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Conventions de Genève : « Les règles de la guerre » m’ont sauvé, dit un ancien enfant soldat

Soixante-quinze ans après la ratification des Conventions de Genève, un ancien enfant soldat devenu ministre des Affaires étrangères de la Sierra Leone a exhorté la communauté internationale à soutenir davantage ces accords fondamentaux, soulignant leur importance pour sa réhabilitation et celle de dizaines de milliers de ses compatriotes à la suite de l’âpre guerre civile qui a ravagé le pays.

« Je ne serais pas la personne que je suis aujourd’hui sans le soutien essentiel du CICR et de la communauté internationale », a déclaré Musa Timothy Kabba aux membres du Conseil de sécurité, en faisant référence au Comité international de la Croix-Rouge, partenaire des Nations Unies, fondé dans la ville suisse en 1863 pour protéger et fournir une aide humanitaire, conformément à des accords antérieurs conçus pour protéger les personnes en situation de conflit.

Témoignage de l’ex-enfant soldat devenu chef de la diplomatie

S’adressant aux membres du Conseil de sécurité réunis à Genève pour marquer le moment où, en 1949, la communauté internationale a révisé trois conventions antérieures - concernant la protection des soldats blessés au combat, des victimes de conflits en mer et des prisonniers de guerre - et en a ajouté une quatrième pour protéger les civils touchés par la guerre, M. Kabba a souligné qu’il n’avait « pas besoin de s’attarder sur le traumatisme de ces années en tant que jeune soldat ».

« Mais je dois reconnaître ici aujourd’hui, dans ce berceau de l’humanitarisme mondial moderne, que c’est le CICR qui m’a profondément aidé à surmonter [...] le traumatisme de mon expérience de la guerre et à me réinsérer dans la société normale ».

Le Représentant permanent du Mozambique auprès des Nations Unies à New York, Pedro Comissario Afonso, a insisté sur le fait que les Conventions de Genève ont été à la fois « un phare moral et une boussole juridique pendant et après le conflit armé » dans son pays, qui s’est déroulé de 1977 à 1992.

« Le droit international humanitaire consacré par ces textes a guidé les actions non seulement des parties impliquées dans le conflit, mais aussi des organisations humanitaires qui travaillent sans relâche pour soulager les souffrances du peuple mozambicain », a-t-il poursuivi.

L'Ambassadeur Pedro Comissario Afonso du Mozambique s'exprime lors de la visite informelle des membres du Conseil de sécurité de l'ONU au Palais des Nations.
UN Photo/Elma Okic
L'Ambassadeur Pedro Comissario Afonso du Mozambique s'exprime lors de la visite informelle des membres du Conseil de sécurité de l'ONU au Palais des Nations.

La Suisse relève un « contexte international « alarmant »

Représentant la Suisse, le ministre des Affaires étrangères Ignazio Cassis a juxtaposé ce jalon historique au contexte international « alarmant ».

Plus de 120 conflits armés sont en cours dans le monde. « Il y a le Soudan, dont les pourparlers de cessez-le-feu se sont tenus près d’ici ces derniers jours. Il y a aussi l’Ukraine, le Yémen et le Moyen-Orient, pour ne citer que quelques-uns des conflits actuels que ni le multilatéralisme ni le droit international n’ont pu éviter, et encore moins résoudre ».

Appelant à un soutien accru aux belligérants pour qu’ils respectent le droit international humanitaire, M. Cassis a insisté sur le fait que ce droit « ne peut être simplement un droit inscrit sur le papier de notre bonne conscience, ni même un droit à la carte ; il doit y avoir un droit à l’action. Nos voix doivent être suffisamment puissantes et convaincantes pour que leur écho résonne jusqu’aux champs de bataille ».

Alors que le forum a entendu parler de la tendance inquiétante de certaines nations à demander des exemptions par rapport aux limites clairement définies de ce qui est légalement autorisé en temps de guerre, la Présidente du CICR, Mirjana Spoljaric Egger a insisté sur le fait qu’il n’y avait « aucune raison de se réjouir » du mépris flagrant dont font preuve de nombreux États à l’égard des Conventions. Une façon d’inviter les États à user de « leur influence et de leur pouvoir » pour permettre aux acteurs humanitaires indépendants et neutres de son organisation de remplir leur rôle.

Tatiana Valovaya loue le rôle de la Genève internationale

La cheffe du CICR a également souligné la nature changeante de la guerre moderne, qui représente un autre défi pour le droit international humanitaire et les efforts de la communauté mondiale pour en limiter l’impact.

« Les États doivent affirmer que l’utilisation des nouvelles technologies de guerre, de l’intelligence artificielle, des cyberopérations et des opérations d’information est strictement conforme au droit international humanitaire et, plus précisément, il est urgent que les États élaborent un cadre normatif qui impose certaines limites aux systèmes d’armes autonomes », a-t-elle dit.

Depuis le Palais des Nations, la Directrice générale de l’Office de l’ONU à Genève (ONUG) a noté que « même si les Conventions sont violées » dans les conflits à travers le monde, elles restent fondamentalement importantes, « parce qu’elles nous permettent de rappeler à tout le monde que les guerres ont des règles, même les guerres ont des limites ».

« Les États membres, l’ONU et la Genève internationale continuent de travailler au développement du droit international humanitaire, parmi d’autres 'questions mondiales cruciales' qui sont débattues et traitées à Genève, de la gouvernance numérique au désarmement et de la santé aux affaires humanitaires, au développement durable et à d’autres sujets encore », a fait valoir Tatiana Valovaya.

Les Conventions de Genève ont sauvé des millions de vies

Exprimant l’appel largement partagé en faveur d’un engagement beaucoup plus important de tous les gouvernements en matière de droit international humanitaire, Andrew Clapham, professeur de droit international à l’Institut universitaire de hautes études de Genève, a indiqué que « les violations de la Convention de Genève devraient faire partie du régime quotidien des représentants des États qui travaillent pour la paix et la sécurité. Prendre au sérieux les rapports sur les violations des Conventions de Genève vous met sur la voie de la paix et de la prévention des conflits ».

Il ne devrait pas incomber uniquement à la Cour pénale internationale (CPI) ou à la Cour internationale de justice (CIJ), aux travailleurs humanitaires ou à la Croix-Rouge d’assurer la protection des civils ou l’accès des travailleurs humanitaires, a-t-il insisté.

Sur une note plus positive, Cordula Droege, juriste et cheffe de la division juridique du CICR, a affirmé que « chaque jour, même dans les conflits les plus durs du monde, le droit international humanitaire est respecté dans d’innombrables cas ».

Des actes souvent non signalés de respect des Conventions de Genève « sauvent des vies, préservent la dignité et garantissent l’accès humanitaire », a-t-elle fait observer, relevant qu’au fil des décennies, « il ne fait aucun doute que les Conventions de Genève ont sauvé des millions de vies ».