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Examen de la Pologne au Comité des droits économiques, sociaux et culturels : les experts saluent nombre d’efforts et de progrès du pays, mais s’inquiètent des inégalités de revenu, de la hausse des prix des logements et de la situation des Roms

Compte rendu de séance

 

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport présenté par la Pologne au titre du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

Dans le cadre du dialogue noué entre les experts membres du Comité et la délégation polonaise conduite par M. Sebastian Gajewski, Sous-Secrétaire d’État au Ministère de la famille, du travail et de la politique sociale de la Pologne, des experts ont salué les « énormes efforts » de la Pologne pour accueillir un grand nombre de réfugiés ukrainiens et pour donner accès à l'assistance sociale aux détenteurs d'une protection temporaire couverts par la loi spéciale, de même que les progrès enregistrés par le pays s’agissant du taux d’emploi et de la réduction du chômage.

Pendant le dialogue, une experte a constaté que si les inégalités de revenus en Pologne étaient en baisse entre 2014 et 2022, elles n’en restaient pas moins parmi les plus marquées de l’Union européenne ; et que, de plus, si les dépenses sociales ont augmenté, elles restent inférieures à la moyenne de l’Union européenne. Il a par ailleurs été observé que le prix des logements avait augmenté de 18% entre 2023 et 2024 en Pologne, soit la plus forte hausse dans l’Union européenne. D’aucuns ont voulu savoir si la très forte augmentation des dépenses militaires en 2024 avait nui aux dépenses en matière de sécurité sociale, de logement, de santé et d'éducation.

Des informations indiquent qu'il subsiste un vide législatif en matière de protection contre la discrimination fondée sur tous les motifs interdits par le Pacte, a-t-il d’autre part été relevé. Une experte a fait état de harcèlement et d'agressions à l'encontre de défenseurs des droits de l'homme, en particulier ceux qui défendent les droits des femmes, les droits des personnes LGBTQI+ et les personnes qui aident les demandeurs d'asile et les migrants, y compris de la part de l'État. Cette experte a d’autre part relevé que, selon plusieurs sources, les discours de haine raciste à l'encontre des musulmans, des Roms, des Ukrainiens, des personnes d'origine africaine, des Juifs, des réfugiés et des migrants étaient très répandus en Pologne. Les Roms, pour leur part, sont toujours victimes de discrimination dans les domaines de l'emploi, du logement, de l'éducation, de la banque, du système judiciaire et des médias, a-t-elle ajouté.

Après avoir fait remarquer que le taux d’abandon à l’école primaire parmi les jeunes Roms était à la hausse, un expert a fait part de la préoccupation du Comité concernant la discrimination à motivation culturelle à l'encontre de la population rom.

Le même expert a d’autre part fait état de pressions exercées par le milieu politique pour limiter la liberté académique et restreindre les enseignements et recherches universitaires relatifs à certains sujets.

Il a par ailleurs été demandé si le Gouvernement s’était fixé des objectifs juridiquement contraignants, assortis de délais, pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et accroître l'utilisation des énergies renouvelables afin d'atteindre son objectif de zéro émission nette d'ici à 2050.

Présentant le rapport de son pays, a souligné que ces dernières années son pays avait été confronté à une crise économique due à la pandémie de COVID-19 et à l'invasion armée de l'Ukraine par la Fédération de Russie. Cependant, le ralentissement économique, la baisse du PIB et la hausse de l'inflation qui en ont résulté se sont avérés temporaires, a-t-il relevé. Ainsi la situation du marché du travail est-elle bonne, a poursuivi M. Gajewski, faisant valoir que le taux de participation au marché du travail et le taux d’emploi sont en constante augmentation et qu’il est probable que la Pologne atteindra plus tôt que prévu l'objectif d'emploi fixé dans le pilier européen des droits sociaux pour 2030. Quant au taux de chômage, il s'élevait à 2,8% en 2023 et à 3% en juin 2024, soit le deuxième meilleur résultat de l’Union européenne, a indiqué le chef de la délégation.

Le Sous-Secrétaire d’État a insisté sur le fait que la Pologne faisait partie des pays où le risque de pauvreté et d'exclusion sociale est le plus faible. Le vieillissement de la population étant une préoccupation majeure, les activités du Gouvernement se concentrent sur la politique familiale, la politique des personnes âgées et la politique de santé, a poursuivi M. Gajewski, précisant qu’un aspect important réside dans le soutien aux personnes handicapées.

Par ailleurs, l'invasion de l'Ukraine par la Fédération de Russie a entraîné un mouvement de population sans précédent, 3,7 millions de citoyens ukrainiens étant arrivés en Pologne en trois mois seulement en 2022, a souligné M. Gajewski, avant d’indiquer que la loi sur l’aide aux citoyens e l’Ukraine en rapport avec le conflit armé sur le territoire de ce pays a été adoptée afin de leur offrir des garanties complètes, y compris un soutien financier et l’accès aux services de santé publique et au marché du travail; les enfants [concernés] peuvent fréquenter écoles et jardins d'enfants, a en outre précisé le chef de la délégation.

Le Sous-Secrétaire d’État a par ailleurs fait état d’une amélioration de l'efficacité, de la qualité et de l'accessibilité du système de santé. Il a en outre indiqué que le Gouvernement de son pays se concentrait sur la réalisation des objectifs énergétiques et climatiques pour 2030 et des objectifs de la politique climatique pour 2050, à savoir la neutralité climatique.

La délégation polonaise était également composée, entre autres, de nombreux représentants des Ministères de la famille, du travail et de la politique sociale ; des affaires étrangères ; de la justice ; du développement et des technologies ; du climat et de l’environnement ; de la santé ; et de l’éducation nationale. Étaient aussi représentés la Chancellerie du Premier Ministre ainsi que les commandements de la police et des garde-frontières polonais.

Pendant le dialogue, la délégation a confirmé que, vu le risque extérieur auquel la Pologne est confrontée, son budget de la défense avait été augmenté. Elle a précisé que l’autre pilier de l’action du Gouvernement étant la politique sociale, celle-ci n’a pas connu de coupes budgétaires ces dernières années et que, ces trois prochaines années, les prestations familiales seront même augmentées. La délégation a, par ailleurs, fait état de dépenses d’un montant de 70 milliards de zlotys destinées à la transition énergétique, avec des cibles concernant, en particulier, la décarbonation de l’industrie.

Le changement récent de majorité parlementaire signale une évolution s’agissant du respect des droits de l’homme défendus par la Constitution polonaise, y compris pour ce qui est des droits économiques, sociaux et culturels, a par ailleurs indiqué la délégation.

Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur le rapport de la Pologne et les rendra publiques à l’issue de sa session, le 27 septembre prochain.

 

Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l’examen du rapport du Honduras.

 

Examen du rapport de la Pologne

Le Comité est saisi du septième rapport périodique de la Pologne (E/C.12/POL/7) ainsi que des réponses du pays à une liste de points à traiter qui avait été soumise par le Comité.

Présentation du rapport

Présentant le rapport de son pays, M. SEBASTIAN GAJEWSKI, Sous-Secrétaire d’État au Ministère de la famille, du travail et de la politique sociale de la Pologne, a souligné que ces dernières années son pays avait été confronté à une crise économique due à la pandémie de COVID-19 et à l'invasion armée de l'Ukraine par la Fédération de Russie. Cependant, le ralentissement économique, la baisse du PIB et la hausse de l'inflation qui en ont résulté se sont avérés temporaires, a-t-il relevé.

Ainsi la situation du marché du travail est-elle bonne, a poursuivi M. Gajewski. Le taux de participation au marché du travail et le taux d’emploi sont en constante augmentation et il est probable que la Pologne atteindra plus tôt que prévu l'objectif d'emploi fixé dans le pilier européen des droits sociaux pour 2030. Quant au taux de chômage, il s'élevait à 2,8% en 2023 et à 3% en juin 2024, soit le deuxième meilleur résultat de l’Union européenne, a indiqué le chef de la délégation.

Le Sous-Secrétaire d’État a insisté sur le fait que la Pologne faisait partie des pays où le risque de pauvreté et d'exclusion sociale est le plus faible. Le vieillissement de la population étant une préoccupation majeure, les activités du Gouvernement se concentrent sur la politique familiale, la politique des personnes âgées et la politique de santé, a poursuivi M. Gajewski, précisant qu’un aspect important réside dans le soutien aux personnes handicapées.

Par ailleurs, l'invasion de l'Ukraine par la Fédération de Russie a entraîné un mouvement de population sans précédent, 3,7 millions de citoyens ukrainiens étant arrivés en Pologne en trois mois seulement en 2022, a souligné M. Gajewski, avant d’indiquer que la loi sur l’aide aux citoyens e l’Ukraine en rapport avec le conflit armé sur le territoire de ce pays a été adoptée afin de leur offrir des garanties complètes, y compris un soutien financier et l’accès aux services de santé publique et au marché du travail; les enfants [concernés] peuvent fréquenter écoles et jardins d'enfants, a en outre précisé le chef de la délégation.

L'objectif des politiques favorables à la famille est de renforcer les familles polonaises en créant des conditions qui facilitent leur développement, a poursuivi M. Gajewski. L'allocation universelle pour enfant, introduite en 2016, est un exemple de solution efficace pour les familles. À partir d’octobre 2024, le programme « Parents actifs » viendra soutenir les parents dans leur activité professionnelle et dans l'éducation de leurs enfants. Des efforts intensifs sont déjà déployés pour assurer la prise en charge des enfants de moins de 3 ans.

M. Gajewski a aussi mentionné des solutions globales mises en place depuis 2005 contre la violence domestique. Des changements importants ont été introduits depuis lors, y compris la possibilité d'isoler immédiatement l'auteur de la victime, dans tous les lieux où la victime exerce ses activités.

M. Gajewski a ensuite souligné que les soins préscolaires étaient une priorité de la politique éducative. Un nouveau cours d'« éducation à la santé » couvre la santé mentale et physique, l'éducation sexuelle, ainsi que la prévention de la toxicomanie, et des efforts sont consentis pour adapter le programme de base de l'enseignement professionnel aux défis posés par la transformation numérique et écologique. M. Gajewski a également mentionné plusieurs mesures d'intégration des élèves handicapés dans les écoles ordinaires.

Le Sous-Secrétaire d’État a par ailleurs fait état d’une amélioration de l'efficacité, de la qualité et de l'accessibilité du système de santé. Le système de services de santé à distance s'est avéré particulièrement efficace pendant la pandémie de COVID-19, a-t-il fait observer. La hausse de la part des personnes âgées dans la population globale exige une adaptation du système de santé, a souligné M. Gajewski, précisant que les questions essentielles à cet égard incluent la prévention et la promotion de la santé pour les personnes âgées, ainsi que des diagnostics précoces et un soutien aux aidants informels. D’autre part, la loi sur le soutien aux femmes enceintes et à leurs familles (« Pour la vie ») de 2016 réglemente le soutien aux femmes ayant des grossesses à risque, ainsi que le soutien aux enfants diagnostiqués avec des handicaps graves et irréversibles ou des maladies incurables et potentiellement mortelles.

La lutte contre toutes les formes de discrimination est un autre objectif du Gouvernement, a aussi fait savoir M. Gajewski. À ce titre, un projet d'amendement du Code pénal a été préparé, visant à fournir une protection aux victimes de crimes motivés par des préjugés et des discours de haine fondés sur l'âge, le genre, le handicap et l'orientation sexuelle.

Après avoir évoqué d’autres mesures liées à l'adaptation des ressources humaines aux besoins d'une économie en pleine mutation en raison des progrès technologiques et numériques, M. Gajewski a indiqué que la rémunération minimale avoisinait les 50% du salaire moyen.

Le chef de la délégation polonaise a enfin indiqué que le Gouvernement de son pays se concentrait sur la réalisation des objectifs énergétiques et climatiques pour 2030 et des objectifs de la politique climatique pour 2050, à savoir la neutralité climatique. La stratégie nationale d'adaptation aux changements climatiques prévoit des mesures d'adaptation dans les domaines tels que la gestion de l'énergie et de la construction, a précisé le Sous-Secrétaire d’État.

Questions et observations des membres du Comité

Le Comité avait chargé un groupe de travail composé de quatre de ses membres de procéder à l’examen du rapport de la Pologne: Mme Joo-Young Lee, Mme Preeti Saran, M. Peters Sunday Omologbe Emuze et M. Santiago Manuel Fiorio Vaesken.

Rapporteuse de ce groupe de travail, MME LEE a d’abord voulu savoir si les dispositions du Pacte étaient directement applicables par les tribunaux polonais et si l'École nationale de la magistrature organisait, à l’intention des magistrats, des formations aux droits économiques, sociaux et culturels. L’experte a ensuite demandé si la Pologne entendait ratifier le Protocole facultatif au Pacte créant la procédure de communication (plainte individuelle) devant le Comité. Des informations indiquent qu'il subsiste un vide législatif en matière de protection contre la discrimination fondée sur tous les motifs interdits par le Pacte, a relevé l’experte.

D’autres questions de Mme Lee ont porté sur le mandat et le financement de l’institution nationale des droits de l’homme de la Pologne. L’experte a fait remarquer que les membres du Conseil national judiciaire étaient nommés par la chambre basse du Parlement et que la Cour européenne des droits de l’homme était saisie de nombreuses plaintes relatives à l’indépendance de la justice en Pologne.

Mme Lee a fait état de harcèlement et d'agressions à l'encontre de défenseurs des droits de l'homme, en particulier ceux qui défendent les droits des femmes, les droits des personnes LGBTQI+ et les personnes qui aident les demandeurs d'asile et les migrants, y compris de la part de l'État. Elle a demandé ce qui était fait pour empêcher les représentants du Gouvernement de tenir des propos haineux à l'encontre des personnes LGBTQI+.

Mme Lee a ensuite constaté que si les inégalités de revenus en Pologne étaient en baisse entre 2014 et 2022, elles n’en restaient pas moins parmi les plus marquées de l’Union européenne ; de plus, selon Eurostat, si les dépenses sociales ont augmenté, elles restent inférieures à la moyenne de l’Union européenne. L’experte a prié la délégation de dire si la très forte augmentation des dépenses militaires en 2024 avait nui aux dépenses en matière de sécurité sociale, de logement, de santé et d'éducation.

Mme Lee a d’autre part relevé que, selon plusieurs sources, les discours de haine raciste à l'encontre des musulmans, des Roms, des Ukrainiens, des personnes d'origine africaine, des Juifs, des réfugiés et des migrants étaient très répandus en Pologne. Les Roms, pour leur part, sont toujours victimes de discrimination dans les domaines de l'emploi, du logement, de l'éducation, de la banque, du système judiciaire et des médias, a ajouté l’experte.

Mme Lee a dit que le Comité appréciait que la Pologne ait fait d'énormes efforts pour accueillir un grand nombre de réfugiés ukrainiens et pour donner accès à l'assistance sociale aux détenteurs d'une protection temporaire couverts par la loi spéciale. Toutefois, a-t-elle relevé, les organisations de la société civile telles que Médecins sans frontières ne sont pas autorisées à accéder à la zone frontalière orientale, près de la frontière avec le Bélarus : les demandeurs d'asile et les migrants concernés n'ont donc pas accès aux services de base et aux soins médicaux, a regretté l’experte.

Enfin, Mme Lee a demandé si le Gouvernement s’était fixé des objectifs juridiquement contraignants, assortis de délais, pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et accroître l'utilisation des énergies renouvelables afin d'atteindre son objectif de zéro émission nette d'ici à 2050.

M. FIORIO VAESKEN a voulu savoir si la Pologne disposait d’un mécanisme chargé d’assurer le suivi des recommandations des organes de traités, et si les organisations de la société civile avaient été consultées pour la rédaction du rapport examiné ce jour.

L’expert a par ailleurs suggéré que les autorités polonaises utilisent l’expression « migrants en situation irrégulière » plutôt que « migrants illégaux ».

M. Fiorio Vaesken a demandé dans quelle mesure l’octroi de bourses scolaires correspondait à la demande exprimée par la communauté rom, et pourquoi l’État avait délégué cette activité à une organisation locale. Il a fait remarquer que le taux d’abandon à l’école primaire parmi les jeunes Roms était à la hausse. L’expert a fait part de la préoccupation du Comité concernant la discrimination à motivation culturelle à l'encontre de la population rom. Il a demandé s'il existait des campagnes de sensibilisation à l’intention des Roms au sujet des recours disponibles en cas de discrimination.

L’expert a aussi demandé si l’État polonais entendait reconnaître les Silésiens comme une minorité ethnique et le silésien comme une langue régionale.

Enfin, M. Fiorio Vaesken a fait état de pressions exercées par le milieu politique pour limiter la liberté académique et restreindre les enseignements et recherches universitaires relatifs à certains sujets.

MME SARAN a salué les progrès enregistrés par la Pologne s’agissant du taux d’emploi et de la réduction du chômage. Elle a voulu savoir quel effet l’application du Plan d’action national pour l'égalité de traitement 2022-2030 avait eu sur la réduction de l'écart de rémunération entre les hommes et les femmes.

Mme Saran a ensuite demandé pourquoi la Pologne n’avait pas ratifié plusieurs conventions de l’Organisation internationale du Travail (OIT) concernant, notamment, la protection de la maternité, les droits syndicaux ainsi que l’élimination de la violence et du harcèlement dans le monde du travail. Les travailleurs du secteur informel ne sont pas couverts par les lois régissant le salaire, le temps de travail, la sécurité et la santé au travail, et les inspections du travail sont limitées au secteur formel ; d’autre part, certains employeurs du secteur privé exercent une discrimination à l'encontre des travailleurs qui tentent de s'organiser en syndicats, a par ailleurs relevé Mme Saran.

L’experte a d’autre part regretté que les anciens membres des services de sécurité de la Pologne communiste [de l’ère soviétique] aient vu leur pension de retraite réduite.

M. EMUZE a demandé si la Pologne adopterait la directive européenne relative à la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique, et prendrait dans ce domaine des mesures relatives à la prévention, à la protection, au soutien des victimes, à l'accès à la justice et à la poursuite des auteurs. Le Code civil polonais a été critiqué pour ses lacunes en matière d'accès à la justice et d'indemnisation des victimes de violence psychologique, a relevé l’expert.

M. Emuze a aussi fait remarquer que le prix des logements avait augmenté de 18% entre 2023 et 2024, soit la hausse la plus forte dans l’Union européenne.

Relevant que la Pologne est un grand exportateur de produits agricoles, l’expert a demandé ce que le Gouvernement ferait, dans le contexte des changements climatiques, pour protéger la production alimentaire à l'avenir, afin que la Pologne puisse continuer à contribuer à nourrir le monde.

M. Emuze a rappelé que le Parlement polonais avait refusé la dépénalisation de l'aide à l'avortement et maintenu la disposition du Code pénal qui prévoit jusqu'à trois ans de prison pour toute personne qui aide une femme à avorter. Il a demandé si l’État allait rétablir le droit antérieur à l'avortement en cas de malformation du fœtus.

D’autres questions de l’expert ont porté sur l’accès aux services de santé mentale en Pologne.

Un autre expert a demandé si le Gouvernement avait passé des accords avec les pays où résident quelque deux millions de Polonais et où ces derniers peuvent être confrontés à des problèmes en tant que travailleurs.

Un expert a fait observer que certains immigrés devaient verser des pots-de-vin pour obtenir un permis de travail en Pologne. Le pays n’ayant pas ratifié la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leurs familles, cet expert a par ailleurs voulu savoir comment les autorités polonaises protégeaient leurs ressortissants travaillant à l’étranger.

D’autres questions des experts du Comité ont porté sur les politiques du Gouvernement concernant le sans-abrisme et la prise en charge des addictions.

Réponses de la délégation

La délégation a indiqué que le Pacte avait force de loi en Pologne et était intégré dans la Constitution ; elle a précisé que ses dispositions étaient [directement] applicables par les tribunaux, selon l’appréciation des magistrats. Le Ministère de la justice organise des formations au contenu du Pacte, a-t-elle ajouté.

Il n’existe pas de mécanisme permanent de suivi des recommandations des organes de traités, a d’autre part indiqué la délégation ; chaque ministère concerné est chargé de traduire les recommandations et de les diffuser, a-t-elle précisé. De même, l’ établissement des rapports dépend uniquement des ministères, qui ne consultent pas les organisations non gouvernementales : ces dernières ont la faculté de s’adresser directement aux comités concernés, ce dont elles ne se privent pas, a fait remarquer la délégation.

Pour le moment, la Pologne n’a pas pris la décision de ratifier le Protocole facultatif se rapportant au Pacte, préférant observer le fonctionnement du dispositif et son efficacité, a expliqué la délégation.

L’indépendance du système de justice est une priorité pour le Gouvernement polonais, lequel accepte les décisions de la Cour européenne des droits de l’homme en la matière et s’est engagé à les appliquer, a par ailleurs indiqué la délégation.

Le Ministère de la justice enquête sur toute les dénonciations d’agressions contre des défenseurs des droits de l’homme et des journalistes, a-t-il en outre été précisé.

Le Gouvernement accorde une grande attention à la coopération avec les organisations non gouvernementales pour l’élaboration des politiques sociales, culturelles et économiques, y compris s’agissant de l’application des conventions ratifiées par la Pologne, a affirmé la délégation. Le Gouvernement cherche de nouvelles manières de collaborer avec les ONG à l’application du Pacte, a-t-elle ajouté.

Vu le risque extérieur auquel la Pologne est confrontée, son budget de la défense a été augmenté, a poursuivi la délégation. L’autre pilier de l’action du Gouvernement étant la politique sociale, celle-ci n’a pas connu de coupes budgétaires ces dernières années et, ces trois prochaines années, les prestations familiales seront même augmentées, a fait valoir la délégation.

Le Gouvernement est conscient du problème des pots-de-vin, que l’adoption d’une nouvelle loi en 2025, qui prévoit des sanctions aggravées face à de tels comportements, devrait permettre de réduire, a par ailleurs indiqué la délégation.

S’agissant de la politique environnementale, la délégation a fait état de dépenses d’un montant de 70 milliards de zlotys [environ 16,3 milliards d’euros, ndlr] destinées à la transition énergétique ; d’une modernisation des systèmes thermiques ; et de l’allocation de fonds pour la recherche de nouvelles sources d’énergie d’ici à 2023 – des cibles concernant, en particulier, la décarbonation de l’industrie et le recours accru au solaire.

La Pologne applique une stratégie énergétique à l’horizon 2040 visant le développement des sources d’énergie renouvelables, éolienne et hydroélectrique en particulier, a par la suite précisé la délégation. La Pologne mène par ailleurs plusieurs activités d’adaptation aux changements climatiques, s’agissant en particulier du renforcement de la résilience de la production agricole, a-t-elle ajouté.

La loi polonaise interdit toute discrimination, conformément aux directives de l’Union européenne, a par ailleurs souligné la délégation. À ce titre, aucune déclaration homophobe ou transphobe n’est admise dans l’espace public, a-t-elle indiqué.

Le Gouvernement applique un programme d’intégration sociale des minorités, en particulier pour ce qui est des Roms, a ajouté la délégation. Des mesures sont appliquées s’agissant, notamment, de la scolarisation des jeunes Roms – l’éducation étant considérée comme prioritaire, au même titre que le logement. Les Roms [réfugiés] d’origine ukrainienne sont traités à égalité avec les autres personnes réfugiées en Pologne, a assuré la délégation.

La délégation a par la suite indiqué que l’on comptait environ 13 000 Roms polonais. Les jeunes Roms suivent les mêmes enseignements que les autres élèves, étant tenu compte de leurs spécificités culturelles, a-t-elle souligné, précisant que des cours de polonais sont organisés à leur intention, afin de lutter contre l’échec scolaire. La fréquentation des écoliers roms est contrôlée et les enseignants qui les encadrent reçoivent un soutien supplémentaire. De plus, la communauté rom au sens large, dont le Gouvernement a conscience qu’elle est dans une situation difficile, bénéficie depuis 2001 de très nombreuses mesures d’intégration ciblant l’éducation et le logement, entre autres.

Les droits des treize minorités nationales sont régis par la loi, a poursuivi la délégation. Le Gouvernement est sensible à la question de la communauté silésienne, mais la loi relative à la reconnaissance de la langue des membres de cette communauté [à savoir le silésien] n’est toujours pas entrée en vigueur, a indiqué la délégation. Le Gouvernement a aussi conscience que la culture silésienne devrait être préservée.

La police des frontières procède à des évaluations médicales des personnes entrées en Pologne. La demande de protection internationale peut être acceptée par les agents, qui transfèreront alors la personne concernée vers les services compétents. Les personnes dont la demande est à l’examen ont droit de recourir au système de santé, y compris d’accéder à l’hôpital, a d’autre part précisé la délégation.

La Pologne s’engage résolument à accueillir les nombreux réfugiés ukrainiens , a poursuivi la délégation. Des sommes importantes sont allouées à cette fin depuis 2022 à une assistance complète allant de l’aide sociale à la réunification familiale et à l’aide au retour ; un texte de loi vient encadrer toutes les mesures prises, a-t-elle notamment indiqué.

S’agissant de l’accès des journalistes et organisations non gouvernementales aux zones frontalières, la délégation a expliqué que 158 demandes de visite dans la zone tampon avaient été approuvées par les autorités, dont plusieurs à des organisations de la société civile.

Le Gouvernement élabore une stratégie migratoire 2025-2030, portant notamment sur les migrations légales à des fins d’éducation, et qui devrait résoudre nombre de problèmes rencontrés à ce jour, a poursuivi la délégation. Elle a assuré que le cas de chaque personne migrante était examiné de manière approfondie, dans le respect des obligations internationales de la Pologne.

La délégation a par la suite insisté sur le fait que la Pologne avait le deuxième taux de chômage le plus faible de l’Union européenne – une situation vertueuse qui permet, notamment, de limiter le nombre d’abus perpétrés à l’encontre des travailleurs migrants ou vulnérables, a-t-elle affirmé, avant d’ajouter que les autorités vont à ce propos renforcer les services d’inspection du travail.

Le problème pour les autorités consiste à créer des postes accessibles aux personnes vulnérables, en particulier aux personnes handicapées, et leur permettre ainsi d’intégrer le marché du travail, a poursuivi la délégation. Elle a mentionné, entre autres mesures incitatives à ce titre, la création de programmes d’assistance, le remboursement des cotisations sociales patronales ou encore la mise en place de moyens de transport accessibles.

S’agissant de la ratification de conventions de l’OIT, le Gouvernement a procédé à une analyse des conventions n°155 et 187 [qui concernent la sécurité et la santé des travailleurs] et a commandé des évaluations complémentaires à l’appui d’une décision, a indiqué la délégation. Le Gouvernement n’est pas en mesure de ratifier la convention n°189 sur les travailleuses et travailleurs domestiques, vu la faible ampleur de ce type de travail en Pologne.

La protection des droits syndicaux est assurée par l’inspection nationale du travail, voire par la justice dans les cas graves – une à deux condamnations étant prononcées [en la matière] chaque année, a-t-il été précisé.

S’agissant du harcèlement au travail, cette question est couverte par la loi relative à l’interdiction de la discrimination au travail, a indiqué la délégation.

La situation stable sur le marché du travail favorise à son tour la stabilité du système d’assurance sociale, a expliqué la délégation. Cette assurance couvre toutes les personnes employées, indépendamment de leur origine, a-t-elle souligné.

La délégation a précisé que les anciens membres des services de sécurité [de la Pologne de l’ère soviétique] avaient vu leurs droits à la retraite pleinement rétablis.

Depuis 2008, le Gouvernement appuie les travailleurs polonais à l’étranger par le biais d’un portail Internet contenant des informations juridiques et pratiques dans la perspective de leur retour au pays, de même que lors de manifestations organisées dans les villes européennes où ils sont nombreux, a fait valoir la délégation. Elle a par la suite précisé que les Polonais détachés temporairement à des fins de sous-traitance dans des pays de l’Union européenne – essentiellement en Allemagne, en Lituanie et en Autriche –bénéficiaient de la protection des règlements européens. Le Gouvernement organise en outre des activités culturelles à l’intention des membres de la diaspora polonaise, a insisté la délégation.

La délégation a fait état de progrès importants obtenus dans la protection des personnes contre la violence domestique grâce à la loi portant sur les ordonnances d’éloignement des auteurs de violence et grâce au renforcement de la formation des fonctionnaires de police et magistrats concernés par les interventions dans les familles ; cette formation porte aussi sur l’élimination des stéréotypes sexistes qui entourent le problème de la violence domestique, a ajouté la délégation, avant de mentionner d’autres initiatives visant à mieux protéger les enfants contre la violence en ligne.

La délégation a par ailleurs confirmé que les prix des logements avaient fortement augmenté sous l’influence de facteurs externes tels que l’inflation et l’afflux d’Ukrainiens – lesquels ne sont pas logés dans des camps mais dans des appartements normaux, a-t-elle souligné. La délégation a insisté sur le fait que l’augmentation du salaire moyen en Pologne dépassait l’augmentation des prix immobiliers – ce qui limite le problème [de la hausse des prix des logements], a-t-elle estimé. Quoi qu’il en soit, les autorités consacreront, pendant dix ans, quelque 40 milliards de zlotys à la construction de logements sociaux, ce qui devrait faire baisser les prix, a expliqué la délégation.

La délégation a ensuite décrit la politique du Gouvernement en matière de lutte contre le sans-abrisme, laquelle s’appuie notamment pour 2024 sur la mise en œuvre d’un total de 44 projets. Ce problème concerne environ 31 000 personnes en Pologne – un nombre stable depuis plusieurs années, a-t-elle précisé.

S’agissant de l’avortement, la délégation a indiqué que lorsque cette intervention est autorisée par la loi, les hôpitaux sont tenus de la pratiquer sans que les médecins ne puissent invoquer l’objection de conscience. L’objectif des autorités est de faire en sorte que l’avortement se fasse en toute sécurité, a ajouté la délégation.

La délégation a d’autre part souligné que la lutte contre la stigmatisation était au cœur de la politique nationale en matière de santé mentale. Elle a décrit le dispositif mis en place pour élargir l’accès aux soins dans ce domaine et a notamment attiré l’attention sur le triplement des budgets consacrés à la psychiatrie depuis 2015. Ont par ailleurs été mentionnés les programmes gratuits mis en place pour venir en aide aux personnes souffrant d’addictions.

Le changement récent de majorité parlementaire signale une évolution s’agissant du respect des droits de l’homme défendus par la Constitution polonaise, y compris en ce qui concerne les droits économiques, sociaux et culturels, a souligné la délégation.

Remarques de conclusion

MME LEE a dit espérer que le dialogue noué avec la délégation et les observations finales qu’adoptera le Comité aideront la Pologne à progresser dans la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels, avec l’aide de la société civile.

M. GAJEWSKI a déclaré que les progrès réalisés par son pays découlaient des initiatives prises par le Gouvernement polonais, et que ce dernier entendait donner suite à ces initiatives dans le but de garantir à tous le droit à une vie en toute sécurité et la capacité de contribuer au développement du pays. À cet égard, les opinions du Comité seront soigneusement analysées, présentées aux membres au Parlement et utilisées pour élaborer des politiques et solutions spécifiques, a assuré le Sous-Secrétaire d’État.

 

 

 

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