Fil d'Ariane
Volker Türk dénonce l’exploitation illégale des minerais dans l’Est de la RD Congo
Lors de la présentation son rapport devant le Conseil des droits de l’homme de l’ONU, le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme a indiqué que l’accaparement des ressources provenant de l’exploitation illégale et du commerce illicite des ressources naturelles de la RDC, avec la complicité d’entreprises à l’intérieur et à l’extérieur du pays, ainsi que la prolifération et le trafic d’armes, continuent d’être parmi les principaux moteurs de la violence actuelle.
« Cette situation plonge également la population dans la pauvreté », a fustigé Volker Türk, rappelant que « la RDC est l’une des cinq nations les plus pauvres du monde ». Environ une personne sur six vivant dans l’extrême pauvreté en Afrique subsaharienne vit en RDC. « Cette situation est inacceptable ».
« Nos portables sont nourris par les minéraux de l’Est de la RDC »
Or ce qui le frappe, c’est de savoir à quel point « la situation dans l’est est liée à notre vie quotidienne, comme nos portables qui sont nourris par les minéraux de l’est ».
En effet, la RDC est dotée de ressources naturelles exceptionnelles, notamment de minerais tels que le cobalt, le coltan, l’or et le cuivre, d’un potentiel hydroélectrique important, de vastes terres arables, d’une immense biodiversité et de la deuxième plus grande forêt tropicale au monde.
Le chef des droits de l’homme de l’ONU exhorte donc les autorités, ainsi que les acteurs régionaux et internationaux à se pencher sur ces questions, et les acteurs du secteur privé actifs dans ce domaine à assumer pleinement leurs responsabilités en matière de droits humains.
Dans ce contexte, il a tenu à souligner le travail du Panel mis en place par le Secrétaire général des Nations Unies sur les minéraux critiques pour la transition énergétique. « Il serait très important d’étudier et d’utiliser les recommandations formulées dans leur rapport final ».
Multiplication des abus dans les provinces touchées par le conflit
Plus largement, les habitants de la RDC sont épuisés par la violence, épuisés par le conflit, épuisés par les horreurs de leur vie quotidienne. Dans l’Est du pays, le nombre de victimes de violations et d’atteintes aux droits humains et de violations au droit international humanitaire continue d’augmenter.
Entre le 1er juin 2023 et le 31 mai 2024, 85 % des violations et atteintes commises dans le pays ont eu lieu dans les provinces touchées par le conflit dans l’est du pays. Les membres de groupes armés seraient responsables de 61 % d’entre elles, ainsi que d’attaques meurtrières contre des civils et des infrastructures civiles, notamment des écoles et des hôpitaux.
Les violences sexuelles se répandent
Malgré certains efforts de prévention et d’enquête, les violences sexuelles se répandent, avec 700 nouvelles victimes identifiées au cours de la seule période couverte par le rapport.
Les groupes armés enlèvent, retiennent en captivité et soumettent les femmes et les filles à l’esclavage sexuel. Nombre d’entre elles ont été tuées après avoir été violées.
« Les cas ne sont certainement pas tous signalés. C’est atroce », a insisté M. Türk.
Sur un autre plan, il a demandé instamment aux pays qui exercent une influence sur les groupes armés de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour que les combats cessent.
« Tout rôle joué par le Rwanda dans le soutien au M23 au Nord-Kivu - et par tout autre pays soutenant des groupes armés actifs en RDC - doit cesser », a fait valoir le Haut-Commissaire.
A cet égard, M. Türk a encouragé la revitalisation des processus de Nairobi et de Luanda pour ramener la paix dans l’Est de la RDC.
Pour une gouvernance vertueuse de l’exploitation des ressources naturelles
De son côté, la cheffe de la Mission des Nations Unies en RDC a indiqué que le retour de la paix dans ce pays passe par la conjugaison d’efforts militaires et non-militaires pour trouver des solutions durables, tant nationales que régionales. « Une gouvernance vertueuse de l’exploitation des ressources naturelles y contribuera grandement », a insisté Bintou Keita.
La Représentante spéciale du Secrétaire général de l’ONU en RDC a ainsi encouragé Kinshasa à poursuivre son engagement en faveur de l’adoption d’un Plan d’Action National sur les entreprises et les droits de l’homme pour une pleine réalisation du droit au développement et des droits économiques, sociaux et culturels.
En attendant, la situation des droits de l’homme reste toujours « préoccupante, à cause de la détérioration de la situation sécuritaire dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri due à l’activisme accru des groupes armés ».
« Les provinces du Maï-Ndombe et de la Tshopo continuent d’être elles aussi affectées par les attaques contre les civils, provoquant des pertes en vies humaines et des déplacements massifs des populations vers Kinshasa et Kisangani », a détaillé Mme Keïta.
Tensions entre la RDC et le Rwanda
Dans sa quête de gains territoriaux, le M23 a étendu son emprise sur les territoires vers Lubero. Kanyabayonga a été capturé fin juin après d’intenses combats au cours desquels les hôpitaux et les sites de personnes déplacées ont été délibérément pris pour cible par le M23. Plusieurs civils ont fui leur domicile, ce qui a encore aggravé la crise humanitaire.
Alors que tous les efforts sont principalement axés sur la gestion de la situation dans le Petit Nord avec le M23, les miliciens de la Coopérative pour le développement du Congo (CODECO) et les rebelles de l’ADF (Forces démocratiques alliées) ont saisi l’occasion pour faire des ravages dans d’autres parties du Nord-Kivu et de l’Ituri.
« Dans le même temps, les tensions entre la République démocratique du Congo et le Rwanda ont persisté », a rappelé la cheffe de la MONUSCO.