Examen du rapport du Mexique devant le CERD : les questions relatives aux peuples autochtones et afro-mexicains et aux migrants sont au cœur des préoccupations des experts
Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD selon l’acronyme anglais) a examiné aujourd’hui le rapport périodique présenté par le Mexique au titre de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale. La situation des peuples autochtones et afro-mexicains ainsi que celle des migrants au Mexique ont été au cœur des préoccupations des experts membres du Comité.
Au cours du dialogue noué entre les membres du Comité et la délégation mexicaine venue soutenir ce rapport, une experte a en effet indiqué que le Comité avait reçu des informations concernant la discrimination à l'égard des personnes ayant la peau brune ou foncée. Les peuples autochtones et afro-descendants occupent les positions les plus basses dans la société, gagnent moins d'argent et accèdent à moins de droits en raison du racisme, s’est inquiétée l’experte.
Le Comité, a poursuivi cette même experte, a reçu des informations indiquant qu’un nombre disproportionné de personnes autochtones et d'ascendance africaine sont en détention provisoire dans le pays ; que, dans la pratique, le système judiciaire mexicain ignore la culture des peuples autochtones et finit par imposer des mesures punitives injustes telles que la détention préventive, qui affecte de manière disproportionnée les femmes autochtones ; et que les peuples autochtones déplacés continuent de faire l'objet de discrimination et de racisme dans le système de justice pénale et sont souvent soumis à des représailles et à des attaques, y compris des assassinats.
Par ailleurs, a ajouté l’experte, le Comité a reçu des informations faisant état de profilage racial de la part de l'Institut national des migrations et de la Garde nationale, visant les Noirs, les métis, les peuples autochtones et les Afro-Mexicains aux points de contrôle de l'immigration dans tout le pays. L’experte s’est en outre inquiétée des informations reçues par le Comité indiquant que la plupart des Afro-Mexicains vivent encore dans la pauvreté, souvent dans des communautés rurales isolées où les services d'assainissement, de santé ou d'éducation sont négligeables, et qu'en général, les Afro-Mexicains sont toujours rabaissés et relégués au plus bas échelon de l'échelle sociale. L’experte s’est dès lors enquise des mesures spéciales prises pour lutter contre la discrimination raciale structurelle à l'égard des Afro-Mexicains.
L’experte a par ailleurs relevé les préoccupations de nombreuses organisations de la société civile s’agissant de la propagation de discours de stigmatisation et de haine raciale en public et sur les réseaux sociaux, y compris de la part des autorités de l'État. Elle a en outre souhaité connaître les mesures de protection accordées aux défenseurs des droits de l’homme, alors qu’en 2021, l’ONG Global Witness considérait le Mexique comme le pays ayant enregistré le plus grand nombre d'assassinats de défenseurs de la terre et de l'environnement, dont 40% appartenaient à des peuples autochtones.
Selon plusieurs rapports, a pour sa part fait observer une autre experte du Comité, les peuples autochtones du Mexique sont soumis au racisme structurel, à la discrimination, à l'exploitation et à l'inégalité. Cette experte a fait observer que d'après les informations reçues, le projet de modification des dispositions de la Constitution du Mexique semble avoir laissé de côté certaines questions importantes liées à la reconnaissance des droits des peuples autochtones sur les terres, les territoires et les ressources qu'ils ont traditionnellement possédés ou occupés, ainsi que les questions liées à leur représentation politique.
Selon le rapport d'évaluation de la politique de développement social 2022 préparé par le Conseil national pour l'évaluation des politiques de développement social, la pauvreté et l'extrême pauvreté parmi les peuples autochtones sont en augmentation, a poursuivi l’experte. En outre, il existe de nombreux cas de déplacements internes de populations autochtones causés par des plans de développement et des projets liés à l'exploitation minière, à l'exploitation forestière, à l'extraction d'hydrocarbures, à la construction de barrages et au tourisme, a ajouté l’experte, avant de relever que, selon des informations reçues par le Comité, les déplacements sont appliqués dans un contexte de corruption, de marginalisation, d'impunité et d'absence de mécanismes d'accès à la justice, et les déplacements forcés sont souvent liés à des groupes paramilitaires articulés avec les structures de pouvoir municipales, étatiques et fédérales.
L’experte a ensuite rappelé que le Comité des droits de l'homme s'était déclaré préoccupé par la récente politique migratoire mise en œuvre au Mexique qui est marquée par un recours généralisé à la détention et, souvent, à l'usage de la force par des agents de l'État. Cette même experte a déploré la militarisation de la politique d'immigration qui – a-t-elle souligné – favorise « la criminalisation de groupes de migrants, accentuant ainsi leur situation de vulnérabilité ». Elle demandé à la délégation mexicaine de fournir des informations sur les enquêtes menées sur les disparitions forcées de migrants et a souhaité savoir comment les autorités avaient géré les « caravanes de migrants ».
Après que Mme Francisca Elizabeth Méndez Escobar, Représentante permanente du Mexique auprès des Nations Unies à Genève et cheffe de la délégation, a présenté la délégation mexicaine, Mme Claudia Morales Reza, Présidente du Conseil national pour la prévention de la discrimination du Mexique, a présenté le rapport de son pays en soulignant que la politique mexicaine en matière de droits de l'homme s'est concentrée ces dernières années sur la lutte contre la pauvreté et les causes structurelles des inégalités, de la discrimination et de la violence.
La politique antidiscrimination du Gouvernement mexicain vise à promouvoir et à faciliter l'inclusion de toutes les personnes, sur un pied d'égalité, dans le respect de leur diversité, a souligné Mme Morales Reza. « Les peuples autochtones et afro-mexicains sont des éléments centraux de nos identités » et sont des acteurs centraux dans les transformations visant à atteindre de meilleurs niveaux d'inclusion et de développement, a-t-elle déclaré. Les peuples et les communautés autochtones et afro-mexicains sont une priorité pour le Gouvernement mexicain ; c'est pourquoi tous les programmes sociaux de l'État intègrent une perspective interculturelle, a-t-elle insisté.
Mme Morales Reza a présenté une série d’avancées au Mexique qui ont « bénéficié à tous les Mexicains, mais en particulier aux populations historiquement discriminées ». Ainsi, elle a notamment fait observer qu’entre 2018 et 2022, le pourcentage de la population vivant dans la pauvreté multidimensionnelle au Mexique est passé de 41,9 % à 36,3 %. En outre, a-t-elle poursuivi, en 2023, le Président Andrés Manuel López Obrador a signé le décret qui reconnaît, protège, préserve et sauvegarde les lieux et sites sacrés des communautés d'origine des peuples autochtones, ainsi que les routes de pèlerinage des peuples Huichol, Cora, Tepehuano et Mexicanero de Jalisco, Nayarit, Durango et San Luis Potosí. De même, la reconnaissance constitutionnelle de la population d'ascendance africaine au Mexique a constitué une étape importante vers la garantie de leurs droits, a ajouté la Présidente du Conseil national pour la prévention de la discrimination. Ces changements constitutionnels ont permis des résultats concrets grâce à l'inclusion du peuple afro-mexicain dans les programmes sectoriels gouvernementaux, couvrant des domaines tels que l'économie, l'énergie, le tourisme et les droits de l'homme, a-t-elle déclaré.
Enfin, Mme Morales Reza a souligné que bien que le pays ait fait des progrès importants, les autorités reconnaissent qu’il y a encore des lacunes à combler et des progrès à accomplir dans le domaine de la lutte contre la discrimination raciale.
La délégation mexicaine était également composée de représentants du Ministère des affaires étrangères, de l’Institut national des peuples autochtones, et du Conseil de la magistrature fédérale.
Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur le rapport du Mexique et les rendra publiques à l’issue de sa session, le 26 avril prochain.
Jeudi prochain, 11 avril, à partir de 15 heures, le Comité examinera le rapport de Saint-Marin.
Examen du rapport du Mexique
Le Comité est saisi du rapport valant vingt-deuxième à vingt-quatrième rapports périodiques du Mexique (CERD/C/MEX/22-24).
Présentation du rapport
Après que Mme Francisca Elizabeth MÉNDEZ ESCOBAR, Représentante permanente du Mexique auprès des Nations Unies à Genève et cheffe de la délégation, a présenté la délégation mexicaine, Mme Claudia Morales Reza, Présidente du Conseil national pour la prévention de la discrimination du Mexique, a présenté le rapport de son pays. Elle a ainsi souligné que la politique mexicaine en matière de droits de l'homme s'est concentrée ces dernières années sur la lutte contre la pauvreté et les causes structurelles des inégalités, de la discrimination et de la violence.
Le Mexique dispose d'un cadre juridique solide pour lutter contre la discrimination, a-t-elle poursuivi. L'article premier de la Constitution du Mexique – en plus de disposer que toute personne jouit des droits de l'homme reconnus dans les traités internationaux – interdit toute discrimination fondée, notamment, sur l'origine ethnique ou nationale, le sexe, l'âge, le handicap, le statut social, l'état de santé, la religion, les opinions, les préférences sexuelles, a-t-elle précisé.
La politique antidiscrimination du Gouvernement mexicain vise à promouvoir et à faciliter l'inclusion de toutes les personnes, sur un pied d'égalité, dans le respect de leur diversité, a souligné Mme Morales Reza. « Les peuples autochtones et afro-mexicains sont des éléments centraux de nos identités » et sont des acteurs centraux dans les transformations visant à atteindre de meilleurs niveaux d'inclusion et de développement, a-t-elle déclaré. Les peuples et les communautés autochtones et afro-mexicains sont une priorité pour le Gouvernement mexicain ; c'est pourquoi tous les programmes sociaux de l'État intègrent une perspective interculturelle, a-t-elle insisté.
Mme Morales Reza a ensuite présenté une série d’avancées au Mexique qui ont « bénéficié à tous les Mexicains, mais en particulier aux populations historiquement discriminées ». Ainsi, elle a notamment fait observer qu’entre 2018 et 2022, le pourcentage de la population vivant dans la pauvreté multidimensionnelle au Mexique est passé de 41,9 % à 36,3 %. Elle a également souligné qu’entre 2019 et 2024, le salaire minimum au Mexique a augmenté de près de 120%.
Dans le domaine de l'éducation, la Stratégie nationale pour l'éducation inclusive vise à transformer progressivement le système éducatif national actuel en un système inclusif, flexible et pertinent pour les enfants, les adolescents et les jeunes dans tout le pays, dans leur grande diversité et dans des conditions et des chances égales, a par ailleurs indiqué Mme Morales Reza.
Elle a également souligné que grâce à des stratégies visant à la prévention sociale de la criminalité et de la violence, l’incidence de la criminalité a diminué dans le pays.
En outre, en 2023, le Président Andrés Manuel López Obrador a signé le décret qui reconnaît, protège, préserve et sauvegarde les lieux et sites sacrés des communautés d'origine des peuples autochtones, ainsi que les routes de pèlerinage des peuples Huichol, Cora, Tepehuano et Mexicanero de Jalisco, Nayarit, Durango et San Luis Potosí et crée une commission présidentielle composée de divers organismes de l'Administration publique fédérale, chargée de coordonner la protection, la préservation et la sauvegarde des lieux et sites sacrés et des routes de pèlerinage, a indiqué Mme Morales Reza.
De même, la reconnaissance constitutionnelle de la population d'ascendance africaine au Mexique a constitué une étape importante vers la garantie de leurs droits, a poursuivi la Présidente du Conseil national pour la prévention de la discrimination. Ces changements constitutionnels ont permis des résultats concrets grâce à l'inclusion du peuple afro-mexicain dans les programmes sectoriels gouvernementaux, couvrant des domaines tels que l'économie, l'énergie, le tourisme et les droits de l'homme, a-t-elle déclaré.
Enfin, Mme Morales Reza a souligné que bien que le pays ait fait des progrès importants, les autorités reconnaissent qu’il y a encore des lacunes à combler et des progrès à accomplir dans le domaine de la lutte contre la discrimination raciale.
Questions et observations des membres du Comité
MME FAITH DIKELEDI PANSY TLAKULA, rapporteuse du groupe de travail du Comité chargé de l’examen du rapport du Mexique, a souhaité savoir si l'État partie inclut la composition raciale ou ethnique, les variables d'auto-identification telles que l'ascendance africaine, afro-mexicaine, le statut linguistique autochtone et la couleur de peau, dans les différentes enquêtes qu'il mène, y compris dans le domaine de la justice pénale.
L’experte a ensuite indiqué que le Comité avait reçu des informations concernant la discrimination à l'égard des personnes ayant la peau brune ou foncée. Selon les enquêtes nationales sur la discrimination de 2017 et 2022, 89,9 % de la population totale a la peau brune ou foncée, et plus le teint est foncé, plus les gens obtiennent de mauvais résultats dans les domaines de l’éducation, du marché du travail et des salaires, a-t-elle observé. En outre, selon les informations parvenues au Comité, outre les personnes ayant la peau brune ou foncée, les peuples autochtones et afro-descendants occupent les positions les plus basses dans la société, gagnent moins d'argent et accèdent à moins de droits en raison du racisme, s’est-elle inquiétée.
L’experte s’est aussi inquiétée que d'après les informations qui ont été fournies au Comité, l'Institut national de statistique, de géographie et d’informatique du Mexique n’inclut pas les personnes vivant dans des quartiers informels dans son recensement, de sorte que ces établissements humains informels ne sont pas pris en compte dans l'élaboration des politiques publiques ou pour la fourniture de services tels que l'eau, l'électricité et l'assainissement.
Mme Tlakula a aussi souhaité connaître les modifications globales apportées à la loi fédérale relative à la prévention et à l'élimination de la discrimination. Elle s’est en outre enquise du projet d’amendement du Code pénal visant à rendre ce dernier conforme aux dispositions de la Convention.
Le Comité a reçu des informations indiquant que la Constitution de 2011 n'inclut pas la couleur de la peau, le phénotype ou la race parmi les motifs de discrimination interdits, et que seules 15 entités fédératives sur les 32 que compte le pays incluent la race comme motif de discrimination prohibé dans leur constitution, s’est inquiétée l’experte. Elle a par ailleurs relevé les préoccupations de nombreuses organisations de la société civile s’agissant de la propagation de discours de stigmatisation et de haine raciale en public et sur les réseaux sociaux, y compris de la part des autorités de l'État.
L’experte s’est également enquise des mesures prises pour que le Conseil national pour la prévention de la discrimination (CONAPRED) soit doté des ressources humaines, financières et techniques dont il a besoin pour lui permettre de s'acquitter efficacement de son mandat. Elle s’est inquiétée des informations reçues par le Comité indiquant que le Mexique n'a pas nommé le nouveau Président du CONAPRED, ce qui a affaibli l'institution.
Mme Tlakula a ensuite demandé des statistiques sur le nombre de cas de discrimination raciale signalés à la police, le nombre de personnes ayant fait l'objet d'une enquête et le nombre d'auteurs [de tels actes] qui ont été poursuivis et condamnés.
Le Comité a reçu des informations indiquant qu’un nombre disproportionné de personnes autochtones et d'ascendance africaine sont en détention provisoire dans le pays ; que, dans la pratique, le système judiciaire mexicain ignore la culture des peuples autochtones et finit par imposer des mesures punitives injustes telles que la détention préventive, qui affecte de manière disproportionnée les femmes autochtones ; et que les peuples autochtones déplacés continuent de faire l'objet de discrimination et de racisme dans le système de justice pénale et sont souvent soumis à des représailles et à des attaques, y compris des assassinats, a ajouté l’experte. Dans ce contexte, elle a voulu savoir combien le pays comptait de juges parmi les personnes autochtones et d'ascendance africaine.
L’experte a aussi demandé des informations sur l'état d'avancement des efforts qui ont été déployés pour reconnaître, respecter et renforcer le système judiciaire autochtone.
Mme Tlakula a en outre souligné que le Comité avait reçu des informations faisant état de profilage racial de la part de l'Institut national des migrations et de la Garde nationale, visant les Noirs, les métis, les peuples autochtones et les Afro-Mexicains aux points de contrôle de l'immigration dans tout le pays.
L’experte s’est enquise des mesures prises pour empêcher la diffusion, sur les plates-formes publiques et les médias sociaux, de messages qui favorisent la propagation de la haine raciale, des stéréotypes et des préjugés à l'encontre des peuples autochtones, des personnes d'ascendance africaine et des migrants.
Mme Tlakula a demandé des informations sur l’enquête concernant l’assassinat de Samir Flores Soberanes, qui s'opposait à la réalisation du projet intégral de Morelos – un projet énergétique qui affecte les droits des peuples autochtones sur leurs terres et leurs ressources.
D'après les informations que le Comité a reçues, les Afro-Mexicains ont indiqué à plusieurs reprises qu'ils ne devaient pas être traités comme des autochtones et ont refusé de participer aux activités relatives aux peuples autochtones, a par la suite relevé l’experte. Elle a souhaité connaître les mesures prises pour promulguer des lois et adopter des politiques qui permettront aux Afro-Mexicains d'exercer leurs droits économiques, sociaux et culturels de plein droit. La rapporteuse s’est inquiétée des informations reçues par le Comité indiquant que la plupart des Afro-Mexicains vivent encore dans la pauvreté, souvent dans des communautés rurales isolées où les services d'assainissement, de santé ou d'éducation sont négligeables, et qu'en général, les Afro-Mexicains sont toujours rabaissés et relégués au plus bas échelon de l'échelle sociale. Elle s’est dès lors enquise des mesures spéciales prises pour lutter contre la discrimination raciale structurelle à l'égard des Afro-Mexicains.
Mme Tlakula a aussi demandé des informations sur les mesures prises pour garantir que les femmes autochtones et les femmes afro-mexicaines aient un accès adéquat à l'emploi, à l'éducation et aux soins de santé, y compris à des services de santé sexuelle et reproductive adaptés à la culture et à des soins humains, interculturels et sûrs pendant la grossesse, l'accouchement et la période post-partum.
Mme Tlakula a également relevé que selon l'enquête sur les personnes incarcérées, le nombre de femmes qui s'identifient comme autochtones et qui sont en prison a considérablement augmenté, passant de 426 en 2016 à 1734 en 2021. L’experte a souhaité connaître les raisons de cette augmentation.
Mme Tlakula a ensuite demandé des informations détaillées au sujet des enquêtes relatives à des affaires de violations et de représailles à l’encontre des défenseurs des droits de l'homme. Elle a également souhaité connaître les mesures de protection accordées à ces défenseurs et a relevé qu’en 2021, Global Witness considérait le Mexique comme le pays ayant enregistré le plus grand nombre d'assassinats de défenseurs de la terre et de l'environnement, dont 40% appartenaient à des peuples autochtones.
MME CHINSUNG CHUNG, corapporteuse du groupe de travail du Comité chargé de l’examen du rapport du Mexique, a souligné qu’il existe encore au Mexique diverses violations contre les peuples autochtones, ce qui témoigne d'une discrimination raciale profondément enracinée.
Évoquant le projet de modification des dispositions de la Constitution politique du Mexique qui a été annoncé afin d'assurer la protection et la reconnaissance des peuples autochtones, elle a fait observer que d'après les informations reçues, ce projet semble avoir laissé de côté certaines questions importantes liées à la reconnaissance des droits des peuples autochtones sur les terres, les territoires et les ressources qu'ils ont traditionnellement possédés ou occupés, ainsi que les questions liées à leur représentation politique.
L’experte a en outre souhaité savoir comment le Gouvernement ou les autorités locales identifient les peuples autochtones pour la mise en œuvre de programmes de consultation ou d'autres programmes.
Elle a relevé que selon plusieurs rapports, les peuples autochtones du Mexique sont soumis au racisme structurel, à la discrimination, à l'exploitation et à l'inégalité.
Mme Chung s’est ensuite enquise des résultats de la mise en œuvre du Programme spécial en faveur des peuples autochtones et afro-mexicains 2021-2024 et du Programme institutionnel (2020-2024) de l’Institut national des peuples autochtones.
Selon le Conseil national pour l'évaluation des politiques de développement social, en 2020, une proportion de 73,2% de la population autochtone du Mexique a connu une pauvreté multidimensionnelle, a poursuivi l’experte. Le rapport d'évaluation de la politique de développement social 2022 préparé par ce Conseil national a souligné que la pauvreté et l'extrême pauvreté parmi les peuples autochtones sont en augmentation, a-t-elle relevé.
L’experte a également souligné que selon l'Institut national pour l'évaluation de l'éducation du Mexique, la population autochtone et les personnes qui parlent une langue autochtone ont un taux d'analphabétisme plus élevé et un niveau de scolarisation plus faible. Dans ce contexte, elle s’est enquise des efforts déployés pour améliorer les résultats scolaires des populations autochtones et améliorer la scolarisation des enfants autochtones.
Mme Chung a aussi relevé que les résultats d'une enquête montrent qu'un grand nombre de personnes autochtones sont victimes de violence et de discrimination sur le lieu de travail. Les femmes autochtones qui travaillent comme domestiques sont confrontées à des conditions de travail précaires et sont plus exposées au risque d'exploitation et de discrimination, s’est-elle inquiétée.
Elle a aussi relevé que ce sont les peuples autochtones qui portent le fardeau disproportionné de la dégradation écologique et des changements climatiques.
Il existe de nombreux cas de déplacements internes de populations autochtones causés par des plans de développement et des projets liés à l'exploitation minière, à l'exploitation forestière, à l'extraction d'hydrocarbures, à la construction de barrages et au tourisme, a aussi déploré l’experte. Elle a souhaité savoir si le Mexique a pris des mesures concrètes pour prévenir le déplacement interne des peuples autochtones et pour sauvegarder et protéger leurs droits. Mme Chung a également relevé que, selon des informations reçues par le Comité, les déplacements sont appliqués dans un contexte de corruption, de marginalisation, d'impunité et d'absence de mécanismes d'accès à la justice et que les déplacements forcés sont souvent liés à des groupes paramilitaires articulés avec les structures de pouvoir municipales, étatiques et fédérales. Mme Chung s’est enquise des progrès accomplis dans la reconnaissance et la protection des terres, des territoires et des ressources que les peuples autochtones ont traditionnellement possédés, occupés, utilisés ou acquis.
L’experte a indiqué qu’au cours de la période 2019-2021, le Gouvernement fédéral et les gouvernements des États fédérés ont lancé à travers tout le pays des mégaprojets affectant les territoires des peuples autochtones. Bien que l'État partie ait mené des consultations, les peuples autochtones concernés se sont dit préoccupés par le fait que ces processus de consultation n’étaient pas conformes aux normes internationales minimales, s’est inquiétée l’experte.
Mme Chung a relevé qu’il existe de nombreux cas de violations des droits de l'homme commises par des entreprises et a demandé des informations sur ces affaires.
L’experte a par la suite rappelé que les États-Unis sont la principale destination des migrations internationales et que le corridor mexicain est dans ce contexte le plus grand point de passage au monde. Elle a demandé s’il existait des statistiques – agrégées par pays d'origine et durée du séjour – concernant les migrants, les demandeurs d'asile et les réfugiés au Mexique. L’experte a en outre souhaité savoir si les demandeurs d'asile ont accès à l'aide juridictionnelle et au droit de faire appel [des décisions prises concernant leur demande d’asile]. Elle a rappelé que le Comité des droits de l'homme s'est déclaré préoccupé par les allégations récurrentes faisant état de violations subies par les migrants – en particulier ceux en situation irrégulière – et notamment de cas de torture et de traitements cruels, inhumains et dégradants, de disparitions forcées, d'extorsion, de traite, de meurtres et d’autres crimes. L’experte a également demandé à la délégation de fournir des informations sur les enquêtes menées sur les disparitions forcées de migrants. Elle a également demandé comment les autorités avaient géré les « caravanes de migrants ».
Mme Chung a en outre déploré la militarisation de la politique d'immigration qui – a-t-elle souligné – favorise « la criminalisation de groupes de migrants, accentuant ainsi leur situation de vulnérabilité ».
L’experte a en outre relevé que le Comité des droits de l'homme s’est dit préoccupé par la récente politique migratoire mise en œuvre au Mexique qui est marquée par un recours généralisé à la détention et, souvent, à l'usage de la force par des agents de l'État.
Mme Chung a par ailleurs souligné que des organisations de la société civile, dont Amnesty International et Intersecta, ont recueilli des informations sur des cas d'agressions, de détentions arbitraires, de torture et d'autres mauvais traitements, d'expulsions massives et de pratiques discriminatoires qui portent atteinte aux droits fondamentaux des demandeurs d'asile haïtiens et à leur accès à la protection internationale dans divers pays des Caraïbes et d'Amérique latine, dont le Mexique.
Un expert a fait part de ses préoccupations s’agissant du recours disproportionné à la détention préventive au Mexique.
Des inquiétudes ont été exprimées s’agissant des pratiques discriminatoires généralisées dans le domaine de la migration, ainsi que du recours généralisé au profilage racial par les forces de l’ordre.
Une experte s’est inquiétée du racisme à l’encontre des personnes d’ascendance africaine au Mexique et a souhaité savoir comment les autorités luttaient contre ce phénomène. Elle s’est en outre enquise des actions entreprises par le Mexique dans le cadre de la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine.
Un expert s’est inquiété de l’assassinat d’une cinquantaine de défenseurs des droits de l’homme au Mexique. Il a en outre souhaité savoir si les organisations de la société civile avaient été consultées dans le cadre de la rédaction du rapport [examiné ici].
La délégation a par ailleurs été priée de fournir des données ventilées concernant la population carcérale au Mexique.
Réponses de la délégation
La délégation a indiqué que le Conseil national pour la prévention de la discrimination (CONAPRED) avait bien à sa tête une Présidente, désignée en 2022 et issue de la population autochtone. S’agissant du renforcement de ce Conseil, la délégation a fait valoir que son budget a été augmenté et que les règles instituant la désignation de ses membres ont été revues afin d’élargir la possibilité pour les personnes issues des populations autochtones d’y siéger.
La délégation a par ailleurs indiqué que la loi fédérale relative à la prévention et à l'élimination de la discrimination était en train d’être amendée afin d’aboutir à une nouvelle loi conforme aux dispositions des conventions internationales ratifiées par le pays. Cette nouvelle loi vise notamment à renforcer les mécanismes de protection. Elle prévoit notamment que le CONAPRED puisse prendre des sanctions proportionnées lorsqu’il constate des pratiques discriminatoires. Elle vise en outre à élargir les motifs de discrimination prohibés, en y incluant notamment les caractéristiques sexuelles ou le statut de réfugiés. Ce projet est toujours à l’examen, a précisé la délégation.
La délégation a ensuite indiqué que les 32 entités fédératives que compte le Mexique disposent d’une législation antidiscrimination. Toutefois, toutes n’ont pas intégré l’ensemble des motifs de discrimination, ce qui nécessite un processus d’harmonisation entre toutes ces entités, a reconnu la délégation. Par ailleurs, les autorités veillent à ce que toutes les entités fédératives se dotent d’un mécanisme de prévention de la discrimination.
L’Institut national des peuples autochtones, créé en 2018, vise à soutenir les peuples autochtones dans toute une série de domaines, notamment pour ce qui concerne la justice et les processus de consultation.
S’agissant des statistiques, plus de 23 millions de personnes se désignent comme « autochtones », a indiqué la délégation. Les données montrent que la situation des peuples autochtones s’est sensiblement améliorée au Mexique ces dernières années, a-t-elle ajouté.
De nombreuses données ventilées recueillies dans le cadre du recensement permettent de prendre des mesures spécifiques en faveur des peuples autochtones et des personnes d’ascendance africaine, a souligné la délégation.
Les plans de justice sont des instruments dont l’objectif est de comprendre les peuples autochtones et ils sont élaborés en coopération avec ces peuples, a ensuite expliqué la délégation. Ces plans veillent à réparer des injustices très graves commises par les autorités mexicaines à l’encontre des peuples autochtones, a-t-elle ajouté. L’objectif est de réparer des erreurs commises dans le passé, a-t-elle insisté. Ainsi, de nombreuses terres ont été rendues dans ce contexte aux communautés autochtones, a précisé la délégation.
La délégation a présenté une série de mesures – notamment le recours à des interprètes en langues autochtones – visant à assurer l’accès à la justice pour les personnes autochtones.
L’Institut fédéral de la défense publiquedispose de certains pouvoirs institutionnels pour protéger les personnes autochtones ou les personnes d’ascendance africaine, a également souligné la délégation. Le personnel qui travaille au sein de cet Institut peut prodiguer des conseils juridiques en langues autochtones.
La délégation a ensuite présenté une série de mesures et de programmes visant à améliorer la situation socioéconomique des populations autochtones. Elle a également présenté plusieurs programmes visant à soutenir la médecine traditionnelle.
La délégation a aussi attiré l’attention sur les mesures prises par les autorités afin d’améliorer l’accès des jeunes autochtones à l’université, notamment grâce à l’octroi de bourses.
S’agissant des déplacements forcés de populations autochtones, la délégation a indiqué que cette question était une source de préoccupation des autorités mexicaines. Un projet de loi est toujours à l’examen s’agissant de cette question, a-t-elle précisé, avant de souligner qu’un certain nombre de mesures ont été prises en soutien aux personnes autochtones déplacées. La Cour suprême a publié un manuel sur les déplacements qui reprend les normes et procédures à respecter dans le cadre de ces affaires, a ajouté la délégation.
La délégation a par ailleurs indiqué que les autorités avaient mis en œuvre plusieurs mécanismes de consultation avec les autorités traditionnelles pour divers projets dans le pays. Différents accords ont été conclus dans le cadre de ces mécanismes.
La délégation a par ailleurs fait savoir que l’État reconnaît déjà la personnalité juridique des peuples autochtones et afro-mexicains.
La délégation a ensuite présenté d’autres mesures spécifiques prises par les autorités afin de faciliter l’accès à l’emploi pour les jeunes autochtones, notamment dans le secteur de la pêche. Toutes ces mesures sont prises dans le respect des traditions et de la culture autochtones, a assuré la délégation.
La délégation a d’autre part indiqué que l’État mexicain avait adopté différents programmes visant à parvenir à l’égalité entre les hommes et les femmes. Ces programmes sont tout particulièrement destinés aux femmes autochtones, a-t-elle précisé.
S’agissant de la participation politique, des mesures constructives et affirmatives ont été prises afin de permettre la participation des femmes autochtones, a ajouté la délégation. Ces mesures ont permis l’élection de femmes afro-mexicaines et autochtones au Parlement lors des dernières élections, a-t-elle indiqué.
En février dernier, une initiative de réforme constitutionnelle a été lancée par le Président mexicain afin de reconnaître les juridictions autochtones dans le cadre juridique existant, a par ailleurs souligné la délégation.
L’objectif de cette initiative est de reconnaître le caractère multiethnique de la société mexicaine, a par la suite souligné la délégation, rappelant que cette réforme prévoit notamment la reconnaissance des juridictions autochtones et la protection du patrimoine culturel des peuples autochtones. Le droit d’accès à la terre est aussi reconnu dans ce projet, a-t-elle ajouté. Le but est aussi de rendre les peuples autochtones et afro-mexicains beaucoup plus visibles au sein de la société et le projet reconnaît un ensemble d’obligations de l’État afin de renforcer la protection de ces populations. Une fois cette réforme constitutionnelle adoptée, le Parlement adoptera d’autres lois de mise en œuvre dans divers domaines, notamment dans celui de l’éducation, a précisé la délégation. L’objectif est que cette initiative soit adoptée le plus rapidement possible, a indiqué la délégation.
S’agissant de l’affaire Samir Flores, la délégation a indiqué que c’est à partir de cette affaire que plusieurs personnes issues des communautés autochtones ont pu obtenir plusieurs mesures de protection.
Depuis 2021, il y a eu cinq affaires concernant la discrimination raciale qui ont abouti à des condamnations, a fait savoir la délégation.
La délégation a précisé que plus de 480 plaintes pour discrimination ont été déposées depuis 2021 devant le CONAPRED, lequel redouble d’efforts pour faire connaître aux populations autochtones les procédures de dépôt de plainte.
La délégation a par ailleurs indiqué qu’en 2012, le Mexique a adopté une loi de protection des défenseurs des droits de l’homme et des journalistes menacés en raison de leurs activités, qui a permis la création d’un mécanisme de protection en la matière. Les risques sont évalués de manière exhaustive avec une perspective de genre et culturelle, a précisé la délégation. Entre 2018 et 2023, le budget de ce mécanisme a augmenté de plus de 160% et les effectifs ont eux aussi augmenté de plus de 170%, ce qui a permis d’étendre la protection sur tout le territoire, a-t-elle fait valoir. En octobre 2022, a poursuivi la délégation, un groupe de travail pour le renforcement de ce mécanisme a été créé avec des représentants du Haut-Commissariat aux droits de l’homme. Dans le cadre de la politique de prévention en la matière, la coordination entre les différentes autorités compétentes a été renforcée, a souligné la délégation, avant d’ajouter que les autorités ont redoublé d’efforts pour prévenir les violences à l’encontre des défenseurs de l’environnement. Des campagnes de sensibilisation ont par ailleurs été diffusées sur l’ensemble du territoire pour mettre en valeur l’action des défenseurs des droits de l’homme.
La délégation a indiqué que le Mexique devient petit à petit un pays de destination et de retour de migrants. Le pays s’adapte à cette nouvelle situation. Les défis sont très nombreux dans ce domaine.
Entre 2019 et 2023, le nombre de migrants dont la situation a été régularisée s’est sensiblement accru (plus de 600 000 personnes), a ensuite précisé la délégation. Depuis 2019, les Haïtiens figurent parmi les cinq nationalités les plus représentées parmi les personnes qui obtiennent un permis de séjour dans le pays pour raison humanitaire, a-t-elle souligné.
Pour renforcer l’insertion des migrants, le Mexique a mis en place plusieurs programmes, notamment dans le domaine de l’éducation, a poursuivi la délégation.
D’importantes modifications ont été apportées à la loi sur les réfugiés pour qu’elle soit conforme au droit international des droits de l’homme dans ce domaine, a en outre fait valoir la délégation. Des programmes sont mis en place avec le Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR) et d’autres organisations afin de combattre la discrimination et la xénophobie et permettre l’inclusion des réfugiés dans la société, a-t-elle ajouté.
Le Mexique a augmenté le nombre de centres d’hébergement pour les jeunes migrants ; ces centres leur offrent toutes les garanties de protection et regroupent tous les services de base, a également souligné la délégation.
La délégation a par ailleurs indiqué que les autorités mexicaines ont développé des partenariats avec des entreprises afin qu’elles favorisent l’accès au travail pour les migrants.
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