Fil d'Ariane

Gaza : la situation nutritionnelle continue de se détériorer rapidement

Selon le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA), le blocus de l’aide depuis 52 jours empêche l’entrée de tout aliment, supplément nutritif ou aliment thérapeutique pour le traitement de la malnutrition.
Sur le terrain, les partenaires du groupe nutrition ont diagnostiqué (ou dépisté) au cours des deux premières semaines d’avril, près de 21.000 enfants : 641 souffrent de malnutrition aiguë modérée et 64 de malnutrition aiguë sévère.
Depuis la mi-mars, les données des partenaires humanitaires montrent que près de 15 % (18 sur 130) des sites de nutrition fonctionnels pour la distribution d’aliments complémentaires ont été ouverts par intermittence et que les cas de malnutrition aiguë ont augmenté.
Par exemple, au cours du mois dernier, à l’hôpital Patient’s Friends géré par MedGlobal à Al Rimal, dans la ville de Gaza, une moyenne de 3 à 5 enfants par semaine ont été diagnostiqués comme souffrant de malnutrition aiguë sévère avec des complications médicales et ont été admis pour traitement, contre une moyenne hebdomadaire de 1 à 2 enfants en février.

Augmentation des cas de malnutrition aiguë
Globalement, en mars, le nombre de cas de malnutrition aiguë identifiés a atteint plus de 3.700 enfants, contre plus de 2.000 cas d’enfants diagnostiqués en février, alors que la portée du dépistage était presque la même (84.000 contre 92.000).
Les contraintes sécuritaires et le blocus empêchent généralement un meilleur dépistage des enfants, un préalable pour lutter contre la malnutrition.
Selon l’OCHA, le cessez-le-feu a ainsi permis une meilleure prise en charge des enfants. Les quelque 2.000 cas de malnutrition identifiés en février pendant le cessez-le-feu, représentent ainsi le chiffre le plus bas enregistré au cours des huit derniers mois.
Les partenaires nutritionnels ont été en mesure de dépister au moins 60.000 enfants par mois, a indiqué le groupe nutrition de l’ONU.
La pire crise humanitaire depuis octobre 2023
Ces derniers développements confirment l’inquiétude des humanitaires qui relèvent que la bande de Gaza est « probablement confrontée à la pire crise humanitaire des 18 mois qui se sont écoulés depuis l’escalade des hostilités en octobre 2023 ».
La publication de ce dernier rapport de l’OCHA intervient au lendemain d’une mise en garde de l’Agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens (UNRWA), qui a dénoncé, mardi, une « punition collective » infligée aux deux millions de civils affamés. Depuis le début du mois de mars, pas une once de nourriture n’a été livrée à Gaza, dont les points d’entrée demeurent bloqués par les forces israéliennes.
« Combien de temps encore avant que les paroles creuses de condamnation ne se traduisent par une action visant à lever le siège, à rétablir un cessez-le-feu et à sauver ce qu’il reste de l’humanité ? », s’est interrogé Philippe Lazzarini, le chef de l’UNRWA, ajoutant que « Gaza est devenue une terre de désespoir », avec une « faim » qui s’étend et s’aggrave, « de manière délibérée ou provoquée par l’homme ».
Forte hausse des prix
Plus largement, les données récentes de surveillance du marché et l’analyse de la sécurité alimentaire en avril montrent que le blocus sur l’entrée de l’aide humanitaire et d’autres fournitures essentielles, a exacerbé la fragilité du marché de Gaza. « Cela a entraîné une forte hausse des prix des denrées alimentaires, une grande volatilité et d’importantes pénuries de produits de base », a détaillé l’OCHA dans son dernier rapport.
Sur le terrain, les prix ont considérablement augmenté, de 150 à 700 % par rapport aux niveaux d’avant octobre 2023, et de 30 à 1.400 % par rapport aux prix du cessez-le-feu. En moyenne, les prix d’avril étaient 50 % plus élevés que ceux enregistrés en mars.
Plusieurs produits alimentaires essentiels, tels que les produits laitiers, les œufs, les fruits et la viande, ont disparu du marché, tandis que les prix des pommes de terre et des oignons ont augmenté de plus de 1.000 % par rapport aux niveaux d’avant octobre 2023.

Rétrécissement de l’espace humanitaire
Cette détérioration de l’insécurité alimentaire survient dans un contexte de rétrécissement de l’espace humanitaire.
Entre le 15 et le 21 avril, sur la quarantaine de mouvements d’aide prévus à Gaza et coordonnés avec les autorités israéliennes, 20 ont été refusés, deux ont rencontré des obstacles et un a été annulé. Seules 19 demandes ont été facilitées par Tel-Aviv.
Sur les 14 mouvements d’aide humanitaire prévus dans ou vers le nord de la bande de Gaza et coordonnés avec les autorités israéliennes, huit ont été facilités, quatre ont été refusés et deux se sont heurtés à des obstacles. Il s’agit notamment de 13 missions d’aide qui devaient passer par la zone de Wadi Gaza, contrôlée par Israël, entre le sud et le nord de la bande de Gaza.
Dans le sud de Gaza, sur les 28 mouvements d’aide humanitaire prévus, 11 ont été facilités, 16 ont été refusés et un a été annulé.