation a souligné que l'Inde accueille aujourd'hui encore un grand nombre de réfugiés sur son territoire. La Convention de 1951 sur le statut des réfugiés ne prévoit pas un bon équilibre entre les droits et obligations des pays d'accueil et d'origine, a affirmé la délégation. C'est pourquoi l'Inde, malgré son engagement en faveur des réfugiés, trouve difficile d'adhérer à un tel instrument. Les pays qui n'ont pas adhéré à la Convention de 1951 sont tous des pays qui ont dû faire face à un afflux massif de réfugiés, a fait observer la délégation, après avoir rappelé le gigantesque afflux de réfugiés auquel l'Inde avait dû faire face en 1971. Malgré l'absence d'une législation nationale spécifique, l'Inde a toujours, en la matière, pratiqué le principe du non-refoulement, a en outre fait valoir la délégation.

L'Inde est partie à la Convention de l'Organisation internationale du travail sur les peuples indigènes et tribaux, a rappelé la délégation, qui a souligné, à cet égard, que seule les conventions pertinentes de l'OIT ont défini ce qu'il faut entendre par peuple autochtone. Au regard de ladite définition, la totalité de la population de l'Inde au moment de l'indépendance relève de cette définition, a indiqué la délégation. Le Comité n'est compétent que pour les questions de discrimination raciale et les questions concernant telle ou telle tribu ne relèvent pas de cette problématique, a affirmé la délégation. Elle a par ailleurs indiqué qu'un projet de politique nationale sur les tribus est en cours d'élaboration. La Loi sur les tribus criminelles, qui datait de l'époque coloniale, a été abrogée depuis longtemps, a rappelé la délégation.

Des experts s'étant enquis de la situation de certaines tribus insulaires, notamment dans les îles d'Andamar et de Nicobar, la délégation a assuré que les autorités avaient à cœur l'intérêt des populations de ces îles.

La délégation a précisé que les tribus «énumérées» sont citées dans une liste présidentielle dont la révision obéit à des critères très stricts.

Observations préliminaires

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Inde, M. LINOS ALEXANDRE SICILIANOS, a remercié la délégation pour les efforts qu'elle a déployés afin de répondre à certaines questions. Indiquant ne pas avoir l'intention de revenir sur «la question de la divergence juridique» entre la délégation et le Comité, il a toutefois assuré ne pas avoir mal interprété les déclarations qu'avait faites la délégation indienne en 1965, au moment de l'élaboration de la Convention.

Le rapporteur a souligné les informations dont dispose le Comité sont diverses et proviennent non pas de quelques organisations non gouvernementales mais de dizaines et de dizaines d'ONG, a poursuivi M. Sicilianos. Des informations concordantes sont parvenues au Comité concernant la situation de très nombreuses personnes en Inde, a-t-il ajouté. Il dispose également d'informations provenant des autres organes de traités ainsi que des institutions et organes des Nations Unies, sans parler des informations provenant de la Commission nationale des droits de l'homme de l'Inde. En leur qualité d'experts, les membres du Comité ont la possibilité de consulter un certain nombre de sources pour parvenir à des conclusions pondérées, a souligné M. Sicilianos.

Le Gouvernement de l'Inde, sans être d'accord avec la position juridique du Comité, est tout à fait conscient des problèmes, notamment ceux relatifs aux intouchables ou certaines «tribus énumérées», a poursuivi M. Sicilianos. Il eût toutefois été souhaitable d'en savoir davantage sur les mesures prises dans ces domaines. La communauté internationale a certes salué l'hospitalité de l'Inde à l'égard des réfugiés; néanmoins, M. Sicilianos a indiqué ne pas avoir été sensible à l'argumentation avancée pour expliquer que l'Inde n'est pas devenue partie à la Convention de 1951 sur le statut des réfugiés.

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