Le Comité des droits de l'homme tient une réunion informelle avec les États parties
Le Comité des droits de l'homme a tenu, cet après-midi, sa douzième réunion informelle avec les États parties au Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Le débat a essentiellement porté sur l’amélioration du fonctionnement du Comité, le retard accumulé dans l’examen des communications (plaintes) ayant suscité des interrogations.
Mme Photini Pazartzis, Présidente du Comité, a ouvert la séance en présentant d’abord le travail réalisé par le Comité depuis la dernière réunion avec les États parties, en juillet 2019, et pendant la pandémie de COVID-19. À ce jour, a ensuite fait savoir la Présidente, 41 rapports d'États parties sont en attente d'examen. S’agissant des communications individuelles (plaintes) au titre du premier Protocole facultatif se rapportant au Pacte, l'arriéré ne cesse de croître, a ajouté Mme Pazartzis : le nombre d'affaires en instance devant le Comité était de 746 à la fin de 2018 et de 1193 à la fin de 2020.
Le Comité est disposé à examiner davantage de communications pendant ses sessions, a assuré la Présidente, mais il reste confronté, pour ce faire, au manque des ressources du Secrétariat. À moins d'une augmentation de la capacité du Secrétariat à traiter les communications, la capacité du Comité à éponger l’arriéré restera sérieusement compromise, a fait remarquer la Présidente.
Mme Vasilka Sancin, Vice-Présidente du Comité, a évoqué des mesures prises par le Comité pour faciliter le travail des États, notamment la procédure simplifiée d’examen des rapports. Pour sa part, M. Christopher Arif Bulkan, également Vice-Président du Comité, a donné des précisions sur les communications reçues par le Comité au titre du Protocole facultatif, avant d’évoquer l’impact potentiellement positif de la numérisation des travaux.
Plusieurs États parties au Pacte ont pris part au débat avec le Comité : Maroc, Égypte, Paraguay, Guatemala, Angola, Canada, Mexique, Luxembourg et Haïti. Leurs représentants se sont interrogés sur les raisons pour lesquelles le nombre des communications avait tant progressé. D’une manière générale, ont dit les délégations, il faut renforcer le système des organes conventionnels : à cet égard, elles ont jugé positives l’adoption d’un calendrier prévisible pour l’examen des rapports, ainsi que la numérisation des documents dont les États ont besoin.
Des experts du Comité ont relevé que le nombre de plaintes reçues par le Comité s’expliquait, entre autres, par la volonté de certaines victimes de donner à leur démarche une dimension universelle, qui fait défaut lorsqu’elles s’adressent à des organes régionaux. Plus de la moitié des plaintes traitées par le Comité concernent des personnes piégées par des conflits, et la situation à cet égard n’a fait qu’empirer, a fait remarquer un autre expert.
Lors d’une réunion publique qui se tiendra mercredi 27 juillet aux alentours de 17 heures, le Comité mettra un terme aux travaux de sa cent trente-cinquième session, qui avait commencé le 27 juin dernier.
Aperçu des déclarations
Présentations
MME PHOTINI PAZARTZIS, Présidente du Comité des droits de l’homme, a déclaré que la réunion serait consacrée à une présentation du travail du Comité depuis la dernière réunion avec les États parties, en juillet 2019.
Tout au long de la pandémie de COVID-19, a ainsi fait savoir la Présidente, le Comité a accompli des réalisations remarquables au cours des dialogues tenus en ligne avec la Finlande, le Kenya et le Togo ; l’adoption de 247 communications individuelles ; la publication d’une déclaration de fond sur les dérogations au Pacte pendant la pandémie ; l’adoption de l'Observation générale n° 37 sur le droit de réunion pacifique ; ou encore l’organisation d’un colloque en ligne avec la Cour interaméricaine des droits de l'homme.
À ce jour, 41 rapports d'États parties sont en attente d'examen par le Comité, a fait savoir la Présidente. S’agissant des communications individuelles (plaintes) au titre du Protocole facultatif se rapportant au Pacte, le Comité a adopté 379 décisions depuis 2019 ; 101 affaires ont été conclues en 2018, 134 en 2019 et 155 en 2020. Cependant, l'arriéré ne cesse de croître, a dit la Présidente : le nombre d'affaires en instance devant le Comité était de 746 à la fin de 2018 et de 1193 à la fin de 2020.
Si le Comité est disposé à examiner davantage de communications pendant ses sessions, il reste confronté, pour ce faire, au manque des ressources du Secrétariat. À moins d'une augmentation de la capacité du Secrétariat à traiter les communications, y compris sa capacité à appliquer des outils de technologie numérique pour la gestion des données, la capacité du Comité à éponger l’arriéré restera sérieusement compromise, a fait remarquer la Présidente.
Toujours depuis la dernière réunion en 2019, les organes de traités ont pris des mesures importantes dans le cadre des efforts visant à renforcer le système des organes de traités, a aussi fait savoir la Présidente. Lors de leur trente-cinquième réunion annuelle, en juin 2022 à New York, les présidents des organes de traités sont ainsi convenus d'établir un calendrier prévisible des examens des rapports de pays, soit un cycle de huit ans pour les examens complets, avec des examens de suivi intermédiaire ; et de renforcer la coordination entre les organes de traités pour les examens de suivi, les délais pour les soumissions des parties prenantes et la réduction des doublons.
Le Comité est conscient que la situation financière reste difficile, a ajouté Mme Pazartzis. Cependant, il attend des États membres qu'ils remplissent leurs obligations découlant des traités relatifs aux droits de l'homme qu'ils ont ratifiés. Les États doivent veiller à ce que le système des organes de traités soit financé de manière adéquate par le budget ordinaire des Nations Unies afin de lui permettre de remplir son mandat. Le système des organes de traités est un moyen professionnel et indépendant de protéger et de promouvoir les droits de l'homme, dont l'importance et la pertinence n'ont jamais été aussi grandes, a affirmé Mme Pazartzis.
MME VASILKA SANCIN, Vice-Présidente du Comité, a rappelé que le Comité avait introduit, en 2019, la possibilité pour les États parties d’utiliser la procédure simplifiée d’examen des rapports, fondée sur les listes de « points à traiter », et qui permet de supprimer une étape dans le cycle. Dix États ont renoncé à cette procédure, quelque 160 autres l’ayant acceptée. Le Comité a aussi adopté des lignes directrices sur la formulation des listes de points à traiter. Il s’est coordonné, pour l’établissement des listes concernant un certain nombre de pays, avec le Comité des droits économiques, sociaux et culturels, entre autres.
L’objectif du Comité ce faisant est de réduire la charge de travail des États, tout en assurant un même niveau de suivi. En 2022, le Comité doit examiner les rapports de 19 pays, 41 rapports étant en retard, a rappelé Mme Sancin.
S’agissant ensuite du premier Protocole facultatif, qui institue la procédure de plainte devant le Comité, M. CHRISTOPHER ARIF BULKAN, Vice-Président du Comité, a fait savoir que le Secrétariat du Comité recevait quelque 3000 plaintes par an, le Comité enregistrant environ 7 % des plaintes déposées. En 2021, le Comité a ainsi enregistré 212 affaires, à comparer aux 52 affaires reçues par le Comité contre la torture, onze par le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes ou encore cinq par le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale.
M. Bulkan a ensuite décrit la procédure de traitement des plaintes, avant d’indiquer qu’environ 50 % des décisions prises par le Comité consistaient à constater des violations des dispositions du Pacte – les autres 50 % sont des décisions d'irrecevabilité, de non-violation et de désistement. Lorsqu'il conclut à une violation, le Comité identifie des mesures de réparation personnalisée. Malheureusement, le niveau d’application des décisions du Comité reste faible et le Secrétariat ne dispose pas de ressources dédiées au suivi de la mise en œuvre des constatations du Comité.
Sur le fond, les constatations et décisions du Comité concernent avant tout des cas de déportation ou d’extradition (33 %) ; de détention arbitraire, de peine de mort et d’exécution extrajudiciaire (20 %) ; la liberté d'expression et d’assemblée (19 %) ; et les procès équitables (12 %). Le Comité reçoit plus de 200 communications individuelles chaque année, ce qui signifie que l'arriéré de cas augmente de façon exponentielle.
M. SHUICHI FURUYA, Vice-Président du Comité, a plaidé pour une numérisation urgente de la procédure de communication individuelle, le processus actuel étant dépassé, lourd et contribuant à aggraver l'arriéré. Le Comité se concentre actuellement dans trois directions : l'amélioration de la base de données interne ; la création d'un portail de soumissions électroniques ; et l'amélioration de la base de données Juris des affaires déjà adoptées.
Depuis deux ans, le Comité a tenu des réunions d'examen en ligne ou hybrides avec des délégations d’États parties et a été, ce faisant, confronté à des problèmes de connectivité, de fuseaux horaires différents et de limitation du temps de dialogue en raison de la charge de travail des interprètes. À la lumière de l'expérience de ces réunions, le Comité considère que les examens devraient, en principe, se tenir en personne pour être efficaces et efficients, a estimé le Vice-Président.
M. Furuya a toutefois relevé que les « réunions hybrides » par le biais de plateformes numériques sécurisées étaient utiles pour les petits États insulaires en développement et les pays les moins avancés confrontés à des catastrophes naturelles, par exemple.
Discussion
Dans leurs propres interventions, des États parties au Pacte ont mis en avant leur coopération avec le système des organes de traités et d’autres mécanismes des droits de l’homme des Nations Unies. Ils se sont dits engagés à respecter leurs obligations au titre du Pacte et ont présenté certaines de leurs stratégies dans ce domaine, comme l’adoption de mécanismes de suivi de l’application des recommandations du Comité.
Il faut renforcer le système des organes conventionnels et les décisions prises à New York par les présidents seront importantes dans ce contexte, a-t-il été affirmé à plusieurs reprises. Des délégations ont jugé positives l’adoption d’un calendrier prévisible pour l’examen des rapports, de même que la numérisation des documents dont les États ont besoin.
Des délégations se sont interrogées sur les raisons pour lesquelles le nombre des communications déposées devant le Comité avait tant progressé : y a-t-il augmentation du nombre des violations des droits de l’homme, ou meilleure connaissance du Comité et de sa crédibilité ? Il a été demandé si le Comité avait pris des mesures pour éviter de traiter des plaintes qui relèveraient d’autres organes de traités.
Un intervenant a tenu à remercier les membres du Comité pour le travail qu’ils ont fait pour améliorer le processus d’examen des rapports.
Des questions ont porté sur la coopération du Comité avec les organes régionaux des droits de l’homme ; et sur la manière dont le Comité avait coopéré avec la société civile pendant la pandémie.
Répondant aux questions des États parties, les membres du Comité ont précisé que le Comité entretenait un dialogue avec des juristes d’organisations régionales des droits de l’homme pour partager des points de vue et échanger des bonnes pratiques afin que, lorsqu’un État est partie à deux instruments (international et régional), il reçoive des réponses cohérentes de la part des instances saisies.
S’agissant des communications, le nombre de plaintes reçues par le Comité s’explique par, entre autres, la volonté de certaines victimes de donner à leur plainte une dimension universelle, qui fait défaut lorsqu’elles s’adressent à des organes régionaux, a relevé une experte. Plus de la moitié des plaintes traitées par le Comité concernent des personnes piégées par des conflits, et la situation à cet égard n’a fait qu’empirer, a fait remarquer un autre expert.
Il n’y a pas vraiment de doublon dans le traitement des plaintes, a assuré un autre expert, car le Comité ne traite pas de communication ayant déjà été examinée par un autre organe ou par une autre instance internationale de règlement des différends.
La Présidente a indiqué que, pendant la pandémie, le Comité était resté en contact avec la société civile grâce à internet.
M. IBRAHIM SALAMA, Chef de la branche des organes de traités au Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, a assuré que le Haut-Commissariat était conscient de la nécessité d’une bonne gestion des moyens financiers à disposition. Mais il a aussi souligné que le caractère exponentiel de la progression des plaintes exigeait un accroissement correspondant des moyens à disposition.
Une autre représentante du Haut-Commissariat a estimé que le fait de numériser le travail permettrait de résoudre un certain nombre de lacunes concernant, par exemple, le suivi des échéances. Le Haut-Commissariat dialogue avec les organes de traités pour améliorer encore le fonctionnement général du système, a-t-elle ajouté.
Un expert du Comité a regretté que le budget du groupe des requêtes ait été réduit alors même que l’arriéré ne cesse d’augmenter. Le Secrétariat doit disposer de moyens financiers et humains suffisants, a insisté un autre membre du Comité.
Pendant la discussion, il a été précisé le calendrier d’examen des rapports des États pour 2022 était déjà disponible en ligne et que, dans les prochaines semaines, les calendriers 2023 et 2024 seraient définis.
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CCPR22.020F