Fil d'Ariane

Le Tchad débordé par l’afflux de réfugiés soudanais fuyant une guerre « absurde »

Le Tchad, qui figure parmi les pays les plus pauvres au monde, accueille 1,3 million de personnes déplacées, dont plus de la moitié sont des Soudanais ayant fui la guerre civile dans leur pays d’origine.
Depuis avril 2023, le Soudan est en effet le théâtre d'un conflit dévastateur entre l’armée du général Abdel Fattah al-Burhane, qui s'est emparé du pouvoir lors d'un putsch en 2021, et les paramilitaires de son ancien adjoint, Mohamed Hamdan Daglo, à la tête des Forces de soutien rapide (FSR).
Une lutte entre factions rivales que Filippo Grandi, le Haut-Commissaire pour les réfugiés, a qualifié d’« absurde », dans le cadre d'une visite, cette semaine, à la frontière ouest du Soudan avec le Tchad.
À cette occasion, M. Grandi a condamné les « cruelles violations » des droits de l’homme contre les civils du pays, dont plus de la moitié, soit 30 millions de personnes, ont besoin d’une aide humanitaire. Il a également appelé à un soutien international accru pour les réfugiés soudanais et leurs hôtes tchadiens.
« J’en appelle aux donateurs de la frontière entre le Tchad et le Soudan : s’il vous plaît ne réduisez pas le soutien aux victimes de la guerre au Soudan ! » a-t-il plaidé sur le réseau social X.
La grande majorité des arrivées sont des femmes et des enfants. Certains traversent la frontière presque totalement démunis, selon les équipes humanitaires sur le terrain.
Financements en crise
Parallèlement, l’agence dirigée par M. Grandi a souligné combien la crise qui secoue les bailleurs humanitaires à l’échelle mondiale aggrave la situation des réfugiés soudanais.
En raison des coupures d’aide instaurées par les États-Unis et d’autres pays, les enseignants ne peuvent plus être payés. Des cliniques, des écoles et des programmes de protection des femmes et des enfants contre la violence et l’exploitation ont été contraints de fermer leurs portes.
Environ 8.500 enfants déplacés au Tchad risquent de ne plus avoir accès à l’enseignement secondaire d’ici la fin de l’année. L’an prochain, ce sont plus de 155.000 écoliers qui pourraient être touchés.
Enfance volée
Les conséquences des coupes budgétaires se font déjà sentir sur le terrain, à l'instar du témoignage apporté par le directeur d’un établissement d’enseignement secondaire dans le camp de réfugiés de Farchana, à l’est du pays.
« Des enfants ont abandonné l’école », a déploré Abdelrahim Abdelkarim. « De nombreux élèves empruntent des routes migratoires dangereuses et illégales pour tenter de traverser la mer. Certains peuvent se noyer, tandis que d’autres finissent par travailler dans des mines d’or », a-t-il expliqué.
Dans ce contexte, Filippo Grandi avait déjà dénoncé, le mois dernier, « une crise de responsabilité » dans laquelle « le coût de l’inaction se mesurera en souffrance, en instabilité et avenirs perdus ».

État de siège
Tandis que les fonds se tarissent, les effectifs humanitaires diminuent ou se retirent des zones les plus vulnérables, laissant les communautés livrées à elles-mêmes.
Depuis la capitale Khartoum, récemment reprise aux FSR par l'armée soudanaise, Mohammed Refaat, le chef de mission de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) au Soudan, constate l’impact d’un financement insuffisant.
« Les gens qui se trouvaient dans ces zones ont été pris au piège dans des conditions de siège sans issue, sans espoir et souvent forcés à faire face à des abus innommables », a déclaré M. Refaat dans un message diffusé sur les réseaux sociaux, décrivant la destruction et la souffrance traversé par le pays comme « incommensurable ».
Accès restreint aux services de base
La lutte sanglante entre deux généraux rivaux a fait des dizaines de milliers de morts et déraciné plus de 12 millions de personnes.
Les deux parties auraient commis des atrocités et des atteintes aux droits fondamentaux, selon le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme.
Depuis que les forces armées soudanaises ont repris le contrôle de Khartoum, des familles reprennent le chemin de la capitale. Mais l’accès aux services de base, comme l’élécriticité, demeure obstrué par les combats et les ravages causés par deux ans de conflit.
Les agences des Nations Unies appellent à une mobilisation immédiate pour appuyer leurs retours.
Pourtant, la crise est loin d’être résolue, et les réfugiés continuent de souffrir de la faim.
L’UNICEF estime que plus de trois millions d’enfants de moins de cinq ans seront touchés par la malnutrition aiguë cette année.
Dans le camp de réfugiés de Zamzam, dans l’état soudanais du Darfour-Nord, la crise pousse les familles à manger un résidu normalement utilisé pour nourrir les animaux. Les enfants manquent cruellement d’eau, selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) des Nations Unies.
Fuyant l’insécurité dans l’État du Nil bleu, au sud-ouest du Soudan, des déplacés se dirigent désormais vers la capitale de l’État, Ed Damazine, où les affrontements et le manque d’accès entravent les opérations humanitaires, a rapporté l’OCHA.