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« Quel rôle pour les Nations Unies dans la gouvernance mondiale ? »

Michael Møller

20 janvier 2014
« Quel rôle pour les Nations Unies dans la gouvernance mondiale ? »

Opening remarks by Mr. Michael Møller
United Nations Under-Secretary-General
Acting Director-General of the United Nations Office at Geneva

Global Governance Monday:
« Quel rôle pour les Nations Unies dans la gouvernance mondiale ? »
Geneva Press Club
Monday, 20 January 2014 at 12:15


Mesdames et Messieurs,
Chers panelistes,
Chers collègues:

D’abord, un grand merci à Monsieur Mettan pour son invitation. L’ONUG a été un partenaire des « Lundis de la gouvernance mondiale » depuis leur création et je suis donc particulièrement heureux d’être là aujourd’hui. Je suis aussi honoré de partager le podium avec des intervenants aussi prestigieux et je me réjouis de nos échanges.

J’aimerais soulever trois points importants et mentionner des tendances qui sont en train de modifier en profondeur notre mode de fonctionnement.

Premièrement, la gouvernance mondiale subit une transformation radicale, bien plus profonde qu’il ne pourrait paraître. Et certainement plus profonde que ce que la plupart de nos institutions internationales ont été capables de prendre en compte. Ces transformations ont aussi mis en évidence la lenteur de nos institutions à s’adapter.

Deuxièmement, les Nations Unies – sous leur forme actuelle et avec leur façon de travailler - ne sont pas encore convenablement armées pour jouer pleinement leur rôle dans cette nouvelle gouvernance mondiale. Notre Organisation court en fait actuellement le risque de devenir de plus en plus inefficace avec le temps – et peut être même inutile - à moins qu’elle ne tire les conclusions des changements auxquels nous faisons face et qu’elle s’adapte.

Troisièmement, et le plus important, les Nations Unies possèdent les atouts nécessaires – à travers l’ensemble de son système - pour jouer un rôle essentiel au niveau mondial dans le cadre de cette nouvelle gouvernance.
Nous assistons actuellement à un réalignement de trois sphères distinctes mais interconnectées : la première, entre les individus et les institutions ; la deuxième, entre le « nord » et le « sud », et entre «l’est » et « l’ouest », et la troisième, aux niveaux local, régional et mondial. Mises ensemble, elles ont pour conséquence principale le changement progressif du rôle et de la portée de l’État.

L’impact et le pouvoir des individus a changé de façon drastique sur une courte période. Les nouveaux moyens de communication ont donné plus de pouvoir aux individus dans le monde entier et ces individus ont désormais des attentes beaucoup plus importantes. Il y aura bientôt près de 8 milliards de voix individuelles demandant une vie meilleure. Ces personnes souhaiteront également avoir une influence sur la façon dont elles sont gouvernées. Cette nouvelle donne modifie la teneur et la qualité de l’interaction des individus avec les institutions qui les gouvernent et ce, à tous les niveaux.

Il y a désormais un manque de confiance grandissant envers la gouvernance mondiale et la démocratie dans son ensemble. Trouver les moyens de restaurer la foi en la gouvernance et en la démocratie est actuellement un des défis majeurs pour la communauté internationale.

Au niveau local, la migration vers les villes change la dynamique et la démographie. Plus de la moitié de la population mondiale vit maintenant dans un environnement urbain, et pratiquement tous les pays deviennent de plus en plus urbanisés. Selon le Fonds des Nations Unies pour la population, d’ici à 2050 presque 70% de la population mondiale vivra dans des villes.

Comme cette tendance se développe, je pense que nous verrons à l’avenir – encore plus qu’aujourd’hui - que les décisions et les services affectant la vie de tous les jours des personnes seront prises au niveau de la ville ou de la municipalité, érodant encore plus le rôle et la pertinence de l’Etat.

Au niveau régional, nous constatons que le rôle et l’impact des organisations régionales est grandissant tout comme l’importance des interactions régionales.
Par exemple, le nombre global d’accords commerciaux régionaux en vigueur a augmenté de façon constante. En juillet dernier, l’OMC comptabilisait près de 575 demandes d’accords commerciaux régionaux et ce depuis la création du GATT. Tout cela a pu arriver au niveau régional alors qu’au niveau mondial le cycle de Doha étant au point mort.
Bien que cela ait été, dans une faible mesure, corrigé récemment à Bali, cela reste néanmoins un exemple d’échec significatif de la façon «traditionnelle» de travailler via nos institutions mondiales. Les autres exemples flagrants sont l'incapacité de la communauté internationale - à ce jour - à s'entendre sur un traité juridiquement contraignant sur ​​les émissions de gaz à effet de serre et l'impasse dans laquelle se trouve la Conférence sur le désarmement depuis 18 ans !

En même temps et au niveau mondial, le recentrage entre le « nord » et le « sud » et entre « l’est » et « l’ouest » est clair. La part de l’ouest dans le PIB mondial est désormais passé en-dessous de la barre des 50 % pour la première fois en vingt ans. Il est prévu qu’en 2020 la production globale des trois plus grandes économies du sud – la Chine, l’Inde et le Brésil – dépassera la production totale des Etats-Unis, de l’Allemagne, du Royaume-Uni, de la France, de l’Italie et du Canada. Ces changements économiques vont naturellement de pair avec les recentrages d’intérêt géopolitiques et stratégiques.

La migration est aussi un facteur déterminant au niveau mondial. Au cours des dernières décennies, nous avons observé des mouvements réguliers et importants du sud vers le nord. Cela a eu pour conséquence de changer les identités, les alliances, les allégeances – et donc les priorités.

Pris ensemble, ces développements ont des conséquences sur les schémas de la gouvernance à tous les niveaux, avec l’implication directe des citoyens et le besoin d’un système de prise de décisions plus réactif, plus transparent, plus flexible, et surtout plus inclusif. Ceci est un changement qui met au défi les centres de pouvoirs en place actuels.

Pourtant, et en contradiction avec ces changements profonds – et pas toujours complètement compris -, notre infrastructure internationale, que ce soit en matière de sécurité, de développement économique et social, d’environnement ou d’autres domaines affectant notre vie de tous les jours, continue de découler directement des réalités de l’après Seconde Guerre mondiale.

N'oublions pas, cependant, que l'architecture internationale, créée il y a un peu plus de 60 ans, a quand même réussi à accomplir quelque chose d’extraordinaire que nous avons tous un peu tendance à oublier: il n'y a pas une seule personne sur cette planète qui, sur une période de 24 heures, ne soit pas touché dans sa vie quotidienne, d’une manière ou d’une autre, par une action ou par une décision émanant d'une organisation internationale.
Si ce petit échantillonnage de changements reflète en effet l'état actuel des choses, que devons-nous faire maintenant pour préparer les générations futures à ce monde? Quelles sont les réformes que les Nations Unies doivent adopter pour capitaliser sur sa connaissance et sur son expertise et faire siens les changements dont nous sommes témoins pour mieux jouer le rôle que nos pères fondateurs avaient envisagés pour nous ? Quelles sont les structures que nous avons besoin de construire et qui seront nécessaires pour gérer les problématiques de notre planète de la façon la plus efficace possible ?

Je pense que nous devons mieux intégrer les idées de la société civile dans son ensemble, nous devons les inclure de façon plus structurée et plus formelle afin qu’elles aient une impact plus direct sur notre travail.

Pour cela, nous devons également élargir notre compréhension de ce que nous entendons par « société civile » et ce qu’elle englobe. Nous avons trop souvent tendance à penser que les acteurs de la société civile se limitent à des groupes de défense ou à des ONG, mais la société civile comprend aussi des communautés scientifiques, des communautés de recherche et académiques, ainsi que le secteur privé – nous devons tous les inclure le plus largement possible dans nos processus de décision.

Nous devons devenir bien, bien meilleurs dans la façon dont nous abordons les défis de nature transversale. Nous avons acquis à ce jour une bonne compréhension intellectuelle de la façon dont les problèmes et les solutions sont liés, mais nous les abordons encore trop souvent de façon isolée, pas seulement d’un point de vue institutionnel mais aussi conceptuellement et substantivement. Nous devons donc regarder d’un œil critique nos structures institutionnelles et agir urgemment.

Nos Etats membres doivent trouver la volonté politique et les ressources nécessaires pour lancer un processus qui permettra un réalignement significatif et solide entre nos outils opérationnels mondiaux et les défis d'aujourd'hui - et, plus important encore, ceux de demain.

Cela est beaucoup plus qu'une simple question d’adhésion ou de veto au Conseil de sécurité par exemple. La façon dont la réforme de cet organe a été abordée au cours des deux dernières décennies est un bon exemple de ce qu’il ne faut pas faire. Cette réforme ne peut pas s’appuyer sur la façon de s'adapter à de nouvelles réalités dans une structure vielle et fatiguée. Elle doit être basée sur la façon dont nous créons, ou recréons si vous voulez, des structures qui seront vraiment capables de faire leurs ces nouvelles réalités et fournir les solutions nécessaires. Et cela ne peut se faire que dans un cadre qui serait à la fois inclusif, représentatif et légitime.

Cela reviendrait à embrasser pleinement les nombreux liens auxquels nous sommes confrontés et de les traiter de manière intégrée. Le changement climatique, par exemple, ne peut pas être réduit à un défi environnemental ou de développement; il touche également à la sécurité, à la santé et à l’humanitaire.

Nous aurons besoin d’avoir des structures qui sont en mesure d’aborder ces défis dans ce que j'appelle parfois un « format matriciel» qui traiterait la paix et la sécurité avec les questions sociales et économiques - à la fois en ce qui concerne leur analyse mais aussi en termes de capacités opérationnelles. Comme mentionné plus tôt, nous avons déjà beaucoup progressé sur le plan analytique mais nous manquons cruellement de recul lorsqu’il s’agit de transformer ces analyses en actions concrètes.

Cette nouvelle façon d’aborder les choses devrait créer des ponts entre les niveaux locaux, régionaux et mondiaux. Les Nations Unies devraient être la « table mondiale » où ces différents niveaux se rencontrent.

Il s’agit d’une proposition difficile. En substance, le problème est que nous avons un système créé par et pour les États. La réalité d’aujourd’hui exige que nous demandions aux États - déjà un peu sur la défensive - de renoncer à encore plus de leur pouvoir. Pas facile à accepter - il suffit de regarder les discussions interminables sur la réforme du Conseil de sécurité pour comprendre les difficultés.

Accepter cela requiert non seulement un changement institutionnel mais surtout une évolution des mentalités et une approche différente de la part de tous les acteurs, y compris les États, les institutions existantes et la société civile. Mais je pense vraiment que de tels changements sont indispensables si nous voulons devenir plus efficaces dans la gestion des défis auxquels nous sommes confrontés ; ils rendraient aussi nos solutions plus légitimes.

Au début de la crise économique de 2008, le monde a semblé – pendant un court moment - réceptif et prêt à remettre en cause nos structures de façon fondamentale. Mais cela n’a pas eu lieu. Avec le temps, quoi qu’il en soit, je pense qu’il n’y aura pas d’autre alternative.
La vie a une façon déconcertante de s’imposer même aux plus récalcitrants. Je suis convaincu que c’est exactement ce qui se passe maintenant et que nous devons tous nous adapter.

Comme je l’ai dit au début, je ne pense pas que les Nations Unies, telles que nous les connaissons aujourd’hui, soient aptes à assumer complètement leur rôle en matière de gouvernance mondiale. Mais je suis convaincu qu’elles en ont le potentiel et qu’il est de notre intérêt à tous qu’elles y arrivent. La matière première existe. Nos organisations internationales ont d’énormes connaissances, une expertise et des gens très capables !

Une gouvernance mondiale forte, efficace et en bonne santé est la responsabilité de chacun d’entre nous et nous devons tous porter un regard critique sur nos rôles et sur ceux de nos institutions afin d’atteindre ce but efficacement. Il s’agit d’un impératif individuel et collectif.

Je vous remercie de votre patience et me réjouis de pouvoir commencer notre discussion.

This speech is part of a curated selection from various official events and is posted as prepared.