Fil d'Ariane

Syrie : l’ONU supprime un poste humanitaire clé - un signe positif

C’est ce qu’a annoncé, lundi, David Carden, dernier titulaire de la fonction de coordonnateur humanitaire régional adjoint pour la crise syrienne, lors du point de presse quotidien des Nations Unies, à New York. Une mesure qui prend acte de la chute du dictateur syrien, Bachar al-Assad, le 8 décembre dernier, et officialise selon M. Carden les « efforts de transition déployés par l’ONU dans une nouvelle Syrie, visant à rationaliser la coordination de la réponse, sous la direction de Damas, d’ici le mois de juin ».
Cette suppression symbolique marque la fin d’un cycle, celui de la gestion d’urgence transfrontalière déclenchée au plus fort de la guerre civile syrienne. David Carden, en poste depuis 2023, rappelle avoir pris ses fonctions au lendemain des séismes dévastateurs qui ont eu lieu, cette année-là, à la frontière turco-syrienne.
Depuis lors, le haut responsable était à la tête d’une équipe chargée d’acheminer l’aide depuis la Turquie vers le nord-ouest syrien. « Je me suis appuyé sur l'héritage de mes prédécesseurs, qui ont participé à ce mécanisme transfrontalier depuis 2014 », a-t-il souligné par visioconférence, depuis son bureau à Gaziantep, dans le sud de la Turquie.
Une opération humanitaire inédite
Mis en place en 2014 par le Conseil de sécurité, ce mécanisme transfrontalier avait pour objectif de contourner les blocages politiques, afin de faire parvenir l’aide dans les zones syriennes échappant au contrôle du régime d’al-Assad. « Cette structure est née de la nécessité de garantir l'accès humanitaire aux Syriens les plus vulnérables, dans un contexte de profondes divisions politiques », a rappelé M. Carden.
Depuis, plus de 62.000 camions ont traversé la frontière turco-syrienne, transportant nourriture, médicaments, abris et matériel scolaire. Rien que cette année, 936 camions ont été déployés dans le cadre de l’opération, un chiffre supérieur à celui enregistré pour l’ensemble de l’année précédente.
Le Fonds humanitaire transfrontalier pour la Syrie, bras financier de cette action, a quant à lui injecté près de 1,1 milliard de dollars au relèvement syrien depuis sa création. En 2024, dans un contexte de forte contraction des donations, le fonds est parvenu à débourser 67 millions de dollars, dont 70 % ont été confiés directement à des ONG syriennes.

Une crise loin d’être résolue
Pour autant, David Carden n’a pas caché ses inquiétudes sur la persistance de la crise humanitaire en Syrie, qui est selon lui « loin d’être terminée ». Plus de 16 millions de personnes ont aujourd’hui besoin d’aide, soit sept Syriens sur dix, dont près de la moitié dans les régions d’Idleb et d’Alep, dans le nord-ouest du pays.
La Syrie demeure, de surcroît, l’un des foyers de déplacement les plus vastes au monde. « Depuis décembre dernier, plus d’un million de personnes déplacées à l’intérieur du pays sont rentrées chez elles », a indiqué M. Carden. Mais cette dynamique de retour reste marginale face aux 7 millions de déplacés recensés au total. Dans les camps du nord-ouest et du nord-est, deux millions de personnes vivent toujours dans des conditions précaires.
L’absence de financements suffisants risque par ailleurs de compromettre les maigres progrès réalisés. À ce jour, seuls 179 millions de dollars ont été mobilisés en 2025, sur les deux milliards nécessaires pour répondre aux besoins des Syriens jusqu’à la fin juin.

Une phase de transition encore fragile
Malgré ce tableau sombre, l’ONU veut croire à une inflexion de la trajectoire syrienne. « Aujourd’hui, nous avons une nouvelle Syrie, pleine d’espoir et d’opportunités », a salué David Carden, en référence à la transition engagée sous la présidence intérimaire d’Ahmed al-Charaa, le chef des combattants islamistes de Hayat Tahrir Al-Cham, victorieux d’al-Assad.
Mais il insiste : « Le moment est venu d'investir en Syrie, car le pays traverse une phase charnière de transition ».
Lors d’une récente visite à Saraqeb, dans la province d’Idleb, il a constaté l’ampleur des destructions et salué le travail des équipes de déminage. « Les dégâts ont été considérables et plus graves que tout ce que j’ai pu constater après les tremblements de terre de 2023 », a-t-il confié.
L’émissaire onusien, qui a plaidé pour un nouvel assouplissement des sanctions internationales contre le pays et un soutien renforcé à sa reconstruction, a conclu son mandat sur une note d’espoir. « Les gens ne veulent pas d’aide temporaire. Ils veulent pouvoir gagner leur vie et reconstruire leur vie dans la dignité », a-t-il martelé.
Et de conclure, sur un message empreint de modestie et d’optimisme : « Le travail d’un humanitaire consiste à se libérer de son emploi et à contribuer à créer les conditions nécessaires pour que l’aide humanitaire ne soit plus nécessaire ».