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Examen du Paraguay au Comité des droits de l’enfant : un écart important est relevé entre les textes adoptés par le pays et leur mise en œuvre, dans les domaines où la législation relative aux droits de l’enfant est confrontée à des valeurs et des normes traditionnelles

Compte rendu de séance

 

Le Comité des droits de l’enfant a examiné hier après-midi et ce matin le rapport présenté par le Paraguay au titre de la Convention relative aux droits de l’enfant.

Au cours du dialogue noué entre les experts membres du Comité et la délégation paraguayenne venue soutenir ce rapport, une experte a félicité le Paraguay pour l’accueil d’enfants migrants provenant du Venezuela. S’agissant de la question des disparitions forcées d'enfants et d'adolescents, un expert a salué les mesures prises par le pays pour recevoir une assistance technique spécialisée du Centre international pour les enfants disparus et exploités, ainsi que les campagnes menées par les autorités sur ce sujet.

A toutefois été déploré un écart important entre les textes adoptés par le pays et leur mise en œuvre, en particulier dans les domaines où la législation relative aux droits de l'enfant est confrontée à des valeurs et des normes traditionnelles. Un nouveau plan national en faveur de l’enfance et de l’adolescence a été approuvé qui remplace l'approche fondée sur les droits de l'homme par l' « approche familiale », s’est inquiétée une experte. Elle a fait état d’un « agenda antidroits », qui rend difficile le positionnement des thèmes relatifs aux droits de l'homme, principalement en termes de genre et de participation des enfants. Le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant est constamment remis en question par les groupes religieux, a-t-elle ajouté.

Cette même experte a par ailleurs attiré l’attention sur le recours au travail des enfants, en particulier dans les zones rurales et dans l'élevage du soja.

L’experte a d’autre part relevé l'absence d'un cadre juridique complet qui traite de la discrimination et s’est inquiétée de la discrimination persistante à l'encontre de divers groupes, parmi lesquels les femmes, les peuples autochtones, les personnes handicapées, les personnes LGBTQIA+ et les personnes vivant avec le VIH.

Un autre membre du Comité a fait observer qu’en 2021, seules 70,5% des naissances ont été enregistrées à l'état civil au Paraguay ; il a déploré un accès limité à l’enregistrement des naissances en particulier dans les zones rurales et autochtones.

Cet expert a par ailleurs relevé qu’en 2022, il y avait eu 33 826 plaintes pour violence domestique. Il a dit avoir l’impression que la société paraguayenne avait « naturalisé » [banalisé] la violence contre les enfants. Les données montrent une augmentation alarmante du nombre de cas de traite et d'abus sexuels, a-t-il ajouté, faisant observer qu’en 2022, le ministère public avait enregistré 4184 victimes d'abus sexuels sur enfants. En outre, les adolescents en conflit avec la loi continuent à signaler des abus lors des détentions et des transferts, a souligné l’expert. Il a également indiqué que malgré les progrès législatifs en la matière, l'exploitation des enfants à des fins de prostitution et de pornographie reste un problème grave.

Présentant le rapport de son pays, M. Walter Gutierrez, Ministre de l’enfance et de l’adolescence du Paraguay, a déclaré que la doctrine de la protection intégrale de l’enfant avait été consolidée dans la Constitution de la République du Paraguay, adoptée en 1992, en incluant parmi ses postulats les droits de l'enfant et la responsabilité de la famille, de la société et de l'État de contribuer à la protection et au développement intégral des enfants.

Le Code de l'enfance et de l'adolescence, approuvé par une loi de 2001, a permis de mettre en place des mécanismes administratifs et juridictionnels pour la promotion et la protection des droits de l'enfant et de l'adolescent, ainsi que pour la prévention des violations qui peuvent les affecter, a-t-il ajouté. La famille – en tant que fondement central de la société conformément aux normes constitutionnelles – est l'espace naturel de soins et est considérée comme un allié stratégique par le Gouvernement paraguayen, et sa participation active à l'élaboration des politiques publiques en faveur des enfants est extrêmement pertinente, a souligné le Ministre.

Dans le domaine de la lutte contre la violence et les abus sexuels à l'égard des enfants et des adolescents, le chef de la délégation a notamment mentionné les campagnes de sensibilisation menées avec l'appui du secteur privé et de la société civile depuis plusieurs années. Dans le même temps, a-t-il ajouté, l'État a lancé pour la première fois le Guide pour la prévention des abus sexuels à l'égard des enfants, lequel servira aux opérateurs du système de protection à travailler sur la prévention desdits abus dans l'ensemble du pays, grâce à l'appui de tous les gouvernorats. En octobre 2023, a par ailleurs été créé le Programme de prise en charge intégrale des victimes d'abus sexuels (PAIVAS).

M. Gutierrez a également indiqué que l'objectif du Programme de prise en charge intégrale de l’enfance et de l’adolescence des peuples autochtones (PAINI) est de protéger les familles des peuples autochtones qui vivent dans des conditions d'extrême vulnérabilité et d'améliorer ainsi les conditions de vie des enfants et des adolescents qui en dépendent.

Le Ministre a ensuite mentionné le programme ABRAZO, en tant que stratégie sociale de prévention et de lutte contre le travail des enfants, dont bénéficient actuellement 4200 familles et 12 000 enfants et adolescents. Il a précisé que le plus grand risque concernant le travail des enfants, en particulier pour les filles, est le criadazgo, une forme d'exploitation par le travail qui affecte gravement le droit des enfants à vivre et à se développer au sein de la famille, les privant d'autres droits fondamentaux tels que l'éducation, la santé, un traitement digne et les loisirs. M. Gutierrez a indiqué que la Commission nationale pour l'élimination du travail des enfants travaille à l'élaboration du projet de loi visant à éradiquer ce phénomène.

Le Ministre a d’autre part mentionné un certain nombre d'actions visant l'équité menées dans le cadre de la politique éducative. S’agissant de la justice pour mineurs, il a en outre fait état de progrès significatifs en matière d'approche réparatrice. Concernant la protection de remplacement, des efforts continuent d'être déployés pour désinstitutionnaliser les enfants et les adolescents, a-t-il en outre indiqué.

Le chef de la délégation paraguayenne a reconnu qu’il restait encore au pays de nombreux défis à relever, tels que l'amélioration du cadre réglementaire pour la promotion, la protection et le rétablissement des droits de l'enfant ; le renforcement soutenu des programmes sociaux dans le secteur ; et la construction d'indicateurs de plus en plus efficaces pour mesurer les politiques publiques en faveur des enfants, en particulier les plus vulnérables d’entre eux.

La délégation paraguayenne était également composée, entre autres, de M. Rafael Caballero, Vice-Ministre de la justice ; du Représentant permanent du Paraguay auprès des Nations Unies à Genève, M. Marcelo Eliseo Scappini Ricciardi ; ainsi que de représentants du Ministère des relations extérieures, du Ministère de la défense publique, du Ministère de l'enfance et de l'adolescence, et de parlementaires.

Au cours du dialogue, la délégation a notamment souligné qu’au Paraguay, la famille est un socle et que l’identité du pays repose sur ce socle. Elle a en outre assuré qu’en aucun cas le Paraguay ne fera ne serait-ce qu’un pas en arrière dans le domaine des droits de l’homme, des enfants et des adolescents. La délégation a par ailleurs indiqué que le Paraguay s’est employé à éradiquer l’exception prévue dans la loi sur le mariage concernant la possibilité de se marier avant 18 ans ; un projet de loi est en cours d’examen dans ce sens au Parlement, a-t-elle précisé.

Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur le rapport du Paraguay et les rendra publiques à l’issue de sa session, le 24 mai prochain.

 

Vendredi prochain, 24 mai, à 17 heures, le Comité clora les travaux de sa 96ème session.

 

Examen du rapport 

Le Comité est saisi du rapport valant quatrième à sixième rapports périodiques du Paraguay (CRC/C/PRY/4-6), ainsi que des réponses du pays à une liste de points à traiter qui avait été soumise par le Comité.

Présentation

Présentant le rapport de son pays, M. WALTER GUTIERREZ, Ministre de l’enfance et de l’adolescence du Paraguay, a déclaré que la doctrine de la protection intégrale de l’enfant avait été consolidée dans la Constitution de la République du Paraguay, adoptée en 1992, en incluant parmi ses postulats les droits de l'enfant et la responsabilité de la famille, de la société et de l'État de contribuer à la protection et au développement intégral des enfants.

Le Code de l'enfance et de l'adolescence, approuvé par une loi de 2001, a permis de mettre en place des mécanismes administratifs et juridictionnels pour la promotion et la protection des droits de l'enfant et de l'adolescent, ainsi que pour la prévention des violations qui peuvent les affecter, a poursuivi le chef de la délégation paraguayenne.

La famille – en tant que fondement central de la société conformément aux normes constitutionnelles – est l'espace naturel de soins et est considérée comme un allié stratégique par le Gouvernement paraguayen, acquérant une importance considérable pour garantir la protection et le développement harmonieux et intégral des enfants et des adolescents ; et sa participation active à l'élaboration des politiques publiques en faveur des enfants est extrêmement pertinente, a indiqué le Ministre.

Le Ministère de l'enfance et de l'adolescence est responsable de la mise en œuvre des politiques formulées par le Conseil national de l'enfance et de l'adolescence et facilite les relations entre les conseils départementaux et municipaux, qui constituent le Système national de protection et de promotion intégrale de l'enfance et de l'adolescence, a expliqué M. Gutierrez, précisant que les conseils chargés des droits de l’enfance et de l’adolescence (CODENI) constituent le bras opérationnel de ce Système.

Grâce au Programme national pour la petite enfance, des progrès significatifs ont été réalisés en termes de coordination interinstitutionnelle pour renforcer l'offre publique de services en la matière, a-t-il en outre souligné.

Dans le domaine de la lutte contre la violence et les abus sexuels à l'égard des enfants et des adolescents, le chef de la délégation a mentionné les campagnes de sensibilisation menées avec l'appui du secteur privé et de la société civile depuis plusieurs années. Dans le même temps, a-t-il ajouté, l'État a lancé pour la première fois le Guide pour la prévention des abus sexuels à l'égard des enfants, lequel servira aux opérateurs du système de protection à travailler sur la prévention des abus sexuels sur les enfants et les adolescents, dans l'ensemble du pays, grâce à l'appui de tous les gouvernorats.

En octobre 2023, a poursuivi M. Gutierrez, le Ministère de l'enfance et de l’adolescence a par ailleurs créé le Programme de prise en charge intégrale des victimes d'abus sexuels (PAIVAS). Le Ministre a également mentionné la ligne d'assistance gratuite Fonoayuda 147 qui sert de soutien aux personnes qui ont besoin d'être guidées concernant diverses situations relatives aux enfants, mais aussi de canal pour recevoir les plaintes pour violations des droits des enfants et des adolescents.

M. Gutierrez a également indiqué que l'objectif du Programme de prise en charge intégrale de l’enfance et de l’adolescence des peuples autochtones (PAINI) est de protéger les familles des peuples autochtones qui vivent dans des conditions d'extrême vulnérabilité et d'améliorer ainsi les conditions de vie des enfants et des adolescents qui en dépendent, afin d'avoir un impact direct sur leur bien-être et leur développement humain.

S’agissant du travail des enfants, le Ministre a mentionné le programme ABRAZO du Ministère de l'enfance et de l'adolescence en tant que stratégie sociale de prévention et de lutte contre le travail des enfants. Actuellement, 4200 familles et 12 000 enfants et adolescents bénéficient directement des services fournis par ce programme, a-t-il précisé.

Le chef de la délégation a indiqué que le plus grand risque concernant le travail des enfants, en particulier pour les filles, est le criadazgo , une forme d'exploitation par le travail qui affecte gravement le droit des enfants à vivre et à se développer au sein de la famille, les privant d'autres droits fondamentaux tels que l'éducation, la santé, un traitement digne et les loisirs. Il a ainsi relevé que la Commission nationale pour l'élimination du travail des enfants travaille à l'élaboration du projet de loi visant à éradiquer ce phénomène.

Dans le domaine de l'éducation, le Ministre a souligné un certain nombre d'actions visant l'équité menées dans le cadre de la politique éducative, telles que : la mise en œuvre d'un programme d'éducation bilingue, l'universalisation de l'enseignement préscolaire, la mise en œuvre de programmes destinés aux secteurs ruraux et urbains pauvres et l'inclusion de systèmes de bourses pour assurer le maintien des élèves dans le système scolaire.

S’agissant de l'éducation inclusive pour les enfants autochtones, le Ministère de l'éducation et des sciences a mis au point du matériel pédagogique pour 18 peuples autochtones du pays, dans le but d'atteindre 2145 enseignants et 32 596 enfants et adolescents dans tout le pays, a indiqué le chef de la délégation. 

Pour ce qui concerne l'administration de la justice pour mineurs, M. Gutierrez a notamment fait état de progrès significatifs en matière d'approche réparatrice.

Concernant la protection de remplacement, des efforts continuent d'être déployés pour désinstitutionnaliser les enfants et les adolescents en coordination entre le Ministère de l'enfance et de l'adolescence et le Ministère de la défense publique, afin d'apporter une réponse définitive aux enfants placés en institution de manière prolongée, a d’autre part indiqué M. Gutierrez.

Le chef de la délégation paraguayenne a reconnu qu’il restait encore au pays de nombreux défis à relever, tels que l'amélioration du cadre réglementaire pour la promotion, la protection et le rétablissement des droits de l'enfant ; le renforcement soutenu des programmes sociaux dans le secteur ; et la construction d'indicateurs de plus en plus efficaces pour mesurer les politiques publiques en faveur des enfants, en particulier les plus vulnérables d’entre eux.

Questions et observations des membres du Comité

S’agissant de la législation adoptée à la suite des précédentes recommandations (2010) du Comité, MME VELINA TODOROVA, membre du groupe de travail chargé par le Comité d’examiner le rapport du Paraguay, a regretté l'écart important entre les textes et leur mise en œuvre, en particulier dans les domaines où la législation relative aux droits de l'enfant est confrontée à des valeurs et des normes traditionnelles. Elle a ainsi relevé que la plupart des « bonnes lois » ne sont pas mises en œuvre dans la pratique.

L’experte a par ailleurs regretté les exceptions permettant aux adolescents de pouvoir se marier à partir de 16 ans avec l'autorisation de la famille. Le point de vue de ce Comité est que la loi ne doit pas régulariser le mariage des enfants, a-t-elle rappelé.

Mme Todorova a d’autre part relevé que la deuxième Politique nationale en faveur de l’enfance et de l’adolescence 2014-2024 et le Plan national en faveur de l’enfance et de l’adolescence 2020-2024 ont été abolis en raison de leurs approches basées, entre autres, sur le genre, la participation, la diversité, l'inclusion, l'intersectionnalité, l'autonomie, et les droits sexuels et reproductifs. Un nouveau plan a été approuvé qui remplace l'approche fondée sur les droits de l'homme par l' « approche familiale », s’est-elle inquiétée. Ce plan va à l'encontre des normes du système juridique actuel, a-t-elle affirmé. Dans ce contexte, l’experte a repris un exemple parvenu au Comité, à savoir que le Ministère de l'éducation et des sciences a publié une résolution interdisant « l'idéologie du genre » au lieu d'introduire une éducation sexuelle complète - que les étudiants exigent constamment - pour faire face aux nombreuses situations d'abus sexuels, de violence, de grossesse, d'unions précoces.

L’experte s’est aussi inquiétée des baisses budgétaires dans le secteur de l’enfance et de l’adolescence. Elle a affirmé que l'iniquité fiscale et les faibles taux de recouvrement des impôts au Paraguay, ainsi que la corruption, l'impunité et le manque de transparence et de responsabilité, entravent la disponibilité des ressources nécessaires au financement des services publics destinés aux enfants à tous les niveaux de l'administration.

Alors que le Paraguay vise à mettre en place un système complet de justice pour enfants, a poursuivi l’experte, le Comité a été informé de l'insuffisance des infrastructures et des entraves à l'accès à la justice, de sorte que les parents et les enfants s'adressent plutôt aux structures de protection de l'enfance.

Mme Todorova a par ailleurs souligné que le rôle des organisations de la société civile avait été affaibli par deux facteurs : le manque de fonds, en raison du déclin de la coopération internationale avec le pays ; et l'agenda antidroits, qui rend difficile le positionnement des thèmes relatifs aux droits de l'homme, principalement en termes de genre et de participation des enfants.

L’experte a par ailleurs relevé que la réglementation des pratiques commerciales n'était toujours pas suffisamment alignée sur la protection des droits de l'enfant, avec par exemple le recours au travail des enfants, en particulier dans les zones rurales et dans l'élevage du soja, ou encore l'utilisation d'engrais toxiques dans l'agriculture et leur impact sur les familles et les enfants.

L’experte a d’autre part relevé l'absence d'un cadre juridique complet qui traite de la discrimination et s’est inquiétée de la discrimination persistante à l'encontre de divers groupes, parmi lesquels les femmes, les peuples autochtones, les personnes handicapées, les personnes LGBTQIA+ et les personnes vivant avec le VIH.

Mme Todorova a également relevé que le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant est constamment remis en question par les groupes religieux qui soutiennent que cet intérêt ne peut être déterminé par l'État puisqu'il violerait l'autorité parentale et estiment ainsi que ce sont les parents qui sont les seuls habilités à déterminer ce qui est le mieux pour leurs fils et leurs filles, même si cela doit violer les droits fondamentaux des enfants.

S’agissant de la question des disparitions forcées d'enfants et d'adolescents, dont la majorité sont des filles, l’experte a salué les mesures prises par le pays pour recevoir une assistance technique spécialisée du Centre international pour les enfants disparus et exploités, ainsi que les campagnes menées par les autorités sur ce sujet.

Un autre problème préoccupant est la mort d'enfants dans des institutions publiques, par exemple au Centre éducatif d'Itauguá et au Centre éducatif de Ciudad del Este, a poursuivi Mme Todorova, ajoutant que la raison principale [de ce problème] semblait être le manque de formation du personnel pénitentiaire. Six des huit adolescents décédés sous la garde de l'État se trouvaient en détention préventive et bénéficiaient donc de la présomption d'innocence constitutionnelle, a-t-elle souligné.

L’experte a insisté sur le fait que l'agenda antidroits semblait imposer de nombreuses restrictions aux politiques, aux plates-formes et aux ressources pour la participation des enfants et des adolescents.

M. LUIS ERNESTO PEDERNERA REYNA, coordinateur du groupe de travail chargé par le Comité d’examiner le rapport du Paraguay, a fait observer qu’en 2021, seules 70,5% des naissances ont été enregistrées à l'état civil au Paraguay ; il a déploré un accès limité à l’enregistrement des naissances en particulier dans les zones rurales et autochtones. Le processus d’enregistrement des naissances révèle des problèmes significatifs en termes d’accessibilité, a-t-il insisté, relevant que 55,5% des enfants autochtones n’ont ni document d’identité ni acte de naissance.

L’expert a par ailleurs relevé qu’en 2022, il y avait eu 33 826 plaintes pour violence domestique. Il a dit avoir l’impression que la société paraguayenne avait « naturalisé » [banalisé] la violence contre les enfants. Les données montrent une augmentation alarmante du nombre de cas de traite et d'abus sexuels ; en 2022, le ministère public a enregistré 4184 victimes d'abus sexuels sur enfants, a observé M. Pedernera Reyna. 

Malgré l'existence du Mécanisme national de prévention de la torture (MNP), malgré l’existence du Registre unifié de la torture et des mauvais traitements, et malgré le fait que, depuis 2016, est appliqué un programme de surveillance des commissariats, les adolescents en conflit avec la loi continuent à signaler des abus lors des détentions et des transferts, ce qui révèle un défaut d’application effective [des mesures prévues pour prévenir cela], a d’autre part souligné M. Pedernera Reyna.

L’expert a également indiqué que malgré les progrès législatifs en la matière, l'exploitation des enfants à des fins de prostitution et de pornographie reste un problème grave, avec des lacunes dans la traçabilité et le suivi des procédures judiciaires.

MME ROSARIA CORREA, membre du groupe de travail chargé par le Comité d’examiner le rapport du Paraguay, a pour sa part demandé comment les autorités veillaient dans la pratique à protéger les enfants et adolescents afin qu’ils puissent rester à l’abri des discriminations dans toutes les situations, et notamment au sein de la famille.

Elle a aussi demandé comment les autorités veillaient à ce que les enfants issus de la communauté LGBTQI ne soient pas séparés de leur famille et exposés à d’autres types de violations, comme les abus sexuels.

L’experte a par ailleurs indiqué être perplexe face au retour en arrière dans le domaine de la désinstitutionalisation.

Elle a en outre souhaité en savoir davantage sur l’organisation des « ateliers d’éducation positive ».

Une autre experte a demandé quelles mesures étaient prises pour lutter contre les discours de haine, notamment à l’encontre des personnes LGBTQIA+.

Une experte a souhaité comprendre pourquoi le Paraguay avait tant de difficultés à mettre en œuvre les dispositions de la Convention.

Ont par ailleurs été dénoncées des campagnes de fausses informations qui peuvent avoir des conséquences importantes, notamment dans le domaine des grossesses précoces. Il a en outre été demandé pourquoi la tranche d’âge des 15-19 ans semblait davantage touchée par le VIH/sida.

Comment les autorités prennent en compte dans leurs mesures et dans leurs politiques l’impact sur les enfants de la pollution et des changements climatiques, a-t-il par ailleurs été demandé ?

Une experte a souhaité savoir pourquoi les enfants issus des peuples autochtones semblaient surreprésentés dans les abandons scolaires.

Une autre experte a félicité le Paraguay pour l’accueil d’enfants migrants provenant du Venezuela. Elle a demandé comment était assuré l’accueil sur le long terme des mineurs non accompagnés. Cette experte s’est ensuite inquiétée de la pollution de l’eau sur des terres occupées par les Guarani et a souhaité savoir s’ils avaient obtenu des réparations pour cela.

La même experte a par ailleurs souhaité savoir si les autorités envisageaient d’incriminer les pires formes de travail des enfants. Elle s’est également enquise des mesures prises pour lutter contre le phénomène des enfants en situation de rue.

L’experte a en outre demandé comment les autorités veillaient à lutter contre l’exploitation sexuelle des enfants, qui touche particulièrement les enfants autochtones.

Elle a aussi demandé quand le Paraguay comptait présenter son rapport au titre du Protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits, qui est attendu depuis plus de 20 ans par le Comité.

Réponses de la délégation

Les personnes qui composent la délégation émanent de l’ensemble des partis politiques du Paraguay, ce qui représente l’unité du pays sur les questions relatives aux droits de l’enfant, a indiqué la délégation.

La délégation a indiqué que le Paraguay s’est employé à éradiquer l’exception prévue dans la loi sur le mariage concernant la possibilité de se marier avant 18 ans. Un projet de loi est en cours d’examen dans ce sens au Parlement, a-t-elle précisé.

La délégation a par ailleurs indiqué que les enfants et adolescents peuvent s’exprimer et être écoutés dans le processus d’élaboration des lois.

S’agissant de la participation des enfants, la délégation a indiqué qu’un plan d’action national prévoit la participation effective des enfants dans toutes les politiques qui les intéressent. Il s’agit d’un processus inclusif auquel peuvent participer tous les enfants ; les enfants et adolescents peuvent ainsi prétendre à être entendus au sein de la société. Ce plan d’action comporte un volet sur la non-discrimination et l’égalité entre les enfants. Il y est également question de la dignité de tous les êtres humains, y compris les enfants et les adolescents.

Le Ministère de l’éducation a aussi ouvert un espace où les jeunes peuvent discuter de sujets techniques avec des organisations ou des associations. L’idée est d’insister sur l’importance que doivent jouer les jeunes dans l’apprentissage.

S’agissant des plans d’action relatifs à l’enfance et à l’adolescence , la délégation a indiqué qu’ils aidaient à formuler des politiques et à prendre des mesures concrètes dans le domaine des droits de l’enfant. Le second plan national est la suite logique du premier et le fruit d’un dialogue et de consultations entre différents pans de la société, notamment des organisations de la société civile, des groupes de familles et des enfants qui ont eu l’occasion de s’exprimer. La délégation a expliqué que la pandémie de COVID avait freiné l’adoption de ce second plan.

Au Paraguay, la famille est un socle, a insisté la délégation. L’identité du pays repose sur ce socle. Le pays a adhéré à plusieurs conventions internationales dans lesquelles est reprise la question du genre. Comme le prévoit la Constitution, lorsqu’il est question de genre, il est question d’égalité entre les hommes et les femmes et entre les garçons et les filles, a indiqué la délégation. Toute politique repose sur cette égalité, a-t-elle insisté.

La délégation a par la suite précisé que la famille au Paraguay est constituée de l’union d’un homme et d’une femme, ainsi que de leurs enfants et de leurs descendances.

La délégation a fait valoir que le Président paraguayen souhaite investir prioritairement dans le secteur de la petite enfance. Dès que le fœtus est présent dans le ventre de la mère, l’enfant est considéré comme un individu à part entière qu’il faut protéger, a expliqué la délégation, avant de souligner que les autorités défendent l’allaitement exclusif de la mère. Le Gouvernement entend revoir complètement sa politique fiscale afin de renforcer les politiques publiques dans le domaine de la petite enfance, a par ailleurs indiqué la délégation.

Il existe une ligne d’urgence du Défenseur du peuple par l’entremise de laquelle tout citoyen – y compris les enfants – peut déposer plainte pour violation ou signaler tout manquement. La délégation a mentionné d’autres lignes d’urgence qui permettent aux enfants de demander de l’aide rapidement.

S’agissant des mesures de protection de remplacement, la délégation a notamment indiqué qu’une loi de 2020 règlemente les procédures en la matière.

Le Paraguay s’achemine vers la désinstitutionalisation des enfants qui se trouvent en foyer ou en centre, notamment via l’initiative de l’État, « Plus d’enfants laissés de côté ». Le nombre d’enfants en institution a sensiblement diminué ces dernières années, a souligné la délégation. De nombreuses institutions (près de 30%) ont d’ores et déjà été reconverties vers le modèle résidentiel, a-t-elle fait valoir. La délégation a par ailleurs souligné que ces changements prenaient du temps et que le COVID-19 avait freiné le processus de désinstitutionalisation. Elle a aussi indiqué qu’un autre frein était le manque de familles d’accueil.

La délégation a souligné que le Défenseur du peuple travaille à la diffusion de la Convention auprès du grand public. Les municipalités ont aussi un rôle à jouer dans ce domaine, a-t-elle ajouté.

L’objectif des autorités est de créer un système coordonné de protection de l’enfance sur tout le territoire, a précisé la délégation.

La délégation a par ailleurs indiqué que la priorité des autorités était de professionnaliser l’ensemble des fonctionnaires concernés par les questions relatives aux droits de l’enfant.

S’agissant de la « tendance régressive » en matière de droits , la délégation a assuré que les pouvoirs publics ont l’intention de garantir à l’ensemble des concitoyens les droits qui leur sont dus. La Constitution du pays reprend l’ensemble des libertés fondamentales, a rappelé la délégation.

La délégation a par la suite assuré qu’en aucun cas le Paraguay ne fera ne serait-ce qu’un pas en arrière dans le domaine des droits de l’homme, des enfants et des adolescents.

La Constitution énonce l’égalité de droit et de fait pour toute personne et les autorités se sont engagées à lever toute entrave à ce principe, notamment en faveur des peuples autochtones, a ajouté la délégation.

La délégation a par ailleurs assuré que les autorités luttaient sans relâche contre le travail des enfants. Selon la loi, a-t-elle souligné, le travail des adolescents est seulement permis dans un cadre bien règlementé. La délégation a regretté qu’un projet de loi visant à lutter contre le travail des enfants n’ait pas été adopté par le Parlement. Cependant, a-t-elle fait savoir, un nouveau projet dans ce domaine est en cours d’élaboration avec la participation des enfants.

La délégation a affirmé que dans toutes les décisions rendues par la justice comme dans toutes les procédures, c’est l’intérêt supérieur de l’enfant qui est pris en compte. Des formations sont données aux fonctionnaires de la justice pour une bonne compréhension de ce principe.

La délégation a par ailleurs indiqué qu’il y avait eu l’année dernière des milliers d’affaires jugées devant les tribunaux où l’intérêt supérieur de l’enfanta été pris en compte, notamment dans le domaine des pensions alimentaires.

La délégation a ensuite expliqué que de nombreuses familles n’avaient pas osé enregistrer la naissance de leurs enfants durant la pandémie et que la situation était en train de se résorber.

La délégation a d’autre part expliqué qu’un travail était en cours pour donner pleinement effet aux dispositions de la Convention contre la torture, notamment pour ce qui a trait aux adolescents privés de liberté . Depuis 2019, des dizaines de plaintes ont été déposées pour mauvais traitements et des enquêtes ont été ouvertes, a ajouté la délégation.

S’agissant des décès dans des centres éducatifs, la délégation a précisé que six des huit adolescents en question avaient fait l’objet d’une condamnation. Pour éviter ces décès, la délégation a indiqué que le pays donnait priorité à la justice réparatrice, qui a permis de diminuer le nombre d’adolescents privés de liberté en mettant en place des mesures alternatives à la détention. La délégation a par ailleurs indiqué que le dernier décès remontait à 2017 et qu’il n’y en n’avait plus eu depuis lors.

Le recensement de 2022 a permis de recueillir des données ventilées, mais les registres doivent encore être améliorés, notamment en ce qui concerne le handicap, a d’autre part indiqué la délégation. L’objectif général du Paraguay est d’améliorer la collecte de données afin de pouvoir prendre des politiques adéquates, notamment pour ce qui est des personnes autochtones, a-t-elle ajouté.

La délégation a par ailleurs souligné qu’un guide pour les personnes handicapées est en cours de rédaction afin de combler les lacunes existantes dans ce domaine. L’objectif est ici aussi d’améliorer les données disponibles afin de prendre des mesures plus efficientes pour améliorer la vie des personnes handicapées.

La délégation a ensuite indiqué que le programme de justice réparatrice – dont le bureau en charge des mineurs a accueilli cette année 23 jeunes qui ont ainsi été déjudiciarisés – permet la réinsertion des jeunes, notamment en leur proposant des petites activités génératrices de revenu.

Le Gouvernement paraguayen coopère activement avec les organisations de la société civile dans le domaine de la protection de l’enfance, par exemple dans la lutte contre le phénomène des enfants vivant dans la rue, a d’autre part souligné la délégation.

La délégation a déclaré qu’il y a eu un cas d’allégation de disparition forcée au Paraguay et qu’aucune confirmation n’a pu être établie sur ce cas, l’enquête étant toujours ouverte.

S’agissant des disparitions (non forcées) d’enfants ou d’adolescents, la délégation a indiqué que certains chiffres circulent mais ne sont pas exacts. Il y a des plaintes déposées par les parents sur la disparition de leur enfant, mais dans la plupart des cas, l’enfant revient chez lui quelques heures plus tard et les parents ne pensent pas à actualiser le dossier, de sorte que ces enfants sont toujours considérés comme disparus. Cette situation gonfle ainsi le chiffre des disparitions d’enfants au Paraguay, a affirmé la délégation. Elle a ajouté que le pays souhaitait mettre en place un protocole pour une intervention rapide des officiers de l’État en cas de disparition d’enfant.

S’agissant de l’exposition des enfants à la pollution, la délégation a souligné que plusieurs outils juridiques et techniques existent qui permettent de limiter l’usage des pesticides et engrais qui pourraient être dangereux pour la population. Des directives prévoient l’encadrement strict de l’utilisation de ces produits, a insisté la délégation. Des règlements prévoient aussi la protection des écoles se situant à proximité de cultures où des pesticides sont pulvérisés, a-t-elle ajouté.

La délégation a ensuite fait part de l’arsenal législatif et des mesures mis en place par le pays pour protéger les enfants de l’exploitation et des abus . Toutes ces mesures sont reprises dans un guide à l’intention de toutes les parties qui recueillent ou qui déposent des plaintes ou des signalements, a indiqué la délégation. Elle a en outre estimé que le pays avait fait de grandes avancées dans la prise en charge des victimes. Elle a néanmoins reconnu qu’il restait des efforts à faire dans le domaine de la prévention des violences sexuelles.

La délégation a d’autre part souligné qu’un premier foyer d’accueil de victimes de violences domestiques et sexuelles avait ouvert ses portes dans le pays, avec la coopération d’organisations de la société civile.

Elle a aussi mentionné une nouvelle loi adoptée afin de mieux encadrer l’utilisation du web par les enfants et les adolescents et éviter les contenus préjudiciables pour les mineurs. La délégation a précisé que les autorités souhaitaient travailler avec des experts internationaux sur une meilleure protection du cyberespace, notamment pour davantage lutter contre la prédation sur Internet et le harcèlement en ligne.

S’agissant des châtiments corporels, la délégation a indiqué que plusieurs lois, notamment la loi contre la maltraitance, permettaient de prévenir ces violences et d’en sanctionner les auteurs. 


 

 

 

 

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