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Le Rapporteur spécial sur les droits de l’homme des migrants appelle les États à respecter l'interdiction des expulsions collectives et à défendre le principe de non-refoulement

Compte rendu de séance

 

Le Rapporteur spécial sur les droits de l’homme des migrants, M. Felipe González Morales, a présenté cet après-midi au Conseil des droits de l’homme son rapport dans lequel il appelle notamment les États Membres à mettre fin aux pratiques de refoulement, à respecter pleinement l'interdiction des expulsions collectives et à défendre le principe de non-refoulement.

Si les crises mondiales de santé publique peuvent nécessiter l’adoption de mesures restrictives, ces mesures ne doivent pas avoir pour effet de refuser l'accès effectif à l'asile et à la protection en vertu du droit international, a-t-il en outre souligné.

M. González Morales a indiqué que son rapport met en lumière un certain nombre de tendances mondiales inquiétantes, en particulier la militarisation des patrouilles frontalières ; la conclusion d’accords bilatéraux et multilatéraux qui sont parfois utilisés pour contourner les obligations étatiques en matière de droits de l'homme ou pour entériner des renvois de migrants sans garanties individuelles ; ainsi que la délégation de la gouvernance des frontières et des procédures d'entrée à des États coopérants. À cet égard, le Rapporteur spécial a fait remarquer que les migrants détenus dans des centres de traitement extraterritoriaux accèdent difficilement aux garanties d'une procédure individualisée et d'un recours judiciaire.

M. González Morales a en outre mis en garde contre les refoulements en mer, qui mettent en danger la vie de milliers de migrants et ont conduit à la mort tragique de beaucoup d'entre eux, y compris des femmes et des enfants.

Suite à cette présentation, de nombreuses délégations** ont pris part au dialogue avec le Rapporteur spécial. La pratique consistant à dissuader ou à sanctionner la migration irrégulière, ainsi que l'usage excessif de la force aux frontières, le contrôle extraterritorial des frontières ou encore les retards dans les opérations de recherche et de sauvetage ont tous été jugés très préoccupants.

En début d’après-midi, le Conseil a par ailleurs achevé son dialogue avec le Rapporteur spécial sur le droit à un logement convenable, M. Balakrishnan Rajagopal, entamé ce matin. Il a entendu dans ce cadre les interventions de nombreuses délégations*, ainsi qu’une déclaration de la Nouvelle-Zélande en tant que pays concerné par le rapport de mission publié par la précédente titulaire du mandat, Mme Leilani Farha, à l’issue de sa visite dans le pays. L’institution néo-zélandaise des droits de l’homme est également intervenue.

Plusieurs pays ont exercé leur droit de réponse en fin de séance : Japon, Arménie, Algérie, Brésil, Chine et Maroc.

 

Le Conseil reprendra ses travaux demain matin à 10 heures. Il achèvera le dialogue avec la Rapporteuse spéciale sur le droit à la santé, entamé ce matin, avant d’engager son dialogue avec le Rapporteur spécial sur le droit à l’éducation.

 

Suite et fin du dialogue avec le Rapporteur spécial sur le droit à un logement convenable

Pays concerné

La Nouvelle-Zélande a reconnu les nombreuses préoccupations soulevées par le rapport publié par la précédente titulaire du mandat à l’issue de sa visite dans le pays. La crise du logement doit être abordée urgemment et de manière durable, a déclaré la délégation néo-zélandaise. Elle a assuré que la Nouvelle-Zélande allait examiner de près le rapport ainsi que les recommandations spécifiques qui y figurent dans le cadre des mesures qui sont mises en place actuellement par les autorités du pays. Tout le monde en Nouvelle-Zélande doit vivre dans un logement sain en toute sécurité, a-t-elle affirmé. La vision du pays reconnaît que tout le monde a le droit d’avoir accès à un logement convenable, ce qui englobe le droit à un niveau de vie convenable. Dans ce contexte, les autorités vont notamment lutter contre les logements insalubres qui touchent la communauté maorie.

L’ institution nationale des droits de l’homme de la Nouvelle Zélande a souligné que la Nouvelle-Zélande est effectivement confrontée à une crise du logement au regard des droits de l’homme et a indiqué que des lignes directrices allaient être édictées s’agissant de l’accès à un logement décent, en se basant sur les recommandations du Rapporteur spécial, plus particulièrement en ce qui concerne les peuples autochtones – et notamment les Maoris. Un Commissaire aux droits de l’homme des peuples autochtones devrait être nommé, à l’instar de ce qu’a décidé l’Australie, a ajouté l’institution nationale.

Aperçu du débat

De nombreuses délégations ont assuré être engagées à permettre l’accès à un logement convenable pour tous, notamment pour les personnes les plus vulnérables, et à rendre ces logements accessibles pour les personnes handicapées.

Le droit à un logement convenable permet de mettre en œuvre la justice sociale, a-t-il été souligné. Pour mettre en œuvre ce droit, il faut dans un premier temps lutter contre la grave crise socioéconomique mondiale qui touche les plus vulnérables et contre la pauvreté, a-t-il été observé.

Plusieurs délégations ont relevé que la crise de la COVID-19 représente un défi majeur dans la réalisation du droit au logement. La part de la population vivant en situation précaire ou sans logement durable s’est accrue du fait de la crise, a-t-il été constaté.

Face à cela, un pays a indiqué s’être appuyé sur plusieurs dispositifs pour réorienter durablement les personnes sans domicile vers le logement et proposer un accompagnement adapté.

Certains pays ont déclaré que le Rapporteur spécial avait raison de se concentrer sur le lien entre le droit au logement, d’une part, et le droit et la réponse humanitaires, de l’autre. Les conflits provoquent des déplacements forcés, ont-ils rappelé. Plusieurs délégations ont appelé les Etats à mettre en œuvre des programmes de reconstruction de logements dans leurs stratégies de réparation dans des situations post-conflit, tandis que d’autres ont dénoncé les atteintes au droit au logement dans le cadre de certains conflits actuels et dans certaines zones occupées, notamment dans le territoire palestinien occupé.

A aussi été mentionné l’impact négatif du changement climatique sur le droit à un logement convenable, le changement climatique pouvant en effet entraîner l’exode de millions de personnes déplacées internes ou externes. Certaines délégations ont rappelé que, dans une résolution adoptée l'année dernière, le Conseil avait appelé les États à tenir compte du droit à un logement convenable dans les stratégies d'adaptation au changement climatique et d'atténuation de ses effets.

Certains intervenants ont fait observer qu’en raison du racisme ou de la discrimination raciale, certaines personnes vulnérables n’ont pas accès à un logement décent.

De nombreux pays ont présenté leurs propres mesures nationales visant à permettre l’accès à un logement convenable pour l’ensemble de leur population, évoquant notamment leurs programmes de construction de logements neufs.

Une délégation a déploré l’appel à légiférer lancé par le Rapporteur spécial, qui contreviendrait selon elle au principe de non-ingérence dans les affaires internes des Etats.

*Liste des intervenants : Union européenne, France, Indonesie, Etat de Palestine, Libye, Ordre souverain de Malte, Finlande, Allemagne, Fidji, Bahreïn, Arménie, Chine, Inde, Maroc, Algérie, Venezuela, Egypte, Etats-Unis, Népal, Namibie, Malaisie, Azerbaïdjan, Pakistan, Ukraine, Mauritanie, Thaïlande, Fédération de Russie, Iraq, Tunisie, Bangladesh, Cambodge, Iran, ONU-Habitat, China Society for Human Rights Studies, Centro de Estudios Legales y Sociales (CELS) Asociación Civil, Edmund Rice International Limited, Caritas Internationalis, Associacao Brasileira de Gays, Lesbicas e Transgeneros, Terra de Direitos, iuventum e.V., Alsalam Foundation, European Region of the International Lesbian and Gay Federation, et Prahar .

Réponses et remarques de conclusion du Rapporteur spécial

M. BALAKRISHNAN RAJAGOPAL, Rapporteur spécial sur le logement convenable en tant qu’élément du droit à un niveau de vie suffisant, ainsi que sur le droit à la non-discrimination à cet égard, a indiqué que, si l’Union européenne avait effectivement adopté des directives contraignantes relatives à la non-discrimination en matière de logement, il était inquiet de la discrimination qui frappe toujours les migrants, les LGBTIQ+, les personnes de couleur et les Roms dans de nombreux pays européens. La criminalisation du fait de dormir dehors est elle aussi préoccupante, a-t-il ajouté.

Le Rapporteur spécial a par ailleurs indiqué qu’il contribuerait aux travaux de groupes de travail et organes conventionnels des Nations Unies sur la question de la discrimination en matière de logement. Il a ajouté qu’il continuerait en outre de se pencher sur le problème du logement convenable des travailleurs migrants domestiques ou actifs dans la construction de grandes infrastructures sportives ; il a recommandé que leurs droits soient protégés de manière plus proactive.

M. Rajagopal a d’autre part souligné que la collaboration avec la société civile était essentielle pour la réalisation de son mandat.

Contrairement à ce qu’a affirmé un intervenant, le Rapporteur spécial a estimé que son mandat devait pouvoir donner son avis sur des projets de loi.

M. Rajagopal a par ailleurs recommandé que ce mandat soit financé par une ligne régulière du budget ordinaire des Nations Unies, de manière à pouvoir financer, notamment, les services d’interprétation lors des consultations avec la société civile.

Le Rapporteur spécial a enfin souligné que la pandémie avait montré que le droit au logement était vital, au sens propre du terme.

Dialogue avec le Rapporteur spécial sur les droits de l’homme des migrants

Le Conseil est saisi du rapport du Rapporteur spécial sur les droits de l’homme des migrants (A/HRC/47/30), qui porte sur les moyens de répondre aux conséquences pour les droits de l’homme des mesures de renvoi de migrants sur terre et en mer.

Présentation du rapport

M. FELIPE GONZÁLEZ MORALES, Rapporteur spécial sur les droits de l’homme des migrants, a indiqué que, son mandat ayant reçu des informations révélant des tendances inquiétantes de refoulements de migrants le long de la plupart des routes migratoires, il avait abordé certaines préoccupations en matière de droits de l'homme liées aux mesures et pratiques de refoulement avec environ vingt États membres. Le rapport comprend une étude thématique sur les moyens de remédier à l'impact sur les droits de l'homme du refoulement des migrants sur terre et en mer, a-t-il précisé.

Les pratiques de refoulement sont mises en œuvre de diverses manières par des acteurs étatiques ou en coopération avec des acteurs non étatiques, a fait observer le Rapporteur spécial. Certains États mènent des opérations de refoulement avec l'assentiment, et parfois la coopération, d'États tiers vers lesquels les migrants sont renvoyés de force ; ailleurs, les opérations de refoulement sont menées en secret, ce qui donne lieu à des différends concernant la responsabilité, ainsi qu'à des conflits politiques.

Les États répondent aux mouvements migratoires en créant des obstacles et en les renforçant progressivement, a ensuite relevé le Rapporteur spécial. Les intérêts légitimes des États en matière de gestion des frontières aboutissent, dans certains cas, à des arrestations et renvois massifs de migrants, sans évaluation individuelle de leurs vulnérabilités ni de leurs besoins de protection, a-t-il déploré.

Le rapport, a indiqué son auteur, met en lumière un certain nombre de tendances mondiales inquiétantes, en particulier la militarisation des patrouilles frontalières ; la conclusion d’accords bilatéraux et multilatéraux qui sont parfois utilisés pour contourner les obligations étatiques en matière de droits de l'homme ou pour entériner des renvois de migrants sans garanties individuelles ; ainsi que la délégation de la gouvernance des frontières et des procédures d'entrée à des États coopérants. À cet égard, le Rapporteur spécial a fait remarquer que les migrants détenus dans des centres de traitement extraterritoriaux accèdent difficilement aux garanties d'une procédure individualisée et d'un recours judiciaire.

M. González Morales a aussi mis en garde contre les refoulements en mer, qui mettent en danger la vie de milliers de migrants et ont conduit à la mort tragique de beaucoup d'entre eux, y compris des femmes et des enfants. L’implication de Frontex dans les refoulements aux frontières extérieurs de l’Union européenne a elle aussi suscité des critiques, a fait observer le Rapporteur spécial.

Le rapport conclut qu'en l'absence d'une évaluation individualisée pour chaque migrant concerné et d'autres garanties procédurales, les refoulements constituent une violation de l'interdiction de l'expulsion collective et augmentent le risque de nouvelles violations des droits de l'homme. Les États, a ajouté le Rapporteur spécial, ont l'obligation de respecter les droits de l'homme de toute personne se trouvant sur leur territoire ou placée sous leur juridiction ou leur contrôle effectif, quel que soit son statut migratoire et sans discrimination d'aucune sorte.

Au chapitre des recommandations, le rapport appelle – notamment – les États Membres à mettre fin aux pratiques de refoulement, à respecter pleinement l'interdiction des expulsions collectives et à défendre le principe de non-refoulement.

Le rapport reconnaît enfin les problèmes spécifiques auxquels sont confrontés les États en raison de la pandémie de COVID-19. Dans ce contexte, le Rapporteur spécial a estimé que si les crises mondiales de santé publique peuvent nécessiter des restrictions de voyage, des mesures de dépistage, de test, de quarantaine médicale ou d'isolement, ces mesures ne doivent pas avoir pour effet de refuser l'accès effectif à l'asile et à la protection en vertu du droit international.

Aperçu du débat

De nombreuses préoccupations ont été exprimées cet après-midi face à la vulnérabilité des migrants mineurs, accompagnés ou non. Le fait de refouler des enfants sans procédure régulière, sans possibilité de demander l'asile ou sans que les autorités chargées de la protection de l'enfance ne procèdent à une évaluation de l'intérêt supérieur de chaque enfant, constitue toujours une violation des droits de l'enfant, a-t-il été souligné. L'accès au territoire est la première étape pour assurer une protection vitale aux enfants en déplacement, a fait remarquer un intervenant.

Un groupe d’États a recommandé de mettre fin une fois pour toutes à la détention d'enfants par les services d'immigration et à la séparation des familles, qui ne sont pas dans l'intérêt de l'enfant et ont des répercussions profondes et négatives sur les enfants tout au long de leur vie. Les États ont été appelés à appliquer le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières, qui place les enfants migrants au cœur de sa mise en œuvre.

Il a aussi été rappelé que le Pacte mondial engageait les États qui l'ont accepté à prévenir les migrations irrégulières et à mettre en œuvre des politiques de gestion des frontières qui respectent la souveraineté nationale, l'état de droit, les obligations découlant du droit international et les droits de l'homme de tous les migrants.

Un groupe de pays a regretté que le rapport ne reconnaisse pas les efforts déployés par les gouvernements européens qui, face à la pandémie, « ont continué d’assumer leurs responsabilités et d’assurer le bien-être des milliers de migrants et réfugiés qui ont atteint les frontières européennes ou qui ont été secourus en mer ».

Un intervenant a, pour sa part, critiqué ce qu’il a qualifié d’abus commis dans des centres de rétention pour migrants dans plusieurs pays occidentaux, abus tels que séparation de familles et usage excessif de la force.

Plusieurs délégations ont souscrit au point de vue du Rapporteur spécial selon lequel l'expulsion de migrants sans évaluation individualisée de leurs besoins de protection était contraire aux obligations internationales des Etats concernant les migrants et les réfugiés, au regard en particulier de l'interdiction des expulsions collectives, du principe de non-refoulement et du droit de demander le statut de réfugié.

La pratique consistant à dissuader ou à sanctionner la migration irrégulière, ainsi que l'usage excessif de la force aux frontières, le contrôle extraterritorial des frontières ou encore les retards dans les opérations de recherche et de sauvetage ont été jugés très préoccupants. Un système d'asile efficace, conforme à l'état de droit et durable, implique de respecter le droit de demander l’asile et d’en bénéficier contre les persécutions, a-t-il été souligné.

L’importance de respecter le principe de non-refoulement a maintes fois été rappelée. Quelques intervenants ont attiré l’attention sur le comportement de certains pays de transit de migrants, qui revient à instrumentaliser la souffrance humaine et qu’ils ont jugé contraire au droit international.

Enfin, les pays d'accueil ont été appelés à remplir leurs devoirs envers les migrants et demandeurs d'asile et à mettre fin à toute forme de discrimination à leur encontre. Il a été rappelé que les migrants ont toujours contribué au développement socioéconomique des pays tant d'origine que de destination.

**Les délégations suivantes ont pris part au débat : Union européenne, Mexique (au nom d'un groupe de pays), Suède (au nom d'un groupe de pays), Chine (au nom d'un groupe de pays), Paraguay, Fonds des Nations unies pour l'enfance (UNICEF), France, Équateur, Indonésie, Allemagne, Libye, Portugal, Ordre Souverain de Malte, Cuba, Luxembourg, Bangladesh, Costa Rica, Sénégal, Iraq, Arménie, Togo, Syrie, Chili, Burkina Faso, Chine, Inde, Malte, Algérie, Venezuela, États-Unis, Égypte, Maroc, Grèce, Népal, Malaisie et Sri Lanka.

Réponses du Rapporteur spécial

M. GONZÁLEZ MORALES a déclaré que la pratique du « pushback » (refoulement) est l’une des pratiques les plus graves à l’encontre des migrants. Il s’agit d’une pratique qui existait avant la pandémie mais qui a été aggravée pendant la pandémie et qui entraîne aujourd’hui une augmentation des violations des droits de l’homme des migrants en général. Au nombre des mesures qui doivent être prises pour mettre un terme à cette pratique, figure le lancement d’enquêtes sérieuses ; ces enquêtes sont réclamées également par des mécanismes régionaux de droits de l’homme. A cet égard, il faut renforcer les mécanismes de suivi aux niveaux aussi bien national que régional ou international, a expliqué le Rapporteur spécial.

Ce débat se poursuivra demain à 15 heures.

 

HRC21068F