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Soudan : l'ONU se mobilise pour nourrir les civils piégés par les combats au Darfour

Des déplacés soudanais attendent de recevoir de la nourriture du PAM.
WFP
Des déplacés soudanais attendent de recevoir de la nourriture du PAM.
Alors que les médias font état de la poursuite des hostilités dans certaines localités assiégées du Darfour, dans l’ouest du Soudan, les agences humanitaires des Nations Unies restent mobilisées pour fournir une aide alimentaire aux populations impactés par le conflit ainsi que celles exposées à la famine.

Selon le Programme alimentaire mondial (PAM), les rapports en provenance du terrain sont choquants. Environ 450.000 personnes qui étaient déjà confrontées à la famine et à des niveaux de violence terribles ont été forcées de fuir les camps d’El Fasher et de Zamzam en l’espace de quelques semaines seulement.

« Nous mobilisons l’aide pour atteindre les personnes là où elles se sont réfugiées, dans différentes parties du Darfour et de l’État du Nord », a déclaré depuis Port-Soudan, Samatha Chattaraj, Coordinatrice des urgences du PAM pour le Soudan, lors d’un point de presse régulier de l’ONU à Genève.

Des gens attendent la distribution d’une aide alimentaire et nutritionnelle d’urgence au Darfour occidental.
© WFP/World Relief
Des gens attendent la distribution d’une aide alimentaire et nutritionnelle d’urgence au Darfour occidental.

Intensification des combats

Depuis deux ans, les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) dirigées par le général Mohamed Hamdane Daglo sont en guerre contre l’armée régulière du général Abdel Fattah al-Burhane. Les combats autour de la ville assiégée d’El Fasher, capitale du Darfour du Nord, se sont intensifiés ces dernières semaines.

Selon l’agence onusienne basée à Rome, un grand nombre de personnes récemment déplacées ont été piégées par le conflit à El Fasher ou à Zamzam pendant des mois. « Le PAM fait tout ce qui est en son pouvoir pour aider les gens, même face à l’escalade de la violence », a ajouté Mme Chattaraj.

Le mois dernier, 270.000 personnes à El Fasher et Zamzam ont reçu une aide du PAM.

Entre-temps, des camions transportant 1.600 tonnes de produits alimentaires et nutritionnels du PAM pour 220.000 personnes ont commencé à arriver à Tawila (Darfour du Nord), où 180.000 personnes fuyant les camps d’El Fasher et de Zamzam sont arrivées rien qu'au cours de la semaine passée.

« Un autre convoi du PAM en provenance de Port-Soudan est en route pour El Fasher à l’heure où nous parlons, transportant 1.000 tonnes d’aide pour environ 100.000 personnes qui restent dans la ville assiégée », a dit la responsable onusienne.

Situation « absolument dévastatrice » à Khartoum

Le PAM vient également d’entamer la distribution de vivres à 100.000 personnes à Jabal Awlia, « une région au sud de Khartoum qui est fortement menacée par la famine ». Ces camions sont arrivés la semaine dernière et constituent les premières livraisons d’aide à Jabal Awlia depuis décembre dernier.

D’autres livraisons d’aide sont en cours d’acheminement vers l’agglomération de Khartoum au cours des prochaines semaines, le PAM s’efforçant d’établir « une empreinte opérationnelle plus solide qui permettra des livraisons régulières dans la capitale ».

La responsable du PAM, qui vient de rentrer en début de semaine d’une mission à Khartoum, indique avoir observé une situation « absolument dévastatrice ». De vastes parties de la ville sont détruites. Les niveaux de faim et de désespoir sont « extrêmement élevés, mais les gens gardent espoir ».

« Nous nous attendons à ce que de nombreuses personnes tentent de rentrer chez elles dans les mois à venir. Mais il faut répondre à leurs besoins fondamentaux, y compris alimentaires », a insisté Mme Chattaraj.

Soudan. Déchargement d'une barge transportant de l'aide alimentaire
© PAM
Soudan. Déchargement d'une barge transportant de l'aide alimentaire

Atteindre 7 millions de personnes d’ici juin

Plus largement, le PAM a aidé en mars 4 millions de personnes au Soudan - le chiffre mensuel le plus élevé depuis le début du conflit en avril 2023 et près de quatre fois le nombre de personnes aidées par mois à la même époque il y a un an. Cela inclut 1,6 million de personnes dans les zones classées comme étant en situation de famine ou de risque de famine.

« Nous avons aidé quatre personnes sur cinq dans ces niveaux extrêmes de famine dans l’ensemble des 27 localités confrontées à la famine ou au risque de famine », a détaillé Mme Chattaraj, relevant toutefois que près de 25 millions de personnes, soit la moitié de la population, sont confrontées à une faim aiguë.

Près de 5 millions d’enfants et de mères allaitantes souffrent de malnutrition aiguë. Le Soudan est également le seul endroit au monde où la famine est actuellement confirmée.

L’objectif du PAM est d’atteindre 7 millions de personnes d’ici juin, en se concentrant principalement sur les zones classées comme étant en situation de famine ou de risque de famine, mais aussi les points chauds en matière de nutrition.

Mais pour y arriver, le PAM plaide pour un accès humanitaire durable et un financement supplémentaire pour répondre aux besoins du peuple soudanais.

Les combats à El Fasher, au Soudan, et dans les environs ont forcé de nombreuses familles à fuir pour se mettre à l'abri (photo d'archives)..
© UNICEF/Mohammed Jamal

Généralisation des violences sexuelles

Le chef des droits de l'homme de l’ONU, Volker Türk, a exprimé pour sa part vendredi sa vive inquiétude face à la dégradation de la situation des droits humains à El Fasher et dans ses environs.

Le nombre de victimes civiles, d'attaques contre le personnel humanitaire et de cas de violences sexuelles augmente, tandis que les FSR intensifient leur offensive sur la ville et les camps de personnes déplacées à proximité.

Au total, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme a confirmé qu'au moins 481 civils ont été tués au Darfour du Nord depuis le 10 avril, bien que le nombre réel soit probablement bien plus élevé.

En outre, des dizaines de personnes seraient mortes faute de nourriture, d'eau et de soins médicaux dans les centres de détention des FSR ou alors qu'elles marchaient pendant des jours dans des conditions difficiles pour fuir les violences.

Les récentes attaques au Darfour du Nord ont également déplacé des centaines de milliers de civils, dont beaucoup avaient déjà été déplacés pendant le conflit. 

Attaques à motivation ethnique

Dans une évolution alarmante, des attaques à motivation ethnique ciblant des communautés spécifiques se produisent à nouveau au Darfour.

« Le nombre croissant de victimes civiles et les nombreux signalements de violences sexuelles sont horrifiants », a dit le Haut-Commissaire, se déclarant profondément préoccupé par la poursuite des attaques contre les travailleurs humanitaires et le personnel médical, qui sont contraires au droit international et aggravent l'accès déjà limité aux soins de santé.

« Nous avons entendu parler de personnes enlevées dans le camp de déplacés de Zamzam et de femmes, de filles et de garçons violés ou victimes de viols collectifs sur place ou alors qu'ils tentaient d'échapper aux attaques », a déclaré M. Türk. « Dans de nombreuses régions, les systèmes d'aide aux victimes sont au bord de l'effondrement, le personnel médical est lui-même menacé et même les sources d'eau ont été délibérément attaquées », a-t-il souligné.

« Les civils doivent pouvoir quitter El Fasher et ses environs en toute sécurité et être protégés où qu'ils aillent. J'appelle les deux parties, et notamment leurs dirigeants, à mettre fin de toute urgence à toutes les violations des droits humains, à respecter le droit international humanitaire et le droit international des droits humains, et à mettre fin à cette guerre insensée », a ajouté M. Türk.