Fil d'Ariane
À Gaza, les nouveaux ordres d’évacuation menacent la capacité de l'ONU à fournir de l'aide
Le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA) s’est ainsi inquiété de sa capacité à fournir de l’aide humanitaire dans l’enclave palestinienne, au lendemain de nouveaux ordres d’évacuation israéliens faisant craindre une aggravation de la situation dans le territoire palestinien ravagé par la guerre entre Israël et le Hamas.
D’autant que les récents ordres concernent notamment des secteurs où se trouvaient des travailleurs humanitaires des Nations Unies et d’ONG.
En effet, l’armée israélienne a émis depuis vendredi dernier trois nouveaux ordres d’évacuation pour plus de 19 quartiers dans le nord de Gaza et à Deir Al-Balah, « avec plus de 8.000 personnes » restant dans ces zones, beaucoup s’abritant dans des sites de déplacement. Cela porte à 16 le nombre d’ordres d’évacuation massive émis pour le seul mois d’août.
Des ordres qui n’épargnent pas le personnel humanitaire
Les habitants des zones touchées par les ordres d’évacuation sont de plus en plus contraints de se concentrer dans la zone désignée par Israël à Al Mawasi, qui s’étend sur environ 40 kilomètres carrés et manque d’infrastructures essentielles et de services de base.
Selon l’OCHA, ces ordres se passent dans un climat d’incursions terrestres, en particulier à Beit Hanoun, au sud-ouest de la ville de Gaza, dans la zone orientale de Khan Younis et Deir al Balah, ainsi qu’à l’est et au sud de Rafah.
Sur le terrain, l’acheminement de l’aide dans la zone est finalement limité en raison de problèmes d’accès et de sécurité, tandis que la surpopulation sévère, avec une densité de population atteignant 34.000 personnes par kilomètre carré, aggrave les conditions de santé et d’hygiène désastreuses.
Pour les humanitaires, les derniers ordres d’évacuation dans la ville de Deir Al-Balah, au centre de Gaza, ont déplacé le personnel humanitaire de l’ONU, les organisations non gouvernementales (ONG) et les prestataires de services, ainsi que leurs familles.
L’impact sur le centre humanitaire mis en place à Deir el-Bala
« Ces relocalisations ont eu lieu dans un délai très court et dans des conditions dangereuses », a déclaré lors d’un point de presse de l’ONU à Genève, Jens Laerke, porte-parole d’OCHA.
« Nos collègues humanitaires sur le terrain sont particulièrement inquiets de l’ordre émis dimanche pour une partie de Deir al Balah. Il concerne 15 locaux accueillant des travailleurs humanitaires de l’ONU et d’ONG, quatre entrepôts de l’ONU, l’hôpital Al Aqsa, deux cliniques, trois puits, un réservoir d’eau et une usine de dessalement », a-t-il ajouté.
Ces ordres d’évacuation émis de manière répétée par les Israéliens ont bouleversé tout un centre humanitaire vital qui avait été mis en place à Deir al-Balah après l’évacuation du centre de Rafah en mai dernier. « Cela a gravement affecté la capacité de l’ONU à fournir un soutien et des services essentiels », a insisté M. Laerke.
A noter que Rafah reste fermé, tandis que le point de passage d’Erez, à la frontière nord de l’enclave, est ouvert. Si le point de passage de Kerem Shalom, dans le sud, est techniquement ouvert, la zone reste toutefois « trop dangereuse » pour les organisations humanitaires.
« Les opérations humanitaires se réduisent comme peau de chagrin »
En attendant, les opérations humanitaires se poursuivent dans la mesure du possible. « Je tiens à vous rappeler que seuls 11 % du territoire de la bande de Gaza ne sont pas soumis à des ordres d’évacuation. Nous essayons donc de travailler avec ce chiffre et de poursuivre l’opération », a fait valoir le porte-parole d’OCHA.
En écho à ces préoccupations d’OCHA, l’Agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) note que l’action militaire dans l’enclave palestinienne est « implacable et les gens sont terrifiés ». « La situation sur le terrain est tout simplement catastrophique. [...]. Les familles sont contraintes de se déplacer d’un endroit à l’autre, alors qu’elles sont entourées de chars, de bombes et de frappes », a dit l’UNRWA sur le réseau social X.
Et à cause de ces ordres de déplacement, « les opérations humanitaires se réduisent comme peau de chagrin », car « des vies sont perdues, des gens ne reçoivent pas d’aide ». « C’est un véritable désastre », a affirmé une porte-parole de l’UNRWA, Louise Wateridge.
La campagne de vaccination contre la polio
Ces derniers développements surviennent une semaine après qu’un cas de polio a été confirmé pour la première fois en 25 ans dans l’enclave, chez un enfant de 10 mois non vacciné qui a souffert de paralysie. L’Organisation mondiale de la santé (OMS), le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) et l’UNRWA organisent donc une campagne de vaccination visant à atteindre 645.000 enfants de moins de 10 ans dans la bande de Gaza.
Plus de 1,2 million de doses de vaccin prélevées sur le stock mondial sont déjà arrivées dans l’enclave et l’équipement de la chaîne du froid est en place. La formation des vaccinateurs doit s’achever ce mardi.
Toutefois, les modalités d’accès en toute sécurité pour les agents de santé n’ont pas encore été précisées et aucune date n’a été annoncée pour le début de la campagne. « La partie cruciale, c’est qu’ils sont d’accord sur le lieu et la manière de le faire en toute sécurité et avec un accès total », a déclaré Margaret Harris, porte-parole de l’OMS.
Une façon de rappeler que chaque ordre d’évacuation est synonyme de départ de tout le monde. Or « chaque fois qu’un hôpital est quitté, il y a beaucoup de pillage et beaucoup d’équipements, comme les générateurs, l’énergie solaire, toutes les choses que nous avons mis beaucoup de temps à remettre en place - ils sont pris à chaque fois. Ce n’est donc pas seulement que l’hôpital lui-même ne fonctionne pas, mais il est souvent très endommagé par l’expérience de l’ordre d’évacuation », a rappelé la Dre Harris.