Examen de l’Équateur au Comité des droits de l’homme : les effets des états d’urgence, la crise carcérale, les violences à l’égard des femmes, ainsi que les droits des peuples autochtones sont au cœur du dialogue
Le Comité des droits de l’homme a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport soumis par l’Équateur au titre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Au cours du dialogue noué entre les experts membres du Comité et la délégation équatorienne venue soutenir ce rapport, un expert a relevé que pendant les états d'urgence qui ont été en vigueur depuis maintenant plus de six ans en Équateur, de nombreuses violations des droits de l'homme ont été signalées, notamment des détentions arbitraires, des exécutions extrajudiciaires, ainsi que des actes de torture et des mauvais traitements, en particulier en 2024. Le Comité a reçu des informations selon lesquelles la liberté de mouvement, la liberté d'association et la liberté de réunion ont été restreintes de manière significative et disproportionnée, a insisté l’expert. Selon la société civile, a-t-il ajouté, les communautés autochtones, les migrants et les réfugiés, ainsi que les personnes vivant dans la pauvreté, sont touchés de manière disproportionnée par les restrictions imposées dans le cadre de l'état d'urgence.
Selon les informations reçues par le Comité, dans le cadre de l'état d'urgence, de janvier à mai 2024, quelque 35 000 arrestations ont été effectuées pour des accusations de terrorisme, a-t-il par ailleurs été relevé.
Dans ce même contexte, où les forces armées ont été mobilisées pour assurer le maintien de la sécurité à l'intérieur des prisons, il a été demandé si l’Équateur envisageait de remplacer le recours à l'état d'urgence par des mesures qui, pour répondre à la crise pénitentiaire qui affecte le pays, incluent une approche fondée sur les droits de l'homme.
Une experte a fait état de la persistance en Équateur d’un grave problème de surpopulation carcérale. Elle a demandé ce que le Gouvernement avait fait contre les violences graves dans les prisons commises lors d’émeutes de prisonniers ayant entraîné la mort de plus de 600 personnes privées de liberté entre 2018 et 2023.
Cette même experte a également fait part de l’inquiétude du Comité devant le nombre élevé de filles victimes d'abus sexuels, de viols ou d'inceste en Équateur. Certains affirment même qu'en Équateur, la violence à l'encontre des filles, en particulier à la maison et à l'école, est endémique, a-t-elle relevé. Un expert a constaté que le taux de féminicide ne cessait d’augmenter en Équateur, de même que le nombre des femmes victimes de disparition forcée aux mains de groupes criminels. Il a été relevé que le système électoral équatorien avait connu des avancées avec les réformes qui ont introduit en 2020 la parité hommes-femmes dans les listes électorales. Cependant, la violence fondée sur le genre s'est accrue avec l'augmentation de la participation des femmes et, selon les données officielles, deux actes de féminicide politique ont eu lieu en 2024, a-t-il été observé.
S’agissant des droits des peuples autochtones, le Comité a été informé qu’il n’y aurait pas eu de consultations des populations concernées au sujet de plusieurs projets miniers, a souligné un expert, avant de s’enquérir par ailleurs de ce que le Gouvernement faisait pour remédier aux déversements de pétrole en Amazonie équatorienne – des déversements qui ont provoqué une contamination aux hydrocarbures et aux métaux lourds affectant l'environnement et la santé de la population dans les territoires autochtones, a-t-il souligné. A par ailleurs été déploré l’assassinat d’un militant de l’environnement qui s’était opposé à l’exploitation de pétrole sur des terres autochtones.
Un expert a recommandé que le Gouvernement prenne des mesures pour assurer la sécurité des juges et procureurs, relevant que certains ont été assassinés dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions. Entre juillet et décembre 2021, 62 agressions contre des journalistes ont été recensées, a pour sa part relevé un autre expert. Des préoccupations ont en outre été exprimées face aux procédures pénales et disciplinaires engagées contre des défenseurs des droits de l'homme, qui, a-t-il été regretté, semblent être un mécanisme de représailles ou d'intimidation à l'encontre de leur travail de défense des droits de l'homme et de dénonciation.
Présentant le rapport de son pays, M. Juan Carlos Larrea, Procureur général de l’État de l’Équateur, a attiré l’attention du Comité sur un certain nombre de progrès réalisés par le pays afin de se conformer aux dispositions du Pacte. Il a notamment cité la création du Ministère de la femme et des droits humains, la dépénalisation de l'avortement en cas de viol, la mise en œuvre de la deuxième phase de l'Initiative SpotLight pour l'éradication de la violence fondée sur le genre, ainsi que des mesures prises pour améliorer la situation des personnes privées de liberté.
En ce qui concerne les droits des peuples et nationalités autochtones, le Conseil national pour l'égalité des peuples et des nationalités a préparé le Programme pour l'égalité des droits des nationalités et peuples autochtones, du peuple afro-équatorien et du peuple montubio, a poursuivi M. Larrea, avant de souligner que « des représentants des organisations et de la société civile » ont été consultés lors de l’élaboration de ce Programme.
Pour ce qui est du droit à la liberté d'expression, la loi organique sur la communication a créé le mécanisme de prévention et de protection des travailleurs de la communication, afin de protéger la vie et l'intégrité des journalistes et d'élaborer des indicateurs sur les meurtres, les enlèvements, les disparitions forcées, la détention arbitraire et la torture des membres de cette corporation, a précisé le Procureur général.
Complétant cette présentation, Mme Arianna Tanca Macchiavello, Ministre de la femme et des droits humains de l’Équateur, a notamment indiqué que son Ministère gérait 45 services de protection intégrale dans le cadre de la loi organique de prévention et d’éradication de la violence à l’égard des femmes et du plan national pour la prévention et l'éradication de la violence à l'égard des femmes (2020-2030). Le Ministère est compétent pour l'octroi de mesures administratives de protection immédiate en faveur des victimes de la violence à caractère sexiste par l'intermédiaire des conseils cantonaux de protection des droits, a-t-elle expliqué. De la fin novembre 2023 à août 2024, le Ministère a géré 5296 mesures administratives d'attention immédiate, a-t-elle précisé.
En ce qui concerne le traitement des étrangers, la loi organique sur la mobilité humaine détermine les processus à suivre en cas d'inadmissibilité aux frontières, de déportation et d'expulsion, en tenant compte des normes internationales sur le non-refoulement, a d’autre part indiqué Mme Tanca Macchiavello.
La délégation équatorienne était également composée, entre autres, de nombreux représentants du Service national de prise en charge globale des adultes privés de liberté et des adolescents (SNAI) et des Ministères des affaires étrangères, de la défense, ainsi que de la femme et des droits humains.
Au cours du dialogue, la délégation a souligné que face à la violence due au crime organisé et à des groupes terroristes en Équateur, le Gouvernement a voulu endiguer ces phénomènes par l’imposition de l’état d’urgence sur tout le territoire. Les états d’urgence successifs ont tous été soumis à l’approbation de la Cour constitutionnelle, qui a limité la portée de certains d’entre eux, a-t-elle souligné. La suspension des droits résultant de l’imposition de l’état d’urgence doit respecter le principe de proportionnalité et l’État est tenu de préciser explicitement la portée des restrictions y afférentes, a précisé la délégation. De même, le recours de l’armée à des fins de sécurité publique est encadré, la loi insistant notamment sur l’importance de respecter le principe de proportionnalité, a ajouté la délégation, avant de faire état d’une baisse notable du taux d’homicides volontaires entre 2023 et 2024.
Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur le rapport de l’Équateur et les rendra publiques à l’issue de sa session, le 7 novembre prochain.
Lundi prochain, 4 novembre, à 10 heures, le Comité tiendra une séance publique consacrée aux vues (constatations) adoptées par la Comité dans le cadre de l’examen des plaintes individuelles (communications) dont il est saisi au titre du premier Protocole facultatif se rapportant au Pacte.
Examen du rapport de l’Équateur
Le Comité est saisi du septième rapport périodique de l’Équateur (CCPR/C/ECU/7), établi sur la base d’une liste de points à traiter soumise au pays par le Comité.
Présentation
Présentant le rapport de son pays, le chef de la délégation équatorienne M. JUAN CARLOS LARREA, Procureur général de l’État de l’Équateur, a attiré l’attention sur un certain nombre de progrès réalisés par son pays afin de se conformer aux dispositions du Pacte, citant notamment la création du Ministère de la femme et des droits humains, la dépénalisation de l'avortement en cas de viol, la mise en œuvre de la deuxième phase de l'Initiative SpotLight pour l'éradication de la violence fondée sur le genre, ainsi que d’autres résultats positifs s’agissant du processus de régularisation des migrations et de la protection internationale, ainsi que des mesures prises pour améliorer la situation des personnes privées de liberté.
Dans ce contexte, a souligné M. Larrea, il convient de noter que le Comité contre la torture, dans ses observations finales sur le rapport de l'Équateur adoptées en juillet 2024, a reconnu plusieurs réalisations liées au Pacte, en particulier l'adoption en 2023 de la Loi organique contre la traite des personnes et le trafic illicite de migrants ; l'adoption du règlement de la loi organique du Bureau du Défenseur public, qui vise à élargir l'accès à la justice ; ou encore l'approbation du Plan national de santé sexuelle et reproductive (2017-2021).
S’agissant des activités de sensibilisation, d'éducation et de formation en matière de droits de l'homme, M. Larrea a indiqué que le pouvoir exécutif avait formé 25 844 personnes sur les thèmes suivants : droit à la vie, liberté d'expression et de manifestation pacifique ou encore droit à une procédure régulière et à une protection judiciaire efficace. Pour sa part, le pouvoir judiciaire a organisé des formations sur les droits de l'homme et la prévention de la torture, des traitements cruels, inhumains et dégradants et des crimes contre l'humanité, dont ont bénéficié 69 624 fonctionnaires. De même, le Procureur général de l'État a organisé une formation continue pour les membres de la police nationale et des forces armées, notamment ; cette formation a porté sur des sujets relatifs au droit international des droits de l'homme reconnus dans le Pacte et leur applicabilité en droit interne, sur le droit humanitaire international, l'usage progressif de la force et les droits des personnes privées de liberté.
En ce qui concerne le droit à la liberté d'expression, la loi organique sur la communication a créé le mécanisme de prévention et de protection des travailleurs de la communication, afin de protéger la vie et l'intégrité des journalistes et d'élaborer des indicateurs sur les meurtres, les enlèvements, les disparitions forcées, la détention arbitraire et la torture des membres de cette corporation. L'État élabore actuellement des protocoles et d'autres lignes directrices pour la prévention et la protection des travailleurs de la communication.
En ce qui concerne les droits des peuples et nationalités autochtones, le Conseil national pour l'égalité des peuples et des nationalités a préparé le Programme pour l'égalité des droits des nationalités et peuples autochtones, du peuple afro-équatorien et du peuple montubio, a poursuivi M. Larrea, avant de souligner que « des représentants des organisations et de la société civile » ont été consultés lors de l’élaboration de ce Programme. En 2023, a ajouté le chef de délégation, le même Conseil a organisé quatorze ateliers territoriaux avec des dirigeants et des membres d'organisations communautaires afro-équatoriennes afin d'examiner les questions liées à la Décennie des personnes d'ascendance africaine aux niveaux national et international.
Complétant cette présentation, MME ARIANNA TANCA MACCHIAVELLO, Ministre de la femme et des droits humains de l’Équateur, a indiqué que son Ministère gérait 45 services de protection intégrale dans le cadre de la loi organique de prévention et d’éradication de la violence à l’égard des femmes et du plan national pour la prévention et l'éradication de la violence à l'égard des femmes (2020-2030).
En ce qui concerne la non-discrimination et l'égalité entre les hommes et les femmes, le Conseil national pour l'égalité entre les genres a formulé un plan national dans ce domaine pour la période 2021-2025, a poursuivi la Ministre. En janvier 2024, a-t-elle ajouté, la loi organique sur l'égalité salariale entre les femmes et les hommes a été adoptée et le 18 septembre a été déclaré « Journée de l'égalité salariale » afin de sensibiliser la société à l'écart salarial entre les femmes et les hommes.
Le Ministère du Gouvernement [Ministerio de Gobierno] est compétent pour l'octroi de mesures administratives de protection immédiate en faveur des victimes de la violence à caractère sexiste par l'intermédiaire des conseils cantonaux de protection des droits, a par ailleurs indiqué Mme Tanca Macchiavello. De la fin novembre 2023 à août 2024, le Ministère a géré 5296 mesures administratives d'attention immédiate, a-t-elle précisé.
En ce qui concerne la protection des droits de la population LGBTI+, la Ministre a indiqué que des mesures ont été prises pour faire des enquêtes sur les crimes fondés sur l'orientation sexuelle et l'identité de genre, et lancer des poursuites, le Procureur général de l'État appliquant une politique pénale pour l'accès à la justice de la communauté LGBTI+. En outre, le Plan d'action pour la diversité 2022-2025 a été adopté, qui établit 148 actions et 151 indicateurs pour améliorer les conditions de vie et garantir l'égalité des droits pour les personnes LGBTI+ en Équateur.
En ce qui concerne le traitement des étrangers, la loi organique sur la mobilité humaine détermine les processus à suivre en cas d'inadmissibilité aux frontières, de déportation et d'expulsion, en tenant compte des normes internationales sur le non-refoulement, a d’autre part indiqué Mme Tanca Macchiavello.
Questions et observations des membres du Comité
Le Comité avait chargé un groupe de travail composé de cinq de ses membres d’examiner le rapport de l’Équateur : M. Hernán Quezada Cabrera, M. Carlos Gómez Martínez, M. Mahjoub El Haiba, M. Rodrigo A. Carazo et Mme Tijana Šurlan.
M. QUEZADA CABRERA a relevé que, selon la société civile, les communautés autochtones, les migrants et les réfugiés, ainsi que les personnes vivant dans la pauvreté, sont touchés de manière disproportionnée par les restrictions imposées dans le cadre de l'état d'urgence. Dans ce même contexte, où les forces armées ont été mobilisées pour assurer le maintien de la sécurité à l'intérieur des prisons, l’expert a demandé si l’Équateur envisageait de remplacer le recours à l'état d'urgence par des mesures qui, pour répondre à la crise pénitentiaire qui affecte le pays, incluent une approche fondée sur les droits de l'homme.
Pendant les états d'urgence, qui sont en vigueur depuis maintenant plus de six ans, a poursuivi l’expert, de nombreuses violations des droits de l'homme ont été signalées, notamment des détentions arbitraires, des exécutions extrajudiciaires, ainsi que des actes de torture et des mauvais traitements, en particulier en 2024. Il a demandé où en étaient les enquêtes ouvertes par le Procureur général pour torture (31) et abus d'autorité (226) contre des membres des forces armées et de la police nationale.
M. Quezada Cabrera a par ailleurs relevé qu’entre janvier et juillet 2024, le Gouvernement du Président Daniel Noboa avait émis six décrets déclarant l'état d'urgence, dont deux ont été déclarés inconstitutionnels par la Cour constitutionnelle. De même, dans sa décision du 1 er août 2024 sur le décret exécutif 318, la Cour constitutionnelle a déclaré inconstitutionnelle la limitation du droit à la liberté d'association. Le Comité a reçu des informations selon lesquelles certains droits, tels que la liberté de mouvement, la liberté d'association et la liberté de réunion ont été restreintes de manière significative et disproportionnée, a insisté l’expert.
M. Quezada Cabrera a ensuite fait observer que, selon des organisations de la société civile, les lois autorisant non seulement la possession mais aussi le port d'armes à feu par des civils sur l'ensemble du territoire seraient contraires à la Constitution. L’expert a demandé comment était régie l’utilisation des armes par les forces de l’ordre.
M. Quezada Cabrera a d’autre part relevé que les déclarations répétées d'états d'urgence avaient affecté de manière disproportionnée les migrants. Il a voulu savoir si les migrants, réfugiés, demandeurs d'asile et apatrides bénéficiaient d'une assistance de la part du Bureau du défenseur public ou de toute autre entité publique pour défendre leurs droits ou au cours des procédures de régularisation.
S’agissant des droits des peuples autochtones, a poursuivi l’expert, le Comité a été informé qu’il n’y aurait pas eu de consultations au sujet de plusieurs projets miniers, s’agissant notamment du projet Río Blanco. Bien que cinq projets de loi aient été présentés depuis 2022 pour réglementer le droit collectif des peuples et nationalités autochtones, afro-équatoriens et montubio à la consultation et au consentement éclairé, aucun progrès n'a été enregistré dans le processus législatif, a-t-il relevé.
M. Quezada Cabrera a par ailleurs demandé ce que le Gouvernement faisait pour remédier aux déversements de pétrole en Amazonie équatorienne – des déversements qui ont provoqué une contamination aux hydrocarbures et aux métaux lourds affectant l'environnement et la santé de la population dans les territoires autochtones, a-t-il souligné.
M. GÓMEZ MARTÍNEZ s’est pour sa part enquis des mesures prises pour garantir que les personnes accusées de terrorisme bénéficient de toutes les garanties procédurales énoncées à l'article 14 du Pacte. Selon les informations reçues par le Comité, dans le cadre de l'état d'urgence, de janvier à mai 2024, quelque 35 000 arrestations ont été effectuées pour des accusations de terrorisme, a relevé l’expert.
M. Gómez Martínez a ensuite demandé comment les autorités luttaient contre l’infiltration du système judiciaire par le crime organisé, qui a été signalée au Comité.
M. Gómez Martínez a recommandé que le Gouvernement prenne des mesures pour assurer la sécurité des juges et procureurs, relevant que certains ont été assassinés dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions.
L’expert a dit comprendre l’objectif de la militarisation des prisons, qui est de reprendre le contrôle de ces institutions. Il a demandé combien de poursuites pénales avaient été enregistrées, dans ce contexte, relativement à des violations des droits des personnes détenues.
M. EL HAIBA a voulu savoir comment les initiatives du Conseil national pour l'égalité entre les genres, telle l'Initiative SpotLight, avaient contribué à réduire les violences sexistes et améliorer les droits des personnes LGBTI+ en Équateur. Quels ont été les résultats des formations dispensées par l’État dans la lutte contre la discrimination envers les personnes LGBTI+ et de l’interdiction des « thérapies de réorientation sexuelle », a-t-il également demandé ?
M. El Haiba a par ailleurs relevé que le Bureau du Procureur avait enregistré 45 914 plaintes en 2020 et 50 865 plaintes en 2021 pour diverses formes de violence envers les femmes, incluant les atteintes sexuelles, le harcèlement, les féminicides et les violences psychologiques. Les informations reçues par le Comité indiquent que l’Équateur ne dispose pas d'un service de santé mentale qui réponde adéquatement aux besoins des victimes de violences sexuelles, a par ailleurs indiqué l’expert.
Le taux de féminicide ne cesse d’augmenter, de même que le nombre des femmes victimes de disparition forcée aux mains de groupes criminels, a par la suite souligné M. El Haiba. Il s’est inquiété de l’impunité des auteurs de ces faits, ainsi que du sort des enfants ainsi laissés orphelins.
Entre juillet et décembre 2021, 62 agressions contre des journalistes ont été recensées, mais seulement 14 plaintes ont été déposées, a ensuite relevé M. El Haiba, qui a voulu savoir ce qui était fait pour protéger les journalistes et garantir que les auteurs des agressions soient poursuivis et sanctionnés.
L’expert a en outre constaté qu’après les manifestations d’octobre 2019, 790 enquêtes ont été ouvertes sur des violations des droits humains, y compris des décès. Par ailleurs, a-t-il ajouté, le Comité a reçu des informations indiquant que, lors des manifestations de 2022, au moins neuf morts ont été enregistrées. Il a demandé quelles mesures l'État avait prises pour faire respecter le droit de réunion et de manifestation pacifiques.
M. El Haiba s’est d’autre part enquis de ce qui était fait pour reconnaître le système judiciaire autochtone et assurer sa coordination avec le système judiciaire ordinaire.
M. El Haiba a par ailleurs déploré l’assassinat d’un militant de l’environnement qui s’était opposé à l’exploitation de pétrole sur des terres autochtones.
M. CARAZO a relevé que le système électoral équatorien avait connu des avancées avec les réformes du Code de la démocratie en 2020, qui ont introduit la parité hommes-femmes dans les listes électorales. Des progrès ont également été réalisés dans la pénalisation et la définition de la violence électorale. Cependant, la violence fondée sur le genre s'est accrue avec l'augmentation de la participation des femmes, a fait remarquer l’expert. Ainsi, selon les données officielles, 23 cas de violence sexiste à l'encontre de femmes politiques ont été portés devant le Tribunal du contentieux électoral entre 2020 et 2023 ; et deux actes de féminicide politique ont eu lieu en 2024 : le meurtre d'une conseillère municipale à Naranjal et le meurtre de la plus jeune femme maire du pays dans la municipalité de San Vicente.
La participation des femmes, en particulier des femmes autochtones et afro-équatoriennes, reste très limitée dans les organes politiques locaux, a aussi relevé M. Carazo.
Le même expert a demandé ce qu’il en était du plan stratégique pour la sécurité des frontières adopté en 2018 en réponse à la violence et à l'insécurité croissantes à la frontière nord du pays. Le Rapporteur spécial sur les droits des peuples autochtones, en 2018, a indiqué que les peuples autochtones de cette frontière souffrent depuis des décennies d'une situation de risque et d'insécurité particulière résultant du conflit interne en Colombie, qui ne s'est pas améliorée depuis la signature des accords de paix.
M. Carazo a ensuite fait observer que, selon certaines sources, le Conseil de la participation citoyenne et du contrôle social (CPCCS), créé par référendum en 2018 et doté de pouvoirs extraordinaires permettant au pouvoir exécutif de révoquer et de nommer les juges et magistrats, aurait été transformé en un « outil de manipulation politique du système judiciaire ».
M. Carazo a par ailleurs regretté que malgré la menace croissante que représentent le crime organisé et les pressions politiques, le Gouvernement équatorien n'ait pas mis en œuvre de mesures de protection adéquates pour les défenseurs des droits de l'homme. L’expert a aussi fait part de la préoccupation du Comité devant des procédures pénales et disciplinaires à l'encontre des défenseurs des droits de l'homme, qui semblent être un mécanisme de représailles ou d'intimidation à l'encontre de leur travail de défense des droits de l'homme et de dénonciation.
MME ŠURLAN a fait part de l’inquiétude du Comité devant le nombre élevé de filles victimes d'abus sexuels, de viols ou d'inceste en Équateur. Certains affirment même qu'en Équateur, la violence à l'encontre des filles, en particulier à la maison et à l'école, est endémique. Elle s’est enquise des mesures prises pour permettre aux filles de signaler les agressions dont elles sont victimes. Il importe de modifier à cet égard les comportements des hommes, surtout dans les campagnes, a fait remarquer l’experte.
Mme Šurlan a d’autre part demandé si l’Équateur envisageait d'inclure l'inceste et la malformation du fœtus comme motifs d'avortement, et si l’État avait mis en place une éducation sexuelle pour la jeune population en ce qui concerne la contraception.
Mme Šurlan a ensuite fait état de la persistance en Équateur d’un grave problème de surpopulation carcérale. Elle a demandé ce que le Gouvernement avait fait contre les violences graves dans les prisons commises lors d’émeutes de prisonniers ayant entraîné la mort de plus de 600 personnes privées de liberté entre 2018 et 2023.
Des experts ont constaté un décalage entre les textes de loi « très bons » et leur application en Équateur, s’agissant en particulier de la lutte contre la violence.
Réponses de la délégation
La délégation a d’abord précisé que le Défenseur du peuple avait reçu pour mandat de dédommager les victimes d’anciennes violations des droits de l’homme, y compris s’agissant du respect du devoir de mémoire et des réparations matérielles.
La délégation a donné des renseignements sur les suites données par l’Équateur aux constatations du Comité relatives aux plaintes individuelles (communications) déposées au titre du Protocole facultatif au Pacte.
La délégation a ensuite souligné que la suspension des droits résultant de l’imposition de l’état d’urgence devait respecter le principe de proportionnalité et que l’État état tenu de préciser explicitement la portée des restrictions y afférentes.
L’état d’exception a été décrété au moment de la pandémie de COVID-19, a rappelé la délégation. Face à la violence due au crime organisé et à des groupes terroristes en Équateur, le Gouvernement a voulu endiguer ces phénomènes par l’imposition de l’état d’urgence sur tout le territoire. Les états d’urgence successifs ont tous été soumis à l’approbation de la Cour constitutionnelle, qui a limité la portée de certains d’entre eux, a souligné la délégation.
L'affaire Paola Guzman Albaraccin de violence à l’école a donné lieu à l’adoption de mesures publiques de lutte contre la violence sexuelle, a poursuivi la délégation, soulignant que des mesures de protection sont prises à cet égard par le biais des « Centres Mauves ». Un travail est fait dans ce domaine avec les autorités décentralisées, les cantons ; et le Gouvernement est en train de mettre en place un registre unifié de ce type de violences, a indiqué la délégation.
La délégation a aussi mentionné les mesures prises en faveur des enfants dont la mère a été victime de féminicide, évoquant en particulier le versement d’allocations.
La loi autorise depuis 2022 les interruptions volontaires de grossesse (IVG) en cas de viol, a poursuivi la délégation. Un processus de coordination des entités de l’État chargées de mettre en œuvre cette loi a été lancé et plus de 4000 fonctionnaires concernés ont été formés à cet effet. Des formulaires simplifiés de dénonciation des faits de viol ont été mis en ligne. De plus, la demande d’IVG n’est plus conditionnée au dépôt préalable d’une plainte (pour viol). La victime de viol bénéficie des services des hôpitaux publics et est aidée par des professionnels à prendre une décision en toute connaissance de cause ; les jeunes filles concernées bénéficient d’un soutien et d’un accompagnement renforcés en matière d’avortement, a insisté la délégation. Tous les services privés et publics doivent disposer de personnels capables de réaliser des IVG, a-t-elle souligné.
La délégation a fait état d’une baisse ces dernières années des taux de mortalité maternelle et de grossesses parmi les adolescentes.
La délégation a également informé le Comité des mesures prises par les conseils pour l’égalité entre les genres et entre les générations pour, notamment, favoriser les droits des personnes LGBTI et pour lutter contre la violence sexiste dans les médias. Elle a mentionné la mise en place de programmes de masculinité positive, également dans l’objectif de réduire la violence envers les femmes et les filles.
S’agissant de la « crise carcérale » que traverse le pays depuis quelques années, marquée par un manque de contrôle sur les prisons, la délégation a précisé que l’État avait dû prendre des mesures concrètes dans le cadre du plan Fenix qu’il s’efforce de mener dans le respect de la dignité des personnes détenues pour mettre un terme à la mainmise de groupes criminels sur les prisons. L’objectif reste de réinsérer les détenus dans la société, a souligné la délégation.
L’État a d’abord posé un diagnostic sur l’état des prisons, qui a montré qu’elles sont caractérisées par la corruption et la surpopulation, a poursuivi la délégation. Plusieurs établissements sont en rénovation et deux nouvelles prisons sont en construction, quelque 1700 places supplémentaires devant être livrées d’ici à 300 jours, a-t-elle indiqué. Les autorités envisagent par ailleurs de faire bénéficier quelque 120 000 personnes condamnées de mesures alternatives à la détention, a précisé la délégation. Les autorités ont en outre pour objectif de recruter 5000 agents pénitentiaires supplémentaires, a-t-elle ajouté.
Les forces armées et de sécurité sont présentes dans huit prisons sur 35, a-t-il été précisé. Le but est d’améliorer la sécurité et d’y faire respecter les droits humains. Des mesures de sécurité sont prises, y compris le recrutement et la formation de nouveaux gardiens, pour éviter que ne se reproduisent les émeutes meurtrières du passé, a indiqué la délégation.
Avec le concours du Ministère de la santé, les services carcéraux surveillent la situation sanitaire. Deux épidémies de tuberculose ont pu être ainsi jugulées, a ajouté la délégation.
D’autre part, les prisons mixtes ont été supprimées, les femmes étant détenues dans des établissements qui leur sont réservés, a par la suite souligné la délégation.
La délégation a ensuite insisté sur le fait que le recours de l’armée à des fins de sécurité publique était encadré par un ensemble de dispositions conformes au droit international et au droit international humanitaire. En 2022, le Gouvernement a fait adopter une loi organique régissant l’utilisation légitime de la force qui prévoit des exceptions permettant d’avoir recours à l’armée. La loi insiste notamment sur l’importance de respecter le principe de proportionnalité et les forces armées sont formées à l’exercice de ces fonctions, a indiqué la délégation. Elle a fait état d’une baisse notable du taux d’homicides volontaires entre 2023 et 2024.
Le parquet a créé en 2016 une unité spécialisée dans les enquêtes sur les lésions ou décès résultant de l’action des forces de l’ordre, a-t-il été précisé.
La délégation a par ailleurs évoqué le cadre juridique régissant l’indemnisation et l’accompagnement des victimes d’actes de violence. Les enfants dont les parents ont été victimes de meurtre ont droit à des allocations, a-t-elle précisé.
L’État protège l’intégrité des défenseurs des droits de l’homme et de l’environnement, a par ailleurs assuré la délégation.
La sylviculture, la pêche et l’exploitation minière entraînent des préjudices pour certains peuples autochtones qui ont décidé de s’isoler, a déclaré la délégation, avant d’indiquer que les autorités avaient légiféré pour protéger les terres ancestrales de ces peuples autochtones. Les forces armées ont démantelé des campements illégaux sur ces terres, a précisé la délégation.
Les entreprises qui souhaitent réaliser des projets miniers sont tenues de respecter un règlement imposant l’organisation de consultations des peuples autochtones concernés. La Cour constitutionnelle a jugé que ce règlement a un caractère obligatoire et a demandé au Parlement d’accélérer le processus en cours d’adoption d’une loi dans ce domaine, a ajouté la délégation.
La loi organique sur la mobilité humaine tient pleinement compte du principe de non-refoulement, a-t-il été précisé. L’Équateur fait office de modèle pour d’autres États dans l’accueil des réfugiés vénézuéliens et la régularisation de leur situation, a ajouté la délégation.
L’indépendance du pouvoir judiciaire est garantie par la loi équatorienne, a assuré la délégation. La réforme de 2018 validée par référendum a entraîné la création du Conseil transitoire de la participation citoyenne et du contrôle social ; au terme de son mandat, les entités ordinaires ont repris leurs fonctions en matière de nomination du personnel judiciaire et de sanction, le cas échéant.
La délégation a d’autre part fait état de l’adoption de protocoles de protection des personnes travaillant dans les médias. L’État est disposé à travailler avec la société civile pour mieux protéger ces personnes et, ce faisant, la liberté d’expression, a assuré la délégation.
La délégation a fait valoir l’engagement de longue date de son pays en faveur des droits de l’homme, dont témoigne aussi l’invitation ouverte lancée aux titulaires de mandat du Conseil des droits de l’homme.
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