Le Conseil tient un dialogue de haut niveau sur la situation des droits de l’homme en République centrafricaine et engage son dialogue avec la Mission indépendante d’établissement des faits sur la Libye
Le Conseil des droits de l’homme a tenu, ce matin, un dialogue de haut niveau devant lui permettre d’évaluer l’évolution de la situation des droits de l’homme sur le terrain en République centrafricaine. Il a ensuite entamé son dialogue avec la Mission indépendante d’établissement des faits sur la Libye.
S’agissant de la République centrafricaine, la Haute-Commissaire aux droits de l’homme, Mme Michelle Bachelet, a déclaré qu’après plus de dix ans de conflit intense, il était urgent de faire progresser les droits de l’homme, la justice et une vraie réconciliation dans ce pays. Tout en saluant un certain nombre de progrès, notamment en matière d’organisation de la justice, elle a souligné que le confit qui perdure entraîne des violations des droits de l’homme par toutes les parties et a rappelé que quelque 1,4 millions de personnes ont fui leur foyer, quelque 63% de la population ayant besoin d’une aide humanitaire. Plusieurs groupes armés ont continué de perpétrer des violations graves des droits de l’homme, a-t-elle ajouté, précisant que la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine (MINUSCA) et sa Division des droits de l’homme ont recensé quelque 600 cas de violations, dont certaines très graves, par des groupes armés pourtant signataires de l’Accord de paix de 2019.
Dans sa riposte aux groupes armés, le Gouvernement procède malheureusement à des arrestations arbitraires visant certaines minorités, ce qui risque d’entraîner de nouvelles violences, a par ailleurs souligné la Haute-Commissaire. De même, l’absence de reddition de comptes pour les violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire ouvre la voie à un nouveau cycle de violence en République centrafricaine, a-t-elle mis en garde.
Ont ensuite fait des déclarations dans le cadre du dialogue de haut niveau sur la République centrafricaine : Mme Lizbeth Cullity, Représentante spéciale adjointe du Secrétaire général, Cheffe adjointe de la MINUSCA ; M. Yao Agbetse, Expert indépendant sur la situation des droits de l’homme en République centrafricaine ; M. Arnaud Djoubaye Abazene, Ministre de la justice et des droits de l’homme de la République centrafricaine ; Mme Marie Edith Douzima-Lawson, Présidente de la Commission vérité, justice, réparation et réconciliation (CVJRR) de la République centrafricaine ; M. Mohamed Bah, Représentant du Bureau de l’Union africaine en République centrafricaine ; et M. Fernand Mande Djapou, Président du Groupe de travail de la société civile sur la justice transitionnelle.
Le Ministre centrafricain de la justice et des droits de l’homme a sollicité le concours multiforme de tous les partenaires techniques et financiers de la République centrafricaine pour le retour définitif de la paix dans le pays, et a exhorté la communauté internationale à continuer d’inscrire la République centrafricaine dans son agenda.
Suite à ces présentations, de nombreuses délégations ont participé au dialogue de haut niveau*.
Présentant le rapport de la Mission indépendante d’établissement des faits sur la Libye, qu’il préside, M. Auajjar a notamment indiqué que la Mission a réussi à effectuer sa toute première visite à Benghazi et espère se rendre bientôt dans le sud de la Libye. Durant cette courte première période d’enquête, a-t-il précisé, la Mission a trouvé des preuves crédibles et fiables que de nombreuses violations et abus des droits de l’homme, violations du droit international humanitaire et crimes internationaux avaient été commis en Libye depuis 2016. La Mission a continué à concentrer ses enquêtes sur les violations les plus graves du droit international humanitaire et des droits de l’homme, et s’est concentrée sur les violations qui entravent la transition vers la démocratie et l’État de droit en Libye, a souligné M. Auajjar, avant d’ajouter que la Mission menait des enquêtes sur un certain nombre de centres de détention secrets.
Depuis le dernier rapport, a poursuivi M. Auajjar, la Mission a continué de documenter des tendances constantes de violations graves des droits de l’homme contre les migrants qui se produisent dans les centres de détention pour migrants en Libye et dans le contexte des lois libyennes qui prescrivent la détention automatique et indéfinie des personnes qui entrent dans le pays par des moyens irréguliers, contrairement aux obligations de la Libye en matière de droits humains. M. Auajjar a ensuite déploré la culture de l’impunité qui prévaut dans différentes parties de la Libye et qui entrave la transition démocratique, avant de recommander au Conseil de proroger à nouveau le mandat de la Mission.
Intervenant en tant que pays concerné, la Libye a notamment assuré qu’elle entend combattre et réduire les disparitions forcées et la détention illégale
Plusieurs délégations** ont ensuite engagé le dialogue avec M. Auajjar.
Cet après-midi, à 15 heures, le Conseil poursuivra son dialogue avec la Mission indépendante d’établissement des faits sur la Libye, avant d’engager un dialogue autour de la mise à jour orale de la Haute-Commissaire aux droits de l’homme sur la situation des droits de l’homme en Ukraine.
Dialogue de haut niveau sur la situation des droits de l’homme en République centrafricaine
Conformément à sa résolution 48/19, le Conseil tient, en cette quarante-neuvième session, un dialogue de haut niveau devant lui permettre d’évaluer l’évolution de la situation des droits de l’homme sur le terrain en République centrafricaine.
Présentations
MME MICHELLE BACHELET, Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, a déclaré qu’après plus de dix ans de conflit intense, il était urgent de faire progresser les droits de l’homme, la justice et une vraie réconciliation en République centrafricaine. Elle a salué la nomination dans le pays de deux ministres conseillers [auprès du Chef de l’État] chargés, respectivement, de la violence sexuelle et de la promotion des droits de l’homme et la bonne gouvernance. D’autres progrès sont à signaler en matière d’organisation de la justice, a-t-elle ajouté.
Le confit qui perdure entraîne des violations des droits de l’homme par toutes les parties ; quelque 1,4 millions de personnes ont fui leur foyer et 63% de la population a besoin d’une aide humanitaire, a poursuivi la Haute-Commissaire. Plusieurs groupes armés ont continué de perpétrer des violations graves des droits de l’homme, a-t-elle souligné. La Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine (MINUSCA) et sa Division des droits de l’homme ont ainsi recensé quelque 600 cas de violations, dont certaines très graves, par des groupes armés pourtant signataires de l’Accord de paix de 2019 [Accord politique pour la paix et la réconciliation en République centrafricaine, signé le 6 février 2019 à Bangui], a-t-elle précisé.
En outre, a ajouté Mme Bachelet, lors d’un incident, des membres de sociétés militaires et de sécurité privées auraient ouvert le feu sur des civils et commis des exécutions extrajudiciaires et des viols, et ils ont ensuite empêché la MINUSCA d’accéder aux lieux concernés.
Dans sa riposte aux groupes armés, le Gouvernement procède malheureusement à des arrestations arbitraires visant certaines minorités, ce qui risque d’entraîner de nouvelles violences, a par ailleurs souligné la Haute-Commissaire. De même, l’absence de reddition de comptes pour les violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire ouvre la voie à un nouveau cycle de violence en République centrafricaine, a-t-elle mis en garde.
MME LIZBETH ANNE CULLITY, Représentante spéciale adjointe du Secrétaire général, Cheffe adjointe de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine (MINUSCA), a rappelé que, dans sa présentation l'année dernière, elle avait exprimé de profondes préoccupations concernant les violations perpétrées par les parties au conflit dans le contexte du processus électoral. Malheureusement, ces violations se poursuivent en raison des attaques des groupes armés et des opérations de contre-offensive lancées par l'armée centrafricaine avec le soutien d'autres personnels de sécurité, a-t-elle déploré.
Mme Cullity s’est par ailleurs dite préoccupée par la culture d'impunité qui existe en République centrafricaine, de même que par l'augmentation des violations des droits de l'homme dans tout le pays, notamment des violences sexuelles liées au conflit, de graves violations des droits de l'enfant et, dans les régions du centre et de l'est, des viols généralisés de femmes et de filles par des éléments de groupes armés. Ainsi, a-t-elle indiqué, dans le village de Boyo, une attaque ciblée contre des musulmans, en décembre 2021, a entraîné la mort de vingt civils, le viol d'au moins cinq femmes et la destruction et l'incendie de 547 maisons. Les assaillants, composés d'anciens combattants de la milice anti-balaka, de jeunes éléments recrutés par les Forces armées centrafricaines et d'autres personnels de sécurité, ont également séquestré 700 civils dans la mosquée du village pendant trois jours.
Mme Cullity a cité des exemples du travail de la MINUSCA dans cet environnement complexe, évoquant notamment sa participation à une « plate-forme nationale des confessions religieuses » rassemblant musulmans, catholiques et protestants de la région : ce partenariat aide les chefs religieux à s'engager auprès des victimes et des populations vulnérables, à mieux comprendre les causes profondes de la violence et à concevoir des solutions locales pour les communautés locales, basées sur l'appropriation et l'inclusion.
Grâce au soutien des Nations Unies à la Commission vérité, justice, réparation et réconciliation (CVJRR), les Centrafricains pourront construire une mémoire collective, identifier les victimes et leur accorder des réparations, a poursuivi la Chef adjointe de la MINUSCA. Mais la Mission est préoccupée par la capacité de la CVJRR à accomplir ses tâches, vu l'absence de budget adéquat et les retards dans l'obtention de bureaux et de capacités administratives, a-t-elle souligné.
Mme Cullity a elle aussi salué la nomination par le Président de la République centrafricaine de ministres conseillers chargés de la violence sexuelle et des droits de l’homme et la bonne gouvernance, ce qui démontre un engagement envers les droits de l'homme et la justice transitionnelle au plus haut niveau de l’État. Mme Cullity a aussi salué le fait que, informé de l'utilisation d'enfants par des membres du personnel de sécurité, le Chef de l'État ait immédiatement envoyé une délégation pour vérifier la situation et prévenir cette pratique.
M. Yao AgBetse, Expert indépendant sur la situation des droits de l’homme en République centrafricaine, a indiqué que lors de sa visite dans le pays en février dernier, il a été porté à sa connaissance que la réduction de la capacité de nuisance des groupes armés – UPC, 3R, ex-Seleka, anti-balaka, notamment – ne les a pas empêchés de continuer à faire peser sur la population des menaces et des exactions. Ces groupes poursuivent leurs violations des droits des populations civiles, leurs incursions expéditives de jour et de nuit dans les villages et leurs collectes illégales de taxes sur les routes, a regretté l’Expert indépendant, avant de souligner que les auteurs des violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire seront, tôt ou tard, tenus responsables de leurs actes.
M. Agbetse a expliqué avoir « reçu plusieurs témoignages concordants faisant état d’exactions commises par les forces bilatérales russes sur des populations civiles », notamment des violences sexuelles, des actes d’intimidation, des destructions d’habitations, ainsi que des actes de torture, de traitements cruels, humiliants, inhumains et dégradants, y compris sur des dépositaires locaux de l’autorité de l’État dans l’arrière-pays. « Par ailleurs, les forces bilatérales russes font parfois obstruction à la conduite d’enquêtes dans certains endroits où des violations des droits de l’homme auraient été commises », a ajouté l’Expert indépendant. Il a estimé qu’il est urgent « que des mesures idoines soient prises, à bref délai, pour mettre un terme à ces violations des droits des populations civiles, à des tensions latentes ou ouvertes entre les alliés russes et les forces de défense et de sécurité centrafricaines, et à toutes les entraves aux opérations de la MINUSCA et des humanitaires ».
M. Agbetse a par ailleurs rappelé le dialogue républicain qui s’est tenu à Bangui du 21 au 27 mars 2022 et a appelé les autorités centrafricaines à mettre en œuvre, sans délai, les recommandations formulées à cette occasion, à poursuivre le dialogue avec tous les acteurs, y compris ceux qui n’ont pas participé au dialogue républicain, et à s’abstenir de toute initiative qui pourrait plonger à nouveau le pays dans l’incertitude et la violence. L’Accord de paix doit être relancé, a-t-il plaidé. « J’ai la ferme conviction que c’est par le dialogue et des décisions politiques consensuelles et responsables que la République centrafricaine sortira de la situation critique actuelle », a-t-il conclu.
M. Arnaud Djoubaye Abazene, Ministre de la justice et des droits de l’homme de la République centrafricaine, a souligné que la République centrafricaine est partie à la quasi-totalité des instruments juridiques internationaux et régionaux des droits de l’homme. Il a rappelé les engagements sincères pris par le Président de la République après son accession à la magistrature suprême, qui ont permis l’obtention de résultats majeurs en termes de sécurité, de paix et de restauration de l’autorité de l’État.
En matière de sécurité et de réconciliation, a poursuivi le Ministre, l’accent a surtout été mis sur la restructuration de nos forces de défense et de sécurité, par l’adoption et la promulgation d’une loi de programmation militaire (2019-2023) porteuse de grandes réformes, notamment les recrutements massifs et pluriethniques. Le Ministre a également attiré l’attention sur le redéploiement progressif de l’administration judiciaire, pénitentiaire et civile sur la quasi-totalité du territoire national.
Le Gouvernement poursuit la mise en œuvre de l’Accord politique pour la paix et la réconciliation et travaille à la stricte application des recommandations issues de l’atelier de redynamisation dudit Accord, a d’autre part souligné le Ministre centrafricain de la justice et des droits de l’homme. Le Dialogue républicain qui s’est tenu à Bangui la semaine dernière a jeté les jalons d’une réconciliation gage d’une paix durable, a-t-il ajouté.
Par ailleurs, le Gouvernement poursuit inlassablement son combat contre l’impunité, a souligné le Ministre, indiquant notamment qu’une suite judiciaire est en cours au sujet du rapport de la Commission d’enquête spéciale à l’effet de faire la lumière sur les allégations de violations des droits de l’homme révélées l’année dernière par la Division des droits de l’homme de la MINUSCA. De même, le Gouvernement a instruit l’ouverture d’enquêtes judiciaires suite à de nombreux cas présumés de violations des droits de l’homme perpétrées à l’intérieur du pays. En outre, les membres de la CVJRR sont légalement investis dans leurs fonctions et n’attendent que la logistique nécessaire pour que cette Commission se rende opérationnelle, a souligné le Ministre, avant d’ajouter que le Gouvernement est à pied d’œuvre pour la mise à disposition d’un immeuble adéquat devant servir de siège permanent à la Commission. Les comités locaux de paix et réconciliation s’évertuent à renforcer le processus. Quant à la Cour pénale spéciale, elle est déjà rentrée dans sa phase opérationnelle avec la clôture de certains dossiers d’enquête et tiendra sa première audience au mois d’avril prochain.
La politique nationale des droits de l’homme, dont le processus d’élaboration a déjà été amorcé, constitue une priorité majeure du Gouvernement centrafricain, a assuré le Ministre, assurant que le Gouvernement ne ménagerait aucun effort pour son adoption « d’ici peu ».
Quant aux violences sexuelles liées au conflit, le Gouvernement les condamne fermement et prend des mesures pour protéger et accompagner les victimes, a indiqué le Ministre. Le pays s’est récemment doté d’une stratégie nationale de lutte contre les violences basées sur le genre, le mariage d’enfants et les mutilations génitales féminines ainsi que d’une stratégie de lutte contre le mariage d’enfants, a-t-il précisé.
Enfin, le Ministre a sollicité le concours multiforme de tous les partenaires techniques et financiers de la République centrafricaine pour le retour définitif de la paix dans le pays. Le Gouvernement exhorte la communauté internationale à continuer d’inscrire la République centrafricaine dans son agenda et à accorder davantage une attention particulière aux victimes, a-t-il conclu.
MME MARIE EDITH DOUZIMA-LAWSON, Présidente de la Commission vérité, justice, réparation et réconciliation (CVJRR) de la République centrafricaine, a fait savoir que 87% des Centrafricains pensaient que la paix durable dépendait de la punition des responsables de violations des droits de l’homme, et qu’au moins 80% étaient contre toute amnistie. La population souhaite aussi connaître la vérité sur tous les événements douloureux qui ont marqué l’histoire du pays, et souhaite que des réparations soient accordées.
Lors d’un forum national tenu à Bangui en mai 2015, les représentants de toutes les forces vives de la nation ont adopté des recommandations fortes qui font de la lutte contre l’impunité une impérieuse nécessité pour sortir de manière durable le pays des crises à répétition, a rappelé Mme Douzima-Lawson. Ces assises ont aussi exigé la création d’un mécanisme de justice transitionnelle – d’où la naissance de la Commission vérité, justice, réparation et réconciliation (CVJRR), a-t-elle ajouté, précisant que le mandat de la Commission, le profil et le statut de ses membres, entre autres, ont fait l’objet de consultations auprès de la population.
La Commission a été créé en 2020 : elle doit situer les responsabilités sur les graves événements nationaux depuis 1959 jusqu’en 2019, soit une période de soixante ans, a expliqué la Présidente de la CVJRR. Cette Commission devra établir la vérité, rechercher la justice, rétablir la dignité des victimes et faire au Gouvernement des propositions visant la réparation. Ce faisant, la Commission est confrontée à plusieurs difficultés, dont l’absence de locaux et le manque de personnels et de moyens financiers. Cela ne l’a pas empêchée de commencer ses travaux, à commencer par la rédaction de son programme de travail et des échanges d’expériences avec d’autres pays africains. En conclusion, Mme Douzima-Lawson a appelé la communauté internationale à poursuivre le soutien au renforcement des capacités des membres de la Commission.
M. MOHAMED BAH, Représentant du Bureau de l’Union africaine en République centrafricaine, a déclaré que « loin d’être un chemin facile, le processus de paix et de réconciliation en République centrafricaine se révèle complexe et multiple, au cœur d’un environnement imprévisible qui rend le défi sécuritaire persistant, en raison de la menace posée par les groupes armés, la porosité des frontières, la circulation illicite et la prolifération des armes légères et de petit calibre, avec son lot de conséquences qui traduisent de graves violations des droits humains, du droit humanitaire international ainsi que de l’avènement de phénomènes nouveaux, caractérisés notamment par l’introduction de mines antipersonnel, en violation de la Convention d'Ottawa, ou de la participation d’éléments étrangers armés dans les affrontements ».
Ces violations contrastent avec les efforts en cours pour la paix et la réconciliation durables, a ajouté M. Bah. Il a notamment salué le transfert et la comparution il y a quelques jours du leader d’une des factions anti-balaka devant les juges de la Cour pénale internationale. L’un des développements positifs de la mise en œuvre de l’Accord politique pour la paix et la réconciliation est le lancement des consultations populaires nationales, en juin 2019, pour faire l’inventaire des faits à couvrir par la CVJRR, donnant ainsi une légitimité populaire au dispositif de justice transitionnelle, a souligné M. Bah.
La sécurité est une condition indispensable pour la paix et le respect des droits de l'homme en République centrafricaine, a également rappelé M. Bah. La Commission, dans ce contexte, sera confrontée à de nombreuses difficultés, au premier rang desquelles se trouve la persistance de l’insécurité dans certaines régions du pays, a-t-il déclaré. Il est difficile d’entrevoir des garanties de non-répétition dans un contexte de conflit et d'insécurité du fait de la persistance des actions de certains groupes armés, a insisté M. Bah.
M. Fernand Mande Djapou, Président du Groupe de travail de la société civile sur la justice transitionnelle, a expliqué que la situation sur le terrain des droits de l’homme est critique depuis le coup d’État manqué, avec des violations commises par l’ensemble des groupes armés. Le pays connaît une recrudescence des assassinats ciblés et de l’enrôlement d’enfants, a-t-il souligné.
M. Djapou a ensuite dénoncé le manque d’accès à la justice pour les victimes. Des services de base pour la population font également défaut, a-t-il ajouté, notamment pour ce qui est de l’accès à l’eau et à l’éducation. Il a également regretté le pillage des ressources naturelles du pays par les groupes armés.
M. Djapou a regretté que la CVJRR soit de facto sous tutelle du Gouvernement contrairement à ce que prévoit la loi organique portant création de cette Commission ; il est notamment regrettable que son siège soit dans des bâtiments gouvernementaux. La Commission doit avoir sa propre autonomie financière, a insisté M. Djapou.
Aperçu du débat
De nombreuses délégations se sont dites préoccupées par les nombreuses exactions commises contre les populations civiles en République centrafricaine par l’ensemble des groupes armés présents sur le territoire.
Plusieurs intervenants ont rappelé les engagements pris par les autorités centrafricaines en matière de lutte contre l’impunité. Une réponse ferme et crédible aux graves violations des droits de l’homme est attendue dans les meilleurs délais, a insisté une délégation. Il importe que la Cour pénale spéciale et la CVJRR soient dotées de moyens suffisants pour mettre en œuvre leurs mandats, a-t-il été souligné.
Ont été dénoncées à maintes reprises les exactions commises dans le contexte d’opérations des « soi-disant instructeurs russes » du groupe Wagner qui, a-t-il été affirmé, sont en fait des mercenaires qui, entre autres, intimident et harcèlent violemment civils, membres du personnel de maintien de la paix, journalistes, travailleurs humanitaires et membres de minorités. Plusieurs délégations ont aussi déploré la persistance d’actions d’entrave à la MINUSCA, en particulier du fait des mercenaires de Wagner.
Une délégation s’est dite troublée par les informations selon lesquelles les Forces armées centrafricaines (FACA) et les éléments du groupe Wagner continuent de cibler les communautés à prédominance musulmane. Cela augmente le risque d’une nouvelle déstabilisation régionale, a-t-elle prévenue.
Les autorités centrafricaines ont été appelées à plusieurs reprises à mettre en œuvre leurs engagements conformément à la feuille de route conjointe adoptée à Luanda le 16 septembre 2021.
La République centrafricaine devrait par ailleurs renforcer davantage les mesures prises pour prévenir le recrutement des enfants dans les conflits armés et pour améliorer la sécurité des établissements d’enseignement afin de lutter contre les pillages d’infrastructures scolaires, a-t-il été affirmé. Ont néanmoins été saluées les actions entreprises récemment afin de permettre un meilleur accès à l’éducation, y compris à l’enseignement supérieur, plus particulièrement pour les filles.
Il a en outre été demandé au Haut-commissariat aux droits de l’Homme de continuer d’apporter à la République centrafricaine l’assistance technique et financière nécessaire afin de lui permettre de renforcer la promotion et la protection des droits de l’homme et de lutter contre l’insécurité alimentaire qui sévit actuellement dans le pays.
*Liste des intervenants : Union européenne, Norvège (au nom d’un groupe de pays), Égypte, Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR), Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), Sénégal, France, Venezuela, Luxembourg, Chine, Sri Lanka, Fédération de Russie, Bénin, Maroc, Mauritanie, Soudan, États-Unis, Belgique, Royaume-Uni, Portugal, Irlande, Cameroun, Centre d'études juridiques africaines (CEJA), International Federation of ACAT (Action by Christians for the Abolition of Torture), Christian Solidarity Worldwide, Meezaan Center for Human Rights, Association Ma'onah for Human Rights and Immigration, Organisation internationale pour l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, Maat for Peace, Development and Human Rights Association.
Réponses et remarques de conclusion
MME DOUZIMA-LAWSON a dit attendre à bras ouverts les soutiens promis à la Commission qu’elle préside.
M. AGBETSE a jugé important de donner forme aux engagements de l’État contre l’impunité des auteurs de violences sexuelles pendant le conflit et pour la prise en charge des victimes de ces violences. L’Expert indépendant a demandé aux partenaires internationaux d’apporter leur appui technique et financier à la Cour pénale spéciale de même qu’à la CVJRR. Il a recommandé que la communauté internationale travaille à la sécurisation des prochaines élections locales et à la lutte contre la désinformation dans ce contexte.
MME CULLITY a assuré que la MINUSCA continuerait ses activités de suivi des violations des droits de l’homme commise par toutes les parties au conflit. Le problème de la reddition de comptes reste aigu et doit être traité par des mécanismes judiciaires et non judiciaires, a-t-elle souligné. Elle a en outre insisté sur l’importance d’organiser des consultations populaires et publiques pour prévenir la violence.
M. DJOUBAYE ABAZENE a remercié la communauté internationale, le Haut-Commissariat, la MINUSCA et l’Expert indépendant et a assuré que son pays s’employait à sanctionner les violations des droits de l’homme commises sur son territoire. Le Gouvernement centrafricain et la communauté internationale doivent collaborer étroitement pour résoudre les maux qui minent la société et expliquent la violence endémique, a recommandé le Ministre, avant d’assurer que son Gouvernement soutenait le travail de la Cour pénale spéciale. Il a de nouveau demandé à la communauté internationale de maintenir son pays dans son agenda.
MME BACHELET a jugé important de renforcer d’urgence le système de justice national pour qu’il puisse remplir sa tâche, et de poursuivre la formation des forces de sécurité. La MINUSCA discutera avec le Ministère de la justice des violations des droits de l’homme signalées, a-t-elle indiqué. La population et les victimes doivent être informées des mesures prises contre l’impunité, a-t-elle souligné. Il n’y a pas eu d’élections locales en République centrafricaine depuis 1998, a en outre fait remarquer la Haute-Commissaire. L’organisation de nouvelles élections locales serait donc un jalon important, notamment si l’on parvient à assurer la participation des jeunes et des femmes, a-t-elle indiqué.
Dialogue avec la Mission indépendante d’établissement des faits sur la Libye
Le Conseil est saisi du rapport de la Mission indépendante d’établissement des faits en Libye (A//HRC/49/4, à paraitre en français)
Présentation
M. MOHAMED AUAJJAR, Président de la Mission indépendante d’établissement des faits sur la Libye , a indiqué que la Mission a réussi à effectuer sa toute première visite à Benghazi et espère se rendre bientôt dans le sud de la Libye. Cela s’inscrit dans le cadre de l’approche inclusive et équilibrée adoptée par la Mission pour atteindre toutes les régions de la Libye et enquêter sur toutes les violations sans discrimination, a-t-il souligné.
M. Auajjar a rappelé que le Conseil a confié à cette Mission un vaste mandat : il s’agit de documenter les violations et les abus présumés du droit international des droits de l’homme et du droit international humanitaire commis par toutes les parties en Libye depuis 2016. Durant cette courte première période d’enquête, a-t-il indiqué, la Mission a trouvé des preuves crédibles et fiables que de nombreuses violations et abus des droits de l’homme, violations du droit international humanitaire et crimes internationaux avaient été commis en Libye depuis 2016.
La Mission a continué à concentrer ses enquêtes sur les violations les plus graves du droit international humanitaire et des droits de l’homme, et s’est concentrée sur les violations qui entravent la transition vers la démocratie et l’État de droit en Libye, a précisé le Président de la Mission. Il a expliqué que la Mission menait des enquêtes sur un certain nombre de centres de détention secrets, y compris des réseaux d’établissements prétendument contrôlés par des milices armées, et des prisons qui ont été déclarées fermées mais qui seraient toujours en activité.
Depuis le dernier rapport, a indiqué M. Auajjar, la Mission a continué de documenter des tendances constantes de violations graves des droits de l’homme contre les migrants qui se produisent dans les centres de détention pour migrants en Libye et dans le contexte des lois libyennes qui prescrivent la détention automatique et indéfinie des personnes qui entrent dans le pays par des moyens irréguliers, contrairement aux obligations de la Libye en matière de droits humains.
M. Auajjar a ensuite déploré la culture de l’impunité qui prévaut dans différentes parties de la Libye et qui entrave la transition démocratique.
M. Auajjar a enfin recommandé au Conseil de proroger à nouveau le mandat de la Mission, ce qui permettra de surveiller et de documenter les violations des droits de l’homme tout au long de la période des élections, et de mener une enquête plus complète sur toutes les violations des droits de l’homme et du droit humanitaire international commises depuis 2016.
Pays concerné
La délégation de la Libye a d’abord rappelé que la Libye avait elle-même demandé, il y a près de deux ans, la création d'une commission d'enquête internationale et son envoi dans le pays, signe clair de son engagement pour les droits de l'homme et pour surmonter les défis auxquels sont confrontées les autorités nationales dans ce domaine.
La Libye entend combattre et réduire les disparitions forcées et la détention illégale : les autorités compétentes prennent des mesures importantes pour mettre fin à ces cas, y compris par la surveillance des centres de détention, a par ailleurs assuré la délégation. D’autre part, a-t-elle ajouté, les autorités poursuivent leurs efforts pour assurer le respect des droits de l'homme et des règles relatives au traitement des détenus dans les établissements de correction et de réinsertion. Quant à l'existence de violations liées à des disparitions forcées et à des actes de torture, la position des autorités nationales est de criminaliser ces actes, de les prévenir et d’en poursuivre les auteurs, a indiqué la délégation libyenne.
Les autorités libyennes déploient aussi de grands efforts pour faire face au phénomène de l'immigration clandestine et aux violations auxquelles les immigrés sont exposés du fait de bandes criminelles que la Libye s’efforce d’éliminer, a également souligné la délégation. Elle a fait observer que son pays, comme d'autres, avait le droit de réglementer l'entrée et le séjour des étrangers sur son territoire, y compris en criminalisant l'infiltration et le séjour illégal.
Aperçu du débat
Pendant le débat, plusieurs intervenants ont insisté sur l'obligation de rendre des comptes pour les violations des droits de l'homme et du droit international humanitaire commises par toutes les parties en Libye, notamment les violences sexuelles et sexistes ainsi que les violences à l'encontre des militants, des défenseurs des droits des femmes et des migrants. La Mission a établi que certaines de ces violations graves peuvent s'apparenter à des crimes de guerre, a-t-il été relevé.
D’autre part, il a été affirmé que l'implication de mercenaires en Libye y avait créé un environnement d'impunité. Toutes les possibilités doivent être explorées pour faire pression sur les puissances étrangères qui continuent à financer les mercenaires en Libye afin d’obtenir leur départ, a-t-il été demandé.
D’aucuns ont souligné que l'objectif principal de la Mission d'enquête était de soutenir les efforts des institutions libyennes pour prévenir les violations des droits de l'homme, lutter contre l'impunité et promouvoir les droits de l'homme. Quant au Haut-Commissariat aux droits de l'homme, il doit fournir un soutien technique et renforcer les capacités des institutions libyennes, y compris des organismes chargés de l'application des lois et de la justice, afin de contribuer à la justice transitionnelle et à la réconciliation nationale, a-t-il été ajouté.
Les autorités libyennes, de même que toutes les parties au conflit, doivent coopérer pleinement avec la Mission indépendante d’établissement des faits et il faut que la société civile puisse interagir avec la Mission sans crainte de représailles, ont plaidé plusieurs intervenants.
Il a été espéré que la gestion de la situation par le Conseil serait à la mesure des évolutions positives en Libye, et qu’elle se ferait dans le respect des choix du peuple libyen.
**Liste des intervenants : Finlande (au nom d’un groupe de pays), Union européenne, Côte d’Ivoire (au nom du Groupe africain), Maroc (au nom du Groupe arabe), Luxembourg, Allemagne, Italie, Qatar, Égypte et Iraq.
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HRC22.054F