Examen de l'Arménie au CERD : la situation des minorités ethniques, notamment celle des Yézidis, est au cœur du dialogue
Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD, selon l’acronyme anglais) a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport présenté par l’Arménie au titre de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
Au cours du dialogue noué entre les experts membres du Comité et la délégation arménienne conduite par M. Vahan Kostanyan, Vice-Ministre des affaires étrangères de l'Arménie, l’attention a été attirée sur les défis spécifiques auxquels sont confrontées les minorités, notamment les Yézidis, les Assyriens, les Russes et les Kurdes. Les Yézidis, en particulier, continuent de vivre dans des villages isolés avec un accès limité aux infrastructures de base, ce qui constitue une forme de discrimination indirecte, a déploré un expert. Des préoccupations ont également été exprimées concernant la privatisation des terres, qui a souvent exclu les Yézidis, et la persistance de mariages précoces et forcés dans certaines communautés minoritaires. Ont en outre été relevés les taux élevés de décrochage scolaire parmi les enfants des minorités.
Une experte a déploré la discrimination intersectionnelle affectant les femmes issues de minorités ethniques. Les Yézidies, par exemple, sont parfois confrontées à des abus verbaux racistes lorsqu’elles accèdent aux services de santé reproductive, a-t-elle fait observer, avant de plaider pour des programmes de sensibilisation afin de réduire les stéréotypes.
Un membre du Comité a d’autre part relevé l'absence de lois spécifiques interdisant les organisations racistes et la participation à de telles structures, ce qui contrevient – a-t-il souligné – à l'article 4(b) de la Convention. Bien que le nouveau Code pénal adopté en 2022 inclue des dispositions contre les discours de haine, ces mesures ne couvrent pas explicitement tous les aspects requis par les normes internationales, a-t-il insisté.
Une experte a rappelé les préoccupations exprimées en 2017 concernant les discriminations dans les procédures d’asile, notamment en raison de l’origine ethnique, religieuse ou nationale, et a insisté sur l’importance d’améliorer l’équité et l’efficacité de ces procédures. Cette experte a d’autre part attiré l’attention sur des lacunes persistantes, s’agissant notamment du manque de financement pour les interprètes, des conditions inadéquates dans les centres d’hébergement pour demandeurs d’asile, et des obstacles linguistiques dans l’accès aux systèmes de santé en ligne.
Cette même experte a par ailleurs évoqué les travailleurs migrants et les attitudes discriminatoires dont ils sont victimes, et s’est enquise intentions du pays concernant la ratification de la Convention sur les droits des travailleurs migrants.
Présentant le rapport de son pays, M. Kostanyan a décrit les défis majeurs auxquels l’Arménie a été confrontée au cours des dernières années, qui ont profondément influencé la politique intérieure et sociale du pays. Parmi ces défis, figuraient la pandémie de COVID-19, les déplacements massifs de populations arméniennes du Haut-Karabakh suite aux conflits militaires de 2020, 2021 et 2023, ainsi que les attaques contre le territoire souverain de l’Arménie. Il a indiqué que plus de 115 000 Arméniens du Haut-Karabakh avaient été déplacés de force en 2023 en raison d’opérations militaires et de ce qu’il a décrit comme un « nettoyage ethnique ». Ces déplacements ont mis une pression énorme sur les infrastructures publiques et ont nécessité des ajustements importants des politiques nationales pour garantir l’accès des déplacés à l’éducation, à la santé, à l’emploi et au logement, a-t-il souligné.
En matière de droits des minorités, M. Kostanyan a mis en avant les mesures prises par l’Arménie pour promouvoir l’inclusion et le respect de la diversité. En 2024, a-t-il indiqué, l’Arménie a désigné le 3 août comme jour de commémoration du génocide des Yézidis de Sinjar de 2014. Un projet de loi sur les minorités nationales est en cours d’amendement pour s’aligner sur les meilleures pratiques internationales, après un examen par la Commission de Venise en 2024, a d’autre part fait savoir le chef de délégation. De plus, a-t-il poursuivi, la loi audiovisuelle adoptée en 2020 interdit explicitement les programmes incitant à la discrimination sur des bases raciales, ethniques ou religieuses, tout en allouant des quotas aux minorités pour produire des émissions dans leurs langues maternelles.
Enfin, M. Kostanyan a affirmé que la préservation du patrimoine culturel et historique des minorités et la coopération transfrontière étaient des priorités pour renforcer le dialogue interculturel et garantir la stabilité dans la région. Il a conclu en réaffirmant l’engagement de l’Arménie à respecter ses obligations internationales en matière de droits humains, malgré les défis persistants, et à œuvrer pour une société inclusive et démocratique.
La délégation arménienne était également composée, entre autres, de Mme Hasmik Tolmajian, Représentante permanente de l'Arménie auprès des Nations unies à Genève ; de M. Artur Martirosyan, Ministre adjoint de l'éducation, des sciences, de la culture et des sports ; ainsi que de représentants du Ministère des affaires étrangères, du Ministère de la justice, et du Ministère de l’intérieur.
Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur le rapport de l’Arménie et les rendra publiques à l’issue de sa session, le 13 décembre prochain.
Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l’examen du rapport de la Grèce.
Examen du rapport de l’Arménie
Le Comité est saisi du rapport valant douzième à quatorzième rapports périodiques de l’Arménie (CERD/C/ARM/12-14).
Présentation du rapport
Présentant le rapport de son pays, M. Vahan KOSTANYAN, Vice-Ministre des affaires étrangères de l'Arménie, a réaffirmé l’engagement du Gouvernement arménien à promouvoir et protéger les droits humains sur la base des principes d’universalité, d’indivisibilité, d’égalité et de non-discrimination. Il a souligné que cet engagement reflétait non seulement une conviction politique sincère, mais également les progrès démocratiques accomplis par la société arménienne ces dernières années, dans le cadre de la consolidation de l’État de droit.
Le chef de la délégation a par ailleurs décrit les défis majeurs auxquels l’Arménie a été confrontée au cours des dernières années, qui ont profondément influencé la politique intérieure et sociale du pays. Parmi ces défis, figuraient la pandémie de COVID-19, les déplacements massifs de populations arméniennes du Haut-Karabakh suite aux conflits militaires de 2020, 2021 et 2023, ainsi que les attaques contre le territoire souverain de l’Arménie. Il a indiqué que plus de 115 000 Arméniens du Haut-Karabakh avaient été déplacés de force en 2023 en raison d’opérations militaires et de ce qu’il a décrit comme un « nettoyage ethnique ». Ces déplacements ont mis une pression énorme sur les infrastructures publiques et ont nécessité des ajustements importants des politiques nationales pour garantir l’accès des déplacés à l’éducation, à la santé, à l’emploi et au logement, a-t-il souligné.
Malgré ces défis, le Gouvernement arménien a fait des efforts considérables pour répondre à l’urgence humanitaire tout en développant des programmes à moyen et long terme, a indiqué le chef de délégation. Ces efforts incluent des engagements pris lors du Forum mondial sur les réfugiés en 2023, visant à soutenir les réfugiés du Haut-Karabakh. En parallèle, le Gouvernement a continué à coopérer efficacement avec les mécanismes onusiens des droits humains et à ratifier des instruments internationaux. Parmi ces avancées, M. Kostanyan a cité la ratification du Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI) en 2024, ainsi que plusieurs protocoles facultatifs relatifs aux droits des enfants, aux droits des personnes handicapées et à l’abolition de la peine de mort.
Le Vice-Ministre a également évoqué la mise en œuvre de stratégies nationales telles que le Plan d’action national pour la protection des droits humains (2023-2025), lequel vise à renforcer les droits des groupes vulnérables, à promouvoir l’égalité et à lutter contre les discours de haine et contre la discrimination. Le processus de préparation de ces plans et des rapports nationaux a été inclusif, impliquant une participation active des ONG et des représentants de la société civile, a-t-il précisé. Récemment, un mécanisme national pour le suivi et la mise en œuvre des engagements internationaux a été créé afin d’institutionnaliser cette coopération, a-t-il ajouté.
En matière de droits des minorités, M. Kostanyan a mis en avant les mesures prises par l’Arménie pour promouvoir l’inclusion et le respect de la diversité. En 2024, a-t-il indiqué, l’Arménie a désigné le 3 août comme jour de commémoration du génocide des Yézidis de Sinjar de 2014. Un projet de loi sur les minorités nationales est en cours d’amendement pour s’aligner sur les meilleures pratiques internationales, après un examen par la Commission de Venise en 2024, a d’autre part fait savoir le chef de délégation. De plus, a-t-il poursuivi, la loi audiovisuelle adoptée en 2020 interdit explicitement les programmes incitant à la discrimination sur des bases raciales, ethniques ou religieuses, tout en allouant des quotas aux minorités pour produire des émissions dans leurs langues maternelles.
Dans le domaine de l’éducation, M. Kostanyan a attiré l’attention sur les réformes en cours, qui incluent la publication de 941 manuels scolaires dans des langues minoritaires en 2023 et la construction d’une école maternelle pour 144 élèves dans la communauté yézidie d’Alagyaz. Le Gouvernement a par ailleurs augmenté les financements destinés aux ONG ethniques, aux programmes éducatifs et à la formation pédagogique pour préserver les langues minoritaires. M. Kostanyan a ajouté que la nouvelle loi adoptée en 2024 fixe l’âge minimum du mariage à 18 ans sans exception, soulignant qu’il s’agit là d’un changement significatif visant à protéger les enfants et à éliminer les mariages précoces.
Sur le plan législatif, M. Kostanyan a également mis en avant le nouveau Code pénal qui contient des dispositions renforcées contre les discours de haine et les crimes motivés par la haine, couvrant une liste ouverte de motifs, notamment la race, l’origine ethnique et la religion. Ces dispositions reflètent une volonté claire de lutter contre le racisme et la xénophobie, a insisté le Vice-Ministre.
Enfin, M. Kostanyan a affirmé que la préservation du patrimoine culturel et historique des minorités et la coopération transfrontière étaient des priorités pour renforcer le dialogue interculturel et garantir la stabilité dans la région. Il a conclu en réaffirmant l’engagement de l’Arménie à respecter ses obligations internationales en matière de droits humains, malgré les défis persistants, et à œuvrer pour une société inclusive et démocratique.
Questions et observations des membres du Comité
M. yeung sik yuen yeung kam john, corapporteur du Comité pour l’examen du rapport de l’Arménie, a d’emblée rappelé que depuis 2017, le Comité recommande à l’Arménie d’adopter des lois nationales alignées sur les normes de la Convention. Bien que les traités internationaux priment sur les lois nationales en Arménie, l’absence de lois spécifiques entraîne des contradictions potentielles avec la législation existante, a-t-il souligné. Le projet de loi sur les minorités nationales, élaboré en 2019 et révisé en 2024, reste en attente d’adoption, a-t-il observé. Il a exprimé son regret concernant le retard de ce processus et a demandé des informations sur l’état actuel de cette législation, ainsi que sur les mesures prises pour intégrer les recommandations de la Commission de Venise et de la Direction générale de la démocratie, qui avaient relevé des insuffisances tant sur le fond que sur la forme. Ces insuffisances incluent le manque de clarté sur la participation effective des minorités dans la vie culturelle, sociale et économique, ainsi que des ambiguïtés dans la composition et la sélection des membres du Conseil des minorités nationales prévu par la loi, a-t-il précisé.
Concernant la lutte contre la discrimination, M. Yeung Sik Yuen a ici aussi noté que le projet de loi sur l’égalité et la protection contre la discrimination, ainsi que d’autres textes législatifs connexes, n’ont toujours pas été adoptés. L’article 226 du Code pénal, qui criminalise les incitations à la haine raciale, nationale ou religieuse, reste insuffisant, car il ne prévoit pas explicitement l’interdiction des organisations racistes ni la participation à de telles structures, a constaté l’expert. Il a voulu savoir si le Gouvernement arménien envisageait d’adopter des réformes législatives pour aligner pleinement la législation avec les obligations découlant de l’article 4 de la Convention.
Le corapporteur a ensuite posé de nombreuses questions sur le rôle du Défenseur des droits de l’homme. Bien que l’institution bénéficie d’un statut A de pleine conformité aux Principes de Paris et que son financement soit garanti par la Constitution, M. Yeung Sik Yuen a fait observer que l’absence de lois complètes sur la lutte contre la discrimination limite son efficacité. Il a demandé des détails sur le budget annuel de cette institution, sur le nombre de plaintes reçues concernant des cas de discrimination, ainsi que sur les résultats de ces plaintes – s’agissant notamment de savoir si elles ont conduit à des décisions judiciaires.
M. Yeung Sik Yuen a par ailleurs attiré l’attention sur les défis spécifiques auxquels sont confrontées les minorités, notamment les Yézidis, les Assyriens, les Russes et les Kurdes. Les Yézidis, en particulier, continuent de vivre dans des villages isolés avec un accès limité aux infrastructures de base, ce qui constitue une forme de discrimination indirecte, a-t-il déploré. Il s’est enquis des efforts du Gouvernement pour résoudre ces problèmes, notamment pour ce qui est d’améliorer les infrastructures et de garantir l’accès à l’eau potable. Des préoccupations ont également été soulevées concernant la privatisation des terres, qui a souvent exclu les Yézidis, et la persistance de mariages précoces et forcés dans certaines communautés minoritaires. M. Yeung Sik Yuen a voulu savoir si ces pratiques étaient criminalisées et s’est enquis des mesures prises pour en protéger les victimes.
En matière d’éducation, l’expert a relevé les taux élevés de décrochage scolaire parmi les enfants des minorités. Il s’est enquis des initiatives du Gouvernement pour renforcer l’éducation bilingue, former davantage d’enseignants qualifiés dans les langues minoritaires et inclure des programmes éducatifs adaptés pour les adultes et les jeunes enfants.
M. Yeung Sik Yuen a par ailleurs exprimé des inquiétudes concernant l’insuffisance des dispositions actuelles du Code pénal pour lutter contre les discours de haine. Bien que certaines dispositions pénales existent, elles ne couvrent pas explicitement la dissolution des organisations racistes ni la criminalisation de la participation à de telles structures, a-t-il constaté.
M. Yeung Sik Yuen a également relevé l’absence d’un cadre éducatif complet pour aborder les questions de discrimination et de discours de haine dans les écoles. Bien que des modules sur les droits humains soient intégrés dans la formation des enseignants, ils ne couvrent pas suffisamment les problèmes spécifiques des minorités ethniques et des groupes marginalisés, a-t-il indiqué. Il a rappelé que le Comité avait recommandé de renforcer ces programmes et de garantir que l’histoire des droits humains, y compris les violations passées, soit enseignée de manière non politisée.
En 2017, a par la suite insisté M. Yeung Sik Yuen, le Comité avait noté que le Code pénal arménien criminalisait les actes incitant à la haine nationale, raciale ou religieuse, mais il avait également relevé que le pays n’avait pas de législation spécifique interdisant les organisations racistes, ce qui contrevient à l’article 4(b) de la Convention. L’expert a rappelé que le Comité avait recommandé l’interdiction de ces organisations et la criminalisation de la participation à celles-ci.
M. Yeung Sik Yuen a d’autre part relevé que le rapport 2023 de la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance indique que le nouveau Code pénal arménien, en vigueur depuis juillet 2022, incrimine les discours de haine et la négation de génocides. Cependant, a constaté l’expert, les circonstances aggravantes liées à des motifs de discrimination comme la langue ou la citoyenneté ne sont pas prises en compte, et des lacunes persistent dans la collecte de données sur les crimes de haine.
Concernant les discours de haine, M. Yeung Sik Yuen a souligné que des incitations à la haine sont souvent diffusées en ligne et qu'il manque dans ce contexte un système de suivi et de suppression efficace. Il a posé des questions sur les mesures concrètes envisagées pour pallier ces lacunes.
L’expert a en outre exprimé des préoccupations concernant l’accès limité à la justice pour les minorités, le manque de sensibilisation aux droits en matière de discrimination raciale, et les barrières à l’obtention de l’aide juridique. Il a par ailleurs demandé des clarifications sur les réformes policières entreprises pour garantir un traitement équitable à toutes les communautés ethniques, s’agissant notamment de la restructuration entreprise en 2023 de l’unité de contrôle interne des abus policiers.
M. Yeung Sik Yuen a d’autre part soulevé la question de la faible participation de la société civile au processus d’examen des rapports périodiques, suggérant qu’une peur de représailles pourrait en être la cause. Il a demandé à la délégation quelles seraient, selon elle, les actions nécessaires pour promouvoir un climat de tolérance et combattre l’utilisation de l’identité nationale comme justification de l’intolérance.
MME CHUNG CHINSUNG, corapporteuse du Comité pour l’examen du rapport de l’Arménie, a relevé que le dernier recensement disponible effectué en Arménie date de 2022, mais que ses résultats, en particulier ceux concernant les données ethniques et religieuses, n’avaient pas encore été publiés en anglais ni analysés pour le Comité. Aussi, a-t-elle demandé des précisions sur les proportions respectives des minorités ethniques et religieuses comme les Yézidis, les Russes, les Assyriens et d’autres groupes. Elle a également demandé des statistiques ventilées par origine ethnique concernant la population carcérale, les mariages précoces et les indicateurs socioéconomiques. L’experte a par ailleurs relevé que la population arménienne n’avait cessé de diminuer depuis 1989 et a demandé à la délégation les raisons de cette baisse.
Mme Chung a d’autre part noté que des quotas parlementaires garantissent des sièges pour certains groupes minoritaires, tels que les Yézidis, les Russes, les Assyriens et les Kurdes. Toutefois, a-t-elle souligné, de nombreux groupes restent exclus en raison de seuils électoraux élevés. La corapporteuse a donc recommandé de réviser ce système de quotas pour assurer une meilleure représentation des minorités dans toutes les institutions publiques, y compris l’administration, les forces de l’ordre et le système judiciaire.
Les conditions socioéconomiques des Yézidis vivant dans la région d’Aragatsotn sont considérées par plusieurs rapports comme préoccupantes, avec un accès limité aux infrastructures de base comme les routes et l’eau potable, a par ailleurs déploré Mme Chung. Elle a en outre noté que certains terrains utilisés historiquement par les Yézidis ont été vendus à des tiers sans consultation préalable, et que les Yézidis ont souvent été exclus des processus de privatisation des terres.
En matière d’éducation, l’experte a relevé que les taux d’inscription des enfants des minorités ethniques, notamment pour les Yézidis et les Molokans, sont inférieurs à la moyenne nationale, avec des taux élevés de décrochage scolaire après la neuvième année. L’absence de programmes d’éducation préscolaire dans les langues minoritaires, en particulier pour les Yézidis, a été identifiée comme un problème, tout comme le manque de formation pour les enseignants dans ces langues. Mme Chung s’est dès lors enquise des mesures prises pour remédier à ces lacunes et pour promouvoir l’éducation des adultes et la formation professionnelle au sein des communautés minoritaires.
La corapporteuse a rappelé que le Comité avait exprimé des préoccupations concernant la prévalence des mariages précoces et forcés parmi les minorités, notamment parmi les Yézidis. Elle a demandé si ces pratiques sont criminalisées et combien de condamnations ont été prononcées. Elle a déploré les conséquences de ces mariages, notamment l’abandon scolaire des filles.
L’experte a aussi déploré la discrimination intersectionnelle affectant les femmes issues de minorités ethniques. Les Yézidies, par exemple, sont parfois confrontées à des abus verbaux racistes lorsqu’elles accèdent aux services de santé reproductive, a-t-elle relevé. Elle a ainsi recommandé d’améliorer ces services et de garantir des programmes de sensibilisation pour réduire les stéréotypes. Mme Chung a par ailleurs voulu savoir si la violence basée sur le genre pouvait être invoquée comme motif pour obtenir l’asile et si des mesures spécifiques avaient été prises pour protéger les femmes déplacées contre la violence et pour garantir leur participation aux processus de paix.
Mme Chung a ensuite relevé que le plan national 2021-2026, la stratégie nationale de sécurité et le plan d’action 2023-2025 ne prévoient pas de programmes spécifiques pour les minorités nationales. Elle a demandé des explications sur cette omission.
Mme Chung a abordé les défis liés aux migrants, réfugiés, demandeurs d’asile, personnes déplacées internes et apatrides en Arménie, en demandant des précisions sur les mesures de protection et d’accès aux services essentiels pour ces populations. Elle a rappelé les préoccupations exprimées en 2017 concernant les discriminations dans les procédures d’asile, notamment en raison de l’origine ethnique, religieuse ou nationale, et a insisté sur l’importance d’améliorer l’équité et l’efficacité de ces procédures.
L’experte a d’autre part attiré l’attention sur des lacunes persistantes, s’agissant notamment du manque de financement pour les interprètes, des conditions inadéquates dans les centres d’hébergement pour demandeurs d’asile, et des obstacles linguistiques dans l’accès aux systèmes de santé en ligne.
Mme Chung a également demandé des informations sur l’intégration des réfugiés du Haut-Karabakh depuis 2023, leur statut juridique et les risques potentiels d’apatridie.
L’experte a ensuite évoqué les travailleurs migrants et les attitudes discriminatoires dont ils sont victimes et s’est enquise des plans des autorités pour ratifier la Convention sur les droits des travailleurs migrants.
Concernant les apatrides, elle a souhaité connaître les mesures prises pour identifier et protéger ces personnes, en particulier parmi les personnes déplacées internes.
Enfin, Mme Chung a abordé des sujets liés à la justice transitionnelle, notamment la création d’une commission indépendante pour enquêter sur les violations des droits humains, à l’amélioration de la participation des minorités ethniques et religieuses, et à la conservation du patrimoine culturel des groupes ethno-religieux en Arménie. Elle a insisté sur l’importance d’un dialogue ouvert et d’un environnement de tolérance pour promouvoir une paix durable.
D’ autres experts membres du Comité sont intervenus au cours du dialogue, essentiellement pour des questions de suivi intéressant des questions déjà abordées par les deux corapporteurs.
Réponses de la délégation
La délégation a présenté plusieurs initiatives législatives en cours pour aligner le cadre juridique national sur les normes internationales. Elle a notamment évoqué le projet de loi sur les minorités nationales, actuellement soumis à des consultations publiques pour surmonter des résistances internes de certaines communautés. Ce texte, qui a été amendé et révisé après une consultation avec le Conseil de l’Europe, vise à garantir les droits des minorités tout en respectant leurs identités culturelles, linguistiques et religieuses.
La délégation a par ailleurs attiré l’attention – pour expliquer certaines confusions – sur les difficultés de traduction entre l’arménien et l’anglais, notamment pour ce qui concerne les termes "national" et "ethnique".
La délégation a également évoqué le projet de loi sur l’égalité et la protection contre la discrimination, soumis au Parlement. Ce texte introduit des dispositions interdisant toute forme d’inégalité fondée sur la race, le genre, la religion ou d’autres critères, et définit le Défenseur des droits de l’homme comme l’organe principal pour garantir l’égalité, a-t-elle indiqué. Ce projet a lui aussi été amendé après un examen par le Conseil de l’Europe et devrait inclure des mécanismes clairs pour traiter les cas de discrimination, a-t-elle précisé.
La délégation a d’autre part souligné que l’article 329 du nouveau Code pénal arménien criminalise désormais les discours de haine, l’incitation à la haine et la diffusion de contenus visant à promouvoir la discrimination ou la violence. Elle a précisé que cette disposition couvre également les appels publics à la violence et leur justification. Des entités juridiques peuvent également être tenues responsables en cas de discours de haine, a-t-elle ajouté. La délégation a toutefois reconnu que certaines lacunes persistent et a indiqué que des discussions sont en cours pour renforcer le cadre juridique.
La délégation arménienne a par la suite insisté sur les efforts déployés pour lutter contre les discours et crimes de haine, ainsi que sur les mesures visant à renforcer les droits humains et la non-discrimination. Elle a souligné que les difficultés rencontrées par l’Arménie doivent être comprises dans leur contexte, notamment en lien avec les tensions régionales et les crises récentes.
Le Gouvernement arménien a adopté un nouveau Code pénal qui interdit les discours incitant à la haine et les appels à la violence, tout en incluant des dispositions sur la négation des génocides, a insisté la délégation. Elle a fait observer que ces mesures couvrent les problématiques soulevées par le Comité et a expliqué que la législation prévoit désormais des mécanismes pour inverser la charge de la preuve dans les cas de discrimination, facilitant ainsi l’accès à la justice pour les victimes.
Concernant les organisations non gouvernementales, la délégation a rejeté les accusations de menaces contre elles, affirmant que les ONG jouissent pleinement de leurs droits en Arménie. Elle a fait observer que le manque de rapports alternatifs de la part des ONG pourrait refléter leur satisfaction à l’égard du travail gouvernemental.
S’agissant de la réforme de la police, il a été indiqué que le Gouvernement avait mis en œuvre des réformes importantes qui visent à moderniser la police et à renforcer la sécurité publique – ce qui a conduit à une confiance accrue de la population [en la police], comme l’indiquent des enquêtes récentes, a affirmé la délégation. Le Ministère de l’intérieur chapeaute désormais la police, les services de secours et le service migratoire, a-t-il été précisé.
La délégation a ensuite évoqué les campagnes de sensibilisation visant à promouvoir l’égalité et la non-discrimination auprès du grand public, précisant qu’elles incluent des supports éducatifs diffusés par le Ministère de l’éducation et par les réseaux sociaux. Des formations spécifiques ont été organisées pour les forces de l’ordre, les juges, les enquêteurs et les professionnels de la santé et de l’éducation, afin d’améliorer leur compréhension des principes d’égalité et de non-discrimination, a-t-elle ajouté.
La délégation a par ailleurs longuement présenté le rôle du Défenseur des droits de l’homme, soulignant qu’il s’agit d’un organe « central dans le suivi des violations des droits humains ». Le Bureau du Défenseur des droits de l’homme, accrédité avec un statut A de pleine conformité aux Principes de Paris, agit en tant que mécanisme national de prévention contre la torture, conformément au Protocole facultatif de la Convention contre la torture, a-t-elle précisé. Son financement est entièrement intégré au budget de l’État, avec des allocations budgétaires garanties pour ne pas être inférieures à celles de l’année précédente, a souligné la délégation, avant de faire état d’un nouveau bâtiment pour ce Bureau, dont la rénovation est déjà en cours afin de renforcer son efficacité.
La délégation a par ailleurs expliqué que le Conseil des minorités nationales, créé en 2019, joue un rôle consultatif auprès du Premier Ministre et coordonne les initiatives en faveur des minorités. Elle a d’autre part fait état d’une augmentation significative des fonds alloués aux activités culturelles et éducatives des minorités nationales. Des mesures ont en outre été prises pour garantir une meilleure représentation des minorités dans les discussions législatives et pour renforcer leur inclusion dans la société arménienne, a souligné la délégation.
Concernant les droits civils et politiques, la délégation a assuré que tous les citoyens d'Arménie, y compris les membres des minorités ethniques, exercent leurs droits fondamentaux. Elle a fait valoir que des représentants des quatre principales minorités ethniques occupent des sièges au Parlement arménien, conformément aux récents amendements constitutionnels. Elle a en outre souligné qu'une femme fait partie de ces représentants, marquant un progrès dans la représentation des genres au sein des minorités.
La délégation a d’autre part indiqué que les zones habitées par des minorités ethniques, bien que n’ayant pas été incluses dans les programmes de réinstallation récents, bénéficient de projets spécifiques tels que la construction de routes et d’autres infrastructures essentielles. Ces initiatives visent à réduire les disparités régionales et à promouvoir l’égalité des chances, tout en tenant compte des besoins particuliers des minorités, a-t-elle expliqué.
S’agissant de l’éducation, la délégation a souligné que la Constitution garantit le droit à l’éducation pour tous, indépendamment de l’origine ethnique ou de la langue. En vertu de la loi, l’enseignement pour les minorités nationales peut être organisé dans leur langue maternelle, parallèlement à l’enseignement en arménien, a-t-elle précisé. La stratégie éducative adoptée en 2022, intitulée « Programme d'État éducatif jusqu'en 2030 », vise à améliorer l'accessibilité et la qualité des services éducatifs, en mettant l'accent sur la formation des enseignants et l'expansion des infrastructures dans les zones où vivent les minorités. À ce jour, 223 écoles et 157 jardins d’enfants dans ces zones sont en cours de construction ou de rénovation, a précisé la délégation.
En outre, la délégation a souligné qu’un projet ambitieux intitulé « 300 écoles et 500 crèches » est en cours de mise en œuvre, avec une couverture spécifique pour les régions habitées par des minorités nationales. Par exemple, dans le village d'Alagaz, qui abrite une importante communauté yézidie, des infrastructures éducatives modernes sont en cours de développement. Des efforts similaires sont déployés dans d'autres régions permettant une meilleure prise en charge des besoins éducatifs locaux, a souligné la délégation.
La délégation a par ailleurs indiqué que pour les minorités ethniques, des classes spécifiques permettent l’enseignement de la langue et de la littérature maternelles de la première à la douzième année, avec un programme hebdomadaire allant de trois à quatre heures. Si l’organisation de classes dans leur langue maternelle est impossible, les parents ont la possibilité de choisir la langue d’enseignement parmi les options disponibles.
En réponse aux préoccupations exprimées concernant la discrimination indirecte, la délégation a reconnu que certaines zones minoritaires ont été historiquement désavantagées en raison de difficultés économiques générales en Arménie. Elle a affirmé que des mesures d’action positive sont mises en place, notamment dans le domaine des infrastructures et de l’éducation, pour réduire ces écarts. Elle a également souligné qu’un mécanisme de justice transitionnelle avait récemment été introduit pour traiter les problèmes liés à la privatisation des terres – une question qui affecte particulièrement certaines minorités comme les Yézidis, a précisé la délégation.
La délégation a rejeté les accusations d’expulsions forcées liées aux minorités ethniques, les qualifiant de fausses et orchestrées pour des revendications territoriales contre l’Arménie. Elle a réaffirmé l’engagement de l’Arménie à travailler avec les mécanismes internationaux pour garantir les droits humains et promouvoir l’inclusion des minorités.
Concernant les personnes déplacées en raison des conflits, la délégation a rendu compte des initiatives prises pour préserver leurs droits, incluant des programmes spécifiques pour les familles touchées par les opérations militaires.
La ratification du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits des personnes handicapées a permis d’introduire des lois visant à améliorer l’inclusion sociale et économique de ces personnes, a ajouté la délégation.
La délégation a par la suite rappelé que l'Arménie a dû faire face à une crise sans précédent en raison de l'arrivée massive de 150 000 Arméniens déplacés de force du Haut-Karabakh suite à l'agression militaire de l'Azerbaïdjan en 2023. Cette situation a provoqué une pression énorme sur les infrastructures publiques, a souligné la délégation. Pour y répondre, le Gouvernement a rapidement mobilisé ses ressources, fournissant et déployant une aide d’urgence, y compris des biens de première nécessité, un soutien psychologique, ainsi que des programmes financiers. Depuis octobre 2023, chaque individu déplacé reçoit une aide mensuelle de 120 euros pour couvrir ses besoins essentiels, une initiative qui se prolongera en 2025, a précisé la délégation.
La délégation a d’autre part mentionné la mise en place d’un nouveau centre d’accueil pour les demandeurs d’asile à Abovyan et a expliqué que des programmes de logement, de soutien financier et de formation professionnelle avaient été instaurés pour favoriser une intégration durable. Les réfugiés bénéficient des mêmes droits que les citoyens arméniens en matière d’éducation, de santé et de prestations sociales, et plus de 16 000 élèves réfugiés sont actuellement inscrits dans des écoles arméniennes, a indiqué la délégation.
La délégation a ensuite indiqué que le recensement de 2022, dont les résultats n'ont pas encore été publiés en anglais, serait prochainement disponible. Elle a ajouté qu’un effort important est en cours pour collecter et analyser des statistiques ventilées, en coopération avec des institutions de l’ONU. Toutefois, certaines données ventilées demandées par le Comité ne sont pas encore disponibles en raison des contraintes techniques et logistiques, a-t-elle précisé.
S’agissant de la diminution de la population arménienne, la délégation a expliqué que les principales raisons en sont des considérations de sécurité, des difficultés économiques, et une émigration importante, notamment de professionnels qualifiés. Le Gouvernement travaille activement à normaliser les relations avec les pays voisins et à stabiliser la région pour favoriser un environnement pacifique et propice au développement économique, a-t-elle ajouté. Des efforts sont également menés pour accroître la prospérité de la population locale et réduire l’exode, a-t-elle indiqué.
En ce qui concerne les femmes et leur rôle dans la consolidation de la paix, la délégation a fait savoir que le Ministère des affaires étrangères travaille sur un troisième plan d'action pour renforcer la participation des femmes à la prise de décision et aux processus de paix. Elle a par ailleurs souligné que des progrès ont été réalisés avec la nomination récente de femmes à des postes clés, y compris à la tête des services de renseignement et de l'intérieur.
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