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Les Colloques de La Tour: "La Genève internationale, le remède pour un monde malade"

Michael Møller

17 mai 2017
Les Colloques de La Tour: "La Genève internationale, le remède pour un monde malade"

Allocution de M. Michael Møller
Secrétaire général adjoint
Directeur général de l’Office des Nations Unies à Genève

« La Genève internationale, le remède pour un monde malade »

Les Colloques de La Tour
Mercredi 17 mai 2017, à 12h30
Grande salle de conférence Auditoire J.-B. Thorens
Hôpital de La Tour

Mesdames et Messieurs :

C’est un grand plaisir pour moi de contribuer aujourd’hui aux colloques de formation continue offerts par l’Hôpital de La Tour. Votre institution est un pilier essentiel de notre ville hôte – je suis un client fidèle de la Tour et je ne peux que souligner l’excellente qualité des soins dispensés ici. J’en suis reconnaissant et je souhaite remercier les organisateurs pour l’opportunité de m’adresser à vous aujourd’hui.

J’espère que, d’ici la fin de ma présentation, j’aurais réussi à partager avec vous ma conviction que la Genève internationale est le remède pour un monde malade en m’appuyant surtout sur le domaine de la santé qui est au cœur du système onusien dans cette ville. Car la santé mondiale est un élément indispensable dans nos efforts collectifs pour le développement durable – l’enjeu décisif pour la communauté internationale au 21e siècle. J’espère aussi vous convaincre que le travail accompli ici, à Genève, par nous tous, est vital. Car face aux défis contemporains, Genève – ainsi que la collaboration novatrice qu’elle véhicule – est le remède pour un monde malade.

Un examen de l’état de la santé mondiale nous permet d’apprécier les principaux obstacles et défis auxquels est confronté le développement durable dans son ensemble. Tout d’abord, si les dernières décennies peuvent témoigner des progrès accomplis dans de nombreux domaines, il nous reste beaucoup à faire. Entre 1990 et 2015, par exemple, le taux de mortalité infantile dans le monde a été réduit de moitié, le taux de mortalité maternelle par 45% et les nouvelles infections par le VIH par presque 40%. Malgré ces succès incontestables, des lacunes persistent et le progrès n’est pas uniformément réparti entre et à l’intérieur des états. La médecine procréative, par exemple, n’est toujours pas universelle ; seule la moitié des femmes enceintes a reçu le nombre recommandé de visites prénatales en 2015.

De plus, il est apparent que les grands enjeux de notre ère sont mondiaux et qu’ils dépassent très largement les capacités d’un état ou d’une organisation à y remédier seul. Dans le cadre de la santé mondiale, la pollution de l’environnement – un facteur responsable de la mort de plus de 12,6 millions de personnes chaque année – ne connait ni frontières ni nationalité. De même pour les épidémies, telle que celle du Zika qui s’est répandue dans plus de 84 pays en moins de trois ans.

Cette réalité nous mène à la troisième menace qui plane sur nos efforts collectifs – une crise de gouvernance à tous les niveaux d’autorité : local, national et mondial. Les inégalités socio-économiques entre et au sein des pays contribuent fortement à la méfiance du public envers nos institutions. En plus, nous devons aborder les problèmes du 21e siècle avec des institutions et mentalités bureaucratiques datant de 1945. Dans le domaine de la santé, la flambée du virus Ebola qui fut si dévastatrice pour l’Afrique de l’Ouest de 2014 à 2016 a montré de manière tragique les répercussions réelles lorsque les structures de la gouvernance échouent. Dépourvus et accablés par l’envergure de l’urgence, les systèmes de santé locaux et nationaux se sont effondrés lors de la crise tandis que la communauté internationale n’a pas donné de réponse adéquate assez rapidement. Face à cette urgence, bien des états ont opté pour le protectionnisme et l’isolement, des réponses en vogue de nos jours mais qui ne peuvent qu’aggraver le problème.

Alors, que faire pour faire face à ces défis persistants? Notre réponse doit être collective et ancrée sur une vision partagée de l’avenir. Cette vision est l’Agenda 2030 pour le développement durable, adopté par nos chefs d’états en 2015. Cet agenda est indivisible et universel et représente notre feuille de route collective vers un avenir plus sûr, juste et durable. Au cœur de ce projet sont les 17 Objectifs de développement durable (ODD) dont un – le troisième – est spécifiquement consacré à la santé et au bien-être. Fort des progrès accomplis par les Objectifs du Millénaire pour le développement, cet objectif fixe de nouvelles cibles pour le VIH/SIDA, tuberculose et paludisme, ainsi que pour la mortalité de l’enfant et de la mère. Enfin, les ODD sont interdépendants et indivisibles. En d’autres termes, le progrès sur l’objectif santé a des retombés importantes sur les autres objectifs. Il est indispensable, par exemple, de garantir un accès équitable aux services de santé pour réduire la pauvreté. Dans cette même logique, tous les autres objectifs ont un volet santé. Promouvoir la consommation responsable, par exemple, – le douzième objectif – a un effet sur la santé pour la consommation des produits thérapeutiques pour lutter contre la résistance aux antibiotiques.

Autrement dit, les Objectifs de développement durable sont ancrés dans une perspective holistique et notre succès collectif dans ce projet dépend d’une collaboration étroite entre divers acteurs qui – jusqu’à présent – œuvraient isolés dans leurs domaines respectifs. L’Arc lémanique, de par sa concentration sans parallèles de plus de 100 organisations internationales, plus de 178 États représentés, environ 400 ONG, plus de 250 missions permanentes et autres délégations, un secteur privé dynamique et des institutions académiques de grande qualité, est l’endroit idéal pour faciliter cette collaboration sur une vaste gamme de sujet, y compris la santé. Fort des quartiers généraux des organismes internationaux clés pour la santé – tels que l’Organisation mondiale de la santé, l’Unicef et l’ONU-Sida – et d’ONG influentes, Genève est l’endroit où la lutte contre les maladies mortelles est coordonnée et où des solutions concrètes sont mises en place pour améliorer la santé de toutes et tous.

Mais Genève est plus qu’un centre de coordination. Elle est également un centre bien établi en termes de partenariats concrets et novateurs. L’Alliance du vaccin (GAVI), le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme et le Partenariat halte à la tuberculose, ne sont que trois exemples dans le seul domaine de la santé qui reflètent des partenariats entre gouvernements, organisations internationales, donateurs privés et ONGs créées ici, à Genève. Ces regroupements ont un impact démontrable parce qu’ils fusionnent les avantages comparatifs de leurs partenaires pour obtenir des résultats supérieurs. L’Alliance du Vaccin, par exemple, a déjà immunisé près de 320 millions d’enfants en 10 ans. Les instituts de recherche et les hôpitaux de l’Arc lémanique sont part entiére du succès coopératif de la Genève internationale. Les Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), par exemple, furent impliqués dans la phase d’essai du premier vaccin prometteur contre le virus Ebola.

Bien sûr, ces efforts de synergie et d’échange d’information ne sont pas limités au seul domaine de la santé. La Genève internationale – avec plus que 42 000 personnes, si l’on compte les employés des Missions permanentes, des Organisations internationales et des ONGs ainsi que les membres de leur familles – n’est pas seulement la capitale mondiale de la santé. Depuis la création de la Croix Rouge il y a plus de 150 ans, Genève a su créer et développer un écosystème unique dans le monde pour devenir la ville de référence sur les questions humanitaires, des droits de l’homme, du commerce, de la paix, de la technologie, de la gouvernance d’internet, de l’environnement, du travail pour n’en citer que quelques-unes. Si les travaux accomplis et les décisions prises à Genève passent souvent inaperçus, leur impact est ressenti chaque jour partout dans le monde et par chacun d’entre nous. Chaque interaction avec votre smartphone est possible grâce aux standards et règles négociés au sein de l’Union internationale des télécommunications, par exemple. Les vaccins qui nous protègent tous de maladies terribles sont réglementés par l’OMS. Pour résumer en trois mots, la Genève internationale œuvre pour la paix, les droits et le bien-être. En effet, si New York est le centre politique du système international, Genève est le centre opérationnel pour une vaste gamme de sujets, y compris la mise en œuvre des ODD. Car Genève réunit tant le hardware que le software dont les ODD ont besoin pour prospérer. Le hardware regroupe entre autre l’infrastructure, la logistique et le soutien administratif, comme par exemple l’émission des visas. Le software, par contre, couvre le savoir-faire, l’expertise et la nouvelle mentalité de coopération au-delà des silos, qui fleurissent sur les rives du Lac Léman. La conviction que les connaissances et l’expertise ne doivent pas être stockées mais partagées est de plus en plus répandue à Genève – j’ose dire plus que dans d’autres villes onusiennes. Par exemple, notre Bibliothèque des Nations Unies à Genève a près de 50 million de documents juste pour l’objectif dédié à la santé et le bien-être ; un trésor d’information sans parallèle, facilement accessible en ligne et classifier par chaque ODD. Je vous invite à tirer profit de cette initiative car le partage du savoir-faire et la coopération entre différents acteurs de domaines multiples sont des éléments cruciaux pour la réussite de ces 17 ODD.

La communauté internationale, les autorités suisses et leurs partenaires reconnaissent l’atout incontestable qu’est la Genève internationale. Pour la pérenniser, ils investissent massivement dans de nombreux projets de rénovation, tel celui du Palais des Nations et de l’OMS avec des plafonds des coûts à 836 millions et 240 millions de francs respectivement. Pour sa part le Campus Santé accueillera l’Alliance du vaccin et le Fonds mondial ainsi que d’autres acteurs du domaine de la santé une fois que le chantier du bâtiment sera terminé. D’autres rénovations, comme celui de la Fédération de la Croix Rouge et du Croissant Rouge, de l’Organisation internationale du Travail et de l’Union internationale des télécommunications, ainsi que le projet de la Route des Nations, complètent ces investissements importants pour renforcer l’attractivité de la Genève internationale.

Ces efforts permettront à la Genève internationale de demeurer un lieu où les remèdes pour les nombreux maux de notre ère seront développés et les programmes de traitement mondiaux élaborés.

Je vous remercie et vous souhaite à toutes et à tous une très agréable journée.

This speech is part of a curated selection from various official events and is posted as prepared.