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Russie : la torture est désormais « un outil de répression à l'intérieur du pays et d'agression à l'étranger » (experte)

Dans un nouveau rapport publié cette semaine, l'experte indépendante de l'ONU sur les droits de l'homme en Russie expose des modèles alarmants de torture utilisés comme outil de répression approuvé par l'État pour étouffer la dissidence et intimider les communautés à l'étranger.

Juste avant de présenter son rapport à l'Assemblée générale, Mariana Katzarova, Rapporteure spéciale sur la situation des droits de l'homme dans la Fédération de Russie, s'est entretenue avec Nargiz Shekinskaya, d'ONU Info, et a souligné que « la torture est utilisée comme un outil sanctionné par l'État pour une oppression systématique, pour maintenir le contrôle et pour étouffer la dissidence ».

D'après ses recherches, il ne s'agit pas de cas isolés. La torture vise fréquemment les prisonniers politiques, les détracteurs de la guerre en cours en Ukraine et les communautés de migrants dans le monde entier.

Normalisation de la torture

L'une des révélations les plus troublantes du rapport est la représentation de la torture dans les médias russes.

L'experte indépendante a décrit les conséquences d'un attentat terroriste perpétré en mars à Moscou, au cours duquel des membres de la minorité tadjike « qui n'ont pas encore été jugés et n'ont pas été reconnus coupables » ont été torturés à l'aide de chocs électriques et de mutilations.

Nous avons ici un système judiciaire qui est tellement influencé par la politique qu'il n'y a pas de justice pour les victimes de la torture

Après la diffusion de l'émission, des informations ont fait état de vastes opérations de ratissage menées par les forces de l'ordre, d'arrestations et d'abus présumés de travailleurs migrants originaires d'Asie centrale.

Les personnes LGBTQIA+ en Tchétchénie ont également été brutalement traitées par les agents de l'État. Mme Katzarova a rapporté que des membres de la communauté LGBTQIA+ ont été systématiquement détenus, torturés et menacés de mort s'ils n'acceptaient pas de se porter volontaires comme soldats en Ukraine.

Impunité judiciaire, absence de responsabilité

L'une des principales questions soulevées dans le rapport est l'incapacité du système judiciaire russe à poursuivre les cas de torture de manière adéquate.

En vertu de la législation russe, la torture n'est pas considérée comme une infraction pénale distincte, ce qui permet aux auteurs d'échapper à la justice en portant des accusations moins graves telles que « abus de pouvoir ou d'autorité ».

« Nous avons ici un système judiciaire qui est tellement influencé par la politique qu'il n'y a pas de justice pour les victimes de la torture », a-t-elle déclaré. Sans recours à la Cour européenne des droits de l'homme, les victimes russes ne peuvent plus compter que sur le système des Nations Unies, qui n'a pas l'autorité nécessaire pour intenter une action en justice.

Mme Katzarova a exhorté les gouvernements du monde entier à utiliser leurs systèmes de justice pénale pour poursuivre les cas de torture en Russie en vertu de la compétence universelle, un principe international qui permet aux tribunaux de juger des affaires indépendamment du lieu où le crime a été commis.

La Rapporteure spéciale, comme tous les autres experts indépendants des Nations Unies en matière de droits de l'homme, travaille sur une base volontaire, n'est pas membre du personnel des Nations Unies et ne reçoit aucun salaire pour son travail. Les experts sont nommés par le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies et sont indépendants de tout gouvernement ou organisation.