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LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE EXAMINE LE RAPPORT DE LA BARBADE

Communiqué de presse

Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a examiné, vendredi dernier et ce matin, le rapport de la Barbade sur les mesures prises par ce pays pour mettre en oeuvre les dispositions de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

M. C. Trevor Clarke, Représentant permanent de la Barbade auprès de l'Office des Nations Unies à Genève, a souligné que l'histoire et la culture de son pays ne facilitaient pas l'identification de la discrimination raciale et, par conséquent, la lutte contre ce phénomène. Il a ajouté que «nous sommes résolus à transformer notre société à tous les niveaux et en profondeur, pour sortir d'un paradigme post-colonialiste qui a longtemps cloisonné les différentes composantes ethniques de notre population».

La délégation de la Barbade était également composée de représentants du Ministère des affaires étrangères et de la Commission pan-africaine. Fournissant des renseignements complémentaires aux membres du Comité, la délégation a notamment précisé que le Gouvernement envisageait la promulgation d'une législation anti-discriminatoire conforme aux exigences de l'article 4 de la Convention, relatif notamment à l'interdiction de la propagande raciste. La délégation a également fait état de la volonté de son gouvernement de s'attaquer au phénomène du racisme invisible, un racisme structurel, ancré dans les consciences.

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Barbade, M. Patrick Thornberry s'est félicité de la qualité du rapport présenté par ce pays. Il a apprécié l'honnêteté avec laquelle la Barbade souligne la difficulté à répondre au défi d'un racisme institutionnalisé, ancré dans les relations interpersonnelles. Il a salué la volonté de ce pays de prendre en compte les faits discriminatoires imputables aux personnes privées. Il a par ailleurs demandé à la délégation de développer plus avant l'idée de «racisme intériorisé» mentionnée dans le rapport. M. Thornberry a en outre demandé des informations supplémentaires concernant les mesures d'éducation et de sensibilisation aux droits de l'homme.
Plusieurs experts ont estimé que le rapport de la Barbade faisait une présentation remarquable du contexte historique et sociologique du pays, berceau ou laboratoire du racisme contemporain en raison d'un long passé d'esclavagisme. Ils ont rappelé que le rapport soulignait avec franchise la survivance d'une séparation entre la majorité noire et la minorité blanche et insiste sur l'existence d'un racisme structurel, invisible, endémique.


À sa prochaine séance publique, cet après-midi à 17 heures, le Comité se penchera sur son projet de recommandation générale relatif à l'administration de la justice.


Présentation du rapport de la Barbade

Présentant le rapport de son pays, M. C. Trevor Clarke, Représentant permanent de la Barbade auprès de l'Office des Nations Unies à Genève, a rappelé que l'abolition de l'esclavage en 1838 avait marqué la fin d'une époque où toute l'économie nationale reposait sur l'exploitation de groupes ethniques entiers par une minorité puissante. Depuis lors, d'importants progrès ont été réalisés dans la voie de l'égalité et de la justice, et les citoyens de la Barbade ont résolument tourné le dos à ce passé d'intolérance. Mais l'histoire et la culture du pays ne facilitent pas l'identification de la discrimination raciale et par conséquent, la lutte contre ce phénomène. Le 5 juillet dernier, un projet de Stratégie nationale pour la période 2005-2025 a été soumis au parlement pour examen. L'un des objectifs prioritaires de ce plan consiste à promouvoir la cohésion sociale, qui ne saurait exister qu'à la condition que « toutes les races, les riches comme les pauvres, les jeunes comme les anciens, s'unissent pour stimuler l'énergie et la créativité du peuple tout entier ». Le chef de la délégation a ajouté que «nous sommes résolus à transformer notre société à tous les niveaux et en profondeur, pour sortir d'un paradigme post-colonialiste qui a longtemps cloisonné les différentes composantes ethniques de notre population». Bien que disposant de ressources humaines et financières limitées, le Gouvernement s'engage à jeter les bases d'un environnement propice à cette transformation dont dépend l'avenir de notre pays en tant que nation.

Le rapport périodique de la Barbade (CERD/C/452/Add.5) souligne que ce pays est incontestablement l'un des berceaux du racisme contemporain, étant donné ses liens indissociables, à l'époque de la colonisation moderne, avec la traite transatlantique des esclaves, l'esclavagisme et l'économie de plantation pratiqués aux Antilles. La Barbade fait donc partie d'une région où le racisme est profondément ancré dans l'histoire et la structure sociale. Cette situation n'est pas facilement dépassable, souligne le rapport. La Barbade n'est pas aussi intégrée qu'une société multiraciale, mais elle n'est pas non plus aussi cloisonnée qu'un régime d'apartheid. Cependant, le racisme y persiste dans une situation de «coexistence» sociale entre les principaux groupes raciaux, à savoir la population d'origine européenne et celle d'ascendance africaine.

La structure des relations interraciales présente six traits saillants, précise le rapport, parmi lesquels : une peur démesurée, des deux côtés de la fracture raciale, qu'inspire aux Noirs le caractère quasiment irrémédiable du pouvoir des Blancs et, à ces derniers, la supériorité numérique écrasante des masses noires. Une attitude généralisée chez les Barbadiens de déni de l'omniprésence du racisme dans la société. Le phénomène du racisme anti-Noirs, chez des Noirs ayant intériorisé l'idée de la suprématie blanche.

Le rapport cite enfin une déclaration du Premier Ministre de la Barbade, M. Owen Arthur : « Nous devons maintenant nous consacrer à l'absolution des fautes et à la recherche de la vérité. Nous devons tout simplement être une société qui cesse de fomenter des antagonismes et des tensions en fonction de la couleur plus ou moins claire ou foncée de notre peau… Nous devrions mettre davantage l'accent sur le mélange plutôt que la séparation des races lorsque nous envisageons les travaux considérables de la construction nationale… »

Examen du rapport de la Barbade

Fournissant des renseignements complémentaires, la délégation de la Barbade a notamment précisé que le Comité de révision de la Constitution étudiait actuellement un projet d'amendement qui viserait la discrimination de manière générale et la discrimination raciale en particulier. Une fois introduite dans notre constitution, cette disposition aurait pour objet de protéger les individus contre des faits discriminatoires impliquant des personnes privées.

Tout en reconnaissant l'absence de Commission nationale des droits de l'homme conforme aux principes de Paris sur les institutions nationales relatives aux droits de l'homme, la délégation a souligné que diverses instances ont en charge la question des engagements internationaux de la Barbade en matière de droits de la personne. En l'absence d'institution formelle, conforme aux principes de Paris, le Gouvernement continuera de s'assurer du bon fonctionnement des mécanismes existants.

La délégation a précisé que son gouvernement envisageait la promulgation d'une législation anti-discriminatoire conforme aux exigences de l'article 4 de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

La délégation a déclaré qu'il n'y avait pas eu de progrès sensibles dans l'extension de l'éducation gratuite à tous les enfants du pays.

La délégation a indiqué qu'il n'y avait, à l'heure actuelle, aucun membre appartenant à une minorité représenté au Parlement. Les minorités représentent actuellement 2,1% des effectifs des services publics. La Barbade ne dispose pas pour le moment de statistiques ventilées par minorité concernant leur représentation dans la vie économique.

Répondant à une question sur les recours dont disposent les personnes victimes de discrimination, la délégation a évoqué la mise en oeuvre d'un programme d'assistance aux victimes de crimes violents. Le Gouvernement de la Barbade est d'avis que ce système d'assistance et de droit à réparation pourrait être étendu aux victimes de toutes les infractions.

La délégation a déclaré que la Commission nationale pour la réconciliation n'était pas engagée dans un processus de création d'une commission qui serait compétente pour connaître des allégations faisant état de violations des droits de l'homme.

La délégation a précisé que l'Ombudsman était compétent pour enquêter sur les allégations d'agissements impropres de l'administration. L'Ombudsman est saisi sur requête écrite et il peut refuser d'enquêter sur des faits qui lui semblent manifestement infondés. Au titre de ses pouvoirs d'enquêtes, l'Ombudsman peut obtenir la communication d'informations de la part des autorités administratives concernées. La délégation a précisé que l'Ombudsman était compétent pour connaître d'allégations relatives à des faits de discrimination raciale. Ses pouvoirs sont limités, a-t-elle précisé, dans la mesure où il s'agit simplement d'assister une personne qui recoure contre l'État. Il n'est pas fondé à octroyer aux victimes réparation de leurs dommages.

Observations et questions du rapporteur du Comité pour le rapport de la Barbade

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Barbade, M. Patrick Thornberry, s'est félicité de la qualité du rapport présenté par ce pays. Il a dit apprécier l'honnêteté avec laquelle la Barbade souligne la difficulté à répondre au défi d'un racisme institutionnalisé ancré dans les relations interpersonnelles. Il a rappelé par ailleurs que la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discriminations raciales n'est pas uniquement un instrument répressif mais concerne également la psychologie et l'éducation.

M. Thornberry s'est par ailleurs félicité que la Barbade a veillé à prendre en compte les faits discriminatoires imputables aux personnes privées. Il a demandé à la délégation de développer plus avant l'idée de «racisme intériorisé» mentionnée dans le rapport. Le rapporteur a aussi demandé des informations supplémentaires concernant les mesures d'éducation et de sensibilisation aux droits de l'homme. Certains pays qui étaient traditionnellement des pays d'immigration sont devenus des pays d'accueil. Quelle est la situation de la Barbade à cet égard?


Observations et questions complémentaires d'autres membres du Comité

Un membre du Comité a salué le soin avec lequel la délégation s'est efforcée de fournir les renseignements demandés par le Comité. Il a estimé que le rapport de la Barbade faisait une présentation remarquable du contexte historique et sociologique du pays, berceau ou laboratoire du racisme contemporain en raison d'un long passé d'esclavagisme. Le rapport souligne également avec franchise la survivance d'une séparation entre la majorité noire et la minorité blanche et insiste sur l'existence d'un racisme structurel, invisible, endémique. Nous pouvons ainsi mesurer l'importance des stéréotypes qui subsistent dans le pays, a déclaré l'expert. Compte tenu de la nature dualiste du système juridique de la Barbade, quelles mesures législatives ont été adoptées par ce pays pour donner plein effet à la Convention, a-t-il été demandé. En outre, la législation pénale de la Barbade ne paraît pas répondre à toutes le exigences de l'article 4 de la Convention (interdiction de la propagande raciste et des organisations prônant la discrimination raciale). Quelle est la position de la Barbade sur ce point ? Quelles seront les principales orientations de la législation qui aura pour objet de protéger contre les discriminations commises par les particuliers ? Par ailleurs, quelle a été la suite donnée au projet de création d'une commission permanente chargée de promouvoir l'élimination de la discrimination raciale. La délégation de la Barbade a été priée de tenir le Comité informé des travaux de la Commission pour la réconciliation nationale.

Selon le rapport, a fait remarquer un expert, aucune affaire n'a été soumise à la haute Cour ces vingt dernières années. Or, a-t-il fait remarquer, compte tenu du racisme structurel et endémique qui caractérise historiquement le pays, l'absence de données judiciaires sur les actes de racisme peut surprendre. Aussi, l'expert a-t-il demandé à la délégation de bien vouloir fournir des explications sur ce point. Enfin, il a été demandé à la délégation quelle était l'étendue de la compétence de l'Ombudsman. Peut-il intervenir sur les cas de discrimination raciale? Quelles sont les relations entre la Barbade et l'ancienne puissance colonisatrice, a par ailleurs demandé un expert? Un expert a demandé quel rôle jouait le sport dans l'intégration sociale. Le sport, a-t-il ajouté, peut s'avérer un levier très puissant d'intégration.


Renseignements complémentaires fournis par la délégation de la Barbade

En réponse aux questions de membres du Comité, la délégation de la Barbade a notamment indiqué que, si la Constitution du pays ne contient pas de référence aux droits économiques sociaux et culturels, le Comité de révision constitutionnelle a appelé de ses vœux un libellé plus clair, conforme aux prescriptions du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

La délégation a informé le Comité qu'il n'existait pas, à la Barbade, d'organisations non gouvernementales qui s'occupent spécifiquement de la question du racisme.

La Barbade appuie pleinement la Convention contre la torture, mais n'envisage pas de ratifier cet instrument dans un avenir proche, a déclaré la délégation. Le pays souhaite aller de l'avant mais dans la mesure de ses possibilités. Il attend de disposer des ressources nécessaires pour pouvoir se conformer pleinement aux obligations découlant de cet instrument.

La délégation a par ailleurs précisé que l'Ombudsman était compétent pour connaître de plaintes relatives à des agissements fautifs de l'administration. Elle a précisé que, à ce jour, l'Ombudsman n'avait pas eu à traiter de cas de discrimination raciale. Elle a aussi fait valoir l'absence de plaintes, portées contre les autorités chargées de l'application de la loi, fondées sur des motifs de discrimination raciale.

La délégation a par ailleurs précisé ses vues quant à son intention de lever sa réserve à l'article 4 de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Dans ses observations finales concernant le précédent rapport de la Barbade, le Comité avait souligné qu'en raison de la réserve émise par la Barbade, les dispositions de la Convention en pouvaient pas être invoquées devant les tribunaux. Le Comité avait alors invité la Barbade à lever sa réserve. À cet égard, la délégation a déclaré que la question serait posée lors du débat relatif à la nouvelle législation contre la discrimination, indiquant toutefois qu'aucune décision n'était encore prise à ce sujet.

La délégation est revenue sur la notion de «racisme invisible», le racisme étant très souvent considéré comme un fait acquis. Certains comportements racistes sont tellement ancrés dans les consciences que l'on finit par considérer que ces attitudes vont de soi, a précisé la délégation. Le Gouvernement s'efforce d'étendre la lutte contre la discrimination à cette forme de racisme. La Barbade doit également se battre contre une forme de racisme institutionnalisé.

La délégation a insisté sur le fait que son pays bénéficiait d'un des niveaux d'éducation les plus élevés au monde. Depuis 1962, et cela fait la fierté de la Barbade, la population noire a accès à l'éducation gratuite, comme le reste de la population. Elle peut fréquenter gratuitement l'université. Ce niveau d'éducation et les moyens budgétaires consacrés à l'enseignement ont d'ailleurs permis à la Barbade, mieux que d'autres pays de la région, de faire face à la récession économique qui a frappé la région des Caraïbes.


Observations préliminaires

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Barbade, M. Patrick Thornberry, a remercié la délégation pour ses renseignements d'ordre pratique et juridique, tout en rappelant que l'essentiel en matière de lutte contre la discrimination raciale est la mise en oeuvre concrète de la législation. Le rapporteur a en outre estimé que la base juridique de la discrimination raciale à la Barbade était assez limitée. M. Thornberry a par ailleurs pris acte de l'importance de l'éducation dans le pays.


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