LE CONSEIL DES DROITS DE L’HOMME TIENT SON DÉBAT GÉNÉRAL AU TITRE DE L’ASSISTANCE TECHNIQUE ET DU RENFORCEMENT DES CAPACITÉS
Il est saisi de rapports sur la Géorgie, le Yémen et le Cambodge
Le Conseil des droits de l’homme était saisi, cet après-midi, de trois rapports préparés par la Haute-Commissaire aux droits de l’homme et par le Secrétaire général des Nations Unies au titre de l’assistance technique et du renforcement des capacités concernant le Cambodge, la Géorgie et le Yémen. Ces rapports ont été présentés par Mme Georgette Gagnon, Directrice de la Division des opérations sur le terrain et de la coopération technique au Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme. Le Conseil a ensuite tenu son débat général sur la coopération technique et le renforcement des capacités.
Présentant le rapport du Secrétaire général sur le rôle joué et le travail accompli par le Haut-Commissariat aux droits de l’homme pour aider le Gouvernement et le peuple cambogiens à promouvoir et protéger les droits de l’homme, Mme Gagnon a indiqué que le Haut-Commissariat avait continué de fournir, entre juin 2019 et mai 2020, une assistance technique au Gouvernement pour renforcer l'administration de la justice et protéger les libertés fondamentales et les droits économiques, sociaux et culturels, y compris dans le contexte de la pandémie de COVID-19. Mais la situation a été marquée par un nouveau resserrement de l'espace politique et civique, a indiqué Mme Gagnon.
Mme Gagnon a ensuite que, dans son rapport sur la coopération avec la Géorgie, le Haut-Commissariat saluait sa coopération avec le Gouvernement géorgien, le défenseur public et la société civile. Mais, le Haut-Commissariat regrette que les personnes LGBTI en Géorgie se heurtent à des obstacles dans l'exercice de leurs droits.
Par ailleurs, a relevé Mme Gagnon, le Haut-Commissariat n'a toujours pas accès à l'Abkhazie et à l'Ossétie du Sud : le rapport souligne la persistance des violations des droits de l'homme dans et autour de ces régions.
Concernant enfin le Yémen, le rapport du Haut-Commissariat précise que depuis l'escalade du conflit en mars 2015, ont été enregistrés les meurtres de 7897 civils, dont 2170 enfants, ainsi que quelque 12 554 civils blessés – tandis que 3,65 millions de personnes déplacées vivent dans des conditions désastreuses. C'est dans ce contexte difficile que la Commission nationale d’enquête doit travailler, Commission au profit de laquelle le Haut-Commissariat a organisé des activités visant à renforcer les connaissances de ses enquêteurs et observateurs de terrain.
Le Cambodge, la Géorgie et le Yémen ont fait des déclarations à titre de pays concernés, après quoi de très nombreuses délégations* ont pris part au débat général.
À la fin de la séance, l’Ukraine et la Géorgie ont exercé leur droit de réponse.
À partir de demain 10 heures, les deux derniers jours de la session seront consacrés à l’adoption des projets de résolution et de décision dont le Conseil est saisi. Les membres du Conseil se réuniront pour ce faire dans la salle XX du Palais des Nations.
Les séances de la quarante-quatrième session du Conseil sont retransmises sur le site UN Web TV.
Assistance technique à la Géorgie, au Yémen et au Cambodge
Le Conseil était saisi de deux rapports de la Haute-Commissaire aux droits de l’homme portant, respectivement, sur la coopération avec la Géorgie (A/HRC/45/54) et sur « la mise en œuvre de l’assistance technique fournie à la Commission nationale d’enquête afin qu’elle examine les allégations de violations des droits de l’homme et d’atteintes à ces droits commises par toutes les parties au conflit au Yémen » (A/HRC/45/57). Le Conseil était également saisi d’un rapport du Secrétaire général sur « le rôle joué et travail accompli par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme pour aider le Gouvernement et le peuple cambogiens à promouvoir et protéger les droits de l’homme » (A/HRC/45/56).
Présentation
Les rapports ont été présentés par MME GEORGETTE GAGNON, Directrice de la Division des opérations sur le terrain et de la coopération technique au Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme.
S’agissant d’abord du rapport sur le Cambodge, Mme Gagnon a indiqué que le Haut-Commissariat avait continué de fournir au pays, entre le 1er juin 2019 et le 31 mai 2020, une assistance technique pour renforcer l'administration de la justice et protéger les libertés fondamentales et les droits économiques, sociaux et culturels, y compris dans le contexte de la pandémie de COVID-19.
Au cours de la période couverte par le rapport, la situation au Cambodge a été marquée par un nouveau resserrement de l'espace politique et civique, a souligné Mme Gagnon. Au cours de cette période, au moins 140 personnes associées au Parti du sauvetage national du Cambodge, dissous, ont été arrêtées. Le procès pour trahison de M. Kem Sokha, président par intérim de ce parti, fait partie d'un ensemble de lois appliquées arbitrairement pour cibler les opposants politiques, indique le rapport.
Ce document décrit au moins 46 cas où les activités des organisations de la société civile ont fait l'objet d’ingérences, d’intimidations ou de harcèlement de la part des autorités. Ainsi, le 7 septembre, soit après la rédaction du rapport, une femme défenseure des droits de l'homme a été arrêtée après avoir quitté le bureau du Haut-Commissariat à Phnom Penh. Le Haut-Commissariat appelle le Gouvernement cambodgien à libérer immédiatement les personnes détenues pour avoir exercé leurs libertés fondamentales et à mettre fin au climat d'intimidation contre la société civile.
Le Haut-Commissariat continue par ailleurs de fournir au Cambodge une assistance technique pour consolider les garanties relatives au droit à un procès équitable et pour traiter le problème de la surpopulation carcérale. Il aide également le Cambodge à régler les problèmes liés aux droits à la terre et au logement, en particulier s’agissant des expulsions forcées, de la réinstallation et des processus d'établissement des titres de propriété.
Enfin, tout en reconnaissant les efforts du Gouvernement cambodgien contre la pandémie de COVID-19, le Haut-Commissariat recommande que sa riposte soit fondée sur les droits de l'homme.
Le rapport de la Haute-Commissaire sur la coopération avec la Géorgie, qui couvre la période du 1er juin 2019 au 31 mai 2020, porte aussi sur les principales préoccupations en Abkhazie (Géorgie) et dans la région de Tskhinvali/Ossétie du Sud (Géorgie) et leurs environs.
Le Haut-Commissariat apprécie la coopération avec le Gouvernement géorgien, le défenseur public et la société civile, et se félicite des mesures importantes qui ont été prises, telles que la création du Bureau de l'Inspecteur d'État et le processus inclusif d'élaboration de la stratégie nationale des droits de l'homme 2021-2030. Il prend en outre note des efforts du Gouvernement géorgien pour que la riposte à la COVID-19 soit centrée sur les droits de l'homme. Mais le Haut-Commissariat regrette que les personnes LGBTI continuent de se heurter à des obstacles dans l'exercice de leurs droits. Il note aussi les difficultés persistantes rencontrées par la communauté musulmane de Batumi pour obtenir un permis de construire une mosquée.
D’autre part, le Haut-Commissariat n'a toujours pas accès à l'Abkhazie et à l'Ossétie du Sud. Le rapport souligne la persistance des violations des droits de l'homme dans et autour de ces régions, s’agissant notamment des restrictions de la liberté de mouvement, des critères discriminatoires d'accès aux documents personnels et des violations des droits à l'éducation et à la propriété. La fermeture prolongée des points de passage et les détentions pour « passage non autorisé » aggravent la situation socioéconomique vulnérable des populations, indique le rapport.
La mort d'un jeune homme en Ossétie du Sud en août 2020, qui serait due à des blessures subies sous la torture ou des mauvais traitements en détention, a ravivé les inquiétudes concernant le traitement des détenus. Le Haut-Commissariat demande à toutes les autorités compétentes de veiller à ce que les responsables de ce cas et des quatre cas précédents de privation de vie survenus en Abkhazie et en Ossétie du Sud répondent de leurs actes.
S’agissant enfin du rapport de la Haute-Commissaire sur le Yémen, il précise que depuis l'escalade du conflit en mars 2015, le Haut-Commissariat a enregistré les meurtres de 7897 civils, dont 2170 enfants, ainsi que quelque 12 554 civils blessés – tandis que 3,65 millions de personnes déplacées vivent dans des conditions désastreuses, sans accès à la nourriture, à l'éducation, à un logement adéquat ni aux soins de santé de base. C'est dans ce contexte difficile que la Commission nationale d’enquête doit travailler.
Au cours de l'année dernière, le Bureau a organisé des activités visant à renforcer les connaissances des enquêteurs et des observateurs de terrain de la Commission. Malheureusement, les activités prévues d'avril à septembre 2020 ont dû être reportées en raison de l'épidémie de COVID-19.
Le soutien technique du Haut-Commissariat au cours des dernières années a renforcé la capacité de la Commission à surveiller, documenter et rendre compte. La Commission a ainsi amélioré ses rapports sur différentes violations des droits de l’homme et du droit humanitaire international, y compris le recrutement d'enfants et les déplacements forcés. À ce jour, elle a produit huit rapports, documentant plus de 21 000 violations des droits de l'homme perpétrées par les belligérants.
Pourtant, la Commission reste confrontée à des problèmes considérables, notamment des contraintes sécuritaires et politiques, qui entravent sa capacité à mener des enquêtes approfondies. Les autorités de facto à Sanaa n'ont pas coopéré avec la Commission et ne lui ont pas accordé l'accès aux zones qu'elles contrôlent, a relevé Mme Gagnon.
Le rapport contient des recommandations pour renforcer la Commission : il s'agit notamment de renforcer son mandat pour qu'elle puisse remplir efficacement son rôle de mécanisme indépendant, et de lui fournir des ressources financières suffisantes. Le rapport recommande également que le Procureur général agisse systématiquement sur les cas transmis par la Commission, quels que soient les auteurs présumés.
Pays concernés
La délégation du Cambodge a souligné que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques prévoit des restrictions possibles à liberté d’expression. En particulier, la liberté d’expression et le droit de réunion ne sauraient être invoqués pour justifier des infractions à la loi. Comme dans d’autres pays, la police a pour mission de maintenir l’ordre, a rappelé la délégation cambodgienne. Le Gouvernement tient à trouver des réponses aux problèmes rencontrés par les organisations de la société civile, a-t-elle poursuivi. Le Cambodge reconnaît le droit à la terre des autochtones, a-t-elle en outre assuré. La délégation a d’autre part souligné que le Haut-Commissariat aux droits de l’homme avait l’obligation de respecter la souveraineté de l’État cambodgien.
Le Cambodge gère la COVID-19 sans confinement, avec des mesures financières pour venir en aide aux ruraux et aux travailleurs, tandis que les détenus bénéficient de mesures de protection contre la maladie, a en outre fait valoir la délégation.
La Géorgie a dénoncé les actions provocatrices de la Fédération de Russie sur le terrain, en Abkhazie (Géorgie) et dans la région de Tskhinvali/Ossétie du Sud (Géorgie), où la population souffre d’une militarisation illégale ; de nombreuses violations des droits de l’homme, notamment des détentions arbitraires et des cas de torture, sont constatées. Ces faits vont à l’encontre de l’appel à un cessez-le-feu mondial du Secrétaire général. Les restrictions à la liberté de circulation ont eu des répercussions graves sur la population, notamment en raison de la pandémie de COVID-19, a poursuivi la délégation, avant de citer de nombreux cas de défenseurs des droits de l’homme arrêtés. Il faut que la Fédération de Russie autorise le passage humanitaire dans les zones occupées, a insisté la délégation géorgienne. La communauté internationale doit faire en sorte que la Fédération de Russie respecte le droit international et ses engagements. Le Gouvernement de la Géorgie poursuit sa politique de résolution pacifique des conflits qui vise la réconciliation des communautés et le retour sûr pour les personnes déplacées, a indiqué la délégation géorgienne.
La délégation du Yémen a pris acte du contenu du rapport de la Haute-Commissaire concernant la Commission nationale d’enquête, qui est chargée d’enquêter sur les allégations de violations des droits de l’homme. Organe national indépendant, la Commission bénéficie du soutien nécessaire pour accomplir son mandat, a assuré la délégation yéménite, avant de juger superflue la création de tout autre mécanisme qui, lui, ne connaîtrait pas la situation sur le terrain.
La délégation a ajouté que la source des problèmes au Yémen résidait dans le coup d’État lancé par les milices en 2014 et a dénoncé l’utilisation d’armes lourdes par ces milices à l’encontre des civils.
Le Gouvernement yéménite est prêt à appliquer les accords relatifs à l’accès humanitaire au Yémen, a poursuivi la délégation. Elle a rappelé que sans solution politique, ce conflit pourrait durer de longues années. Elle a demandé au Conseil de prendre une position ferme contre les États qui refusent d’appliquer les accords mentionnés. L’État a besoin d’une aide pour pouvoir respecter ses engagements dans le domaine des droits de l’homme, a conclu la délégation yéménite.
Débat général sur l’assistance technique et le renforcement des capacités
La coopération technique et le renforcement des capacités jouent un rôle fondamental dans la promotion et la protection des droits de l’homme, ont rappelé de très nombreuses délégations. Plusieurs délégations ont appelé à un financement suffisant du Haut-Commissariat pour lui permettre de mener à bien son mandat en matière d’assistance technique et de renforcement des capacités. Il a en outre été demandé que davantage d’attention soit accordée dans ce domaine aux pays les plus pauvres.
Certains Etats ont plaidé pour un échange de bonnes pratiques en termes de réponse à la pandémie de COVID-19, notamment dans le domaine de l’éducation.
Plusieurs délégations ont demandé une assistance technique du Haut-Commissariat pour leur propre pays.
Une organisation non gouvernementale (ONG) a plaidé pour que la société civile soit davantage représentée dans les programmes d’assistance technique et de renforcement des capacités.
Un certain nombre de délégations ont appelé le Haut-Commissariat à travailler en coopération avec les pays visés (par la coopération technique) et non pas contre leur avis, soulignant que le principe fondamental doit être la coopération. Il ne faut pas que le Haut-Commissariat s’ingère dans les affaires intérieures des pays, a-t-il été affirmé.
Tous les droits de l’homme, y compris le droit au développement, sont des droits universels, inaliénables, indivisibles et interdépendants, a-t-il été rappelé. Les efforts de renforcement de capacités et d’assistance technique doivent cibler les droits sociaux, politiques et culturelles au même titre que les droits civils et politiques, a-t-on souligné. De nombreuses délégations ont particulièrement insisté pour que le droit au développement soit placé au cœur du programme de renforcement des capacités et d’assistance technique.
Le Cambodge doit davantage ouvrir l’espace de la société civile, ont plaidé plusieurs délégations. Plusieurs intervenants ont regretté l’arrestation de nombreux défenseurs des droits de l’homme dans ce pays.
A par ailleurs été déploré le fait que le Haut-Commissariat ne puisse pas se rendre en Abkhazie et en Ossétie du Sud. Le manque de responsabilité pour les graves violations des droits de l’homme dans ces régions est très inquiétant, ont estimé plusieurs délégations.
S’agissant du Yémen, de nombreuses délégations ont dénoncé les souffrances de la population en raison du conflit dans ce pays. Toutes les parties doivent reprendre les négociations de paix, a-t-il été maintes fois demandé.
*Liste des intervenants : Allemagne (au nom de l’Union européenne), Koweït (au nom du Groupe des pays arabes), Pakistan (au nom de l’Organisation de coopération islamique), Azerbaïdjan (au nom du Mouvement des non-alignés), Burkina Faso (au nom du Groupe africain), Royaume-Uni (au nom du Commonwealth), Pakistan (au nom d’un groupe de pays), Canada (au nom de la Francophonie), Brésil (au nom de la Communauté de pays de langue portugaise), Bahreïn (au nom d’un groupe de pays), Allemagne, Libye, Pakistan, Inde, Indonésie, Ukraine, Togo, Australie, Bahamas, Pays-Bas, Venezuela, Bahreïn, Népal, Bulgarie, Soudan, Pologne, Philippines, Finlande, Jordanie, France, Estonie, Sierra Leone, Arabie saoudite, Suède, Grèce, Maroc, Chine, Thaïlande, Iran, Cuba, Lituanie, Timor Leste, Lettonie, Costa Rica, Algérie, Fédération de Russie, Royaume-Uni, Soudan du Sud, Azerbaïdjan, Égypte, Roumanie, Émirats arabes unis, Géorgie, Ouganda, Bélarus, République de Moldova, Commission des droits de l’homme des Philippines, Bureau du Défenseur du peuple de Géorgie, Association américaine de juristes, World Organisation Against Torture, Organization for Defending Victims of Violence, Association d’entraide médicale Guinée, Huamn Rights House Foundation, Health and Environment Program, Association of World Citizens, Organisation internationale pour les pays les moins avancées, Universal Rights Group, African Green Foundation International, Conscience and Peace Tax International, Village unis, World Barua Organization, Liberation, Global Welfare Association, Association pour l’intégration et le développement durable au Burundi, Centre for Organization Research & Education, Mother of Hope Cameroon Common Initiative Group, Prahar, Association for the Protection of Women and Children’s Rights, Commission internationale de juristes, Association lesbienne et gay internationale - Europe, Servas International, Fédération internationale des ligues des droits de l'homme, Global Institute for Water Environment and Health.
HRC20.118F