L’attention du Conseil est attirée sur les nombreuses violations des droits humains survenant lors de manifestations pacifiques et sur la tendance des États à considérer ces manifestations comme une menace pour la sécurité
La situation actuelle est marquée par de nombreuses violations des droits de l'homme survenant dans le contexte de manifestations pacifiques, a remarqué Mme Michelle Bachelet à l’ouverture de la réunion-débat qu’a tenu cet après-midi le Conseil des droits de l’homme sur la protection et la promotion des droits de l'homme dans le contexte des manifestations pacifiques. La protection des droits de l'homme dans le contexte des manifestations pacifiques reste donc une priorité pour le Haut-Commissariat, a ajouté la Haute-Commissaire aux droits de l’homme.
S’exprimant également dans le cadre de cette réunion-débat, à laquelle ont pris part de nombreux intervenants*, M. Clément Nyaletsossi Voule, Rapporteur spécial sur les droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d'association, s’est dit préoccupé par la tendance des États à considérer les manifestations pacifiques comme une menace pour la sécurité et à imposer des restrictions légales et autres pour les empêcher d'avoir lieu.
Mme Lysa John, Secrétaire générale de l’organisation non gouvernementale CIVICUS, a indiqué que depuis le début de la pandémie de COVID-19, son organisation avait recensé un usage excessif de la force contre des manifestants dans au moins 79 pays, ce qui inclut l’utilisation de la force meurtrière entraînant la mort de manifestants dans au moins 28 pays.
M. Yuval Shany, ancien président du Comité des droits de l'homme des Nations Unies, a pour sa part souligné que des cas isolés de violence ne suffisent pas à désigner une assemblée entière comme étant de nature violente. Par ailleurs, a-t-il ajouté, le droit de réunion pacifique n'est pas absolu et peut être limité par une législation spécifique dans des circonstances qui présentent un besoin social pressant. Mais, a-t-il également souligné, un niveau raisonnable de perturbation étant inhérent aux rassemblements pacifiques, une telle perturbation ne peut être utilisée comme prétexte pour étouffer l'exercice du droit de réunion pacifique.
Le Commissaire Luis Carrilho, Conseiller de la police des Nations Unies, a quant à lui exposé la mission de la police des Nations Unies – qui compte aujourd’hui 12 200 agents déployés dans seize opérations de paix à travers le monde. Avant tout, a-t-il souligné, chaque agent de la Police des Nations Unies est un agent des droits de l'homme.
En fin de journée, le Conseil a par ailleurs engagé son dialogue avec Mme Ilze Brands Kehris, Sous-Secrétaire générale aux droits de l'homme, qui a présenté le rapport du Secrétaire général sur la coopération avec l’ONU, ses représentants et ses mécanismes dans le domaine des droits de l'homme.
Présentant ce rapport – qui se penche sur la question des représailles à l’encontre de personnes qui cherchent à coopérer ou ont coopéré avec l’ONU, ses représentants et ses mécanismes dans le domaine des droits de l’homme – la Sous-Secrétaire générale a notamment déclaré que l'ampleur et la gravité des cas d'intimidation et de représailles persistent, et ce dans des proportions inacceptables.
« Nous voyons des signes d’un schéma possible dans plusieurs pays », a poursuivi Mme Brands Kehris, précisant qu’il s’agit notamment de la Chine, de l’Égypte, de l’Iran, de l’Arabie saoudite et du Viet Nam, ainsi que de l’Inde, d’Israël, du Myanmar, des Philippines et du Venezuela. Dans les cinq premiers pays, a-t-elle expliqué, nous avons identifié de graves problèmes liés à la détention des victimes de représailles et d’intimidation. En outre, les entités de l’ONU ont une fois de plus identifié des cas où elles estiment que la détention est « systémique », comme aux Émirats arabes unis, a ajouté la Sous-Secrétaire générale aux droits de l’homme.
Suite à cette présentation, de nombreuses délégations** ont pris la parole.
Demain matin, à 9 heures, le Conseil tiendra un dialogue interactif avec son Comité consultatif, après avoir achevé son dialogue avec Mme Brands Kehris.
Réunion-débat sur la protection et la promotion des droits de l'homme dans le contexte des manifestations pacifiques
La réunion-débat a été ouverte par M. YURI BORISSOV STERK, Vice-Président du Conseil des droits de l’homme.
Déclaration liminaire
MME MICHELLE BACHELET, Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, a déclaré que le fait de pouvoir se rassembler, d'exprimer librement ses opinions et de participer aux décisions qui affectent les gens et la planète est un désir humain universel, de même qu’un droit de l'homme au cœur même de la démocratie et des sociétés démocratiques.
Alors que la COVID-19 et les effets du changement climatique aggravent les inégalités et menacent les droits, la vie et les moyens de subsistance des personnes dans tous les pays, les gouvernements ont besoin d'un retour d'information honnête sur les mesures qu'ils prennent, a souligné Mme Bachelet : les gouvernements ont besoin des idées – et des critiques aussi – du plus grand nombre possible de personnes. À cet égard, les manifestations pacifiques donnent une idée des vrais problèmes rencontrés par les gens, a fait observer la Haute-Commissaire.
L'interaction des revendications, des opinions et du retour d'information entre les personnes et leurs représentants est essentielle à l'élaboration rapide et efficace de politiques qui répondent aux aspirations des individus, des communautés et des sociétés – « et je dis cela en tant qu'ancienne cheffe de gouvernement », a souligné Mme Bachelet [qui a été deux fois Présidente du Chili].
Malgré cela, a poursuivi la Haute-Commissaire, la situation actuelle est marquée par de nombreuses violations des droits de l'homme survenant dans le contexte de manifestations pacifiques. Il s'agit notamment d'exécutions extrajudiciaires ou sommaires, d'arrestations et de détentions arbitraires, de disparitions forcées, de torture, ou encore de la criminalisation d'individus et de groupes pour le seul fait d'avoir organisé des manifestations pacifiques ou d'y avoir participé.
La protection des droits de l'homme dans le contexte des manifestations pacifiques reste donc une priorité pour le Haut-Commissariat, a indiqué Mme Bachelet. Pour aider les États, ce dernier a élaboré plusieurs directives dans ce domaine, notamment les lignes directrices sur « l'utilisation des armes à létalité réduite dans le cadre de l'application des lois » ou encore un rapport sur « l’incidence des nouvelles technologies sur la promotion et la protection des droits de l’homme dans le contexte des rassemblements, y compris des manifestations pacifiques ».
Mme Bachelet a salué le travail des journalistes et des autres membres de la société civile qui, malgré des risques importants, jouent un rôle essentiel dans la protection et la promotion des droits de l'homme dans le contexte des manifestations pacifiques.
Présentations des panélistes
M. CLÉMENT NYALETSOSSI VOULE, Rapporteur spécial sur les droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d'association, a regretté que malgré la clarté des normes juridiques et des outils destinés à guider les États, on constate, dans la pratique, un manque persistant de mise en œuvre par les États des règles régissant l'usage de la force lors de la gestion des manifestations. Le Rapporteur spécial s’est ainsi dit alarmé par la tendance à l'usage injustifié ou disproportionné de la force par les forces de sécurité, qui se traduit par des meurtres, des arrestations arbitraires de manifestants et de personnes qui cherchent à surveiller et à rendre compte de manifestations pacifiques, ainsi que par des abus sexuels à l'encontre de manifestantes. M. Voule s’est aussi dit préoccupé par la tendance des États à considérer les manifestations pacifiques comme une menace pour la sécurité et à imposer des restrictions légales et autres pour les empêcher d'avoir lieu.
D’autre part, a relevé M. Voule, les technologies numériques sont exploitées par des États et des acteurs non étatiques malveillants pour restreindre les droits de l'homme dans le cadre de manifestations pacifiques ainsi que pour réduire au silence, surveiller et harceler les dissidents, les militants et les manifestants. Les gouvernements recourent aussi de plus en plus souvent à des fermetures d'Internet en amont des manifestations : de telles mesures, a dit M. Voule, n'ont aucun fondement juridique, ou sont fondées sur des lois qui accordent des pouvoirs étendus aux forces de sécurité en vertu d’une interprétation vague de la « sécurité nationale ».
M. YUVAL SHANY, titulaire de la chaire Hersch Lauterpacht de droit public international à l'Université hébraïque de Jérusalem , ancien président du Comité des droits de l'homme des Nations Unies, a rappelé que le droit de participer à des manifestations pacifiques constituait un aspect important de la participation aux affaires publiques et un élément important de l'espace civique. Lorsque les manifestations pacifiques sont axées sur la défense des droits de l'homme, leurs organisateurs doivent être considérés eux-mêmes comme des défenseurs des droits de l'homme et bénéficier des protections internationales liées à ce statut, a estimé M. Shany.
L’ancien président du Comité des droits de l’homme a indiqué que l' Observation générale n° 37 (2020) du Comité, relative à l’interprétation de l’article 21 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, stipulait que les assemblées pacifiques peuvent jouer un rôle essentiel en permettant aux participants de faire avancer des idées dans le domaine public et donner une idée de l'étendue du soutien ou de l'opposition à ces idées.
M. Shany a précisé que le droit de réunion ne couvrait pas les assemblées violentes impliquant une force physique exercée contre d'autres personnes et susceptible d'entraîner des blessures ou la mort, ou des dommages matériels graves. Cependant, a nuancé l’expert, des cas isolés de violence ne suffisent pas à désigner une assemblée entière comme étant de nature violente. Par ailleurs, a-t-il ajouté, le droit de réunion pacifique n'est pas absolu et peut être limité par une législation spécifique dans des circonstances qui présentent un besoin social pressant. Mais, a souligné M. Shany, un niveau raisonnable de perturbation étant inhérent aux rassemblements pacifiques, une telle perturbation ne peut être utilisée comme prétexte pour étouffer l'exercice du droit de réunion pacifique.
MME LYSA JOHN, Secrétaire générale de CIVICUS, a rappelé que les gens qui se rassemblent pour s’exprimer ont gagné de meilleures conditions de travail, ont fait progresser l’égalité et ont mis fin à différentes formes d’oppression. Cependant, a-t-elle ajouté, CIVICUS a documenté d’innombrables cas de violation du droit des personnes aux rassemblements pacifiques, sous diverses formes, notamment par des restrictions arbitraires empêchant les rassemblements d’avoir lieu ; par un maintien de l’ordre violent ou disproportionné lors des manifestations ; ou encore par des règlements bureaucratiques qui entravent l’organisation (de la manifestation).
Depuis le début de la pandémie, a indiqué Mme John, CIVICUS a recensé un usage excessif de la force contre des manifestants dans au moins 79 pays, ce qui inclut l’utilisation de la force meurtrière entraînant la mort de manifestants dans au moins 28 pays. Dans plus de 100 pays, les forces de l’ordre ont arrêté des manifestants, souvent au motif qu’ils ne respectaient pas les mesures liées à la COVID-19 ou d’autres lois liées aux rassemblements pacifiques.
CIVIUS a relevé quatre défis clés que la communauté internationale doit relever de toute urgence et collectivement, a précisé la Secrétaire générale. Le premier défi est l’utilisation des lois d’urgence pour étouffer les manifestations. Le recours à des coupures du réseau Internet et d’autres mesures visant à restreindre l’accès aux technologies est un autre défi lancé à la liberté de réunion pacifique. Un troisième défi est l’utilisation de l’intelligence artificielle et de la surveillance pour menacer les manifestants. Enfin, le recours à des restrictions financières (en termes de soutien public aux organisations de la société civile) est un quatrième défi critique lancé au droit à la liberté de réunion pacifique.
Pour relever ces défis, Mme John a notamment recommandé aux gouvernements de veiller à ce que toutes les lois et réglementations limitant les rassemblements publics sur la base de préoccupations de santé publique soient nécessaires et proportionnées. Les États doivent aussi libérer tous les manifestants et défenseurs des droits humains poursuivis pour avoir exercé leur droit à la liberté de réunion pacifique, abandonner les charges pesant à leur encontre et réexaminer leurs cas pour prévenir tout nouveau harcèlement. Le recours à un contrôle judiciaire et à un recours effectif, y compris une indemnisation, en cas de déni illégal du droit à la liberté de réunion pacifique et d'usage excessif de la force doit être prévu, a précisé Mme John. Enfin, toutes les composantes de la communauté internationale doivent travailler ensemble pour favoriser une application plus cohérente des normes relatives aux droits de l’homme.
Le Commissaire LUIS CARRILHO, Conseiller de la police des Nations Unies, a expliqué que la mission de la police des Nations Unies – qui compte aujourd’hui 12 200 agents déployés dans seize opérations de paix à travers le monde – est de renforcer la paix et la sécurité internationales en soutenant les États Membres dans les situations de conflit, d’après conflit et de crise. L’objectif est de mettre en service des services de police efficaces, efficients, représentatifs, réceptifs et responsables qui servent et protègent la population, a-t-il indiqué.
« À cette fin, nous construisons et soutenons – ou, le cas échéant, agissons en tant que substitut ou substitut partiel [de] – la capacité de la police de l'État hôte à prévenir et détecter les crimes, protéger la vie et les biens, et maintenir l'ordre et la sécurité, dans le respect de l'Etat de droit et des principes internationaux des droits de l'homme. Et avant tout, chaque agent de la Police des Nations Unies est un agent des droits de l'homme », a indiqué le Commissaire Carrilho.
En tant que point focal désigné pour les questions de maintien de l’ordre et d’application de la loi pour le système des Nations Unies, la police des Nations Unies a compilé et continue d’élaborer des pratiques optimales en matière de maintien de l’ordre afin d’améliorer ses propres résultats organisationnels, mais aussi de les partager avec les États Membres pour aider à promouvoir des normes de maintien de l’ordre qui respectent les droits de l’homme et éliminent ou du moins réduisent le risque de conflit.
Lorsqu’elle est déployée, la police des Nations Unies se concentre principalement sur la gestion de l’ordre public pour faciliter l’exercice des droits fondamentaux de la population sans perturbation ni entrave injustifiée et pour concilier le droit de réunion pacifique et la sécurité publique, a souligné le Commissaire Carrilho. Comme le prévoient les lignes directrices élaborées par la police des Nations Unies dans le cadre du Cadre d’orientation stratégique, si la situation se présente, le dialogue, la médiation, le contrôle des foules fondé sur la communication et les stratégies de désescalade devraient sous-tendre toute gestion policière des événements publics, a-t-il indiqué.
Aperçu du débat
Le droit à la liberté de réunion pacifique est reconnu depuis plus de 70 ans et, depuis encore plus longtemps, des rassemblements pacifiques ont été menés par des femmes et des hommes de tous horizons pour lutter contre l’autoritarisme, la discrimination et l’injustice, a-t-il été rappelé. Ce droit est inscrit dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ont rappelé de nombreux intervenants. Plusieurs délégations ont toutefois relevé que le droit de réunion pacifique n’est pas absolu comme l’énonce clairement l’article 21 du Pacte.
Plusieurs délégations ont attiré l’attention sur l’importance de l’Observation générale n°37 du Comité des droits de l’homme, qui présente un compte rendu détaillé de la portée du droit de réunion pacifique, des obligations des États et des devoirs et pouvoirs des organes chargés de l’application des lois.
La situation sur le terrain est préoccupante, ont estimé de nombreuses délégations, relevant que les rassemblements pacifiques sont souvent dispersés par la force et que les manifestants pacifiques sont criminalisés. Les manifestations pacifiques ne sont pas un crime, ont-elles rappelé. Les manifestants pacifiques doivent être protégés, et non pas muselés, attaqués ou criminalisés, a-t-on insisté. Il faut par ailleurs que les autorités écoutent les griefs des manifestants, a ajouté une délégation.
La pandémie de COVID-19 ne doit pas servir de prétexte pour imposer des restrictions injustifiées au droit de réunion pacifique, a-t-il été souligné. Toutes les restrictions exceptionnelles dans ce contexte doivent être strictement nécessaires, proportionnées, non discriminatoires, soumises à un examen régulier et limitées dans le temps. La reprise post-pandémique est une opportunité de « construire en mieux », a fait observer une délégation.
Plusieurs intervenants se sont inquiétés de l’utilisation des nouvelles technologies pour restreindre le droit de réunion pacifique, alors qu’elles peuvent être aussi des catalyseurs majeurs pour les droits de l’homme. Les médias sociaux ont un énorme potentiel de mobilisation du public et peuvent révéler, en temps réel, des violations des droits de l’homme, y compris lors de rassemblements pacifiques, a rappelé une délégation. Or, dans le même temps, la surveillance de masse ou diverses formes de cyberharcèlement ont un effet dissuasif sur l’exercice du droit de réunion pacifique, ont fait observer plusieurs délégations.
Certaines délégations se sont réjouies que les jeunes utilisent leur droit de réunion pacifique pour montrer leur volonté de changer le monde, notamment dans le domaine de la lutte contre le changement climatique et contre les inégalités.
*Liste des intervenants : Union européenne, Lituanie (au nom d’un groupe de pays), Suisse (au nom d’un groupe de pays), Arménie, Costa Rica, Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), Etats-Unis, Pologne, Royaume-Uni, Malawi, Colombie, Israël, Iraq, Indonésie, Vanuatu, Luxembourg, Monténégro, Afrique du Sud, Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), Ukraine, Haïti, Mauritanie, Togo, Cuba, Inde, Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), Conseil national des droits de l’homme du Maroc,Advocates for Human Rights, Centro de Estudios Legales y Sociales (CELS), Institut du Caire pour les études sur les droits de l’homme, Child Rights Connect, Global Institute for Water, Environment and Health.
Réponses et remarques de conclusion des panélistes
M. VOULE a déclaré que la grande question ici était celle de la mise en œuvre des droits au niveau national : face à une manifestation pacifique, la réaction des forces de l’ordre et leur usage de la force doivent être conformes aux normes internationales. Les États devraient amender les lois qui empêchent les défenseurs des droits de l’homme d’utiliser les moyens de communication modernes, a par ailleurs souligné le Rapporteur spécial. D’autre part, a-t-il relevé, la surveillance en ligne empêche la société civile d’accomplir son travail, tandis que la reconnaissance faciale – entre autres moyens techniques – dissuade les personnes d’aller aux manifestations.
Une volonté politique forte est nécessaire pour inverser ces tendances négatives, a affirmé M. Voule. Il a insisté sur l’importance pour les États de ne pas utiliser la COVID-19 comme prétexte pour limiter le droit de manifester, et a recommandé d’imposer un moratoire sur la vente des technologies de surveillance.
M. SHANY a fait observer qu’il existait de bonnes pratiques grâce auxquelles certains États ont réussi à garantir le droit de manifester même pendant la pandémie de COVID-19. Ce droit n’est pas un luxe pendant la pandémie, pas plus que ne l’est le fonctionnement des tribunaux, par exemple, a souligné M. Shany.
L’Observation générale n°37 du Comité des droits de l’homme montre que le droit de manifester s’étend, par extension, au droit de s’exprimer sur des sites Web, a par ailleurs relevé M. Shany. S’agissant de la lutte contre les fausses informations, il a recommandé de dialoguer avec les fournisseurs d’accès à Internet.
MME JOHN a, à son tour, souligné que la première priorité était l’application des normes internationales relatives au droit de manifester pacifiquement. D’autre part, il est impératif de toujours réaliser des enquêtes sur l’usage excessif de la force à l’encontre de personnes ayant exercé leur droit de manifester pacifiquement – et de lancer des poursuites si nécessaire, a-t-elle rappelé.
Enfin, le Commissaire CARRILHO a insisté sur le rôle joué par la police dans la promotion des droits de l’homme dans le contexte de manifestations pacifiques, en particulier sous l’angle du maintien de l’équilibre entre la liberté et la sécurité. Les agents de police doivent aussi assumer leurs responsabilités et rendre des comptes de manière formelle, a-t-il ajouté, avant de souligner que la police fait elle aussi partie de la société.
Dialogue interactif sur le rapport du Secrétaire général concernant la question des représailles
Présentation du rapport
Le Conseil est saisi de la présentation orale du rapport du Secrétaire général sur la coopération avec l’ONU, ses représentants et ses mécanismes dans le domaine des droits de l'homme (A/HRC/48/28, à paraître en français) – un rapport qui se penche sur la question des représailles à l’encontre de personnes qui cherchent à coopérer ou ont coopéré avec l’ONU, ses représentants et ses mécanismes dans le domaine des droits de l’homme.
Présentant ce rapport, MME ILZE BRANDS KEHRIS, Sous-Secrétaire générale aux droits de l'homme et Cheffe du Bureau du Haut-Commissariat aux droits de l'homme à New York, a déclaré que la question de l’intimidation et des représailles à l’encontre des personnes qui cherchent à coopérer ou ont coopéré avec l’ONU était un sujet urgent. L'ampleur et la gravité des cas d'intimidation et de représailles persistent, et ce dans des proportions inacceptables, a-t-elle souligné.
Mme Brands Kehris a souhaité attirer l’attention du Conseil sur quatre tendances qui ressortent du rapport et qui sont particulièrement préoccupantes. « Premièrement, dans près de la moitié des pays mentionnés dans le rapport, nous avons reçu des allégations de contrôle et de surveillance, en ligne et hors ligne, d'individus et de groupes qui coopèrent, ou cherchent à coopérer, avec l'ONU », a indiqué la Sous-Secrétaire générale aux droits de l’homme.
Deuxièmement, comme plusieurs acteurs de l’ONU ont répondu à des allégations répétées ou similaires d’intimidation et de représailles telles que celles soulevées dans ce rapport et dans les précédents rapports, « nous voyons des signes d’un schéma possible dans plusieurs pays », a poursuivi Mme Brands Kehris. Il s’agit notamment de la Chine, de l’Égypte, de l’Iran, de l’Arabie saoudite et du Viet Nam, ainsi que de l’Inde, d’Israël, du Myanmar, des Philippines et du Venezuela, a-t-elle précisé. Dans les cinq premiers pays, nous avons identifié de graves problèmes liés à la détention des victimes de représailles et d’intimidation, comme l’illustrent les multiples cas inclus dans le rapport, a-t-elle indiqué. En outre, les entités de l’ONU ont une fois de plus identifié des cas où elles estiment que la détention est « systémique », comme aux Émirats arabes unis, a ajouté la Sous-Secrétaire générale aux droits de l’homme.
Troisièmement, a-t-elle poursuivi, certains cas concernent l'utilisation d'une législation restrictive qui empêche ou punit la coopération avec l'ONU, notamment pour des raisons de sécurité nationale, y compris les mesures antiterroristes, ou sur la base de lois régissant les activités des organisations de la société civile.
Quatrièmement – et cela est révélateur d’environnements de plus en plus difficiles voire parfois répressifs pour les victimes – les défenseurs des droits de l'homme, les journalistes et les autres acteurs de la société civile sont, pour beaucoup, dissuadés de fournir des détails spécifiques sur une affaire ou refusent carrément d'attirer l'attention de l'ONU sur leur situation.
Les victimes d'actes de représailles et d'intimidation pour avoir coopéré avec l'ONU continuent de subir de graves violations des droits de l'homme - en particulier des arrestations et des détentions arbitraires, mais aussi des actes de torture et des mauvais traitements, voire des décès en détention, des meurtres et des disparitions forcées, a insisté Mme Brands Kehris.
Le rapport fait aussi état d'incidents et de problèmes liés à l'accès dans un nombre plus important que jamais de missions mandatées par le Conseil de sécurité, notamment en République centrafricaine, en République démocratique du Congo, en Libye, au Mali et au Soudan du Sud. Des problèmes d'accès sont également mis en évidence en Afghanistan, en Éthiopie, au Myanmar, en Syrie et au Yémen.
Dans la sphère numérique, des militants et des journalistes ont été attaqués sur les médias sociaux après avoir pris la parole lors de réunions de l'ONU et des victimes ont été prises pour cible pour avoir soumis des informations ou communiqué électroniquement avec nous, a par ailleurs indiqué Mme Brands Kehris. De nouveaux risques sont apparus, notamment par le biais d'une surveillance numérique élargie et d'attaques en ligne coordonnées par des acteurs étatiques et non étatiques, augmentant la vulnérabilité potentielle des individus et des organisations aux intimidations et aux représailles, a-t-elle ajouté.
Pour l'avenir, il faut que la communauté internationale travaille en étroite collaboration pour non seulement protéger les victimes, mais aussi améliorer et renforcer la capacité à prévenir les représailles, a souligné Mme Brands Kehris. Il est important de noter que les réponses des États aux allégations qui leur ont été présentées lors de la préparation du rapport sont encourageantes, a-t-elle toutefois indiqué. Cela renforce le dialogue et l’engagement, qui sont indispensables pour traiter et prévenir efficacement toutes les formes d'intimidation et de représailles, a-t-elle déclaré. Pour conclure, Mme Brands Kehris a réaffirmé la responsabilité partagée dans la lutte contre l'intimidation et les représailles dans le cadre de la coopération avec les Nations Unies.
Aperçu du débat
Les représailles et les intimidations à l'encontre des personnes qui ont coopéré ou cherchent à coopérer avec les Nations Unies constituent une attaque non seulement contre celles et ceux qui ont le courage de défendre les droits de l'homme, mais aussi contre l'essence et le bon fonctionnement du système des Nations Unies lui-même, ont souligné les intervenants. Ils ont condamné avec la plus grande fermeté toute forme d'intimidation, de harcèlement et de représailles, tant hors ligne qu'en ligne, à l’encontre de ces personnes et ont appelé tous les États à respecter et à protéger toutes les personnes, en particulier les défenseurs des droits de l'homme, qui coopèrent avec l’ONU.
Il a par ailleurs été jugé inacceptable que même au sein du Conseil, il y ait eu des cas d'utilisation d'un langage intimidant à l'encontre d’organisations non gouvernementales (ONG) lors de consultations informelles virtuelles.
Des pays ont fait observer que les cas mentionnés par Mme Brands Kehris ne reflétaient que la partie émergée de l'iceberg et ont souscrit au point de vue selon lequel des incidents répétés semblaient être le signe de schémas de représailles systématiques. Ont été dénoncées les représailles contre celles et ceux qui défendent les droits des femmes, ainsi que les nombreuses attaques violentes dont sont la cible les journalistes et les défenseurs des droits humains, notamment les défenseurs des droits des personnes LGBTI. Tous les États concernés ont été appelés à mettre fin aux actes d'intimidation et de représailles, à enquêter sur toutes les allégations de tels actes, à lutter contre l'impunité et à offrir aux victimes des recours efficaces.
Pour leur part, les délégations de plusieurs pays mentionnés par Mme Brands Kehris ont dit espérer que les prochains rapports du Secrétaire général utiliseraient des sources étayées et prendraient au sérieux, de manière objective et sur un pied d’égalité, les informations fournies par les gouvernements, afin d'éviter de tirer des conclusions jugées erronées par ces délégations. Certaines délégations ont ainsi expliqué que des personnes qui sont ici présentées comme ayant fait l'objet de représailles sont en réalité des personnes qui ont été arrêtées pour avoir commis des actes contraires à la loi et non pour avoir exercé leurs droits. Il a par ailleurs été affirmé que les organisations non gouvernementales outrepassaient très souvent les limites du statut consultatif qui leur est octroyé pour participer aux débats du Conseil.
Un intervenant a jugé frappant que le rapport du Secrétaire général ne mentionne pratiquement aucun cas de représailles dans les pays développés, malgré le fait qu'il existe des preuves présentées par la société civile d’actes de représailles, de menaces et de poursuites légales discriminatoires contre les migrants, les réfugiés, les demandeurs d'asile, ainsi que les leaders politiques et sociaux dans ces pays.
**Liste des intervenants : Union européenne, Belgique (au nom d'un groupe de pays), Autriche (au nom d'un groupe de pays), Lettonie (au nom d'un groupe de pays), Cameroun (au nom du Groupe africain), Irlande (au nom d'un groupe de pays), Égypte (au nom d'un groupe d'États arabes), Liechtenstein, Allemagne, Australie, France, Arménie, Suisse, Égypte, Iraq, Indonésie, Venezuela, Cuba, Viet Nam, Bélarus, Maroc, États-Unis, Sri Lanka, Inde, Arabie saoudite, Malaisie, Chine, Pakistan, Géorgie, Afghanistan, Philippines, Royaume-Uni, Cambodge, Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et Éthiopie.
HRC21.131F