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L'ONU réitère son appel à la libération des membres de son personnel détenus au Yémen

Deux hauts responsables des Nations Unies ont demandé une nouvelle fois jeudi aux rebelles houthistes au Yémen de libérer immédiatement 13 membres du personnel de l'ONU et des dizaines d'employés d'organisations non gouvernementales (ONG) et de la société civile, qui sont détenus arbitrairement depuis plus de deux mois.

L’Envoyé spécial du Secrétaire général pour le Yémen, Hans Grundberg, et Lisa Doughten, du Bureau des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA), ont lancé cet appel lors d'exposés devant les membres du Conseil de sécurité.

L’espace civique se rétrécit

« Dans quatre jours, le 19 août, nous commémorerons la Journée mondiale de l’aide humanitaire », a déclaré M. Grundberg. « Pourtant, au Yémen, nous sommes confrontés à une répression de l’espace humanitaire et civique par Ansar Allah » (autre nom des houthistes).

Les plus de 60 personnes détenues sont toutes des citoyens yéménites. En outre, quatre employés du Bureau des droits de l’homme de l’ONU, le HCDH, et de l’UNESCO, sont détenus respectivement depuis 2021 et 2023.

Ansar Allah a également fermé le bureau du HCDH dans la capitale, Sanaa, le 29 juillet et a ordonné au personnel international de partir.

Les houthistes contrôlent une grande partie du Yémen après s’être rebellés contre le gouvernement internationalement reconnu et avoir combattu une coalition dirigée par l’Arabie saoudite en soutien aux autorités à partir de 2015, après avoir pris la capitale l’année précédente.

Un cessez-le-feu négocié par l’ONU a expiré en 2022, mais il n’y a pas eu de retour aux combats de forte intensité.

« Un signal inquiétant »

Plus tôt cette semaine, le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Volker Türk, a déclaré que les forces d’Ansar Allah avaient pris d’assaut les locaux de l’ONU le 3 août, saisissant des documents, du mobilier, des véhicules et les clés du bureau.

« Il s’agit d’un signal inquiétant de la direction plus large que prend Ansar Allah et cela représente une grave attaque contre la capacité de l’ONU à s’acquitter de son mandat », a déclaré M. Grundberg au Conseil.

« J’appelle donc Ansar Allah à agir de manière responsable et compatissante envers ses compatriotes, hommes et femmes, et à libérer immédiatement et sans condition tous les employés de l’ONU, des ONG, de la société civile, des missions diplomatiques et du secteur privé ainsi que les membres des minorités religieuses, et à s’abstenir de toute nouvelle détention arbitraire », a-t-il ajouté.

L’impact de l’escalade régionale

En ce qui concerne la région dans son ensemble, l’Envoyé spécial a noté qu'Ansar Allah continue d’attaquer les navires naviguant en mer Rouge, tandis que les États-Unis et le Royaume-Uni ont continué de frapper des cibles militaires dans le territoire contrôlé par Ansar Allah en réponse à ces attaques.

« Cette situation, qui dure depuis plus de huit mois maintenant, n’est pas tenable », a-t-il averti.

M. Grundberg a déclaré que l’escalade régionale se déroule également à un moment où des défis réels et urgents à l’intérieur du Yémen doivent être résolus.

Depuis près d’une décennie, les houthistes combattent les troupes du gouvernement yéménite et leurs alliés et le conflit a fait des centaines de milliers de victimes, affaibli le tissu social et mis à mal la prestation des services publics.

Les manœuvres militaires se poursuivent

Bien que la violence sur les lignes de front reste relativement contenue par rapport à la période précédant la trêve négociée par l’ONU, « nous continuons d’assister à des préparatifs et des renforts militaires accompagnés de menaces continues de retour à la guerre », a-t-il dit.

Malgré ce « sombre tableau », les parties belligérantes ont mis un terme à un cycle dangereux d’escalade en concluant un accord le mois dernier, avec le soutien de l’Arabie saoudite, qui garantit le fonctionnement de la compagnie aérienne nationale, Yemenia Airlines, et l’accès continu des plus grandes banques du pays aux services bancaires internationaux.

« Cependant, il incombe désormais aux parties non seulement d’agir de bonne foi et de mettre pleinement en œuvre les engagements qu’elles ont pris, mais aussi de transformer l’accord en quelque chose qui améliore la vie et les moyens de subsistance de tous les Yéménites », a déclaré M. Grundberg.

Les humanitaires confrontés à des contraintes

Lisa Doughten, Directrice du financement et des partenariats d’OCHA, a également évoqué la détention d'employés de l’ONU et d’autres organisations, exhortant les États membres à « exercer toute leur influence » pour soutenir les efforts visant à obtenir leur libération.

Elle a également souligné la « détérioration inquiétante de l’environnement opérationnel dans les zones contrôlées par les houthistes », où la situation devient de plus en plus difficile à un moment où les humanitaires ont déjà du mal à répondre aux besoins de millions de personnes dans tout le pays.

Un plan de réponse humanitaire de 2,7 milliards de dollars, lancé en février pour aider plus de 11 millions de personnes cette année, n’est actuellement financé qu’à hauteur de 27 %.

Des familles en situation d’insécurité alimentaire à Lahj, au Yémen, bénéficient d’une aide financière du PAM pour les aider à répondre à leurs besoins alimentaires.
© WFP/Hebatallah Munassar
Des familles en situation d’insécurité alimentaire à Lahj, au Yémen, bénéficient d’une aide financière du PAM pour les aider à répondre à leurs besoins alimentaires.

Les familles souffrent de la faim

Pendant ce temps, la sécurité alimentaire continue de se détériorer au Yémen, où 60 % des ménages interrogés ne mangent pas à leur faim.

Les taux d'insécurité alimentaire grave ont plus que doublé au cours de l’année écoulée dans les zones contrôlées par les houthistes, passant de 17 % à 36 %. Ils ont également fortement augmenté dans les zones contrôlées par le gouvernement, où le taux est de 32 %.

Mme Doughten a déclaré que les conséquences de l’insécurité alimentaire et de la malnutrition croissantes vont bien au-delà de la faim, car elles exposent les enfants, en particulier les filles, à un risque accru de maltraitance et de négligence.

« Aujourd’hui, un pourcentage alarmant de 30 % de filles au Yémen sont forcées de se marier avant l’âge de 18 ans, car les familles ont du mal à subvenir à leurs besoins », a-t-elle dit. « Et le nombre d’enfants non scolarisés – qui atteint actuellement le chiffre stupéfiant de 4,5 millions – est susceptible d’augmenter, car de plus en plus d’enfants sont contraints de quitter l’école pour aider à subvenir aux besoins de leur famille ».

Alors que la situation générale de l’insécurité alimentaire continue de se détériorer dans tout le pays, une action renforcée sera nécessaire pour éviter une nouvelle catastrophe potentielle, a dit Mme Doughten. « Le financement complet et urgent du Plan de réponse humanitaire pour le Yémen est une exigence minimale pour ces besoins humanitaires et d’autres besoins humanitaires critiques ».