Fil d'Ariane
Guerre à Gaza : le chef des droits de l’homme de l’ONU fustige un mépris flagrant du droit international
Alors que la guerre à Gaza est entrée dans son 12e mois sans signe de répit, « éviter un conflit régional de grande ampleur est une priorité absolue et urgente », a martelé Volker Türk.
« Les États ne doivent pas - ne peuvent pas - accepter un mépris flagrant du droit international, y compris des décisions contraignantes du Conseil de sécurité et des ordonnances de la Cour internationale de justice, que ce soit dans cette situation ou dans toute autre », a insisté M. Türk.
Il a fait référence à un avis rendu en juillet par la plus haute juridiction de l’ONU, qui jugeait l’occupation israélienne illégale, soulignant que cette situation nécessitait une résolution globale.
Des opérations meurtrières et destructrices en Cisjordanie
Cette nouvelle déclaration du chef des droits de l’homme de l’ONU intervient alors que depuis les attaques sanglantes du 7 octobre qui ont coûté la vie à plus de 1.200 personnes en Israël, 101 otages sont toujours détenus à Gaza, onze mois plus tard.
Plus de 41.000 Palestiniens ont été tués par les forces israéliennes. Plusieurs milliers ont été blessés et des milliers restent sous les décombres à Gaza. Près de 1,9 million de personnes ont été déplacées de force dans la bande de Gaza, souvent à plusieurs reprises.
« Chaque jour, les Palestiniens luttent pour survivre », a affirmé M. Türk.
Si le nombre réel est probablement plus élevé, près de 10.000 Palestiniens sont également détenus dans des prisons israéliennes ou des installations militaires ad hoc, souvent de manière arbitraire, et plus de 50 personnes sont décédées en raison des conditions inhumaines et des mauvais traitements qu’elles ont subis.
En Cisjordanie, des opérations meurtrières et destructrices, dont certaines ont atteint une ampleur inégalée au cours des deux dernières décennies, aggravent une situation déjà désastreuse en raison des graves violences commises par les colons.
Conflits au Soudan et en Ukraine
En Afrique, la guerre au Soudan a entraîné l’une des pires crises humanitaires et de protection au monde. Celle-ci est alimentée par « une impunité de longue date, une tempête de luttes de pouvoir à somme nulle, des intérêts économiques concurrents et l’instrumentalisation des tensions ethniques ». Le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme (HCDH) estime que plus de 20.000 personnes ont été tuées.
« Le monde ne peut pas laisser cette situation perdurer. Nous savons que les guerres se répercutent sur les générations futures, favorisant des cycles de haine répétés si leurs causes ne sont pas traitées », a dit M. Türk.
En Europe, les civils ukrainiens sont pris au piège dans des « cycles de terreur, en raison des attaques incessantes de la Fédération de Russie contre des installations civiles » telles que des hôpitaux, des écoles et des supermarchés, et des vagues répétées de ciblage des infrastructures énergétiques qui entraînent des coupures d’électricité dans tout le pays.
« Je crains pour les Ukrainiens cet hiver », a dit M. Türk, se disant troublé par l’impact des récentes escalades sur les civils, y compris à Koursk, en Russie.
L’ONU appelle le monde à « se réveiller » sur les droits humains
Le monde se trouve « à la croisée des chemins » et se dirige, s’il n’y prend garde, vers un « avenir dystopique », fait d’escalades militaires, de répression et de désinformation, a averti le Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme.
Il a appelé le monde à « se réveiller », estimant que la « nouvelle normalité ne peut pas être une escalade militaire vicieuse sans fin et des méthodes de guerre, de contrôle et de répression technologiquement 'avancées' et de plus en plus horribles ».
Selon le chef des droits de l’homme de l’ONU, la « nouvelle normalité » ne peut pas être non plus l’indifférence continue à l’égard des inégalités croissantes au sein des États et entre eux. La « nouvelle normalité » ne peut signifier accepter l’injustice, motivée par la cupidité, que la triple crise planétaire affecte le plus ceux qui sont les moins responsables, ou que le développement durable reste inaccessible à tant de personnes.
Et de dénoncer les affrontements militaires qui se multiplient, la désinformation, le changement climatique qui affecte les plus vulnérables, les attaques contre le multilatéralisme ou les nombreuses violations des droits humains.
« Cela ne peut être le monde que nous voulons », selon lui. « Nous pouvons nous réveiller et changer les choses pour le meilleur, pour l’humanité et pour la planète», a-t-il ajouté.
Des restrictions injustifiées de l’espace civique en Chine
Il a fustigé ces « segments du secteur privé », qui se livrent au « commerce illégal des ressources d’une nation au détriment du développement du pays et de sa population », comme cela a été largement rapporté, par exemple, « en République centrafricaine ou dans l’est de la République démocratique du Congo ». Il s’agit également d’un « problème endémique en Amérique latine », notamment au Brésil et au Pérou.
Dans ce tour d’horizons des abus dans le monde, M. Türk a dénoncé ces tentatives de musellement des libertés d’expression, de réunion et d’association et d’une presse libre, y compris dans des contextes électoraux. Ces libertés sont pourtant essentielles au débat critique, pour faire ressortir le meilleur des sociétés et trouver des solutions aux multiples problèmes auxquels nous sommes confrontés.
Parmi les exemples, il a cité la détention de journalistes en Azerbaïdjan ; l’arrestation, la détention et le harcèlement d’opposants politiques au Mali, en Ouganda et au Venezuela ; l’arrestation et la détention d’opposants politiques et de militants en Tunisie ; la persécution d’opposants politiques et de journalistes au Nicaragua ; et la répression de militants au Viêt Nam.
« En Chine, des restrictions injustifiées de l’espace civique continuent d’être imposées au nom de la sécurité nationale et de la stabilité sociale », a ajouté M. Türk.
Le migrant, bouc-émissaire en Europe et aux Etats-Unis
Devant le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, le Haut-Commissaire a dénoncé le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie, qui continuent de sévir dans les sociétés, « soutenus par des structures de pouvoir bien établies, des intérêts particuliers, l’inertie institutionnelle et des stéréotypes néfastes, souvent enracinés dans l’héritage du colonialisme et de l’esclavage ».
« Ensuite, il y a ces responsables politiques, amplifiés par certains médias, qui font des migrants, des réfugiés et des minorités des boucs émissaires, comme nous l’avons vu, par exemple, pendant les périodes électorales en Autriche, en France, en Allemagne, en Hongrie, au Royaume-Uni et aux États-Unis, pour n’en citer que quelques-uns », a-t-il déploré.
Ces politiciens capitalisent ainsi sur l’anxiété et le désespoir, en dressant un groupe contre l’autre, et ils cherchent à distraire et à diviser.
Or selon M. Türk, l’histoire nous a montré que « les paroles haineuses peuvent déclencher des actions haineuses ». « Un leadership politique fondé sur les droits de l’homme et un débat basé sur des preuves sont l’antidote à tout cela », a-t-il fait valoir.
L’ombre du patriarcat plane toujours
Malgré quelques avancées importantes, 30 ans après les engagements universels sur les droits des femmes à Beijing, l’ombre du patriarcat plane toujours, a-t-il estimé.
Cela se traduit par des « régressions alarmantes » sur des questions d’égalité des sexes. Dans les cas les plus extrêmes, par exemple en Afghanistan, des lois et des politiques méprisables éliminent effectivement les femmes de la vie publique.
Malgré l’évolution mondiale significative et bienvenue vers la dépénalisation des relations consensuelles entre personnes de même sexe, le monde assiste également à l’adoption d’une série de lois visant à établir ou à étendre les sanctions pénales dans certains pays, tels que le Ghana, l’Indonésie, l’Iraq et l’Ouganda.
« En fin de compte, ces politiques nuisent à l’ensemble des sociétés et laissent des personnes sur le carreau », a conclu le chef des droits de l’homme de l’ONU.