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La crise climatique entraîne une augmentation des violences sexistes, selon l'ONU

Une victime de violences conjugales âgée de 24 ans est prise en charge par les services sociaux du village de Bouaké, en Côte d'Ivoire.
© UNICEF/Frank Dejongh
Une victime de violences conjugales âgée de 24 ans est prise en charge par les services sociaux du village de Bouaké, en Côte d'Ivoire.
Sans action urgente, le changement climatique pourrait être lié à un cas sur dix de violence conjugale d’ici la fin du siècle.

C'est l'avertissement lancé par un nouveau rapport de l'Initiative Spotlight des Nations Unies, qui constate que le changement climatique intensifie les tensions sociales et économiques qui alimentent la hausse des violences faites aux femmes et aux filles.

Le rapport révèle que les conditions météorologiques extrêmes, les déplacements, l'insécurité alimentaire et l'instabilité économique sont des facteurs clés qui augmentent la prévalence et la gravité des violences basées sur le genre.

Ces impacts sont particulièrement marqués dans les communautés fragiles, où les femmes sont déjà confrontées à des inégalités profondément ancrées et sont plus vulnérables aux agressions.

L'étude révèle que chaque augmentation de 1 °C de la température mondiale est associée à une augmentation de 4,7 % des violences conjugales. Dans un scénario de réchauffement de 2 °C, 40 millions de femmes et de filles supplémentaires risquent d'être victimes de violences conjugales chaque année d'ici 2090. Dans un scénario de réchauffement de 3,5 °C, ce nombre fait plus que doubler.

L'Initiative Spotlight, un partenariat mondial entre l'Union européenne et les Nations Unies, œuvre à l'élimination de toutes les formes de violences faites aux femmes et aux filles. Ses dernières conclusions soulignent que les solutions climatiques doivent prendre en compte les droits, la sécurité et la justice pour être efficaces et durables.

Des fillettes du village de Danja, au Niger, tiennent une pancarte de soutien à l'initiative Spotlight.
UNICEF Niger/Islamane Abdou
Des fillettes du village de Danja, au Niger, tiennent une pancarte de soutien à l'initiative Spotlight.

Une « pandémie de l'ombre »

La violence sexiste est déjà une épidémie mondiale, souligne le rapport. Plus d'un milliard de femmes, soit au moins une sur trois, ont subi des violences physiques, sexuelles ou psychologiques au cours de leur vie. Ces chiffres sont probablement sous-estimés, car seulement environ 7 % des survivantes déposent une plainte officielle auprès de la police ou des services médicaux.

L'Initiative Spotlight identifie une tendance à l'augmentation de la violence suite aux catastrophes climatiques.

Rien qu'en 2023, 93,1 millions de personnes ont été touchées par des catastrophes météorologiques et des tremblements de terre, tandis qu'environ 423 millions de femmes ont subi des violences conjugales. À mesure que les chocs climatiques deviennent plus fréquents et plus graves, le risque de violence devrait augmenter considérablement.

Par exemple, une étude mise en avant dans le rapport a constaté une augmentation de 28 % des féminicides pendant les vagues de chaleur.

Parmi les autres conséquences, on peut citer la hausse des taux de mariage d'enfants, de traite des êtres humains et d'exploitation sexuelle, en particulier à la suite de déplacements causés par les inondations, les sécheresses ou la désertification.

Teresa Calvo (à gauche) et Lorena Gutiérrez (à droite), mères de victimes de féminicide au Mexique, lors de l'inauguration d'une fresque-à Ixtapaluca.
UNIC Mexico/Eloísa Farrera
Teresa Calvo (à gauche) et Lorena Gutiérrez (à droite), mères de victimes de féminicide au Mexique, lors de l'inauguration d'une fresque-à Ixtapaluca.

Communautés marginalisées

Le fardeau de cette crise n'est pas réparti uniformément. Les femmes et les filles vivant dans la pauvreté, notamment les petites agricultrices et celles vivant dans des quartiers urbains informels, sont confrontées à une vulnérabilité accrue.

Les femmes autochtones, handicapées, âgées ou appartenant à la communauté LGBTQ+ sont également confrontées à des risques cumulés, avec un accès limité aux services, aux refuges ou aux protections.

En Afrique subsaharienne, les projections montrent que les violences conjugales pourraient presque tripler, passant de 48 millions de femmes en 2015 à 140 millions d'ici 2060 si les températures augmentent de 4 °C. Cependant, dans un scénario limitant le réchauffement à 1,5 °C, la part des femmes touchées pourrait diminuer de 24 % en 2015 à 14 % en 2060.

Le rapport attire également l'attention sur les menaces croissantes qui pèsent sur les femmes défenseures des droits humains environnementaux. Nombre d'entre elles sont victimes de harcèlement, de diffamation, d'agressions physiques, voire pire, pour avoir dénoncé l'utilisation destructrice des terres ou les industries extractives.

Au Guatemala, des femmes qui avaient dénoncé l'exploitation forestière illégale ont été expulsées de force et leurs maisons ont été incendiées. Aux Philippines, celles qui s'opposaient aux opérations minières ont été victimes d'enlèvements et de violences meurtrières.

Une fillette de cinq ans dans la communauté rurale de Chajul, à Quiché au Guatemala.
© UNICEF/Anderson Flores
Une fillette de cinq ans dans la communauté rurale de Chajul, à Quiché au Guatemala.

Pour une politique climatique inclusive

Malgré l'urgence de cette question, seulement 0,04 % de l'aide au développement liée au climat est principalement axée sur l'égalité des genres. Le rapport souligne que cet écart témoigne d'une incapacité flagrante à reconnaître comment les violences basées sur le genre déterminent la résilience et la justice climatiques.

L'Initiative Spotlight appelle à intégrer la prévention des violences basées sur le genre à tous les niveaux des politiques climatiques, des stratégies locales aux mécanismes de financement internationaux.

Des exemples de pays comme Haïti, Vanuatu, le Libéria et le Mozambique montrent comment concevoir des programmes pour lutter simultanément contre la violence et renforcer la résilience climatique.

Il s'agit notamment de veiller à ce que les interventions en cas de catastrophe incluent des services de lutte contre les violences basées sur le genre et de soutenir les cliniques mobiles dans les zones sinistrées.

Le rapport souligne qu'une action climatique efficace doit privilégier la sécurité, l'équité et le leadership des femmes et des filles.

Mettre fin à la violence à l’égard des femmes et des filles, conclut le rapport, n’est pas seulement un impératif en matière de droits humains : c’est aussi essentiel pour parvenir à un avenir juste, durable et résilient au changement climatique.