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LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE EXAMINE LE RAPPORT DU CANADA

Compte rendu de séance

Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport périodique du Canada sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

Mme Diane Fulford, Sous-Ministre adjointe en charge de la citoyenneté et du patrimoine au Ministère du patrimoine du Canada, a rappelé que le Canada constitue l'une des sociétés les plus multiculturelles et pluralistes au monde. D'ici 2017, un Canadien sur cinq sera d'origine non blanche et non aborigène, a-t-elle fait observer. De ce fait, il est particulièrement important pour le Canada de continuer à prendre des mesures pour instaurer une société au sein de laquelle la discrimination raciale n'est pas tolérée. La société canadienne se fonde sur un solide cadre juridique qui insiste sur les principes de respect et d'égalité des chances pour tous, a insisté Mme Fulford. Le Canada n'est pas exempt d'actes de discrimination raciale, mais les autorités n'ont de cesse d'améliorer et de compléter leurs efforts visant à combattre le racisme, a-t-elle déclaré. De nombreuses communautés autochtones sont confrontées à des défis particuliers face à la pauvreté et aux problèmes de santé et d'éducation, a reconnu la chef de la délégation, ajoutant que le pays s'efforce de prendre des mesures concrètes s'agissant de questions intéressant particulièrement les autochtones. Le Plan d'action du Canada contre le racisme «Un Canada pour tous» est l'un des plus récents piliers mis en place pour appuyer les efforts visant à éliminer la discrimination raciale au Canada.

La délégation canadienne était également composée de représentants du Ministère des affaires étrangères et du commerce international; du Ministère de la justice; du Ministère des affaires indiennes et du Nord; du Ministère de la citoyenneté et de l'immigration; du Ministère de la sécurité publique et de la protection civile; du Ministère des ressources humaines et du développement social; ainsi que de représentants des provinces du Québec, de l'Ontario et de la Colombie britannique. La délégation a fourni aux experts des compléments d'information en ce qui concerne le principe de multiculturalisme; la terminologie relative aux minorités; le plan d'action contre le racisme; la loi antiterroriste; les certificats de sécurité; le port du voile islamique; ainsi que les questions autochtones.

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Canada, M. Patrick Thornberry, a notamment relevé que le Canada est peut-être l'un des premiers pays au monde à avoir promu une politique de multiculturalisme - l'une des plus grandes conquêtes de la société canadienne selon un autre membre du Comité -, et devrait servir d'exemple. Il a toutefois estimé que cette politique de multiculturalisme pourrait judicieusement être complétée par une politique de lutte contre le racisme plus ciblée, relevant que beaucoup d'informations font notamment état de racisme à l'égard des Noirs dans la société canadienne. Le rapporteur s'est dit préoccupé que nombre de membres des populations autochtones ne sont pas reconnus comme Indiens et ne relèvent donc pas de la Loi sur les Indiens. Il a en outre fait part de sa préoccupation face au nombre disproportionné d'enfants autochtones séparés de leurs communautés et pris en charge par l'État.

Le Comité adoptera, dans le cadre d'une séance privée, des observations finales sur le rapport du Canada, qui seront rendues publiques à la fin de sa session.


Cet après-midi, à 15 heures, le Comité examinera à huis clos des communications qui lui sont présentées en vertu de l'article 14 de la Convention. Demain matin, à 10 heures, il examinera, au titre de la procédure de bilan applicable aux pays dont les rapports accusent un important retard, les situations au Nicaragua, au Congo, en Papouasie-Nouvelle-Guinée et au Togo.


Présentation du rapport

Présentant le rapport de son pays, MME DIANE FULFORD, Sous-Ministre adjointe en charge de la citoyenneté et du patrimoine au Ministère du patrimoine du Canada, a rappelé que le Canada constitue l'une des sociétés les plus multiculturelles et pluralistes du monde, dont les résidents revendiquent plus de 200 origines ethniques. D'après les projections démographiques, d'ici 2017, un Canadien sur cinq sera d'origine non blanche et non aborigène, a-t-elle fait observer. De ce fait, il est particulièrement important pour le Canada de continuer à prendre des mesures pour instaurer une société au sein de laquelle la discrimination raciale n'est pas tolérée. La société canadienne se fonde sur un solide cadre juridique qui insiste sur les principes de respect et d'égalité des chances pour tous, a insisté Mme Fulford. Bien que le Canada ne soit pas exempt d'actes de discrimination raciale, des politiques et des recours existent pour traiter de ces questions et les autorités n'ont de cesse d'améliorer et de compléter leurs efforts visant à combattre le racisme, a déclaré la Sous-Ministre adjointe.

Au nombre des mesures prises depuis l'examen du précédent rapport de son pays, Mme Fulford a notamment fait part de la réduction de moitié des frais relatifs au droit de résidence permanente, mesure qui vise à réduire le fardeau financier pesant sur les nouveaux immigrants. Elle a également rappelé que des excuses officielles avaient été adressées à la communauté chinoise canadienne pour la taxe d'entrée appliquée à ses membres aux XIXe et XXe siècle.

La situation des autochtones en matière de santé s'est améliorée au Canada, a poursuivi Mme Fulford. L'écart d'espérance de vie entre les Canadiens des Nations premières et les Canadiens non autochtones a considérablement été réduit depuis 1980, a-t-elle fait valoir. En dépit des efforts déployés, a-t-elle reconnu, de nombreuses communautés autochtones sont confrontées à des défis particuliers en termes de pauvreté, de santé et d'éducation et la situation sanitaire des autochtones reste moins bonne que celle des autres Canadiens. Dans une nation aussi prospère et progressive que le Canada, cette situation est inacceptable, a déclaré Mme Fulford. Aussi, le pays s'efforce-t-il de prendre des mesures concrètes s'agissant de questions intéressant particulièrement les autochtones. En mars 2006, par exemple, le Gouvernement a mis en œuvre le Protocole pour la salubrité de l'eau potable dans les communautés des Premières nations. Des efforts particuliers sont en outre déployés pour remédier aux problèmes de santé des autochtones, a ajouté Mme Fulford. En mai 2006, a également été approuvé un accord de règlement concernant les pensionnats indiens, afin de favoriser la réconciliation entre tous les Canadiens; cet accord élargira l'accès à l'indemnisation et au soutien en matière de santé mentale pour tous les anciens élèves de ces pensionnats indiens. En partenariat avec les dirigeants des Nations premières, le Canada progresse aussi sur la question des droits de propriété matrimoniale sur les réserves. En outre, a poursuivi Mme Fulford, pour lutter contre la violence dont les femmes autochtones sont victimes, le Canada continue de soutenir l'initiative «Sœurs d'esprit» de l'Association des femmes autochtones du Canada, qui vise à déterminer le nombre exact de victimes, les causes profondes de cette violence, ainsi que les services qui pourraient faire l'objet d'améliorations afin d'éliminer la violence fondée sur la race et le sexe. Mme Fulford a par ailleurs insisté sur la décision prise par le Canada d'abroger l'article 67 de la Loi canadienne sur les droits de la personne – article qui avait pour conséquence d'exempter les dispositions de la Loi sur les Indiens et les décisions prises en vertu de cette loi de la protection de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

Le Plan d'action du Canada contre le racisme «Un Canada pour tous» est l'un des plus récents piliers mis en place pour appuyer les efforts visant à éliminer la discrimination raciale, a en outre indiqué Mme Fulford.

La chef de la délégation canadienne a ensuite mentionné un certain nombre d'initiatives prises au niveau provincial afin de lutter contre la discrimination. Elle a ainsi indiqué que pour répondre aux besoins spéciaux des enfants autochtones et de leurs familles, le Manitoba a restructuré en 2003 son système de protection de l'enfance. Au Québec, en vue d'élaborer une politique de lutte contre le racisme et la discrimination raciale, une commission parlementaire a permis d'entendre près d'une centaine d'organismes sur les questions liées au racisme et à la discrimination au cours de l'automne 2006, a rapporté Mme Fulford. Au cours du printemps prochain, le Québec se dotera donc d'une politique gouvernementale de lutte contre le racisme et la discrimination raciale ainsi que d'un plan d'action, a-t-elle indiqué.


Le rapport périodique du Canada (dix-septième et dix-huitième rapports périodiques - CRC/C/CAN/18), aborde notamment le plan d'action du Canada contre le racisme, les questions autochtones, les répercussions de la Loi antiterroriste, la procédure de règlement des plaintes, le profilage racial, les crimes haineux et incidents racistes, les questions d'emploi et la reconnaissance des titres de compétences étrangers, le racisme dans les médias, l'immigration et les politiques applicables aux immigrants. Il souligne que le Canada est un pays multiculturel et multiethnique où l'immigration joue un rôle essentiel dans la croissance démographique. Selon le recensement de 2001, les Canadiens se rattachent à plus de 200 origines ethniques, ce qui représente une augmentation de 25% par rapport à 1996. Par ailleurs, la proportion de Canadiens nés à l'étranger est passée à 18,4%, soit le taux le plus élevé depuis 70 ans. Près de 4 millions de personnes se disent membres de minorités visibles, soit 13,4% de la population totale. Les trois minorités visibles les plus nombreuses sont les Chinois, les personnes originaires de l'Asie du Sud et les Noirs. Elles composent les deux tiers des membres de minorités visibles. L'expression «minorité visible» figure dans la Loi sur l'équité en matière d'emploi: «personnes, autres que les autochtones, qui ne sont pas de race blanche ou qui n'ont pas la peau blanche».

En 2001, près de 5 335 000 personnes (soit une personne sur six) étaient allophones, c'est-à-dire que leur langue maternelle n'était ni le français ni l'anglais. Ce chiffre a augmenté de 12,5% par rapport à 1996. Le chinois venait au troisième rang des langues maternelles des Canadiens. Le nombre de personnes se déclarant de religion musulmane a doublé, s'établissant à 579 600 en 2001. Les hindouistes ont augmenté de 89% pour un total de 297 200 personnes et les Sikhs de 89%, pour un total de 278 400 personnes. Les bouddhistes ont augmenté de 84%, pour un total 300 300 personnes. Par ailleurs, le nombre de personnes se déclarant juives a augmenté de 3,7% au cours des années 1990, pour un total de 330 000 personnes.

En 2001, 976 300 personnes se disaient rattachées à au moins un des trois groupes autochtones que sont les Autochtones de l'Amérique du Nord, les Métis et les Inuits, soit une augmentation de 22% par rapport à 1996. Bien qu'il existe une reconnaissance et une protection constitutionnelle du droit autochtone relatif aux traités au Canada, il est par contre très difficile de savoir s'il existe des droits autochtones spécifiques de propriété et d'usage de terres et des ressources et d'en mesurer la teneur et la portée, comme il est difficile de déterminer qui détient ces droits spécifiques. Les tribunaux ont invité les gouvernements et les collectivités autochtones à trouver des solutions et à se réconcilier par la négociation plutôt que par voie de litige. Le principe de renonciation, qui suppose que les groupes autochtones renoncent à tous les droits autochtones non définis en échange d'une série de droits définis énoncés dans un traité négocié, n'est plus une condition du gouvernement du Canada dans la négociation de traités depuis 1998. Le gouvernement fédéral ne peut enfreindre un titre ancestral que dans certaines circonstances particulières, lorsqu'il poursuit un objectif législatif «impérieux et majeur» et ne compromet pas la relation fiduciaire qui lie l'État et les Autochtones. De plus, depuis l'enchâssement de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, l'État ne peut plus abolir unilatéralement un titre ancestral.


Examen du rapport

Répondant à une liste de questions écrites qui lui avait été préalablement adressée, la délégation canadienne a notamment indiqué, en ce qui concerne la notion de «minorité visible» et le souhait du Comité de savoir si cette notion recouvrait l'ensemble des éléments figurant à l'article premier de la Convention, la délégation a souhaité dissiper un malentendu en soulignant que la notion de «minorité visible» n'est pas utilisée pour définir la discrimination raciale. Cette notion est très spécifiquement utilisée dans le contexte de la promotion de l'égalité en matière d'emploi, a précisé la délégation.

S'agissant des apatrides, la délégation a déclaré que de 2002 à 2006, chaque année, en moyenne 1200 apatrides se sont vu octroyer le statut de résident permanent au Canada. S'agissant de la question de savoir pourquoi le Canada n'a pas ratifié la Convention de 1954 sur le statut d'apatride, la délégation a expliqué que de l'avis du Canada, la Convention de 1951 sur les réfugiés fait double emploi avec celle de 1954 sur les apatrides étant donné que les apatrides peuvent demander le statut de réfugié, et peuvent aussi faire une demande d'immigration pour des raisons humanitaires et de «compassion» en tant que travailleurs spécialisés ou à des fins de réunification familiale.

En ce qui concerne la détention des requérants d'asile sans papiers, la délégation a indiqué qu'en 2006, moins de 3% des réfugiés ont été détenus parce qu'ils n'avaient pas de papiers. À l'heure actuelle, il n'y a pas de projet au Canada pour introduire une législation en matière de citoyenneté, a par ailleurs indiqué la délégation. La priorité du gouvernement en ce qui a trait à la loi sur la citoyenneté est d'en amender les dispositions afin de faciliter l'accès à la citoyenneté aux enfants adoptés à l'étranger.

La délégation a d'autre part indiqué que le pays n'avait pas l'intention de ratifier la Convention sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille car le Canada ne pense pas que cette Convention soit un instrument adéquat pour protéger les droits des migrants. En outre, plusieurs dispositions de cet instrument sont incompatibles avec des dispositions de la législation canadienne relatives en particulier aux questions d'immigration.

Pour ce qui est de la Convention n°169 de l'Organisation internationale du travail sur les peuples indigènes et tribaux, la délégation a indiqué qu'à l'origine, le Canada avait été favorable à l'adoption de cette Convention; mais les consultations ultérieures ont fait apparaître des divergences quant à la portée et au champ d'application des dispositions de cet instrument, s'agissant en particulier des dispositions relatives à la terre et à la justice. Le Canada ne prévoit donc pas la ratification de cette Convention de l'OIT.

En ce qui concerne l'interdiction des organisations encourageant la discrimination raciale, la délégation a notamment rappelé que le Code pénal canadien interdit la promotion de la haine raciale et du génocide à l'encontre d'un groupe déterminé. En la matière, la responsabilité pénale vise l'organisation à laquelle appartient éventuellement la personne incriminée et non pas seulement les individus eux-mêmes.

Depuis 2002, a poursuivi la délégation, le pays a connu neuf cas de propagande haineuse, reposant tous sur des sites internet dont les messages, soit ciblaient les groupes non blancs, soit étaient antisémites; dans deux cas seulement, les communautés arabe et musulmane étaient ciblées.

La loi antiterroriste adoptée à la fin de l'année 2001 interdit la propagation de messages haineux à l'égard d'une personne ou d'un groupe, y compris sur internet, a par ailleurs indiqué la délégation.

Interrogée sur les mesures prises pour appliquer les recommandations de la Commission d'enquête sur les agissements d'agents canadiens à l'égard de M. Maher Arar, la délégation a rappelé que le Gouvernement canadien avait présenté des excuses publiques à M. Arar. Le Gouvernement entend prendre le temps d'étudier les recommandations de cette Commission d'enquête, a ajouté la délégation. Elle a en outre assuré que les enquêtes de renseignements, menées par exemple par les services d'immigration, ne se fondent pas sur un quelconque profilage racial ou ethnique.

La délégation a par ailleurs affirmé que les autorités canadiennes sont conscientes du fait que certains groupes, en particulier les autochtones et les personnes d'ascendance africaine, sont sur-représentés dans le système de justice canadien. Les raisons de cette sur-représentation sont diverses et complexes; il y a notamment les questions socioéconomiques, a ajouté la délégation. Au nombre des mesures prises afin de remédier à ce problème, la délégation a fait part des programmes de justice communautaire gérés par les autochtones.

Interrogée sur l'intention éventuelle du Canada de faire la déclaration prévue à l'article 14 de la Convention en vertu de laquelle un État partie reconnaît la compétence du Comité pour recevoir et examiner des plaintes individuelles, la délégation a notamment rappelé que le Canada est préoccupé par l'interprétation que fait le Comité de l'article 4 de la Convention. En effet, le Canada ne souhaite pas pénaliser la simple appartenance à une organisation car il préfère garantir la liberté d'association.


Observations et questions des membres du Comité

Le rapporteur du Comité pour le rapport du Canada, M. Patrick Thornberry, a relevé que le Canada est peut-être l'un des premiers pays au monde à avoir promu une politique de multiculturalisme, alors que cette approche est souvent contestée dans le monde actuel. Cet hommage à la diversité pourrait judicieusement être repris par de nombreux pays, a estimé M. Thornberry. Il a également félicité le Canada pour son plan d'action contre le racisme.

Le rapporteur a en outre souligné que le Canada est le pays qui, proportionnellement, reçoit chaque année le plus grand nombre d'immigrants.

M. Thornberry a rappelé que le Comité encourage régulièrement les pays à ratifier la Convention n°169 de l'OIT sur les peuples indigènes et tribaux, que le Canada n'a toujours pas ratifiée. Le Canada n'est pas non plus partie à la Convention de l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO) de 1960 relative à la discrimination dans le domaine de l'éducation, a relevé l'expert.

Revenant sur la terminologie de «minorité visible», il a fait observer que cette terminologie laisse entendre que certaines personnes seraient visibles alors que d'autres ne le seraient pas.

Existe-t-il au Canada un mécanisme permettant de diffuser les recommandations du Comité et d'en assurer le suivi, a d'autre part demandé M. Thornberry?

Le terme d'«Afro-Canadien» figure-t-il dans le système juridique canadien, a également souhaité savoir l'expert?

Affirmant que beaucoup d'informations faisant état de racisme à l'égard des Noirs dans la société canadienne ont été fournies, M. Thornberry a estimé que la politique de multiculturalisme mise en œuvre par le pays pourrait judicieusement être complétée par une politique de lutte contre le racisme plus ciblée.

M. Thornberry s'est enquis de l'existence éventuelle au Canada de problèmes liés au port du voile ou du foulard musulman, tels que ceux rencontrés en Europe de l'Ouest.

En ce qui concerne les populations autochtones, M. Thornberry s'est fait l'écho des préoccupations exprimées par le Rapporteur spécial sur les droits de l'homme des peuples autochtones s'agissant du fait que nombre de ces populations ne sont pas reconnues comme indiennes et ne relèvent donc pas de la Loi sur les Indiens.

M. Thornberry a en outre fait part de sa préoccupation face au nombre disproportionné d'enfants autochtones se retrouvant séparés de leurs communautés et pris en charge par l'État.

Le rapporteur a par ailleurs fait état d'informations concernant des entreprises canadiennes actives dans des pays tiers, dans le domaine par exemple de l'extraction minière, et qui opèrent de manière parfois incompatible avec les normes internationales. Aussi, l'expert s'est-il enquis des moyens qui existent éventuellement pour contrôler de telles activités dans des pays tiers.

Plusieurs membres du Comité ont fait part de leurs préoccupations s'agissant du maintien de l'utilisation, au Canada, d'une certaine terminologie en rapport avec l'appartenance ethnique.

Un membre du Comité s'est enquis des raisons du changement d'attitude radical opéré par le Canada au sujet du projet de déclaration sur les droits des peuples autochtones.

Y a-t-il eu des plaintes de la part des communautés arabe et musulmane qui auraient pu se sentir les cibles privilégiées de la loi antiterroriste, a demandé un expert?

Relevant qu'entre 2001 et 2004, une commission canadienne a été saisie de 478 plaintes à caractère racial et s'est prononcée sur 72% d'entre elles, un expert a souhaité savoir si, dans tous les cas pertinents, les victimes ont été indemnisées et si des mesures de médiation ont été employés.

Un membre du Comité s'est demandé pourquoi si peu d'organisations non gouvernementales ont souhaité participer à la préparation du présent rapport périodique.

Un expert s'est dit préoccupé par les informations laissant apparaître que les enfants de migrants sans statut ont été exclus du système scolaire.

Un membre du Comité a souhaité savoir où se situe la menace et ce que signifie exactement une menace dans le contexte de la lutte antiterroriste; il s'agit là d'une question juridique, a souligné cet expert. Cet expert a insisté sur la nécessité de combattre les stéréotypes qui sont formulés dans ce contexte.


Renseignements complémentaires fournis par la délégation

Répondant à un expert qui relevait que l'importante délégation canadienne ne comportait aucun représentant noir ou autochtone, la délégation a tenu à souligner qu'un certain nombre de membres de la délégation appartiennent à diverses communautés canadiennes. Le fait que les minorités représentées dans cette délégation ne soient pas aussi visibles qu'on pourrait s'y attendre ne signifie pas que tous les membres de la délégation soient de la même origine, a insisté la délégation.

S'agissant précisément de la terminologie de «minorité visible», la délégation a rappelé que son utilisation vise à encourager l'adoption de mesures d'action positive. Elle a ajouté qu'en l'espace d'une dizaine d'années, d'ici 2017, la terminologie de «minorité visible» pourrait bien perdre toute sa pertinence - si ce n'est pas déjà le cas - car, dans les grands centres urbains, plus de la moitié de la population sera alors composée de membres des «minorités visibles», ce qui ne manquera pas d'entraîner une modification de la manière d'appréhender cette notion.

Mme Fulford a expliqué que la politique canadienne de multiculturalisme s'appuyait sur quatre piliers fondamentaux: le racisme ne saurait être toléré; tous les citoyens doivent pouvoir participer pleinement et sur un pied d'égalité à tous les aspects de la société canadienne; il faut renforcer la capacité des communautés ethnoculturelles à participer à la prise de décision; un changement institutionnel doit être engagé pour refléter les changements dans la composition de la société canadienne.

Le Canada ne souhaite pas que ses communautés vivent en isolement, dans des îlots, a indiqué la délégation; l'espoir du Canada est que tout nouveau venu puisse avoir l'occasion de changer le pays - lequel, de par les influences canadiennes sur la personne du nouveau venu, est également appelé à opérer chez lui un changement. Un expert a salué cette déclaration sur le changement réciproque qui découle de l'immigration à la fois pour les immigrants et pour le pays.

En ce qui concerne le plan d'action contre le racisme, rendu public en 2005, la délégation a souligné qu'il s'agit d'une première au Canada. Il s'agit d'une initiative «horizontale» impliquant une vingtaine de ministères qui sont appelés à prendre des initiatives et à en évaluer les résultats. Ce plan d'action engage le Gouvernement à consulter chaque année les parties prenantes sur les progrès réalisés et à en informer les Canadiens, a précisé la délégation. La plupart des parties prenantes ont affirmé être intéressées par ce plan d'action, a-t-elle fait valoir.

La délégation a fait état des mesures mises en place afin de promouvoir des lieux de travail sans racisme. Dans le secteur public, a-t-elle indiqué, un peu plus de 5% des postes au niveau le plus élevé sont détenus par des membres des minorités visibles, alors que cette proportion atteint 10% dans le secteur privé.

En ce qui a trait aux mesures provinciales pour combattre la discrimination, la délégation a indiqué que le Québec a entrepris un nombre de mesures d'importance, notamment l'organisation de deux consultations afin d'élaborer une politique et un plan d'action qui seront lancés au printemps. La population noire du Québec est principalement composée d'immigrants des Antilles et représente 2,2% de la population. Le 8 février, le Premier ministre du Québec a annoncé la tenue d'une commission de consultation pour étudier la question liées aux «accommodements raisonnables» consentis sur des bases culturelles ou religieuses, qui débutera ses travaux le mois prochain.

La délégation a notamment fait savoir que la Colombie britannique s'est dotée d'une loi sur le multiculturalisme et fait appel à une stratégie utilisant le multiculturalisme pour éliminer le racisme. Au cœur des politiques de promotion du multiculturalisme, a insisté la délégation, se trouve la volonté d'éliminer les inégalités en encourageant la participation de toutes les minorités ethnoculturelles au sein de la société. À cet égard, un membre du Comité a estimé que le multiculturalisme est incontestablement l'une des plus grandes conquêtes de la société canadienne.

Répondant à des questions sur la législation antiterroriste canadienne, la délégation a notamment indiqué que lorsque le projet de loi antiterroriste initial a été examiné au Parlement, des représentants des communautés arabe et musulmane ont été consultés. Depuis 2004, un processus de révision de cette loi est en cours et ici encore, le gouvernement a mené des consultations et des activités de sensibilisation auprès de représentants de différentes communautés culturelles et religieuses, notamment communautés arabe et musulmane, a ajouté la délégation. Il est vrai que des membres des communautés arabe et musulmane se sont plaints que cette loi donnait à la police et aux autorités la possibilité d'user de profilage racial, a poursuivi la délégation. Mais le fait est que rien dans la loi antiterroriste ne vise un quelconque groupe ethnoculturel particulier, a-t-elle assuré. Il s'agit de lutter contre le terrorisme – les personnes et les activités pouvant mettre en danger les Canadiens - et non contre un groupe ou une foi déterminés, a insisté la délégation. Depuis qu'elle est en vigueur, la loi antiterroriste n'a donné lieu qu'à deux poursuites pour terrorisme, a précisé la délégation.

La Cour suprême canadienne est actuellement en train d'examiner la constitutionnalité des certificats fédéraux de sécurité utilisés pour expulser des ressortissants étrangers et des résidents permanents qui sont inadmissibles au Canada pour des raisons de sécurité, de violations internationales des droits de la personne, de criminalité grave et de crime organisé. Le processus de certificats de sécurité a été passé en revue à plusieurs reprises et considéré conforme à la Constitution par la Cour d'appel. L'arrêt de la Cour suprême à ce sujet est attendu d'ici vendredi prochain, a-t-elle précisé.

La délégation a par ailleurs indiqué qu'à sa connaissance, le port du voile islamique n'a pas posé de problème au Canada; elle a indiqué ne pas avoir non plus connaissance de problèmes juridiques posés par le port du hijjab. Le voile islamique n'est pas interdit dans les écoles canadiennes et un certain nombre de jeunes filles le portent effectivement à l'école, a ajouté la délégation.

Un expert ayant insisté sur la nécessité de combattre les stéréotypes qui sont formulés dans le contexte de la lutte antiterroriste, la délégation a indiqué qu'un groupe de travail avait été mis en place au Québec dès 2003 pour se pencher sur la question de profilage racial.

En ce qui concerne les questions autochtones, la délégation a rappelé qu'avec les accords passés ces trente dernières années, quelque 600 000 km2 de terres canadiennes sont désormais la propriété des Nations premières et autres communautés autochtones.

Interrogée sur les raisons du changement d'attitude du Canada au sujet du projet de déclaration sur les droits des peuples autochtones, la délégation a indiqué que le Canada aurait souhaité une déclaration encourageant le partenariat et des relations harmonieuses. Malheureusement, certaines parties du projet de déclaration sont ambiguës, laissant la porte ouverte à des divergences d'interprétation, a affirmé la délégation. Elle a précisé qu'en l'état actuel, le projet comportait un certain nombre de lacunes s'agissant notamment des questions relatives aux ressources et à l'autonomie. Le Canada a donc cherché des négociations élargies, en particulier sur la base d'un nouveau texte présenté par le Président-Rapporteur; il souhaite ainsi que soient énoncés plus clairement les droits des peuples autochtones et les engagements de l'État vis-à-vis de ces droits. Le Canada souhaiterait un consensus le plus large possible sur le projet de déclaration. Il faut s'inspirer des progrès réalisés jusqu'ici et prendre comme base de négociation le texte qui nous est actuellement soumis, a déclaré la délégation. Le Canada entend à cet effet continuer à consulter étroitement les groupes autochtones.

La délégation a fait part de la volonté des autorités canadiennes de trouver des moyens novateurs de venir à bout du processus d'obtention de «certitudes» par des ententes. La certitude se fonde sur le principe de clarté, de manière à ce que chacun sache qui est propriétaire de la terre, a-t-elle fait valoir. Les accords passés avec les autochtones sont protégés par l'article 35 de la Constitution canadienne, a rappelé la délégation. Ainsi, la législation, tant fédérale que provinciale, doit-elle être interprétée d'une manière qui soit compatible avec ces accords. De nombreux autres exemples d'ententes avec les peuples autochtones ont été donnés par la délégation, tant au niveau provincial que fédéral.


Observations préliminaires

Présentant des observations préliminaires, le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport canadien, M. PATRICK THORNBERRY, a remercié la délégation canadienne pour l'échange très riche qui s'est déroulé avec le Comité dans le cadre de l'examen de ce rapport. Les observations finales que le Comité adoptera ultérieurement se fonderont sur ce dialogue, a rappelé M. Thornberry. Toutes les sociétés sont différentes, a-t-il souligné; néanmoins, le Comité constate des similitudes, faute de quoi, il ne saurait y avoir de normes internationales. Il faut donc se saisir de ces normes en tenant compte des contextes. Il faut proposer des façons de faire fonctionner les normes générales dans des contextes différents, a insisté M. Thornberry.

Relevant que le Canada émet des objections à l'égard d'une douzaine d'articles du projet de déclaration sur les droits des peuples autochtones, un membre du Comité a suggéré au Gouvernement canadien de faire preuve d'un peu plus de souplesse afin de ne pas bloquer l'adoption d'un texte qui concerne environ 300 millions de personnes de par le monde. Un autre expert a également invité le Gouvernement canadien à faire preuve de davantage de souplesse dans cette affaire.

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