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Le Conseil des droits de l’homme dialogue avec le Rapporteur spécial sur le logement convenable et débat de la situation des droits de l’homme au Bélarus

Compte rendu de séance

 

Le Conseil des droits de l’homme a tenu ce matin un dialogue avec le Rapporteur spécial sur le logement convenable en tant qu’élément du droit à un niveau de vie suffisant ainsi que sur le droit à la non-discrimination à cet égard, M. Balakrishnan Rajagopal, avant d’engager son dialogue sur le rapport de la Haute-Commissaire aux droits de l'homme, Mme Michelle Bachelet, concernant la situation des droits de l'homme au Bélarus à la veille et au lendemain de l’élection présidentielle de 2020.

Présentant son rapport, qui traite de ségrégation spatiale et du droit à un logement convenable, M. Rajagopal a indiqué que la ségrégation spatiale peut être entendue comme une séparation choisie ou imposée de groupes de personnes dans un territoire particulier en fonction de la race, de la caste, de l’origine ethnique, de la langue, de la religion, du handicap ou de tout autre statut. La ségrégation spatiale constitue un sujet de grande préoccupation en termes de jouissance, sur un pied d’égalité, des droits de l’homme sans discrimination aucune, a-t-il indiqué. Le droit international relatif aux droits de l’homme stipule que la ségrégation est une forme de discrimination, notamment en vertu de la Convention de 1966 sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, a-t-il rappelé.

M. Rajagopal a expliqué que de nombreux groupes partout dans le monde sont affectés par une discrimination et une ségrégation spatiale systémiques. Le Rapporteur spécial identifie dans son rapport plusieurs formes de ségrégation spatiales inquiétantes, comme la prolifération d’établissements informels dans les périphéries de nombreuses villes; le phénomène des communautés surveillées qui a proliféré dans le monde au cours des dernières décennies, censé fournir “intimité, protection et prestige” aux habitants nantis; ou encore le placement de groupes particuliers – comme les personnes handicapées, les travailleurs migrants, les personnes déplacées internes, les réfugiés, les demandeurs d’asile – dans des institutions, des hôtels ou des camps, les isolant ainsi des autres communautés et leur faisant courir le risque de vivre dans des conditions de logement inadéquates et de ne pas avoir le même accès aux services publics.

Le rapport contient plusieurs recommandations, visant notamment à ce que les États s'abstiennent de poursuivre « activement » des politiques et pratiques ségrégationnistes qui violent le droit à un logement convenable et l'interdiction de la discrimination.

De nombreuses délégations* ont pris part au dialogue qui a suivi la présentation de ce rapport. Le thème rapport a été jugé particulièrement opportun, notamment dans le contexte où la pandémie de COVID-19 a montré que les inégalités spatiales exercent un impact négatif sur la capacité des États à faire face de manière appropriée aux crises sanitaires et autres.

En ce qui concerne la situation des droits de l'homme au Bélarus, Mme Bachelet a indiqué que le Haut-Commissariat a trouvé de nombreuses preuves de violations des droits de l'homme commises entre le 1er mai 2020 et le 31 décembre 2021 dans ce pays. Ainsi, a-t-elle précisé, entre le 9 et le 14 août 2020, au moins sept forces de sécurité de l'État, dont le service de sécurité présidentiel, ont participé à la répression contre des manifestations pacifiques dans les six régions administratives du Bélarus. Des sources crédibles indiquent qu’au moins trois personnes sont mortes lors de ces manifestations, a indiqué Mme Bachelet.

Par ailleurs, a poursuivi la Haute-Commissaire, au cours de ces cinq journées [du 9 au 14 août 2020], quelque 13 500 personnes ont été arrêtées, dont 700 enfants. De nombreuses personnes détenues ont subi des passages à tabac prolongés et répétés avec des matraques pendant le transport et dans les postes de police et les centres de détention ; des formes identiques de torture et de mauvais traitements ont été reproduites dans de nombreux endroits, suggérant des pratiques généralisées et systématiques de torture et de mauvais traitements visant à punir et à dissuader les individus pour leur opposition réelle ou supposée au Gouvernement. Le rapport indique aussi qu’à la fin de 2021, quelques 969 personnes étaient en prison pour des accusations dont le Haut-Commissariat a des motifs raisonnables de croire qu'elles étaient politiquement motivées, et ce chiffre a continué de croître, atteignant 1085 au 6 mars dernier.

L'ampleur et les schémas des violations identifiées dans ce rapport, leur caractère répandu et systématique, et la preuve de la politique officielle concernant leur exécution collective par plusieurs organes de l'État, justifient une évaluation plus approfondie, notamment du point de vue du droit pénal international applicable, a dit la Haute-Commissaire, avant d'exhorter le Gouvernement du Bélarus à libérer immédiatement tous les prisonniers condamnés pour des motifs politiques et à mettre fin à toutes les autres violations des droits de l'homme en cours, y compris la répression systématique de la société civile, des médias indépendants et des groupes d'opposition.

Intervenant en tant que pays concerné, le Bélarus a dénoncé une « vaste campagne » de pression maximale sur l'État bélarussien, à laquelle participe ce rapport et qui inclut des menaces directes à la souveraineté et à la stabilité économique du pays, ainsi qu’une longue série de mesures coercitives unilatérales, un flux quotidien de fausses informations et de désinformation et des pressions politiques. Nous sommes ouverts à la coopération dans le domaine des droits de l'homme, mais sur la base d'un dialogue mutuellement respectueux et équitable, a affirmé la délégation bélarussienne.

Les délégations** ont ensuite engagé le dialogue autour du rapport du Haut-Commissariat. Nombre d’entre elles ont fait part de leur profonde préoccupation devant les conclusions du rapport du Haut-Commissariat, selon lequel des violations généralisées et systématiques ont été commises au Bélarus et exécutées en tant que politique officielle. Le débat a été interrompu par plusieurs motions d’ordre soulevées par le Bélarus alors que de nombreuses délégations évoquaient la « participation du Bélarus à l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine » qui, a affirmé la délégation bélarussienne, ne concerne pas le rapport. Plusieurs délégations ont de pour leur part mis en garde le Conseil contre des « approches sélectives et politiquement motivées » dont l'objectif principal est, selon elles, de « diaboliser un État souverain légitime » et de « changer son gouvernement ».

 

Le Conseil poursuivra ses travaux cet après-midi, à 15 heures, pour achever le dialogue autour du rapport de la Haute-Commissaire sur le Bélarus, avant de tenir son dialogue avec le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme en République islamique d’Iran et d’entendre une mise à jour orale de la Haute-Commissaire sur la situation des droits de l’homme au Venezuela.

 

Dialogue avec le Rapporteur spécial sur le logement convenable

Le Conseil est saisi du rapport thématique (A/HRC49/48, à paraître en français) du Rapporteur spécial sur le logement convenable en tant qu’élément du droit à un niveau de vie suffisant ainsi que sur le droit à la non-discrimination à cet égard.

Présentation

Présentant son rapport, M. BALAKRISHNAN RAJAGOPAL, Rapporteur spécial sur le logement convenable en tant qu’élément du droit à un niveau de vie suffisant ainsi que sur le droit à la non-discrimination à cet égard, a indiqué que son rapport thématique était intitulé « Ségrégation spatiale et droit à un logement convenable », qui va de pair avec un deuxième rapport sur la discrimination dans le contexte du logement, présenté en octobre dernier devant l’Assemblée générale.

Définissant la ségrégation spatiale, M. Rajagopal a indiqué que celle-ci pouvait être entendue comme une séparation choisie ou imposée de groupes de personnes dans un territoire particulier en fonction de la race, de la caste, de l’origine ethnique, de la langue, de la religion, du handicap ou de tout autre statut. La ségrégation spatiale est presque toujours caractérisée par une exclusion économique et sociale, une inégalité dans l’accès à l’infrastructure, aux services et aux opportunités de moyens de subsistance. Elle constitue donc un sujet de grande préoccupation en termes de jouissance, sur un pied d’égalité, des droits de l’homme sans discrimination aucune.

M. Rajagopal a expliqué que de nombreux groupes partout dans le monde sont affectés par une discrimination et une ségrégation spatiale systémiques. Il s’agit notamment de minorités raciales, ethniques ou religieuses, des migrants, des réfugiés, des personnes déplacées à l’intérieur de leur pays, des femmes, des peuples autochtones, des personnes LGBTQI+, des personnes handicapées, des enfants, des personnes âgées, des sans-abri, ou encore des personnes vivant dans des logements informels ou dans la pauvreté.

Il est impératif de noter qu’historiquement, l'attention portée à la ségrégation et à ses effets sur la violation des droits de l'homme est allée de pair avec le tollé international et la condamnation de l'apartheid, en particulier le système d'apartheid sanctionné par l'État qui s'est installé en Afrique du Sud pendant plus de 80 ans, a poursuivi le Rapporteur spécial. Le Protocole additionnel I aux Conventions de Genève de 1949 et le Statut de Rome de la Cour pénale internationale ont en outre reconnu le crime d'apartheid et il y a, à l'heure actuelle, un regain d'intérêt pour l'apartheid en tant que crime contre l'humanité en ce qui concerne la situation dans les territoires palestiniens occupés, a observé M. Rajagopal.

Selon le Rapporteur spécial, la problématique de la ségrégation spatiale est si difficile à appréhender qu’elle mérite de lui consacrer un rapport thématique, en particulier dans le contexte actuel du débat sur la justice raciale et l’égalité pour les communautés d’ascendance africaine dans de nombreux pays. De plus, la pandémie de COVID-19 a prouvé que les groupes vulnérables vivant dans des communautés dans le besoin sont affectés par cette crise de façon disproportionnée. La recherche sur les répercussions des changements climatiques révèle également la vulnérabilité sans mesure des communautés séparées du reste de la population, a ajouté M. Rajagopal.

Le Rapporteur spécial s’est ensuite penché sur la ségrégation spatiale au regard du droit international relatif aux droits de l’homme qui stipule que la ségrégation est une forme de discrimination, notamment en vertu de la Convention de 1966 sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Ainsi, les États sont convenus de condamner la ségrégation raciale et l’apartheid et ont décidé de prévenir, d’interdire et d’éliminer toutes les pratiques d’une telle nature dans les territoires sous leur juridiction (article 3 de ladite Convention). M. Rajagopal a également rappelé la recommandation générale sur ce même article 3 de la Convention adoptée par le Comité sur l’élimination de la discrimination raciale, qui souligne que si la ségrégation raciale peut être le résultat de politiques publiques délibérées, dans certains pays, elle peut aussi être le produit d’actions involontaires de personnes privées.

M. Rajagopal identifie dans son rapport plusieurs formes de ségrégation spatiales « inquiétantes », comme la prolifération d’établissements informels dans les périphéries de nombreuses villes; le phénomène des communautés surveillées qui a proliféré dans le monde au cours des dernières décennies, censé fournir “intimité, protection et prestige” aux habitants nantis; ou encore le placement de groupes particuliers – comme les personnes handicapées, les travailleurs migrants, les personnes déplacées internes, les réfugiés, les demandeurs d’asile – dans des institutions, des hôtels ou des camps, les isolant ainsi des autres communautés et leur faisant courir le risque de vivre dans des conditions de logement inadéquates et de ne pas avoir le même accès aux services publics.

Le rapport contient enfin plusieurs recommandations, visant notamment à ce que les États s'abstiennent de poursuivre « activement » des politiques et pratiques ségrégationnistes qui violent le droit à un logement convenable et l'interdiction de la discrimination. Il appelle également les États à entreprendre une analyse rigoureuse de leurs lois, réglementations, politiques et programmes pour s'assurer qu'ils n'entraînent pas des conditions équivalant à une ségrégation spatiale ou qu’ils n'y contribuent pas. Le rapport appelle par ailleurs à réformer les mécanismes de planification urbaine et territoriale pour garantir la non-discrimination et la participation des résidents. Il appelle en outre les États à réduire la ségrégation spatiale des personnes déplacées, des demandeurs d'asile, des réfugiés, des migrants, des sans-abri, des personnes âgées, des personnes handicapées et d'autres groupes marginalisés.

Aperçu du débat

Plusieurs délégations se sont dites d'accord avec le Rapporteur spécial quant à la nécessité de prendre en compte les effets néfastes, pour des millions de personnes dans le monde, de la ségrégation spatiale sur l’exercice non seulement du droit à un logement convenable, mais aussi d'autres droits tels que le droit à la non-discrimination et les droits à la santé, à l'eau et à l'assainissement.

Le moment d’aborder le problème de la ségrégation spatiale ne pourrait être plus opportun, a fait observer un intervenant ; en effet, a-t-il souligné, la pandémie de COVID-19 a montré que les inégalités spatiales existant au sein des sociétés exercent un impact négatif sur la capacité des États à faire face de manière appropriée aux crises sanitaires et autres.

De nombreuses délégations ont fait part des mesures prises par leur pays durant et malgré la pandémie, indiquant notamment avoir lancé d’importants projets immobiliers pour garantir des conditions de logement décentes, avoir augmenté le nombre d'unités d'habitation pour toutes les couches sociales, avoir assuré la fourniture des services de base dans les communautés résidentielles ou encore avoir encouragé la construction de villes nouvelles

Nombre d’intervenants ont rejeté toute ségrégation spatiale, qu’elle soit fondée sur la race, la caste, l’origine ethnique, la langue, la religion, le handicap ou tout autre statut. Une délégation a présenté les initiatives de son pays pour résoudre les problèmes rencontrés par les Dalits privés de logement et de terres.

Il a été souligné que la gestion des terres et l'aménagement du territoire devaient viser explicitement la création de quartiers à usage et à revenus mixtes, et dotés de services de base adéquats.

Plusieurs orateurs se sont dits préoccupés par les constatations du rapport du Rapporteur spécial concernant l'adoption, par un certain nombre de pays, de politiques de ségrégation spatiale dans le domaine du logement afin d'exercer un contrôle ethnique et religieux sur certains groupes. D’une manière générale, a-t-il été affirmé, les expulsions forcées, les déplacements et les barrières physiques contre des minorités raciales, ethniques ou religieuses, ainsi que contre les migrants et les réfugiés, constituent un déni du droit international des droits de l'homme, en particulier de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

Des préoccupations ont été exprimées au regard de ce qui figure dans le rapport du Rapporteur spécial s’agissant des actions des autorités d'occupation israéliennes visant à entraver le développement des communautés palestiniennes, ainsi que des restrictions imposées par les autorités d'occupation à l'octroi de permis de construire aux Palestiniens dans les territoires occupés, y compris Jérusalem-Est.

D’autres violations du droit à un logement convenable ont été dénoncées en Ukraine et dans l’est de l’Ukraine, dans la région du Caucase, au Brésil, en Irlande du Nord et au Paraguay. Des délégations ont remercié le Rapporteur spécial pour sa déclaration dans laquelle il a exprimé de « graves préoccupations concernant la situation en Ukraine, où des millions de personnes ont été privées du droit de vivre dans un foyer, en paix et dans la dignité, en raison de l'invasion russe ».

Le Rapporteur spécial a été prié de mentionner, dans ses futurs rapports, la Déclaration et le Programme d’action de Durban en tant que documents de référence « lorsque l'on traite de questions liées à la non-discrimination et à la ségrégation spatiale dans l'exercice du droit à un logement adéquat ». Le Rapporteur spécial a également été prié de dire dans quelle mesure la ségrégation spatiale était liée à l'héritage du colonialisme. Il lui a aussi été demandé d’indiquer comment lutter contre la ségrégation spatiale dans le contexte de l’étalement urbain dû à l’urbanisation croissante de l’Afrique.

L’attention du Conseil a également été attirée, entre autres, sur la ségrégation spatiale dont sont victimes les travailleurs du sexe et sur l’importance, en termes de prévention dans le contexte des changements climatiques, de promouvoir la construction de logements adaptés aux catastrophes découlant des phénomènes climatiques extrêmes.

*Liste des intervenants : Union européenne, Arabie saoudite (au nom d’un groupe de pays), Pakistan (au nom de l’Organisation de la coopération islamique), Finlande, Paraguay, Ordre souverain de Malte, Égypte, Libye, Malaisie, Iraq, Maldives, Luxembourg, Inde, Viet Nam, Namibie, Chine, Arménie, État de Palestine, Fédération de Russie, Cambodge, Indonésie, Bénin, Maroc, Algérie, Allemagne, Afrique du Sud, Bangladesh, États-Unis, Bahreïn, Azerbaïdjan, Malawi, Bolivie, UN Habitat, Ukraine, Arabie saoudite, Géorgie, Adalah, Al Mezan Center for Human Rights, Action Canada pour la population et le développement, Human Rights Advocates, ILGA, Justiça Global, Palestinian Initiative for the Promotion of Global Dialogue and Democracy (MIFTAH), Vivat International, Caritas International et Society for Threatened Peoples.

Réponses et remarques de conclusion du Rapporteur spécial

M. RAJAGOPAL a rappelé que ses recommandations visent précisément à lutter contre le phénomène de ségrégation spatiale dans le domaine du logement. Elles concernent notamment la prévention et donnent des exemples de pratiques optimales, a-t-il précisé. Il a ajouté avoir l’intention dans ses rapports de centrer sa réflexion sur les changements climatiques et leurs conséquences sur le logement. Le Rapporteur spécial a formulé le souhait de faire un voyage en Chine pour évaluer les progrès réalisés dans ce pays.

Le Rapporteur spécial a rappelé que les objectifs de développement durable n°10 et n°11 concernent respectivement la réduction des inégalités et les villes et communautés durables.

Il faut abandonner l’idée que la question du logement puisse être séparée de celle de la terre, a d’autre part souligné M. Rajagopal, expliquant que les exemples d’ « apartheid » en Afrique du sud et dans les territoires palestiniens occupés sont en lien avec la possession de la terre.

Le Rapporteur spécial a fait savoir que dans ses prochains rapports, il entendait aborder la question des attaques et destructions de logements et d’infrastructures civiles en temps de conflit – de telles attaques et destructions constituant une violation du droit international, que ce soit en Ukraine ou ailleurs, a-t-il rappelé.

En conclusion, M. Rajagopal a souligné que si l’on ne sévit pas suffisamment contre les discriminations dans le logement, on glisse progressivement vers des situations d’apartheid. Les États se sont engagés à éliminer ce phénomène ; ils doivent donc le faire avant que cela n’empire, a insisté le Rapporteur spécial.

Dialogue sur le rapport du Haut-Commissariat relatif à la situation des droits de l’homme au Bélarus

Le Conseil est saisi du rapport du Haut-Commissariat aux droits de l'homme sur la situation des droits de l'homme au Bélarus à la veille et au lendemain de l’élection présidentielle de 2020 (A/HRC/49/71).

Présentation

MME MICHELLE BACHELET, Haute-Commissaire aux droits de l'homme, a déclaré qu’avec le soutien et les conseils de trois experts, le Haut-Commissariat a trouvé de nombreuses preuves de violations des droits de l'homme commises entre le 1er mai 2020 et le 31 décembre 2021 au Bélarus. Une grande quantité de matériel connexe est conservé, avec, en ligne de mire, l’objectif de faciliter la future reddition de comptes, a-t-elle indiqué. Mme Bachelet a rappelé qu’après l'élection présidentielle du 9 août 2020 et au lendemain de celle-ci, des manifestations à grande échelle avaient eu lieu après la déclaration de victoire du Président sortant. Le Gouvernement a réagi par une répression massive, y compris un recours excessif et généralisé à la force, a-t-elle ajouté.

Ainsi, a précisé la Haute-Commissaire, entre le 9 et le 14 août 2020, au moins sept forces de sécurité de l'État, dont le service de sécurité présidentiel, ont participé à la répression contre des manifestations pacifiques dans les six régions administratives du Bélarus. Les manifestants ont été battus jusqu'à ce qu'ils perdent connaissance. Des outils de contrôle des foules, tels que des grenades assourdissantes et des balles en acier recouvertes de caoutchouc, ont été tirés directement sur les manifestants, causant de nombreuses blessures graves. Des hommes en uniformes noirs sans insigne, portant des cagoules, ont également participé à de violentes attaques contre des manifestants. Des sources crédibles indiquent qu’au moins trois personnes sont mortes lors de ces manifestations, notamment à la suite d'un recours inutile ou disproportionné à la force. Les autorités ont nié toute responsabilité dans ces décès, bien qu'aucune enquête ne semble avoir eu lieu, a observé Mme Bachelet.

Par ailleurs, a poursuivi la Haute-Commissaire, au cours de ces cinq journées [du 9 au 14 août 2020], quelque 13 500 personnes ont été arrêtées, dont 700 enfants. De nombreuses personnes détenues ont subi des passages à tabac prolongés et répétés avec des matraques, pendant le transport et dans les postes de police et les centres de détention. Des formes identiques de torture et de mauvais traitements ont été reproduites dans de nombreux endroits, suggérant des pratiques généralisées et systématiques de torture et de mauvais traitements visant à punir et à dissuader les individus pour leur opposition réelle ou supposée au Gouvernement. Nos conclusions incluent le viol de détenus et d'autres formes de violence sexuelle et sexiste contre les hommes et les femmes, a indiqué Mme Bachelet. Les dossiers médicaux examinés par le Haut-Commissariat aux droits de l’homme font état de lésions et d'autres blessures aux organes génitaux masculins, correspondant à une torsion forcée et à un viol, a-t-elle précisé.

Des violences psychologiques, y compris des menaces de viol, ont également été employées contre les détenus. De nombreux procès administratifs à huis clos et sommaires ont en outre eu lieu dans des centres de détention, sans garanties procédurales élémentaires. Selon de nombreux prévenus, ces procès ne duraient souvent que quelques minutes. À quelques exceptions près, les juges ont ignoré les accusés, malgré des blessures visibles, lorsqu'ils ont soulevé des objections selon lesquelles ils avaient été torturés ou maltraités. Le rapport indique aussi qu’à la fin de 2021, quelques 969 personnes étaient en prison pour des accusations dont le Haut-Commissariat a des motifs raisonnables de croire qu'elles étaient politiquement motivées ; plusieurs ont été condamnées à des peines de prison de 10 ans ou plus et ce chiffre a continué de croître, atteignant 1085 au 6 mars dernier.

En août 2021, la Commission d'enquête du Bélarus, organe national théoriquement indépendant du Ministère de l'intérieur, a annoncé qu'elle avait reçu environ 5000 plaintes concernant des allégations de mauvais traitements au cours du second semestre 2020, et que toutes avaient été rejetées. Il reste peu de voies significatives de justice pour ces milliers de victimes, compte tenu du manque d'indépendance du pouvoir judiciaire, du déni du droit à un procès équitable et de l'intimidation des avocats, a souligné Mme Bachelet.

L’examen du Haut-Commissariat a révélé que le Gouvernement avait poursuivi et persécuté des personnes exerçant leurs droits à la liberté d'expression, de réunion pacifique, d'association et de participation aux affaires publiques tout au long de la période considérée, et qu’il continue de le faire, a d’autre part indiqué Mme Bachelet, dénonçant des détentions administratives pouvant aller jusqu'à 15 jours prononcées à l’encontre de personnes ayant exercé leur liberté d’expression en publiant sur les réseaux sociaux. Les autorités ont également massivement réprimé les médias indépendants et la société civile, perquisitionnant et fermant des médias ou portant des accusations criminelles contre des journalistes et des défenseurs des droits de l'homme. En janvier, le nombre d'organisations qui ont été fermées a atteint 344, alors que 1085 personnes sont actuellement en prison pour des motifs politiques, notamment des défenseurs des droits humains, des journalistes, des membres de l'opposition et des citoyens ordinaires exprimant leur dissidence.

Selon Mme Bachelet, en l'absence d'enquêtes efficaces, il n'y a pas lieu de s'attendre raisonnablement à ce que les systèmes nationaux rendent justice. Dans ce contexte, l'ampleur et les schémas des violations identifiées dans ce rapport, leur caractère répandu et systématique, et la preuve de la politique officielle concernant leur exécution collective par plusieurs organes de l'État, justifient une évaluation plus approfondie, notamment du point de vue du droit pénal international applicable, a dit la Haute-Commissaire, avant d'exhorter le Gouvernement du Bélarus à libérer immédiatement tous les prisonniers condamnés pour des motifs politiques et à mettre fin à toutes les autres violations des droits de l'homme en cours, y compris la répression systématique de la société civile, des médias indépendants et des groupes d'opposition. Elle a également exhorté à mener des enquêtes rapides, efficaces, transparentes et indépendantes sur toutes les violations passées des droits de l'homme ou crimes relevant du droit national ou international, avec la mise à disposition de recours appropriés.

Compte tenu de la situation actuelle au Bélarus, d'autres États Membres peuvent également œuvrer de manière complémentaire à la responsabilisation par le biais de procédures nationales, sur la base des principes acceptés de compétence extraterritoriale et universelle, conformément aux normes internationales, a en outre indiqué Mme Bachelet. Seul un dialogue inclusif peut ouvrir la voie à un avenir durable pour tous les Bélarussiens, a-t-elle déclaré. Je demande à tous les États d'encourager les autorités bélarussiennes à adopter et à mettre en œuvre les recommandations qui leur sont adressées, a conclu Mme Bachelet.

Pays concerné

Le Bélarus a expliqué avoir présenté à plusieurs reprises au Conseil des droits de l'homme et porté à l'attention des responsables de l'ONU, y compris du Haut-Commissariat aux droits de l'homme et des procédures spéciales pertinentes, des informations sur les événements qui se sont déroulés dans le contexte de l’élection présidentielle du 9 août 2020. Au Bélarus, la « révolution des couleurs » a échoué, mais ses « sponsors », parmi les gouvernements occidentaux, ne veulent pas l'admettre, a affirmé la délégation bélarussienne, ajoutant que l’intention de discréditer et de détruire le Gouvernement légitime bélarussien est toujours d'actualité pour eux.

Selon la délégation, la « vaste campagne » de pression maximale sur l'État bélarussien lancée par les Occidentaux comprend des menaces directes à la souveraineté et à la stabilité économique du pays, une longue série de mesures coercitives unilatérales, un flux quotidien de fausses informations et de désinformation, des pressions politiques et la promotion d'un « agenda politique destructeur » dans les organisations internationales. Le rapport du Haut-Commissariat aux droits de l'homme fait partie de cette pression : il est rempli d'allégations et de fausses accusations et ses conclusions et recommandations visent à soutenir les structures et organisations qui travaillent contre le Bélarus, a affirmé la délégation. Du point de vue du Bélarus, les recommandations du rapport sont « incompatibles » avec les buts et objectifs de l'ONU.

Le Bélarus ne reconnaît pas la résolution 46/20 du Conseil des droits de l'homme et toutes les activités qui y sont associées, car elle viole de manière flagrante la Charte des Nations Unies et porte atteinte à l'indépendance du Haut-Commissariat. Ce dernier ne fait pas preuve de neutralité, a insisté la délégation, en voulant pour preuve que le Haut-Commissariat, pour la mise en œuvre de cette résolution, a demandé d'énormes ressources, d'un montant de 2,5 millions de dollars, provenant du budget de l'ONU, ainsi que la création de 16 nouveaux postes. Le Haut-Commissariat et ses fonctionnaires n’ont dit mot concernant les sanctions et les restrictions imposées au Bélarus par les pays occidentaux, a ajouté la délégation bélarussienne.

Dans ce contexte, a indiqué la délégation, nous exhortons les participants à la discussion à considérer le rapport comme une tendance dangereuse à s’immiscer dans les activités des mécanismes des droits de l'homme et à s’ingérer dans les affaires internes d'un État souverain, et comme une tentative de dicter des conditions et de justifier des sanctions illégitimes. En ce qui le concerne, a ajouté la délégation, le Bélarus poursuivra sa voie de développement évolutif. Nous avons des « voies civilisées » pour les transformations politiques internes, comme en témoigne le référendum sur les amendements à apporter à la Constitution du pays, qui a eu lieu le 27 février dernier, a déclaré la délégation.

Nous sommes ouverts à la coopération dans le domaine des droits de l'homme, mais sur la base d'un dialogue mutuellement respectueux et équitable, a conclu la délégation.

Aperçu du débat

Nombre de délégations ont fait part de leur profonde préoccupation devant les conclusions du rapport du Haut-Commissariat, selon lequel des « violations généralisées et systématiques » ont été commises au Bélarus et « exécutées en tant que politique officielle ». Le rapport, a-t-il été affirmé, « montre clairement que la réponse du Gouvernement à l'élection ni juste ni libre au Bélarus [en 2020] avait pour objectif principal de supprimer toute critique et dissidence, » plutôt que la protection de l'ordre public. Il a été demandé que cessent « les attaques incessantes contre la société civile et les voix indépendantes, ainsi que l'utilisation généralisée de la désinformation » au Bélarus.

D’autre part, a-t-il été déploré, le système judiciaire bélarussien « n’assure pas de protection juridique adéquate, mais se concentre plutôt sur la répression : les citoyens ordinaires sont confrontés à l'injustice, à des procès inéquitables et à des peines disproportionnées ». L’impunité pour les exactions énumérées dans le rapport mine complètement l’état de droit au Bélarus et est contraire aux droits fondamentaux des citoyens, a ajouté un intervenant. Plusieurs orateurs ont assuré soutenir le peuple bélarussien « dans sa lutte pour une société libre et démocratique ».

Le Gouvernement du Bélarus a été appelé, à de nombreuses reprises, à respecter ses obligations au titre du droit international, de même qu’à appliquer les recommandations contenues dans le rapport du Haut-Commissariat. Il a aussi été demandé que le Gouvernement impose un moratoire sur la peine de mort.

Nombre d’intervenants ont mis en garde contre la « voie destructrice » suivie par le Bélarus : ils ont ainsi condamné « l'agression illégale et non provoquée de la Fédération de Russie contre l'Ukraine et la participation du Bélarus à cette agression ». Le Bélarus lui-même est devenu « une rampe de lancement pour les missiles et les bombardiers russes qui ont tué des centaines d'Ukrainiens », a-t-il été souligné. Une délégation a condamné « la détention de plus de 800 Bélarussiens ayant exprimé pacifiquement leur solidarité avec le peuple ukrainien ».

D’autres intervenants ont estimé, pour leur part, que le processus en cours au Conseil reflétait « une approche sélective et politiquement motivée » dont l'objectif principal est de « diaboliser un État souverain légitime » et de changer son gouvernement. Il a aussi été jugé « complètement aberrant » que le rapport du Haut-Commissariat, « produit à distance (…) sur la base de sources invérifiables et de témoignages partiaux », encourage des États à poursuivre des fonctionnaires bélarussiens devant les juridictions nationales ou universelles.

A été dénoncée à plusieurs reprises ce matin l'imposition de résolutions du Conseil contre des pays pour des raisons politiques et géopolitiques qui n'ont rien à voir avec la promotion des droits de l'homme et sans le consentement des pays concernés. Des délégations ont condamné ce qu’elles ont qualifié d'ingérence dans les affaires intérieures du Bélarus et dans le processus politique qui s'y déroule, notamment par l'imposition de mesures coercitives unilatérales qu’elles ont jugées illégales et qui, selon elles, bafouent les droits du peuple bélarussien.

Enfin, quelques orateurs ont recommandé de reconnaître les efforts du Gouvernement bélarussien pour parvenir à un indice de développement humain élevé, de même que sa coopération avec les procédures spéciales du Conseil, les organes conventionnels des droits de l'homme et l’Examen périodique universel (EPU).

**Liste des intervenants : Islande (par la voix de Mme Þórdís Kolbrún Reykfjörð Gylfadóttir, Ministre islandaise des affaires étrangères, et au nom d'un groupe de pays), Union européenne, Liechtenstein, Allemagne, Finlande, République populaire démocratique de Corée, Estonie, Venezuela, France, Cuba, Syrie, Luxembourg, Chine, Suisse, Sri Lanka, Lituanie, Autriche, Fédération de Russie, Cambodge, Australie, Suède, Irlande, Slovaquie, États-Unis, Belgique, Roumanie, Pays-Bas, Grèce, République tchèque, Albanie, Nicaragua, Croatie, Érythrée et Pologne.

 

Ce document produit par le Service de l’information des Nations Unies à Genève est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel.

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