Examen du Kenya au CERD : tout en saluant un solide cadre juridique de lutte contre la discrimination, les experts soulignent les défis liés aux droits des minorités et des peuples autochtones et aux travailleurs migrants kényans à l’étranger
Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD, selon l’acronyme anglais) a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport présenté par le Kenya au titre de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
Au cours du dialogue noué entre les experts membres du Comité et la délégation kényane conduite par Mme Dorcas Agik Odhong Oduor, Procureure générale du Kenya, une experte a salué le cadre constitutionnel et juridique robuste du Kenya pour lutter contre la discrimination et garantir des réparations aux victimes. Ont également été salués les efforts du Kenya pour collecter des données sur les actes de discrimination raciale.
De vives inquiétudes ont toutefois été exprimées concernant les retards prolongés dans l’application des décisions judiciaires en faveur des Ogiek, un peuple autochtone dont les droits fonciers avaient été reconnus par la Cour africaine des droits de l’homme en 2017. Une experte a ainsi demandé des précisions sur les obstacles administratifs et judiciaires rencontrés et sur les mesures concrètes prises pour restituer les terres ancestrales de cette communauté. Elle a également souligné l'importance de garantir la participation des peuples autochtones dans les processus de prise de décision qui les concernent directement, en particulier pour éviter des déplacements futurs et protéger leurs moyens de subsistance.
Une autre experte s’est enquise des mesures prévues pour améliorer la situation des travailleurs migrants kényans, en particulier les travailleuses domestiques dans les pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG) ; elle a évoqué à cet égard des rapports documentant des abus graves, notamment des violences physiques, des salaires impayés et des conditions de travail inhumaines.
Cette experte a en outre insisté sur l’importance de mettre en œuvre les recommandations de la Commission vérité, justice et réconciliation, notamment celles relatives aux injustices foncières et aux violations des droits humains survenues pendant les violences post-électorales.
Une experte a exprimé des préoccupations concernant la collecte insuffisante de données désagrégées sur les minorités et les peuples autochtones, affirmant que cette lacune rendait difficile l'évaluation de l'impact des politiques publiques sur ces groupes.
Ont par ailleurs été salués les efforts éducatifs du Kenya, notamment les réformes du programme scolaire, intégrant l’histoire et la culture des communautés ethniques ; mais a toutefois été soulignée la nécessité de renforcer la sensibilisation aux droits humains dans le système éducatif.
Présentant le rapport de son pays, Mme Dorcas Agik Odhong Oduor a détaillé les mesures constitutionnelles, juridiques et institutionnelles mises en place au Kenya pour combattre la discrimination raciale. Elle a ainsi souligné que la Constitution kényane interdit toute forme de discrimination, notamment raciale, et garantit l’égalité devant la loi. La législation pertinente, comme la Loi sur la cohésion nationale et l’intégration, criminalise les discours de haine et la discrimination, a-t-elle ajouté. En outre, des institutions telles que la Commission pour la cohésion nationale et l’intégration et la Commission nationale des droits de l’homme du Kenya jouent un rôle central dans la promotion de l’égalité et la prévention des tensions ethniques, notamment en période électorale, a-t-elle fait valoir.
Mme Oduor a d’autre part mentionné les politiques d’action affirmative mises en œuvre pour remédier aux injustices historiques, notamment en matière d’éducation et d’emploi, afin de promouvoir l’inclusion des groupes marginalisés. Elle a également souligné les efforts déployés pour combattre les discours de haine, mentionnant à cet égard le Plan d’action national contre les discours de haine, adopté en 2022.
S’agissant des réfugiés, la Procureure générale a indiqué que le Kenya est l’un des principaux pays d’accueil en Afrique, avec une augmentation significative du nombre de réfugiés et demandeurs d’asile, qui est passé de 489 747 en 2019 à environ 804 495 en 2024. Elle a souligné que cette hospitalité illustrait les valeurs de compassion et de solidarité profondément enracinées au Kenya.
Mme Oduor a également fait état de progrès notables en matière de protection des droits des peuples autochtones, notamment à travers des initiatives visant à garantir leurs droits fonciers et leur participation aux processus décisionnels les concernant. Elle a néanmoins reconnu la persistance de défis, citant notamment les disparités socioéconomiques, les tensions ethniques et les questions foncières. Elle a affirmé que, malgré ces obstacles, le Kenya reste fermement engagé à surmonter ces difficultés par une approche multidimensionnelle.
La délégation kényane était également composée, entre autres, de Mme Fancy Chepkemoi Too, Représentante permanente du Kenya auprès des Nations Unies à Genève, ainsi que de représentants du Département de la justice, du Ministère de l’intérieur et de l’administration nationale, du Ministère des affaires étrangères et de la diaspora, et de la Commission de la cohésion nationale et de l’intégration.
Au cours du dialogue, la délégation kényane a notamment souligné que des excuses officielles avaient été présentées aux Ogiek en 2022, accompagnées de mécanismes de compensation et de restitution des terres, bien que des recours administratifs et judiciaires aient ralenti le processus. Concernant les Kipsigis et les Talai, la délégation a mentionné qu’un fonds spécial pour les réparations était en cours de création pour répondre aux injustices historiques dont ils ont été victimes.
Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur le rapport du Kenya et les rendra publiques à l’issue de sa session, le 13 décembre prochain.
Vendredi 13 décembre prochain, à 16 heures, date de la prochaine séance publique, le Comité doit clore les travaux de sa 114 ème session.
Examen du rapport du Kenya
Le Comité est saisi du rapport valant huitième et neuvième rapports périodiques du Kenya (CERD/C/KEN/8-9).
Présentation du rapport
Présentant le rapport de son pays, Mme Dorcas Agik Odhong Oduor, Procureure générale du Kenya , a commencé par rappeler l’engagement indéfectible de son pays envers les objectifs de la Convention, soulignant que le Kenya demeure résolument attaché aux principes de lutte contre le racisme, notamment à travers des mécanismes internationaux tels que la Déclaration de Durban , les procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme et le Mécanisme international d’experts indépendants chargé de promouvoir la justice et l’égalité raciales dans le contexte du maintien de l’ordre. Mme Oduor a mis en avant le rôle du Kenya en tant que leader mondial dans la lutte contre la discrimination raciale, notamment dans la cadre de sa présidence du Groupe de travail intergouvernemental sur la mise en œuvre effective de la Déclaration et du Programme d’action de Durban. Elle a en outre souligné que le Kenya avait été récemment élu comme membre du Conseil des droits de l’homme pour le cycle 2025-2027, affirmant qu’il s’agit là d’une reconnaissance des efforts constants du pays pour promouvoir les droits humains aux niveaux national et international.
La cheffe de la délégation a ensuite détaillé les mesures constitutionnelles, juridiques et institutionnelles mises en place au Kenya pour combattre la discrimination raciale. Elle a ainsi souligné que la Constitution kényane interdit toute forme de discrimination, notamment raciale, et garantit l’égalité devant la loi. La législation pertinente, comme la Loi sur la cohésion nationale et l’intégration, criminalise les discours de haine et la discrimination, a-t-elle ajouté. En outre, des institutions telles que la Commission pour la cohésion nationale et l’intégration et la Commission nationale des droits de l’homme du Kenya jouent un rôle central dans la promotion de l’égalité et la prévention des tensions ethniques, notamment en période électorale, a-t-elle fait valoir.
Mme Oduor a d’autre part mentionné les politiques d’action affirmative mises en œuvre pour remédier aux injustices historiques, notamment en matière d’éducation et d’emploi, afin de promouvoir l’inclusion des groupes marginalisés. Elle a également souligné les efforts déployés pour combattre les discours de haine, mentionnant à cet égard le Plan d’action national contre les discours de haine, adopté en 2022, qui s’aligne sur la Stratégie des Nations Unies de 2019 pour la lutte contre les discours de haine.
S’agissant des réfugiés, la Procureure générale a indiqué que le Kenya est l’un des principaux pays d’accueil en Afrique, avec une augmentation significative du nombre de réfugiés et demandeurs d’asile, qui est passé de 489 747 en 2019 à environ 804 495 en 2024. Elle a souligné que cette hospitalité illustrait les valeurs de compassion et de solidarité profondément enracinées au Kenya.
Mme Oduor a également fait état de progrès notables en matière de protection des droits des peuples autochtones, notamment à travers des initiatives visant à garantir leurs droits fonciers et leur participation aux processus décisionnels les concernant.
Mme Oduor a ensuite reconnu la persistance de défis, citant notamment les disparités socioéconomiques, les tensions ethniques et les questions foncières. Elle a affirmé que, malgré ces obstacles, le Kenya reste fermement engagé à surmonter ces difficultés par une approche multidimensionnelle.
La cheffe de la délégation a conclu en appelant à des partenariats internationaux renforcés pour soutenir les efforts du Kenya dans l’élimination de la discrimination raciale ; elle a souligné que la coopération technique, la collecte de données et le partage des meilleures pratiques étaient essentiels pour atteindre cet objectif. Elle a réaffirmé l’engagement du Kenya à promouvoir une société juste et équitable, où chaque individu jouit de la dignité et de l’égalité, sans aucune forme de discrimination raciale.
Questions et observations des membres du Comité
MME PELA BOKER-WILSON, corapporteuse du Comité pour l’examen du rapport du Kenya, a salué la délégation du Kenya pour sa composition diversifiée et a exprimé son appréciation pour les efforts déployés par le pays dans la soumission de son rapport.
La corapporteuse a commencé par poser des questions concernant l’alignement des lois nationales avec les dispositions de la Convention, s’agissant notamment de l’adoption d’une législation antidiscrimination exhaustive contenant une définition claire de la discrimination raciale. Elle a insisté sur l’importance d’inclure toutes les formes de discrimination mentionnées à l’article premier de la Convention, notamment celles de nature directe, indirecte, multiple et intersectionnelle.
L’experte a ensuite attiré l’attention sur la nécessité pour le pays d’amender la définition de la discrimination ethnique dans la Loi sur la cohésion nationale et l’intégration afin qu’elle corresponde à la définition de la discrimination raciale énoncée dans la Convention. Elle a souligné à cet égard que l’utilisation d’une définition restreinte pourrait limiter l’efficacité des mesures de lutte contre la discrimination raciale.
Concernant les droits des minorités et des peuples autochtones, l’experte a mis en avant des problématiques liées aux droits fonciers, et a évoqué le cas particulier des Ogiek. Elle a demandé des informations actualisées sur les mesures prises pour mettre en œuvre le jugement de la Cour africaine des droits de l’homme de 2017, qui avait reconnu les violations des droits des Ogiek et ordonné leur accès à leurs terres ancestrales. Elle a également soulevé des préoccupations concernant les Sengwer et d'autres peuples autochtones, demandant des détails sur les efforts déployés pour protéger leurs droits, prévenir leur éviction et garantir leur consultation préalable dans les processus de prise de décision sur les sujets les concernant.
S’agissant des statistiques, la corapporteuse a noté l’absence de données ventilées sur les minorités ethniques et les peuples autochtones ; elle a souligné que ces informations sont essentielles pour évaluer la jouissance effective des droits consacrés par la Convention. Elle a demandé au Kenya d’expliquer les défis rencontrés pour collecter ces données et d’indiquer les mesures envisagées pour améliorer la capacité du Bureau national des statistiques.
L’experte a par ailleurs souligné l’importance d’une collaboration renforcée avec les organes internationaux et les communautés locales pour garantir l’égalité et l’inclusion de toutes les populations marginalisées.
Mme Boker–Wilson a ensuite exprimé une profonde inquiétude concernant les abus graves auxquels les travailleurs migrants kényans, en particulier les travailleuses domestiques dans les pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG), sont confrontés. Elle a évoqué des cas documentés de violences racialisées, d’exploitation, de trafic humain et de vols de salaires. Elle a souligné que de 2019 à 2021, au moins 93 travailleurs kényans sont morts au Moyen-Orient, ce qui met en lumière le manque d'action pour résoudre ces abus. L’experte a interrogé la délégation sur les plans d’amendement de la Loi sur l’emploi afin d’inclure des protections pour les travailleurs domestiques ainsi que des mesures contre le harcèlement sexuel.
La corapporteuse a d’autre part voulu savoir si le Kenya avait conclu des accords bilatéraux avec les pays du CCG pour assurer des protections suffisantes pour les travailleurs migrants et exiger la responsabilité des agences de recrutement. En outre, elle a posé des questions sur la mise en œuvre de mesures législatives et d’action positive pour protéger les droits des travailleurs domestiques et migrants.
S’agissant de la nouvelle loi sur les réfugiés adoptée en 2021, Mme Boker–Wilson a demandé si cette loi répondait aux normes de la Convention, notamment en incluant des évaluations individuelles (des demandes s’asile) et des mesures spécifiques pour protéger les femmes et enfants réfugiés vulnérables au trafic humain. Elle a insisté sur l'importance de garantir que les non-citoyens, y compris les réfugiés et demandeurs d'asile, bénéficient de droits fondamentaux tels que l’accès à l’éducation, l’enregistrement des naissances, et des moyens de subsistance.
L’experte a salué les efforts du Kenya pour collecter des données sur les actes de discrimination raciale de 2016 à 2021 et a pris note des lois existantes pour lutter contre la discrimination, s’agissant notamment des textes sur la cohésion nationale et l'intégration et sur les infractions informatiques et la cybercriminalité. Elle a cependant exprimé des préoccupations concernant l’alignement de ces lois sur l’article 4 de la Convention.
L’experte a en outre demandé des informations sur les plaintes, poursuites, condamnations et sanctions pour des actes de discrimination raciale, ainsi que sur les mesures compensatoires offertes aux victimes entre 2022 et 2024.
Mme Gay McDougall, corapporteuse du Comité pour l’examen du rapport du Kenya, a demandé des précisions sur l’état de mise en œuvre des décisions judiciaires en faveur des Ogiek et les mesures prises à cet effet, avant de faire part de sa préoccupation face aux retards importants pris en la matière. Elle a également évoqué les injustices subies par les Kipsigis et les Talai, qui – a indiqué l’experte – ont été dépossédés de leurs terres et ont fait face à des abus sur plusieurs périodes historiques, de l’ère précoloniale à nos jours. L’experte a demandé des informations sur les mécanismes prévus pour leur accorder enfin un recours effectif, notant que toutes les institutions qu’ils ont approchées semblent les avoir rejetés.
Mme McDougall a ensuite interrogé la délégation sur la mise en œuvre des recommandations de la Commission vérité, justice et réconciliation, en particulier celles liées aux violences post-électorales de 2007 et de 2017.
Concernant les personnes atteintes d’albinisme, la corapporteuse a demandé des informations sur les mesures prises pour garantir leur accès à la justice et leur protection contre les discriminations.
Mme McDougall a ensuite évoqué la Loi sur l’aide juridique de 2016 et le Plan national d’action pour l’aide juridique (2017-2022) y associé. Tout en saluant ces initiatives, elle a demandé si une évaluation officielle de leurs succès et de leurs échecs avait été menée et si un second plan d’action avait été adopté. Elle a en outre demandé des précisions sur les ressources financières allouées [à l’aide juridique], le nombre d’affaires traitées [par l’aide juridique], ainsi que le nombre d’avocats travaillant dans le cadre de ces services [d’aide juridique].
L’experte a par ailleurs souhaité obtenir des données actualisées sur les affaires ou plaintes concernant des cas de discrimination raciale, y compris les discours haineux et les crimes racistes. Elle a d’autre part souhaité savoir quelles procédures étaient engagées pour lutter contre les discours de haine et quelles mesures d’indemnisation étaient proposées aux victimes.
La corapporteuse a également demandé des informations sur les mécanismes visant à prévenir les pratiques discriminatoires, y compris le profilage ethnique, de la part de la police et des forces de l’ordre. Elle a insisté sur la nécessité d’assurer les garanties juridiques fondamentales pour les suspects de terrorisme, notamment lorsqu’ils sont d’origine étrangère ou de nationalité différente. Elle a, dans ce domaine, évoqué de nombreux rapports faisant état de cas de torture, de disparitions forcées ou d’« excès de soupçons d’extrémisme » pour certaines communautés musulmanes.
Mme McDougall s’est enquise des mesures spécifiques prises par le Gouvernement kényan pour sensibiliser le public, les fonctionnaires et les forces de l’ordre à l’importance de la diversité culturelle, de la tolérance et de la compréhension interethnique. Elle a souhaité connaître les politiques mises en œuvre pour intégrer l’éducation aux droits humains dans les programmes scolaires et pour promouvoir l’histoire et la culture des minorités ethniques et nationales, y compris des peuples autochtones. L’experte a également demandé des informations sur les initiatives visant à reconnaître et à valoriser la contribution de ces groupes à la société kényane, dans le cadre d’une stratégie plus large de lutte contre le racisme et de promotion de l’égalité.
Une autre experte s’est enquise des sanctions prévues pour punir le non-respect de la loi concernant les quotas de représentation des minorités au sein de la fonction publique. Elle a demandé pourquoi la situation n’a pas évolué dans ce domaine depuis de nombreuses années.
Plusieurs experts se sont en outre enquis des suites données aux décisions de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples d’accorder des réparations aux peuples autochtones Ogiek et d’autres minorités pour les préjudices subis du fait d’injustices et de discriminations au Kenya.
Un expert a souhaité en savoir davantage sur les accords bilatéraux qu’a pu signer le Kenya avec les pays du Conseil de coopération du Golfe, s’agissant en particulier des dispositions visant à protéger les travailleurs migrants, notamment les femmes, contre les violences et les violations des droits humains.
Une experte a salué le cadre constitutionnel et juridique robuste du Kenya pour lutter contre la discrimination et garantir des réparations aux victimes. Elle a souhaité en savoir davantage sur le point de vue de la délégation quant à l’opportunité d’accepter la déclaration facultative prévue à l’article 14 de la Convention, qui permettrait à des plaignants, après épuisement des recours internes, de saisir directement le Comité pour obtenir justice.
Un autre expert a évoqué les chiffres relatifs aux discours de haine mentionnés dans le rapport kényan, relevant à cet égard une faible proportion de condamnations malgré un nombre significatif de plaintes. Il a demandé des éclaircissements sur les raisons de ce décalage et sur les mesures prévues pour renforcer l’efficacité des sanctions.
Un expert a demandé des détails sur le rôle du Comité national kényan pour la prévention et la répression des crimes de génocide et sur les moyens qui lui sont alloués et s’est enquis de l’impact de telles initiatives dans un contexte historique marqué par les violences post-électorales et les tensions intercommunautaires.
Réponses de la délégation
La délégation a cité plusieurs affaires pour discrimination raciale devant les tribunaux dans le cadre desquelles la Convention a été invoquée directement. Même quand ils ne mentionnent pas spécifiquement la Convention, les tribunaux s’inspirent des dispositions des différentes conventions des droits de l’homme qui s’appliquent dans le pays dès leur ratification, a-t-elle en outre souligné.
S’agissant de la Commission nationale des droits de l’homme, la délégation a indiqué que cette institution était un pilier fondamental de la promotion et de la protection des droits de l’homme au Kenya. Elle mène des enquêtes sur toute plainte concernant des violations des droits de l’homme qui lui est soumise et elle s’acquitte de son travail de manière indépendante et efficace, a indiqué la délégation, avant de reconnaître toutefois que cette Commission devait faire face à certaines restrictions budgétaires en raison de la crise économique que vit le pays.
Le Gouvernement poursuit l’objectif de mieux financer l’ensemble des institutions relatives aux droits de l’homme du pays en faisant notamment appel au financement international, a ajouté la délégation.
De nombreuses initiatives sont prises pour mieux faire connaître la Convention auprès de toutes les personnes concernées, y compris les forces de police, a poursuivi la délégation. La Convention fait d’ailleurs partie de la formation de base des forces de l’ordre, lesquelles connaissent l’ensemble des pratiques non discriminatoires, a-t-elle souligné. La Commission pour la cohésion nationale et l’intégration vise aussi à sensibiliser à la lutte contre la discrimination dans le domaine de l’emploi, a ajouté la délégation.
La délégation a indiqué que le programme de formation de la magistrature comprend un module intitulé « Principes internationaux des droits de l’homme » qui reprend les différentes conventions des droits de l’homme et les travaux des comités.
S’agissant de l’intégration des droits humains et de la diversité dans l’éducation, la délégation a indiqué que le Gouvernement kényan avait mis en œuvre en 2017 des réformes éducatives intégrant un programme axé sur les compétences. Ce programme inclut des cours sur l’histoire et la culture des différentes communautés ethniques, ainsi que sur leurs contributions à la société, a précisé la délégation, avant de faire également état d’initiatives comme des festivals culturels et des échanges entre écoles visant à promouvoir la cohésion sociale et le respect de la diversité. Des monuments et musées ont également été érigés pour honorer les figures de la lutte pour l’indépendance et sensibiliser le public à l’histoire du pays, a ajouté la délégation.
Concernant les violences subies par les personnes atteintes d’albinisme, la délégation a souligné que le Kenya offrait refuge et protection aux personnes fuyant les violences motivées par la discrimination dans les pays voisins. Elle a mentionné des caravanes de la paix organisées dans tout le pays pour sensibiliser les communautés à la tolérance et aux droits humains. Ces efforts incluent également la création de centres de paix dans les écoles et universités, où les jeunes apprennent l’importance du respect des différences culturelles et sociales.
La délégation a ensuite indiqué que le Kenya n’avait pas de loi spécifique unique dans le domaine de la lutte contre les discriminations mais que le principe de non-discrimination se retrouve dans un ensemble de lois.
La délégation a en outre attiré l’attention sur les efforts déployés pour promouvoir la cohésion sociale à travers des mécanismes de médiation et d’arbitrage. Ces approches visent à éviter les tensions intercommunautaires tout en appliquant des sanctions, a-t-elle précisé.
Des bourses sont offertes à des élèves provenant des communautés marginalisées du pays afin qu’ils puissent se concentrer sur leurs études et réussir, a d’autre part fait valoir la délégation.
Le Kenya est très engagé dans la discrimination positive mais manque de ressources pour mettre en œuvre toutes ces initiatives, a poursuivi la délégation. Elle a reconnu que de nombreux comtés ne respectaient pas la législation sur les quotas de postes accordés aux minorités au sein de la fonction publique, même si la situation s’améliorait dans ce domaine. À ce sujet, la délégation a fait observer que dans la plupart des cas, le comté rassemble un seul groupe ethnique et qu’il est donc parfois difficile de mettre en œuvre la politique des quotas. Cette situation rend aussi complexe l’imposition de sanctions dans ce domaine, a-t-elle ajouté.
Revenant par la suite sur l’application de la disposition de la loi de 2012 sur les gouvernements des comtés, qui prévoit qu’au moins 30% des postes de début de carrière vacants doivent être pourvus par des candidats issus des minorités ethniques du comté, la délégation a indiqué que seulement 13% des institutions kényanes étaient en conformité avec cette règle, qui vise à assurer une représentation équitable des groupes ethniques. Des plans de correction ont été discutés avec les gouverneurs des comtés en infraction, et la Commission pour la cohésion nationale et l'intégration supervise ce processus, a ajouté la délégation.
La délégation a mentionné diverses lois foncières qui permettent de lutter contre les injustices dans ce domaine et de mieux protéger les terres ancestrales des peuples autochtones.
La délégation a par la suite indiqué que la Commission nationale foncière, créée en 2012, avait traité environ 5000 cas liés aux injustices foncières historiques. Des projets de loi sont en cours pour renforcer le mandat de cette Commission et lui permettre de traiter les plaintes sans limitation de délai. Cette initiative vise à offrir une chance de réparation aux communautés qui n’ont pas pu soumettre leurs réclamations dans les délais précédents, a expliqué la délégation.
S’agissant de la protection des droits des peuples autochtones, la délégation a mentionné plusieurs initiatives législatives dans ce domaine, concernant notamment les terres communautaires.
En ce qui concerne l’affaire des Ogiek, la délégation a indiqué que des excuses publiques ont été formulées en juillet 2022 mettant en œuvre en partie la décision de la Cour africaine des droits de l’homme. Des efforts sont entrepris pour étudier les titres fonciers qui devraient revenir à cette communauté et les réparations à leur octroyer, a ajouté la délégation.
Revenant par la suite sur les injustices subies par les communautés autochtones, notamment les Ogiek et d'autres groupes dépossédés de leurs terres, la délégation a précisé que la Commission foncière nationale avait recommandé la restitution des terres ainsi que des compensations, mais que ces recommandations faisaient face à des recours judiciaires retardant leur application.
S’agissant des allégations d’expulsion de certaines communautés, la délégation a souligné que le Procureur général avait décrété que les procédures avaient été respectées concernant le transfert de titres fonciers.
S’agissant de la mise en œuvre des recommandations de la Commission vérité, justice et réconciliation, la délégation a indiqué que l’absence d’un cadre institutionnel avait freiné l'application des recommandations de cette Commission. Un projet de loi est actuellement en cours de révision au Parlement pour institutionnaliser le suivi des recommandations, notamment en ce qui concerne les questions foncières et les injustices historiques, a précisé la délégation.
En ce qui concerne la lutte contre les discours de haine, la délégation a mis en avant le Plan national de lutte contre les discours de haine, adopté il y a deux ans, et a souligné que ce Plan avait contribué à une réduction significative des discours de haine dans le pays. Cependant, a ajouté la délégation, le défi principal demeure celui des discours de haine sur les réseaux sociaux. La délégation a fait état d’efforts spécifiquement déployés pour sensibiliser et encadrer les artistes et musiciens, dont les productions contenaient auparavant des messages haineux.
La délégation a par ailleurs expliqué que le Kenya dispose de lignes directrices claires pour garantir que les enquêtes sur le terrorisme respectent les droits humains et n’encouragent pas de pratiques discriminatoires. Des formations sur les droits humains sont dispensées aux forces de l’ordre et aux procureurs, et une autorité civile indépendante enquête sur les inconduites des forces de police, a-t-elle ajouté.
Un système d’aide juridictionnelle a été mis en place pour soutenir les plus démunis, avec un budget limité mais en expansion, a fait valoir la délégation. Elle a annoncé un plan visant à déployer des conseillers juridiques dans tous les comtés afin de renforcer l'accès à la justice, en particulier pour les enfants en conflit avec la loi.
La délégation a ensuite expliqué que le Kenya avait adopté un nouveau cadre juridique en 2021 pour garantir une protection efficace des réfugiés. Le Gouvernement s’efforce de garantir aux non-ressortissants, y compris les réfugiés et demandeurs d’asile, l’accès à l’éducation, à l’emploi et à l’enregistrement des naissances, a-t-elle souligné. Des mécanismes permettent aux réfugiés de s’intégrer dans le système éducatif avant même la détermination de leur statut, a-t-elle insisté. En outre, des évaluations individuelles sont réalisées pour identifier les victimes potentielles de la traite des êtres humains, qui reçoivent alors un soutien adapté et, si nécessaire, une protection internationale.
Les centres d’accueil, notamment le camp de Kakuma, font l’objet d’efforts pour améliorer les conditions d’hébergement et d’alimentation, a poursuivi la délégation, avant d’ajouter que des partenariats avec des agences internationales comme le Programme alimentaire mondial (PAM) et le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) permettent de répondre aux besoins essentiels des résidents [de ces centres]. Le Gouvernement a également lancé un plan d’intégration des réfugiés sur huit ans, qui vise notamment à renforcer la coexistence pacifique entre réfugiés et communautés locales, a indiqué la délégation.
La délégation a d’autre part évoqué la situation des travailleurs kényans dans les pays du Conseil de coopération du Golfe, marquée par des cas de mauvais traitements. Elle a indiqué que le Gouvernement avait renforcé les protections à cet égard en révisant les accords bilatéraux, en introduisant une formation obligatoire avant le départ et en certifiant les agences de recrutement pour éviter les abus. Un mécanisme de sanctions et d’indemnisation a également été instauré pour protéger les droits des migrants, a ajouté la délégation.
Un nouveau plan national d’action sur la traite de personnes pour 2024-2027 a été lancé, avec des initiatives visant à renforcer les capacités d’enquête et de poursuite des cas de traite, a poursuivi la délégation. Elle a mentionné des exemples concrets de poursuites ayant abouti à des condamnations et à des sanctions financières pour les responsables de ces crimes.
Le Kenya dispose d’un cadre juridique robuste pour lutter contre les discours de haine, renforcé par des amendements récents ayant augmenté les peines pour ces infractions, a par ailleurs souligné la délégation, avant de mentionner la Loi de 2018 sur les infractions informatiques et la cybercriminalité, qui pénalise la publication de contenus haineux en ligne. Des initiatives éducatives, des ateliers et des formations ont été mis en place pour promouvoir une lecture critique des médias et sensibiliser le public à l’impact social des discours haineux, a ajouté la délégation.
La délégation a mis en avant l’implication du Kenya au niveau international, notamment dans le cadre du Groupe de travail intergouvernemental sur la mise en œuvre efficace de la Déclaration de Durban. Elle a ajouté que le Kenya travaillait sur des discussions informelles entre États concernant les réparations pour les personnes d’ascendance africaine – un sujet sensible mais nécessaire, selon le pays.
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