Fil d'Ariane
Gaza : les ordres d’évacuation dans le nord suscitent des inquiétudes à l’approche de la 2e phase de la campagne de vaccination
Pour la deuxième fois, des sérums seront administrés par voie orale aux enfants gazaouis de moins de 10 ans, qui recevront également une dose de vitamine A, également par voie orale, pour renforcer leur immunité.
De hauts responsables humanitaires de l’ONU ont ainsi exprimé leur inquiétude quant au fait que les ordres d’évacuation israéliens dans le nord de la bande de Gaza pourraient interférer avec une campagne de vaccination contre la polio qui doit commencer la semaine prochaine. Ils craignent que les événements en cours ne compliquent les interventions sanitaires prévues dans la région.
Les nouveaux ordres d’évacuation menacent l’accès aux hôpitaux
A l’approche de cette nouvelle phase, l’agence sanitaire mondiale de l’ONU (OMS) et le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) ont réitéré leur « demande urgente » à toutes les parties au conflit de mettre en œuvre la pause humanitaire nécessaire à Gaza pour ce deuxième cycle, les équipes de vaccination devant être protégées et autorisées à mener les campagnes en toute sécurité.
« Cela est d’autant plus important que les nouveaux ordres d’évacuation dans le nord de la bande de Gaza menacent l’accès aux hôpitaux et la protection des établissements de santé, des travailleurs sanitaires et communautaires », a déclaré depuis Jérusalem, le Dr Rik Peeperkorn, représentant de l’OMS pour le territoire palestinien occupé, lors d’une conférence de presse régulière de l’ONU à Genève.
La nouvelle campagne fait suite à la première phase qui s’est déroulée avec succès du 1er au 12 septembre 2024 et qui a permis de vacciner près de 560.000 enfants. Le deuxième cycle comportera trois phases, chacune comprenant trois jours de campagne et un jour de rattrapage.
Des pauses humanitaires pour permettre aux parents d’amener leurs enfants sans crainte
L’UNICEF a également insisté sur « l’importance des pauses humanitaires localisées comme condition préalable à la réussite du deuxième tour de cette campagne », afin de permettre à tous les travailleurs de la polio d’opérer dans un environnement sûr et à tous les parents d’amener leurs enfants sans crainte.
« Une chose est sûre : il est impossible de réussir dans une zone de combat active », a affirmé Jean Gough, Représentante spéciale de l’UNICEF dans l’État de Palestine.
Pour mener à bien cette nouvelle phase, l’agence onusienne s’est penchée sur les défis logistiques qu’une telle campagne de vaccination représente, notamment « les difficultés considérables » dans un climat de dévastation des infrastructures.
Par exemple, 75 % de la chaîne du froid préexistante, essentielle à toute campagne de vaccination, a été détruite au cours de l’année écoulée, la guerre ayant ravagé toute la bande de Gaza.
C’est ainsi qu’en plus des 1,6 million de doses de vaccins, l’UNICEF a dû apporter des réfrigérateurs, des congélateurs, des glacières et des porte-vaccins - tout l’équipement nécessaire pour maintenir les stocks à une température comprise entre 2 et 8°C.
Des mouvements incessants de population
Les mouvements incessants de population ont constitué un autre défi de taille. Dans le nord de la bande de Gaza, plusieurs ordres de déplacement ont été émis, affectant des milliers d’enfants.
Par exemple, c’est la quatrième fois en un an que les familles de Jabalia reçoivent l’ordre de quitter leurs maisons. Nombre d’entre elles sont revenues après chaque déplacement, incapables de trouver la sécurité ailleurs.
« Une fois de plus, il sera absolument essentiel que les pauses humanitaires localisées soient respectées dans le nord, mais aussi que les gens ne soient pas forcés de se déplacer d’une zone à l’autre. Cela sera essentiel pour que nous puissions vacciner au moins 90 % des enfants de moins de 10 ans parmi la population du nord », a fait valoir Mme Gough.
La campagne de polio intervient dans un climat de nouvel d’ordre d’évacuation au nord de Gaza.
L’OMS s’est d’ailleurs dite « gravement préoccupée » par la sécurité des patients et du personnel de santé dans le contexte de l’intensification des hostilités et des ordres d’évacuation actuels concernant les hôpitaux Kamal Adwan, Al-Awda et indonésien dans le nord de Gaza. Selon l’agence onusienne, l’hôpital indonésien n’est plus en mesure de fournir des services et d’accueillir les patients.
Les hôpitaux Kamal Adwan, Al-Awda et indonésien sont les trois seuls hôpitaux qui sont restés partiellement fonctionnels dans le nord de Gaza, qui manque également de cliniques de soins de santé primaires fonctionnelles.
Les terribles souffrances humaines à Gaza se poursuivent
Alors que la situation des civils sur le terrain au Liban, en Israël et en Syrie empire de jour en jour, il est important de maintenir l’attention sur les terribles souffrances humaines qui se poursuivent à Gaza, a souligné pour sa part le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme (HCDH).
Il est important de maintenir l’attention sur les terribles souffrances humaines qui se poursuivent à Gaza
Au cours de la semaine dernière, l’armée israélienne a intensifié ses opérations dans le nord de la bande de Gaza, isolant encore davantage cette zone du reste de la bande de Gaza et mettant à nouveau en danger la vie des civils qui s’y trouvent.
Des frappes intenses, des bombardements et des incursions terrestres ont eu lieu ces derniers jours, touchant des bâtiments résidentiels et des groupes de personnes, causant de nombreuses victimes et - une fois de plus - des déplacements massifs de Palestiniens dans la région.
« Les attaques contre les hôpitaux se poursuivent également. Une frappe sur l’hôpital Al-Yaman Al-Saeed, qui sert d’abri aux personnes déplacées, dans le camp de Jabalia, a tué 17 Palestiniens, dont des enfants et des femmes », a déclaré Ravina Shamdasani, porte-parole du HCDH.
« L’ordre international s’effondre à Gaza », déplorent une quarantaine d’experts indépendants
« Un an après l’attaque du 7 octobre par le Hamas et d’autres groupes armés palestiniens contre Israël, le monde a assisté à une escalade brutale de la violence, qui s’est traduite par des attaques génocidaires, un nettoyage ethnique et une punition collective des Palestiniens, et qui risque de faire éclater le système multilatéral international », ont averti des experts indépendants des Nations Unies.
« Le monde est confronté à la crise la plus profonde depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Les atrocités dont le monde a été témoin pendant la Seconde Guerre mondiale ont abouti à une détermination collective de dire [plus jamais ça] et de créer les Nations Unies pour atteindre cet objectif », ont-ils souligné, regrettant que « la promesse des dirigeants israéliens de détruire Gaza ait été tenue ».
Selon les experts, l’enclave palestinienne « n’est plus qu’un champ de ruines et de restes humains, où les survivants s’efforcent de s’accrocher à la vie dans un contexte de privations et de maladies ».
« Les bombes israéliennes n’ont épargné personne, ni les journalistes, ni les infirmières, ni les bébés, ni les femmes enceintes, ni les personnes à la recherche de nourriture et de sécurité, ni les travailleurs humanitaires, y compris le personnel des Nations Unies. Des familles entières ont été exterminées et des générations effacées, des millions de vies ont été déchirées ».
Dépasser « les récits déshumanisants et polarisants »
Dans le même temps, « l’ordre juridique international s’effondre face à ces atrocités ».
La demande de mandats d’arrêt du procureur de la Cour pénale internationale reste en suspens, sans que la Cour ne prenne de décision en temps utile. Les mesures provisoires ordonnées par la Cour internationale de justice (CIJ) pour prévenir les « actes génocidaires » n’ont toujours pas été mises en œuvre.
« Défiant le sentiment général de la communauté internationale, Israël continue d’agir avec un mépris effronté pour le droit et l’ordre internationaux », ont-ils fait observer, fustigeant « l’incapacité de la communauté internationale à obtenir un cessez-le-feu et à demander des comptes à tous ceux qui sont responsables ou complices de crimes odieux ».
Face à cette « spirale de destruction », les experts appellent tous les dirigeants à dépasser « les récits déshumanisants et polarisants et à œuvrer activement à la cessation immédiate de toutes les hostilités et de tous les crimes, à la libération immédiate des otages et de toutes les personnes détenues arbitrairement ».
A noter que près d’une quarantaine d’experts indépendants ont endossé ce communiqué dont Francesca Albanese, Rapporteure spéciale sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés et les membres du Groupe de travail sur la discrimination à l’égard des femmes.