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Conflit en RDC : l’Ouganda peine à gérer l’afflux massif de réfugiés congolais

Un réfugié transporte ses biens après avoir traversé la frontière vers l'Ouganda depuis la RDC.
© UNHCR/Yonna Tukundane
Un réfugié transporte ses biens après avoir traversé la frontière vers l'Ouganda depuis la RDC.
La forte augmentation du nombre de réfugiés fuyant les combats dans l’est de la République démocratique du Congo vers l’Ouganda voisin met à rude épreuve les capacités d’accueil de ce pays d’Afrique de l’Est, qui abrite déjà la plus importante population de réfugiés du continent.

Plus de 40.000 Congolais ont trouvé refuge en Ouganda depuis le mois de janvier, date du début de l'offensive des rebelles du M23, soutenus par l’armée rwandaise, dans l’est de la RDC. Un afflux qui intervient au pire moment, alors que le durcissement de la guerre civile qui dure depuis désormais deux ans au Soudan a forcé 70.000 ressortissants du pays a trouver le chemin de l’Ouganda, véritablement pris en tenaille entre ses voisins instables du nord et de l’ouest.    

Au total, le pays accueille 1,8 million de réfugiés, dont 600.000 Congolais, qui continuent d’arriver au rythme de 600 personnes par jour au cours des deux dernières semaines.

« Dans un contexte de coupes budgétaires, cette forte augmentation des arrivées de réfugiés risque de submerger les capacités du pays », s’inquiète l’agence des Nations Unies pour les réfugiés, autrement appelée le HCR, dans un communiqué de presse.

Le centre d'accueil de Kabazana, en Ouganda.
© UNHCR/Yonna Tukundane
Le centre d'accueil de Kabazana, en Ouganda.

Une majorité de femmes et enfants

Pour preuve, depuis janvier, jusqu'à neuf enfants de moins de cinq ans seraient morts d'anémie liée à la malnutrition dans les centres ougandais de transit de Nyakabande et Matanda, dans le sud-ouest du pays, où sont accueillis les nouveaux arrivants congolais. 

Ces derniers sont principalement des femmes et des enfants, arrivés à pied pour certains, en provenance majoritairement du Nord-Kivu, où ils fuient les meurtres et violences sexuelles principalement perpétrés par le M23 et ses alliés. 

Dans la région frontalière de Kikuube, près de 4.000 réfugiés ont traversé le lac Albert pour rejoindre l'Ouganda dans des conditions précaires, après avoir voyagé pendant des heures dans des bateaux surchargés et dans des conditions météorologiques difficiles. « De plus en plus d'hommes voyagent séparément de leur famille pour éviter d'être recrutés de force par des groupes armés », précise le HCR.

Des centres d'accueil dépassés

Les centres de transit et d'accueil à la frontière sont saturés. Celui de Nyakabande, où certains des enfants ont trouvé la mort, accueille désormais plus de 7.000 réfugiés, ce qui correspond à six fois sa capacité initiale. 

Avec le début de la saison des pluies, tous les espaces disponibles, y compris les cuisines et les zones d'enregistrement, sont utilisés pour accueillir les nouveaux arrivants. Malgré les efforts du HCR et des autorités ougandaises pour renforcer l'aide aux réfugiés, le manque de capacités d'enregistrement et de bus pour les réinstaller contribuent également à la congestion actuelle.

À cela s’ajoute un risque élevé de contracter des maladies mortelles en raison des graves pénuries d'eau, de latrines et d'installations sanitaires, notamment dans les centres de Nyakabande et Matanda. Dans ce dernier, 150 latrines sont nécessaires pour atteindre la norme minimale d'une latrine pour 20 personnes, précise le HCR. Les services de santé peinent également à répondre aux besoins croissants des réfugiés.

Des réfugiés congolais arrivent au centre de transit de Nyakabande, dans le sud-ouest de l'Ouganda.
© UNHCR/Yonna Tukundane
Des réfugiés congolais arrivent au centre de transit de Nyakabande, dans le sud-ouest de l'Ouganda.

Coupes budgétaires

Cet afflux intervient également au moment où les coupes budgétaires contraignent le secteur humanitaire à réduire la voilure. En Ouganda, certains établissements de santé ont notamment fermé leurs portes et 250 postes d’agents de santé ont été supprimés, de même 332 postes d’éducateurs de la petite enfance, ainsi que des enseignants et assistants scolaires. 

Le HCR prévient également que la construction d'abris pour les personnes ayant des besoins spécifiques a été interrompue, et qu’une réduction de 30 % de la consommation de carburant affecte la logistique et l’acheminement de l’aide.

« Mais la pénurie de financement a un impact significatif sur la réponse », déplore le HCR. 

L’agence est donc contrainte de réduire certaines activités de protection, telles que l'aide juridique aux réfugiés et les espaces sécurisés pour que les enfants puissent jouer. Elle doit se concentrer sur les besoins les plus critiques : la surveillance des frontières, l'enregistrement des nouveaux arrivants, la gestion des centres de transit et d'accueil, la fourniture de kits d'hygiène menstruelle aux femmes et aux filles, ainsi qu'un soutien spécifique aux enfants et aux survivants de violences sexistes. 

Pour continuer de fournir ces services essentiels et soulager les autorités ougandaises, le HCR lance un appel urgent à des financements supplémentaires.

Escalade au Sud-Kivu

Parallèlement, la situation humanitaire dans l’est de la RDC continue de se dégrader à un rythme alarmant, notamment dans la province du Sud-Kivu, où le bureau des affaires humanitaires des Nations Unies, dit l’OCHA, constate une escalade des violences contre les civils, en particulier les femmes et les filles.

Dans le territoire de Kalehe, des incidents graves ont notamment été signalés ces derniers jours, dont l’enlèvement et le viol de deux femmes, le 6 avril, attribués à des groupes armés non identifiés. Selon les partenaires humanitaires présents sur le terrain, cet épisode s’inscrit dans le cadre d’une douzaine de cas avérés de violences sexuelles, recensés au cours des dernières semaines.

À cela s’ajoutent les déplacements massifs de population dans le territoire voisin de Walungu, suite à de nouveaux affrontements survenus le 5 avril. Selon un acteur humanitaire local, plus de 7.000 personnes auraient ainsi quitté leur domicile depuis le début du mois mars dans l’ensemble du Sud-Kivu.

Les personnes déplacées, installées précipitamment dans des zones voisines ou hébergées par des communautés locales déjà vulnérables, vivent dans des conditions de vie précaires, selon l’OCHA. Les pénuries de nourriture, d’eau potable, de latrines et de soins de santé s’aggravent de jour en jour.

Pluies torrentielles

Les intempéries des derniers jours ajoutent encore à la détresse des populations. Dans la province voisine du Tanganyika, des pluies torrentielles ont notamment provoqué des inondations catastrophiques. Deux personnes ont ainsi perdu la vie et des dizaines d’autres ont été blessées. 

Selon l’OCHA, près de 16.000 habitants sont désormais sans abri dans la province, contraints de s’installer dans des sites surpeuplés ou chez des familles d’accueil, elles-mêmes en difficulté.