Fil d'Ariane
Gaza : le refus d'autoriser des missions d'aide perpétue « un cycle continu de privation et de détresse », selon l'ONU
Les autorités israéliennes ont refusé l’accès à Gaza à environ un tiers de toutes les missions d’aide depuis le début du mois d’août, une mesure qui perpétue « un cycle continu de privation et de détresse » pour la population de l'enclave palestinienne déchirée par la guerre, ont alerté des agences humanitaires des Nations Unies.
Le dernier rapport de situation du Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA) note que les difficultés d’accès à Gaza, dues à l’intensité des hostilités, à la division entre le nord et le sud et aux fréquents ordres d’évacuation, entravent gravement l’acheminement de l’aide humanitaire vitale à des centaines de milliers de personnes vulnérables dans toute la bande de Gaza.
Entre le 1er et le 11 août, les autorités israéliennes ont refusé l’accès au nord de Gaza à 32 des 85 missions d’aide humanitaire coordonnées. Treize autres ont été entravées par les autorités israéliennes et six ont été annulées pour des raisons logistiques et de sécurité, selon l’OCHA.
En outre, sur les 122 missions d’aide humanitaire coordonnées dans les zones du sud de Gaza, 63 ont été facilitées par les autorités israéliennes, 36 ont été refusées, huit ont été entravées et 15 ont été annulées. Au total, les missions refusées (68) représentent environ un tiers des missions prévues depuis le 1er août.
Privation et détresse
Le blocage des missions d’aide « compromet les efforts déployés pour répondre aux besoins humanitaires urgents », a fait valoir l’OCHA. Selon le bureau, les effets cumulés des restrictions d’accès compromettent les efforts déployés pour répondre aux besoins humanitaires urgents, perpétuant ainsi un cycle continu de privation et de détresse parmi les personnes touchées dans l’ensemble de la bande de Gaza.
Ces derniers développements surviennent au moment où l’armée israélienne a ordonné l’évacuation de certaines parties de la ville de Khan Younis, dans le sud de l'enclave, dimanche, en raison d’une « activité terroriste importante » de la « zone humanitaire ».
Selon l’OCHA, ces deux ordres d’évacuer qui ont été donnés par l’armée israélienne, ce weekend à Khan Younès, sont principalement dans des zones qui avaient déjà fait l’objet d’un tel ordre. Les zones concernées par ces ordres comprennent environ 23 sites de déplacés, 14 infrastructures d’eau, d’assainissement et d’hygiène et 4 établissements scolaires.
Les déplacements ne s’arrêtent jamais à Gaza
Au total, environ 305 kilomètres carrés, soit près de 84% de la bande de Gaza, ont été concernés par les ordres d’évacuer de l’armée israélienne.
« Les gens courent pour sauver leur vie, attrapant ce qu’ils peuvent et laissant tout le reste derrière eux. Ils sont épuisés et n’ont aucun endroit sûr où aller », a déploré sur le réseau social X, l’Agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens (UNRWA).
Une nouvelle fois, l’ONU appelle toutes les parties au conflit à honorer leurs obligations en vertu du droit international humanitaire, y compris en prenant soin d’épargner les personnes et biens civils.
« Les gens doivent donc pouvoir partir vers des zones plus sûres et revenir chez eux quand les circonstances le permettent », a insisté l’agence onusienne, relevant que les Gazaouis doivent aussi pouvoir « recevoir une aide humanitaire, qu’ils partent ou qu’ils restent ».
La crise de l’eau potable et des égouts à Gaza
Ces mouvements de populations interviennent alors que des conditions d’hygiène « épouvantables » continuent de menacer la vie et la santé des enfants gazaouis.
Le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) a ainsi publié une déclaration depuis Deir al-Balah, dans la zone centrale de Gaza, où les eaux usées non traitées ont formé de grandes mares sur la route à côté des abris pour les personnes déplacées de force.
« Les eaux usées sont partout dans les rues », a déclaré le porte-parole de l’UNICEF, Salim Oweis, depuis le centre de Deir el-Balah. Il a souligné la destruction du réseau d’eau et d’assainissement de Gaza, ainsi que de ses usines de traitement des eaux usées, depuis que la guerre a éclaté le 7 octobre, après les attaques sanglantes menées par le Hamas en Israël.
Menace quotidienne de maladies
« Avec le manque d’eau potable, la destruction du système d’assainissement, les systèmes de traitement des eaux usées, les enfants et les familles sont toujours en train de se battre », a-t-il dit.
Selon l’UNICEF, les diarrhées et les éruptions cutanées continuent d’affecter les habitants de Gaza qui ont été forcés de quitter à plusieurs reprises leurs maisons et leurs abris, alors que des appels de plus en plus pressants sont lancés en faveur d’un cessez-le-feu pour permettre l’administration de vaccins oraux contre la polio après que des traces de la maladie ont été découvertes dans les eaux d’égout en juin et confirmées en juillet.
Personne dans l’enclave n’a encore été vacciné contre la polio. Selon l’Agence sanitaire mondiale de l’ONU (OMS), des préparatifs sont en cours pour mettre en œuvre une campagne de vaccination à deux tours avec le nouveau vaccin oral contre la polio de type 2 (nOPV2).
Aucun hôpital n’a fonctionné à Rafah pendant deux mois
Sur un autre plan, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) s’inquiète du niveau de l’évacuation médicale des patients en dehors de Gaza depuis le 7 mai. Sur les 13.880 cas ayant fait l’objet d’une demande d’évacuation médicale, seuls 4916 (35 %) ont été évacués depuis octobre 2023.
Le nombre de patients nécessitant une évacuation médicale devrait augmenter compte tenu de la diminution des capacités du système de santé, aggravée par l’escalade en cours. Pour l’OMS, il est extrêmement urgent de rétablir les évacuations médicales de Gaza vers la Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est, où les hôpitaux sont prêts à accueillir les patients.
« Il faut également faciliter le transfert des patients vers l’Égypte et la Jordanie, et de là vers d’autres pays en cas de besoin », insiste l’OMS, qui réitère son appel à la mise en place de multiples couloirs d’évacuation médicale afin d’assurer un passage soutenu et rapide des patients par tous les itinéraires possibles, y compris Rafah et Kerem Shalom.
Par ailleurs, sur les 16 hôpitaux partiellement fonctionnels, 12 sont partiellement accessibles en raison de l’insécurité ou d’obstacles, tels que les dommages subis par les entrées des patients et des ambulances, et les routes environnantes.
Alors qu’aucun hôpital n’a fonctionné à Rafah pendant plus de neuf semaines consécutives, l’hôpital européen de Gaza (650 lits d’hospitalisation) est toujours hors service depuis le 1er juillet. Selon l’OMS, les efforts pour rétablir la fonctionnalité sont menacés par l’extension de la zone d’évacuation.