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Colombie : en dépit des violences, la paix demeure un horizon tangible

En Colombie, les enfants sont confrontés à une violence accrue.
© PAHO/Karen González Abril
En Colombie, les enfants sont confrontés à une violence accrue.
Huit ans après la signature d’un accord historique ayant mis fin à plus d’un demi-siècle de conflit armé en Colombie, l’envoyé de l’ONU à Bogota a appelé, mardi, à surmonter les obstacles à la paix dans certaines régions du pays, où la violence gagne à nouveau du terrain.

Devant le Conseil de sécurité des Nations Unies, Carlos Ruiz Massieu, le représentant spécial du Secrétaire général pour la Colombie, a livré un état des lieux nuancé de la mise en œuvre de l’Accord de paix final conclu en 2016 entre le gouvernement colombien et l’ancienne guérilla marxiste des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC-EP).

Carlos Ruiz Massieu, le représentant spécial pour la Colombie, au Conseil de sécurité de l'ONU.
UN Photo/Manuel Elias

Si cet accord a selon lui permis de nettement réduire les affrontements dans ce pays d’Amérique du Sud, premier producteur mondial de cocaïne, en procédant notamment à la réintégration de 12.000 anciens combattants des FARC-EP à la vie civile, certaines zones sont aujourd’hui en proie à un regain de violence. C’est notamment le cas des régions économiquement sinistrées du Catatumbo, Cauca et Chocó, où l’économie illicite continue d’entraver les efforts de pacification.

Affrontements entre groupes armés

Au Catatumbo, une zone reculée du nord-est proche de la frontière vénézuélienne, des affrontements ont ainsi éclaté, en janvier, entre les guérilleros guévaristes de l’Armée de libération nationale (ELN) et un groupe armé rival, connu sous le nom d’EMBF (Estado Mayor de los Bloques y Frentes, en espagnol). Ces violences ont ravivé les inquiétudes quant à la présence résiduelle, voire renforcée, de groupes armés non étatiques sur le territoire colombien.

« Cette flambée de violence a mis en lumière de graves lacunes dans la mise en œuvre de la paix », a estimé M. Ruiz Massieu, qui dirige la Mission de vérification des Nations Unies en Colombie, chargée d’évaluer l’application de l'accord.

La situation sécuritaire reste particulièrement alarmante pour les anciens combattants démobilisés des FARC-EP, dont 23 ont été tués depuis le début de l’année. « Je condamne ces meurtres et appelle à nouveau à un renforcement de la protection des anciens combattants », a-t-il dit.

Lenteur des réformes 

Par ailleurs, les défaillances dans l’application de la réforme rurale, censée corriger des décennies d’inégalités foncières, illustrent les lenteurs structurelles du processus. Malgré la volonté affichée du gouvernement actuel, « la mise en œuvre globale de la réforme reste en deçà des objectifs fixés par l’Accord », a regretté M. Ruiz Massieu.

L’émissaire onusien a également critiqué l’inefficacité des programmes de substitution volontaire des cultures de coca, dont le succès reste selon lui limité, notamment en raison du « manque de suivi de l’État concernant l’aide au développement promise aux paysans » .

Des phénomènes comme les assassinats de représentants de la société civile, l’augmentation des recrutements d’enfants dans les groupes armés, ou encore les déplacements forcés continuent de miner les zones du pays autrefois gagnées par la paix.

Une quête de paix obstinée

Malgré tout, le chef de mission onusien s’est voulu optimiste, soulignant « la résilience, voire l’obstination, de la Colombie dans sa quête de paix par le biais de solutions négociées ». Un constat dont s’est fait l’écho la ministre des affaires étrangères du pays, qui participait à la réunion du Conseil.

« Le président [Gustavo] Petro a tracé une voie claire : privilégier le dialogue pour obtenir des résultats tangibles, transformer la vie et enraciner la paix », a déclaré Laura Camila Sarabia Torres. 

« Il ne s’agit pas de dialoguer pour dialoguer », a poursuivi la cheffe de la diplomatie colombienne. 

La justice transitionnelle progresse

Selon Carlos Ruiz Massieu, l’un des piliers de l’accord de paix a connu des progrès majeurs : la justice transitionnelle. Le haut responsable a ainsi estimé que la juridiction spéciale pour la paix, établie en 2018, avait réalisé « des avancées historiques dans l’inculpation des auteurs des crimes les plus graves ». Mais, alors que les premières peines se font attendre, les attentes des victimes et de la société colombienne s’intensifient.

Le chef de mission a par conséquent encouragé la communauté internationale à continuer d’accompagner ce processus fragile mais crucial.

« L’exemple de la Colombie démontre ce qui peut être accompli lorsque la volonté des parties se double d’un large soutien international », a-t-il affirmé.