Examen du Mali au Comité des droits de l’enfant : les questions d’éducation et de santé, de justice pour mineurs, de travail des enfants, d’enrôlement d’enfants dans des groupes armés et d’enregistrement des naissances sont au cœur du dialogue
Le Comité des droits de l’enfant a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport présenté par le Mali au titre de la Convention relative aux droits de l’enfant.
Au cours du dialogue, ont notamment été jugés positifs la coopération du Gouvernement malien avec la société civile et les organisations internationales, et l’accent mis sur la décentralisation et la délégation des compétences des pouvoirs publics en matière de protection des droits de l’enfant. Ont en outre été salués les efforts du Mali en matière de justice pour mineurs, en particulier l’introduction de la médiation pénale. L’adoption d’une loi sur l’inclusion sociale, qui élargit les critères d’accès aux services de protection sociale pour les enfants et permet les transferts monétaires, est une mesure qui va manifestement dans la bonne direction, a-t-il également été observé.
Au Mali, toutes les juridictions ne disposent pas de magistrats spécialisés dans les affaires relatives aux mineurs, a-t-il toutefois été relevé. Il a en outre été estimé que les peines maximales encourues par les jeunes en conflit avec la loi étaient très élevées.
Plus de cent mille enfants déplacés au Mali ne seraient pas déclarés à l’état civil et seraient privés d’acte de naissance, a par ailleurs fait remarquer une experte. Cette experte a en outre demandé comment la population pouvait accéder à la santé alors que nombre d’infrastructures de santé ont été détruites ou endommagées ; une proportion de 42% de la population accède difficilement aux soins, a-t-elle relevé, avant de constater que la malnutrition chronique affecte toujours les enfants de moins de 5 ans au Mali.
Un membre du Comité a pour sa part rappelé que de l’avis du Comité, la polygamie, autorisée au Mali, exerce un impact négatif sur les enfants. Cet expert a ensuite relevé que les enfants au Mali étaient particulièrement menacés par les effets de problèmes tels que l’exploitation minière, l’instabilité politique ou encore l’accès à l’eau, qui est de plus en plus limité. Un autre expert a fait part de préoccupations s’agissant du travail des enfants dans les emplois dangereux, notamment dans les régions minières et en particulier dans les zones qui sont contrôlées par les milices Wagner – qui y semblent faire la police. Ce même expert a par ailleurs demandé ce qui était fait pour combattre l’insécurité alimentaire dans une perspective de long terme qui permette de toucher toutes les populations et ethnies de manière non discriminatoire.
Plus de 1500 écoles ont fermé, affectant quelque 500 000 enfants ; et certaines classes compteraient jusqu’à cent élèves, a par ailleurs fait remarquer ce même expert. La déscolarisation, l’absence d’accès à l’école et le décrochage scolaire ont des effets à tous les niveaux, en termes notamment de pauvreté, de recrutement par les forces armées et de travail des enfants, a-t-il observé. La scolarité devrait donc être une priorité majeure pour le Gouvernement, a-t-il insisté. L’expert s’est aussi dit préoccupé par la persistance des châtiments corporels dans les écoles, y compris dans les écoles coraniques.
Une experte a demandé si des mesures avaient été prises pour éliminer la discrimination de facto ou la stigmatisation à l’encontre des enfants nés de parents non mariés, des enfants nés dans l'esclavage, des enfants handicapés, des enfants vivant dans la pauvreté et des enfants des rues. Elle a par ailleurs fait part de la préoccupation du Comité devant l'applicabilité de la peine de mort aux enfants en vertu de la loi de 2008 portant répression du terrorisme.
Présentant le rapport de son pays, la Ministre de la promotion de la femme, de l’enfant et de la famille du Mali, Mme Coulibaly Mariam Maiga, a indiqué que cette quatre-vingt-seizième session du Comité était une opportunité pour le Mali de partager avec la communauté internationale les efforts que le pays déploie, en dépit de la crise multidimensionnelle qu’il traverse depuis 2012, afin de donner effet aux dispositions de la Convention, et de faire état des difficultés qu’il rencontre dans leur mise en œuvre ainsi que des perspectives.
La Ministre a notamment mentionné l’adoption de la loi portant sur la minorité pénale, l’institution de juridictions pour mineurs, ainsi que la création de structures publiques de promotion et de protection de l’enfant. Le Mali, a-t-elle souligné, poursuit ses efforts pour s’acquitter de ses obligations découlant de la Convention à travers notamment la création de structures répondant aux besoins des enfants, la célébration des journées dédiées à l’enfant pour plus de vulgarisation des droits de l’enfant, ou encore la mise en place de tribunes d’expression des enfants du Mali.
Malgré ces efforts, de multiples défis sont à relever, a ajouté la Ministre, évoquant « la faible prise en charge des enfants en situation de rue, la difficulté d’adhésion des familles à l’adoption des enfants hébergés dans les centres d’accueil et la faible insertion socioéconomique des familles vulnérables pour mieux soutenir les enfants ». « C’est pourquoi nous restons ouverts aux partenaires respectueux de ses valeurs ainsi que des principes de respect de la souveraineté, de respect des partenariats et des choix stratégiques, ainsi que de défense des intérêts de la population pour appuyer et accompagner nos efforts, afin de relever les défis qui entravent la réalisation effective des droits de l’enfant au Mali », a déclaré la cheffe de délégation.
La Ministre a réaffirmé l’engagement affirmé des autorités de la Transition du Mali à tout mettre à œuvre pour protéger et promouvoir les droits de l’homme en général, en particulier ceux des enfants sur toute l’étendue du territoire national. Le dialogue inter-malien enclenché par le Gouvernement depuis quelques mois traduit la volonté des plus hautes autorités de la transition à reconstruire un Mali unifié et pacifié, a déclaré la Ministre.
La délégation malienne était également composée, entre autres, de M. Abdoulaye Tounkara, Représentant permanent du Mali auprès des Nations Unies à Genève, ainsi que de représentants des Ministères des affaires étrangères, de la justice, de la défense et des anciens combattants, de la santé et du développement social, de l’agriculture, ainsi que de l’environnement, de l’assainissement et du développement durable.
Contrairement à ce qui est le cas pour la Convention relative aux droit de l’enfant – au sujet de laquelle le pays a émis une réserve concernant l’article 16 – le Mali a ratifié d’autres instruments internationaux sans y apporter aucune réserve concernant le droit à la vie privée de l’enfant, a observé, durant le dialogue, une experte, avant de plaider pour que le pays renoue avec la position avant-gardiste qui était la sienne en 1990, quand il coprésidait le Sommet des enfants.
La cheffe de la délégation malienne a pour sa part estimé qu’il y avait une nuance importante entre l’article 10 de la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant et l’article 16 de la Convention, le premier affirmant en effet que « les parents gardent le droit d'exercer un contrôle raisonnable sur la conduite de leur enfant ». La Ministre malienne de la promotion de la femme, de l’enfant et de la famille a par ailleurs mis l’accent sur le fait que beaucoup d’efforts étaient actuellement consentis pour faire adopter le projet de code de protection de l’enfance en concertation avec toutes les parties prenantes, ainsi que pour améliorer la qualité de l’éducation.
Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur le rapport du Mali et les rendra publiques à l’issue de sa session, le 24 mai prochain.
Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l’examen du rapport soumis par le Panama au titre du Protocole facultatif à la Convention concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants .
Examen du rapport
Le Comité est saisi du rapport valant troisième à cinquième rapports du Mali (CRC/C/MLI/3-5), couvrant la période 2008-2022, ainsi que des réponses du pays à une liste de points à traiter soumise par le Comité.
Présentation du rapport
Présentant le rapport de son pays, MME COULIBALY MARIAM MAIGA, Ministre de la promotion de la femme, de l’enfant et de la famille du Mali, a indiqué que cette quatre-vingt-seizième session du Comité était une opportunité pour le Mali de partager avec la communauté internationale les efforts que le pays déploie, en dépit de la crise multidimensionnelle qu’il traverse depuis 2012, afin de donner effet aux dispositions de la Convention, et de faire état des difficultés qu’il rencontre dans leur mise en œuvre ainsi que des perspectives.
La Ministre a rappelé que le Mali avait ratifié la Convention en septembre 1990, en témoignage de la volonté des autorités du Mali de faire de la promotion de l’enfant un domaine prioritaire du développement du pays. Elle a notamment mentionné à cet égard l’adoption de la loi portant sur la minorité pénale, l’institution de juridictions pour mineurs, ainsi que la création de structures publiques de promotion et de protection de l’enfant.
La mise en œuvre des deux Protocoles facultatifs fera l’objet de rapports distincts, a précisé la Ministre.
Le Mali, a souligné la cheffe de la délégation malienne, poursuit ses efforts pour s’acquitter de ses obligations découlant de la Convention à travers notamment la création de structures répondant aux besoins des enfants, la réalisation d’activités ludiques et récréatives pour les enfants, la célébration des journées dédiées à l’enfant pour plus de vulgarisation des droits de l’enfant, ou encore la mise en place de tribunes d’expression des enfants du Mali.
Malgré ces efforts, de multiples défis sont à relever, a ajouté la Ministre, évoquant « la faible prise en charge des enfants en situation de rue, la difficulté d’adhésion des familles à l’adoption des enfants hébergés dans les centres d’accueil et la faible insertion socioéconomique des familles vulnérables pour mieux soutenir les enfants ». « C’est pourquoi nous restons ouverts aux partenaires respectueux de ses valeurs ainsi que des principes de respect de la souveraineté, de respect des partenariats et des choix stratégiques, ainsi que de défense des intérêts de la population pour appuyer et accompagner nos efforts, afin de relever les défis qui entravent la réalisation effective des droits de l’enfant au Mali », a déclaré la cheffe de délégation. Le pays, dont la population est composée de 54% d’enfants, demeure conscient de la protection qu’il faut accorder à cette couche de la population, a-t-elle insisté.
La Ministre a réaffirmé l’engagement affirmé des autorités de la Transition du Mali à tout mettre à œuvre pour protéger et promouvoir les droits de l’homme en général, en particulier ceux des enfants sur toute l’étendue du territoire national. Le dialogue inter-malien enclenché par le Gouvernement depuis quelques mois traduit la volonté des plus hautes autorités de la transition à reconstruire un Mali unifié et pacifié, a déclaré la Ministre. Ce dialogue s’inscrit aussi dans l’optique de trouver des solutions endogènes aux problèmes que connaît le pays, en vue du bien-être de tous, y compris des enfants, a-t-elle conclu.
Questions et observations des membres du Comité
MME MIKIKO OTANI, coordonnatrice du groupe de travail chargé par le Comité d’examiner le rapport du Mali, a d’abord rappelé que le Mali avait émis une réserve à l'article 16 de la Convention [article qui stipule que « Nul enfant ne fera l'objet d'immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d'atteintes illégales à son honneur et à sa réputation »], le pays estimant que cet article accorde une liberté qui ne correspond pas à ses normes sociales et culturelles. Mme Otani a souligné à cet égard que la portée de cet article est la même que celle de l'article 10 de la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant, que le Mali a acceptée sans réserve.
Mme Ayoubi Idrissi a insisté sur le fait que le Mali avait ratifié d’autres instruments internationaux sans y apporter aucune réserve concernant le droit à la vie privée de l’enfant. Elle a plaidé pour que le pays renoue avec la position avant-gardiste qui était la sienne en 1990, quand il coprésidait le Sommet des enfants.
Mme Otani a ensuite voulu savoir s’il existait un obstacle à l'acceptation par le Mali de la procédure de communication devant le Comité, prévue au titre du troisième Protocole facultatif se rapportant à la Convention. Le Mali a accepté cette procédure en vertu d’autres instruments des droits de l’homme des Nations Unies ainsi que de la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant, a constaté l’experte.
L’experte a prié la délégation d’expliquer comment les enfants maliens peuvent obtenir justice en cas de violation de leurs droits ; elle a voulu savoir, en particulier s’ils disposent d’une aide juridique gratuite et si les informations sur le système judiciaire, les procédures et l'aide juridique sont fournies dans un langage adapté aux enfants. Mme Otani a également demandé si l’opinion des enfants était entendue dans les procédures judiciaires et administratives les concernant.
Mme Otani a par ailleurs relevé que la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples avait jugé, en 2018, que le Code de la famille malien ne respectait pas la Charte africaine des droits et du bien-être des enfants, en particulier en ce qui concerne l’âge du mariage et l’héritage. L’experte a demandé si des mesures avaient été prises pour éliminer la discrimination de facto ou la stigmatisation à l’encontre des enfants nés de parents non mariés, des enfants nés dans l'esclavage, des enfants handicapés, des enfants vivant dans la pauvreté et des enfants des rues.
Mme Otani a fait part de la préoccupation du Comité devant l'applicabilité de la peine de mort aux enfants en vertu de la loi de 2008 portant répression du terrorisme. Elle a en outre fait remarquer que les châtiments corporels n’étaient pas interdits dans tous les contextes au Mali. Elle a demandé où en était l’adoption du projet de loi de 2017 sur la prévention et la répression des violences basées sur le genre et l'assistance aux victimes, lequel criminalise les mutilations génitales féminines, et où en était également le projet de loi sur le code de protection de l'enfant.
M. SUZANNE AHO, membre du groupe de travail chargé par le Comité d’examiner le rapport du Mali, a demandé ce qui était fait pour informer la population non seulement de l’importance de faire enregistrer les naissances, mais aussi de la gratuité de cette démarche. Elle a demandé ce qui était prévu pour rapprocher l’état civil des populations et a voulu savoir comment était organisé l’enregistrement des naissances des enfants nomades et des enfants vivant dans les camps de réfugiés.
Plus de cent mille enfants déplacés au Mali ne seraient pas déclarés à l’état civil et seraient privés d’acte de naissance, a fait remarquer Mme Aho.
Mme Aho a d’autre part prié la délégation de dire dans quelle mesure la liberté de religion des enfants était respectée.
L’experte a également demandé si des émissions de radio étaient consacrées aux enfants et s’ils pouvaient accéder à Internet dans des conditions sûres.
Mme Aho a par ailleurs demandé comment la population pouvait accéder à la santé alors que nombre d’infrastructures de santé ont été détruites ou endommagées ; une proportion de 42% de la population accède difficilement aux soins, a-t-elle relevé. La malnutrition chronique affecte toujours les enfants de moins de 5 ans au Mali, a-t-elle en outre constaté. D’autres questions de l’experte ont porté sur l’usage de stupéfiants, en particulier le tramadol, par les jeunes au Mali, ainsi que sur la prévention de la transmission du VIH/sida de la mère à l’enfant.
M. PHILIP JAFFÉ, membre du groupe de travail chargé par le Comité d’examiner le rapport du Mali, a demandé pourquoi les pères et mères n’étaient pas considérés sur un pied d’égalité, au Mali, s’agissant du partage de la responsabilité pour les enfants, le père étant désigné comme chef de la famille. De l’avis du Comité, la polygamie, autorisée au Mali, exerce un impact négatif sur les enfants, a ajouté l’expert.
M. Jaffé a souligné le rôle important joué au Mali par la famille élargie pour prendre en charge les enfants. Dans ce contexte, il a demandé quels services et personnels de l’État étaient chargés d’intervenir sur le terrain en cas de relations problématiques au sein des familles, et quelles solutions étaient disponibles pour les enfants devant être placés hors de leur famille.
M. Jaffé a par ailleurs demandé si les adoptions internationales étaient toujours interdites au Mali, et si le pays allait ratifier la Convention de La Haye de 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale.
M. Jaffé a ensuite prié la délégation de donner des précisions sur la situation des enfants vivant avec leurs parents détenus. Il a d’autre part constaté que le rapport donnait peu d’informations sur les enfants handicapés, les soins qui leur sont prodigués et les mesures prises pour les intégrer à la société : l’expert s’est demandé si les enfants handicapés étaient victimes de stigmatisation au Mali.
M. Jaffé a d’autre part relevé que les enfants au Mali étaient particulièrement menacés par les effets de problèmes tels que l’exploitation minière, l’instabilité politique ou encore l’accès à l’eau, qui est de plus en plus limité. L’expert a demandé comment les enfants participaient, en tant que catégorie vulnérable, à l’élaboration du programme national d’adaptation aux changements climatiques.
M. Jaffé a salué les efforts du Mali en matière de justice pour mineurs, en particulier l’introduction de la médiation pénale.
L’expert a cependant regretté que, dans le cadre des engagements au titre de l’Accord de Paris, la contribution déterminée du Mali ne mentionne pas les enfants.
M. BENOÎT VAN KEIRSBILCK, membre du groupe de travail chargé par le Comité d’examiner le rapport du Mali, a prié la délégation de dire ce qui était mis en œuvre pour aider les enfants placés et leurs parents. L’expert s’est par ailleurs enquis des résultats du Plan national pour l’élimination du travail des enfants au Mali lancé en 2009. Il a fait part de préoccupations s’agissant du travail des enfants dans les emplois dangereux, notamment dans les régions minières et en particulier dans les zones qui sont contrôlées par les milices Wagner – qui y semblent faire la police, a relevé M. Van Keirsbilck.
L’adoption d’une loi sur l’inclusion sociale, qui élargit les critères d’accès aux services de protection sociale pour les enfants et permet les transferts monétaires, est une mesure qui va manifestement dans la bonne direction, a poursuivi l’expert. Il a demandé comment garantir que tous les enfants puissent bénéficier de ces transferts monétaires dans les régions et pour toutes les familles qui sont déplacées hors de leurs villages ou qui vivent dans camps formels et informels de réfugiés.
L’expert a demandé ce qui était fait pour combattre l’insécurité alimentaire dans une perspective de long terme qui permette de toucher toutes les populations et ethnies de manière non discriminatoire. Il a constaté que certaines populations ou ethnies se plaignent d’être moins bien traitées ou de ne pas faire partie des politiques qui sont mises en œuvre.
Plus de 1500 écoles ont fermé, affectant quelque 500 000 enfants ; et certaines classes compteraient jusqu’à cent élèves, a par ailleurs fait remarquer M. Van Keirsbilck. La déscolarisation, l’absence d’accès à l’école et le décrochage scolaire ont des effets à tous les niveaux, en termes notamment de pauvreté, de recrutement par les forces armées et de travail des enfants, a-t-il observé. La scolarité devrait donc être une priorité majeure pour le Gouvernement, a-t-il insisté, regrettant que le budget de l’éducation ne représente qu’1% du PIB du Mali. M. Van Keirsbilck a également insisté sur l’importance de la qualité de l’enseignement, observant que de nombreux enseignants non formés et volontaires vont remplacer l’absence d’enseignants, notamment dans les zones rurales et dans les zones occupées par les militaires, au point que les enseignements doivent être donnés de manière presque invisible pour les « autorités occupantes », l’enseignement n’étant pas bien vu par ces groupes armés.
L’expert s’est aussi dit préoccupé par la persistance des châtiments corporels dans les écoles, y compris dans les écoles coraniques. Il a demandé ce qui était fait pour aider les jeunes filles enceintes à poursuivre leur scolarité.
Toutes les juridictions ne disposent pas de magistrats spécialisés dans les affaires relatives aux mineurs, a par ailleurs relevé M. Van Keirsbilck. Rappelant que la détention d’enfants avec des adultes était expressément interdite par la Convention, il a demandé ce qui était fait pour mettre fin immédiatement à de telles situations.
M. Van Keirsbilck a en outre demandé si les personnes qui recrutent des enfants dans les groupes armés étaient sanctionnées et ce qu’il adviendrait des programmes de démobilisation et de réinsertion, suite au départ de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) en 2023.
M. Van Keirsbilck s’est ensuite interrogé sur la manière dont l’État malien faisait respecter les droits des enfants à Tinzaouaten, où vivent de nombreuses personnes déplacées.
Il a par ailleurs demandé ce qu’il en était de l’adoption du projet de loi sur la sécurité à l’école.
L’expert a d’autre part estimé que les peines maximales encourues par les jeunes en conflit avec la loi étaient très élevées.
Plusieurs autres experts ont demandé comment le Mali luttait contre la pauvreté parmi les enfants.
D’autres questions des experts ont porté sur le fonctionnement du Parlement des enfants, la création d’une ligne téléphonique d’urgence pour les enfants, la prise en compte de l’intérêt supérieur de l’enfant et la lutte contre l’apatridie.
Réponses de la délégation
La délégation a fait état de l’implication du Parlement des enfants dans la préparation du projet de loi sur la protection de l’enfant. Ce Parlement est opérationnel depuis sa création et ses bureaux national et régionaux seront renouvelés en 2024, a-t-elle ajouté, précisant que les parlements des enfants régionaux appliquent un plan national bisannuel.
L’avant-projet de loi sur la protection de l’enfant est en cours d’adoption ; il tiendra compte de l’apport de toutes les sensibilités dans le pays, a par la suite fait savoir la délégation.
Le Mali se trouve dans un processus de mise en œuvre de la ligne d’ assistance téléphonique aux enfants, a souligné la délégation.
L’enfant exerce ses droits en matière d’ accès à la justice par le biais de ses représentants légaux, a poursuivi la délégation. Des avocats et des travailleurs sociaux donnent des conseils aux enfants victimes et témoins d’infractions criminelles. La prise en compte de l’ intérêt supérieur de l’enfant dans les procédures judiciaire est garantie par la loi, a-t-il été précisé. Des mesures sont aussi prises pour défendre les intérêts du mineur tout au long de la procédure policière et judiciaire, afin notamment d’éviter une nouvelle victimisation. Le Ministère de la justice accomplit un travail pédagogique dans les treize langues nationales pour informer les enfants du fonctionnement de la justice, a-t-il été ajouté.
Le Mali a mis en place une stratégie pour l’abandon du mariage des enfants , en particulier au travers de la création d’activités génératrices de revenus pour aider les parents à maintenir leurs enfants à l’école et à ne pas les exposer au mariage précoce, a indiqué la délégation. Les autorités entendent convaincre les parents de l’intérêt que présente le maintien de l’enfant à l’école, a-t-elle ajouté.
La délégation a ensuite indiqué que le Ministère de l’ éducation s’efforçait d’adapter les programmes scolaires pour tenir compte des différentes questions relatives à la protection de l’environnement. Des mesures sont par ailleurs prises concernant l’approvisionnement et l’équipement des écoles pour l’accès à l’eau salubre et à l’assainissement. Des mesures sont aussi prises pour que les jeunes filles puissent rester à l’école quand elles ont leurs règles, a ajouté la délégation.
Le Gouvernement a adopté un programme décennal de développement de l’éducation prévoyant la généralisation de la scolarisation dans tout le pays, a poursuivi la délégation, mentionnant un plan de contingence pour que tous les enfants aient accès à l’éducation. Un autre projet développé avec la Banque mondiale porte sur le renforcement de la qualité de l’éducation ainsi que sur la construction de nouvelles infrastructures. De plus, la nouvelle Constitution officialise les langues nationales comme langues de travail, ce qui permettra aux élèves d’apprendre dans leur langue maternelle, a ajouté la délégation.
D’autres initiatives portent sur la scolarisation des enfants hors école, a indiqué la délégation. Le Gouvernement s’efforce de plus de créer des compromis dynamiques autour de la réouverture des écoles dans, notamment, les régions libérées par les forces armées. Les autorités respectent, ce faisant, aussi bien les exigences communautaires en matière de respect des coutumes, que les exigences de la modernité, a expliqué la délégation.
La part du budget consacrée à l’éducation représentait 18,2% des dépenses de l’État en 2022, selon l’UNESCO, a précisé la délégation.
Pour remédier au surpeuplement des classes, plus de 2000 nouvelles salles ont été ouvertes depuis 2022 à l’initiative du Président de la Transition, a en outre fait valoir la délégation. Elle a aussi mentionné le recrutement de plus de 500 enseignants en 2023.
Les autorités scolaires aident les jeunes filles enceintes à poursuivre leur scolarité par le biais notamment de cours de soutien, de bourses et d’aménagements [de nature administrative], a également souligné la délégation. Le Gouvernement consent des efforts soutenus pour maintenir les filles à l’école, a-t-elle insisté. Le taux net de scolarisation des garçons n’est pas très différent de celui des filles dans l’enseignement fondamental, a-t-elle fait observer. L’augmentation du nombre de cantines scolaires depuis 2019 a profité à de nombreux élèves, a ajouté la délégation.
Les enseignants ne sont pas abandonnés à eux-mêmes, a d’autre part assuré la délégation. Les autorités mènent des activités destinées à améliorer la formation initiale et continue des enseignants, y compris par le biais de communautés d’apprentissage par les pairs. Le Gouvernement a aussi lancé un programme d’« éducation aux valeurs » et de formation des enseignants aux droits de l’homme et au vivre ensemble, a précisé la délégation.
La délégation a par ailleurs assuré que les élèves albinos ne faisaient pas l’objet de discrimination à l’école.
Le nombre des écoles fermées ne dépasse pas 10% du nombre total d’écoles au Mali, a par la suite tenu à préciser la délégation.
Le Ministère de l’éducation a publié une circulaire en vue d’interdire totalement les châtiments corporels dans les écoles, a en outre souligné la délégation, avant de préciser que deux enseignants ont récemment été suspendus pour de tels faits.
Une question ayant porté sur la situation des enfants enrôlés de force dans les groupes terroristes , la délégation a expliqué que ces enfants, une fois démobilisés, ne sont pas présentés au juge mais remis directement à l’organisme de protection de l’enfance.
L’enrôlement d’enfants dans des groupes armés est considéré comme un crime de guerre, a par la suite souligné la délégation.
Les enfants sortis des groupes armés sont aidés à refaire leur vie par le biais de la réintégration scolaire et professionnelle, a-t-il d’autre part été précisé. Le processus de désarmement, de démobilisation et de réintégration des anciens combattants a été momentanément suspendu après le départ de la MINUSMA, mais ses structures ont été préservées, a indiqué la délégation. Le processus sera poursuivi et élargi, a-t-elle assuré.
La délégation a ensuite décrit le système mis en place au niveau local et ayant permis à un million d’enfants d’obtenir un acte de naissance . Le taux d’enregistrement des naissances au Mali dépasse 87%, avec des disparités régionales, a-t-elle précisé.
Les populations déplacées sont informées et sensibilisées à l’importance de faire enregistrer la naissance de leurs enfants pour éviter le risque d’apatridie, a poursuivi la délégation. Des audiences foraines sont organisées : elles assurent l’enregistrement des naissances, mais aussi la régularisation des situations et la réémission de documents d’état civil perdus. Le Gouvernement organise en outre dans les régions des caravanes d’information concernant la naturalisation des populations qui ne peuvent donner des preuves d’une nationalité, a fait valoir la délégation.
Le premier acte de naissance est gratuit, a par la suite précisé la délégation, soulignant que seules les copies sont facturées. Les familles sont informées de la gratuité de cette prestation, a-t-elle insisté.
En matière d’enregistrement des naissances, la loi accorde les mêmes droits aux enfants réfugiés qu’aux enfants maliens, a par la suite insisté la délégation. Le Gouvernement a mis en place un système de rattrapage pour recenser tous les enfants déplacés et leur remettre des actes de naissance, a-t-elle rappelé.
La pratique du Code de la famille s’agissant du partage des responsabilités au sein de la famille reflète le fait que le pays est à 90% musulman, a d’autre part expliqué la délégation. Le Mali ne partage pas le point de vue selon lequel la polygamie a un impact négatif sur les enfants, a-t-elle indiqué, avant d’ajouter que cette pratique n’est interdite par aucun texte international.
Le juge n’est pas autorisé à opérer de distinction entre enfants naturels et enfants légitimes dans le règlement d’une succession, a par ailleurs souligné la délégation.
Les autorités s’emploient, à travers une démarche communautaire, à convaincre les familles de renoncer aux mutilations génitales féminines , a d’autre part indiqué la délégation.
La délégation a ensuite expliqué que certains enfants jusqu’à l’âge de 5 ans privés de protection parentale (du fait, par exemple, de la maladie mentale de leurs parents) pouvaient être pris en charge par des institutions d’accueil privées et publiques. D’autres institutions accueillent les enfants plus âgés. Les institutions sont tenues de remettre des rapports et sont soumises à des contrôles par l’État. Les services concernés procèdent à des vérifications de l’infrastructure des institutions d’accueil privées avant de les autoriser à exercer leurs activités, a souligné la délégation.
Le Ministère de la promotion de la femme, de l’enfant et de la famille n’opère pas de distinction entre les enfants handicapés et les autres, a ensuite assuré la délégation, avant d’ajouter que les enfants handicapés bénéficient de la gratuité de l’accès aux salles de jeu gérées par le Ministère.
L’intérêt supérieur de l’enfant est pris en compte dans l’enquête sociale qui suit la demande d’adoption, la décision finale revenant au tribunal. Seule l’adoption internationale par des couples non maliens est interdite, a en outre précisé la délégation.
Le Gouvernement gère des partenariats privé-public pour ouvrir de nouveaux points d ’eau et réduire ainsi la pénibilité de l’accès à l’eau, qui affecte en particulier les filles, a ajouté la délégation.
S’agissant des questions d’environnement, la délégation a en outre mentionné les programmes de reboisement ainsi que de réduction des déchets et des émissions de gaz à effet de serre lancés par le Gouvernement.
La délégation a ensuite décrit les initiatives du Gouvernement destinées à améliorer la sécurité alimentaire et nutritionnelle au niveau national. Le plan national dans ce domaine a notamment pour but de combler les difficultés saisonnières, a-t-elle expliqué. Il prévoit, entre autres, la création et la distribution de stocks de céréales, le renforcement des moyens d’existence et des transferts monétaires.
La délégation a dit ne pas comprendre ce que M. Van Keirsbilck entendait par « ethnies relativement discriminées » et a indiqué que le Mali s’inscrivait en faux face à cette affirmation. Elle a aussi critiqué les termes d’« autorités occupantes » employés par l’expert : la délégation a insisté sur les efforts consentis par le Mali pour le retour et la récupération de certaines parties du territoire national occupées par des groupes armés terroristes , et a rappelé que l’armée du Mali avait le droit de rétablir l’autorité de l’État sur l’ensemble du territoire.
S’agissant, de plus, des « milices Wagner », la délégation a rappelé que son Gouvernement avait toujours été très clair quant à la collaboration d’État à État que le Mali entretient avec la Fédération de Russie.
La délégation a par ailleurs souligné que le retrait de la MINUSMA avait été voté par le Conseil de sécurité.
Le projet de loi sur l’ esclavage par ascendance prévoit notamment que l’âge de la victime est une circonstance aggravante et que le fait de priver un enfant de son droit à l’éducation au motif que ses parents étaient esclaves est punissable d’une peine de prison pouvant atteindre cinq ans.
Quelque 35 jeunes enfants sont incarcérés avec leurs parents . La mère doit désigner un répondant en liberté pour s’occuper de son enfant lorsque celui-ci a atteint l’âge de 36 mois; à défaut, l’enfant sera placé en institution, a expliqué la délégation. La réflexion se poursuit pour réduire et cesser la pratique de la détention de mineurs avec leurs parents, a-t-elle indiqué.
Bamako dispose d’un centre de détention et de rééducation pour enfants ; dans les autres localités, les enfants placés sous ordonnance de garde sont détenus dans des quartiers aménagés dans les prisons. On compte, dans la capitale, une juridiction spécialisée dans les enfants en conflit avec la loi ; des magistrats cumulant le droit commun et les enfants en contact avec la loi officient dans les autres régions. Tous les acteurs concernés par les enfants ont reçu une formation. La peine de mort et la réclusion à perpétuité ne sont pas appliquées aux mineurs, a souligné la délégation ; pour les mineurs, les peines sont plafonnées à la moitié des peines prévues pour les adultes et au maximum à vingt ans de détention.
Le Gouvernement mènera des actions, dans toutes les langues reconnues par la Constitution, pour sensibiliser les enfants à leurs droits, a d’autre part indiqué la délégation.
La délégation a indiqué que le plan d’action pour l’élimination du travail des enfants de 2011 n’avait pu être appliqué intégralement, faute de moyens notamment. Un nouveau plan portera sur la période 2023-2027, a-t-elle fait savoir. Le Mali s’est engagé à mettre fin au travail des enfants dans les sites d’orpaillage, qui est considéré comme l’une des pires formes de travail, a souligné la délégation. Les autorités mènent des activités de prévention et, si nécessaire, procèdent au retrait des enfants en danger, a-t-elle indiqué. Les efforts ont permis d’améliorer considérablement la situation, a-t-elle assuré. Les sites situés dans les zones d’insécurité échappent certes à l’action de l’État mais, avec l’amélioration de la sécurité, il envisage de mener des actions dans ces sites, a ajouté la délégation.
Concernant les questions relatives à la santé, la délégation a notamment indiqué que, pour réduire le nombre de grossesses non désirées parmi les adolescentes, le Gouvernement misait sur des démarches de sensibilisation et de planification des naissances.
Le Gouvernement applique en outre des actions de sensibilisation auprès des enfants pour lutter contre la consommation de tabac et de stupéfiants.
Remarques de conclusion
MME MIKIKO OTANI a salué l’élaboration ou la mise en œuvre, malgré les difficultés que rencontre le pays, des mesures en faveur des droits de l’enfant citées par la délégation, et s’est dite intéressée à en connaître l’aboutissement. L’experte a aussi jugé positifs la coopération du Gouvernement avec la société civile et les organisations internationales, et l’accent mis sur la décentralisation et la délégation des compétences des pouvoirs publics en matière de protection des droits de l’enfant.
MME COULIBALY MARIAM MAIGA a dit apprécier toutes les observations, recommandations et propositions du Comité. Elle a insisté sur le fait que son pays était une société patriarcale teintée de modernisme, dans laquelle la femme participe, avec son mari, aux prises de décision en vue de protéger l’intérêt de l’enfant. La Ministre a par ailleurs estimé qu’il y avait une nuance importante entre l’article 10 de la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant et l’article 16 de la Convention, le premier affirmant en effet que « les parents gardent le droit d'exercer un contrôle raisonnable sur la conduite de leur enfant ».
La Ministre a enfin mis l’accent sur le fait que beaucoup d’efforts étaient actuellement consentis pour faire adopter le projet de code de protection de l’enfance en concertation avec toutes les parties prenantes, en particulier les organisations non gouvernementales, ainsi que pour améliorer la qualité de l’éducation.
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