Fil d'Ariane
Dix mois de guerre à Gaza : la souffrance des enfants est « au-delà de ce que l’on peut imaginer », selon l’UNICEF
Alors que des médias font part jeudi d’un nouvel ordre d’évacuation de l’armée israélienne pour les zones de Beit Hanoon et de Beit Lahiya, dans le nord de la bande de Gaza, les agences humanitaires des Nations Unies font état d’un niveau élevé de détresse, d’agonie et de souffrance des enfants dans les hôpitaux de l’enclave palestinienne.
Dans un entretien accordé à ONU Info, un porte-parole du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) décrit l’ampleur des destructions, des souffrances et des déplacements, qui va bien « au-delà de ce que l’on peut imaginer en regardant un écran de télévision ou n’importe quelle plateforme numérique ».
« La situation générale à Gaza est horrible et vraiment frappante. Cela semble surréaliste. C’est vraiment hors du commun », a décrit depuis Deir el-Balah, Salim Oweis, le porte-parole de l’UNICEF, en mission dans l’enclave depuis une semaine.
Dans les hôpitaux, comme Al-Aqsa ou le complexe Nasser, Salim Oweis décrit « un autre niveau d’agonie et de souffrance des enfants, de leurs parents et de leurs familles ». « Les cris et l’agonie sont très, très présents ».
Derrière ces images alarmantes et ce sombre tableau décrit quotidiennement, le constat semble identique dans toute l’enclave, avec une surpopulation de déplacés dans des sites et de patients dans les hôpitaux.
Dans ces infrastructures médicales, « les enfants sont partout avec des blessures, plusieurs types de maladies, des maladies chroniques, notamment le cancer ainsi que d’autres cas vraiment compliqués nécessitant des soins spécialisés qui ne sont pas disponibles dans les hôpitaux de Gaza. Vous pouvez voir des enfants et leurs familles en train d’être traités dans les couloirs, en train d’attendre dans les couloirs », a détaillé M. Oweis.
Un cycle de déplacements sans fin
De son côté, le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA) indique que les hostilités incessantes à Gaza et les ordres d’évacuation récurrents entraînent un cycle de déplacements apparemment sans fin et rendent de plus en plus difficile l’accès des populations à l’aide humanitaire dont elles ont besoin pour survivre après 10 mois de guerre.
Pour ne citer qu’un exemple : lorsque des enfants souffrant de malnutrition sont soudainement contraints de fuir, il est extrêmement difficile pour les partenaires humanitaires de surveiller et d’assurer un suivi avec les services nécessaires et pour les familles déplacées de transporter les fournitures de prévention et de traitement de la malnutrition dont elles ont besoin.
Les déplacements répétés – associés à l’insécurité, aux contraintes d’accès et à d’autres défis – continuent également d’entraver la détection précoce des enfants et des femmes ayant besoin de services de nutrition.
Protéger les enfants de la violence
En écho à cette inquiétude soulevée par l’OCHA, la cheffe du bureau de l’UNICEF au Moyen-Orient a appelé, jeudi, à une « désescalade immédiate » pour « pour préserver la vie et le bien-être des enfants » de cette région.
Dans un communiqué sur l’impact des récentes violences et attaques au Moyen-Orient sur les enfants, Adele Khodr note que chaque attaque signalée dans la région, notamment le conflit en cours dans la bande de Gaza, a apporté « des nouvelles d’enfants parmi ceux qui ont été tués ».
« Dans de nombreux pays du Moyen-Orient, les enfants sont confrontés aujourd’hui plus que jamais à une dure réalité : une vie marquée par l’incertitude et la violence. « La recrudescence de la violence et des attentats a touché plusieurs pays de la région au cours des derniers mois, faisant payer un lourd tribut à la vie des enfants », a affirmé Mme Khodr.
Selon l’agence onusienne, en moins d’un an, des milliers d’enfants ont été tués dans l’État de Palestine, en Israël, au Liban et sur le plateau du Golan occupé.
« Au-delà de ces morts tragiques, de nombreux autres garçons et filles souffrent de blessures qui ont marqué leur corps à jamais et causé des dommages incommensurables à leur santé mentale ». Nombre d’entre eux ont perdu leur maison à la suite du déplacement et vivent dans un état constant d’incertitude et de peur.
Une désescalade immédiate pour préserver la vie des enfants
L’UNICEF a prévenu que si la violence s’intensifiait, « la situation des enfants risquait de s’aggraver considérablement ».Toute escalade de la violence dans la région aura de graves conséquences humanitaires, mettant en danger la vie et le bien-être de nombreux autres enfants. Elle aura également des effets durables sur les perspectives de paix et de stabilité au Moyen-Orient.
« Une désescalade immédiate est essentielle pour préserver la vie et le bien-être des enfants, car l’alternative est inadmissible », a ajouté Mme Khodr, relevant que « les enfants ont le droit d’être protégés de la violence et ce droit doit toujours être respecté ».
L’UNICEF continue d’appeler toutes les parties à faire preuve de toute urgence de la plus grande retenue et à protéger les civils et les services essentiels dont ils dépendent pour leur survie. « Cependant, ce dont les enfants ont vraiment besoin, c’est de paix et de sécurité, de la possibilité de vivre dans la dignité et à l’abri des privations et de la peur. Et cela commence par une désescalade, une solution politique durable et la promesse d’un avenir meilleur », a insisté la Directrice régionale de l’UNICEF au Moyen-Orient.
Subvention d'Éducation sans délai
Afin de soutenir les efforts mondiaux visant à offrir aux filles et aux garçons un accès à une éducation de qualité et à des services de santé mentale, le Fonds onusien pour l’éducation dans les situations d’urgence et de crise prolongée (Éducation sans délai) a annoncé jeudi l’octroi d’une subvention d’un montant de 2 millions de dollars.
Le financement total d’Éducation sans délai dans l’État de Palestine s’élève désormais à 36 millions de dollars.
La subvention à action rapide mise en œuvre par le Conseil norvégien pour les réfugiés (NRC) permettra d’élargir l’accès des enfants de Gaza à son programme pour un meilleur apprentissage, qui comprend des services de santé mentale dont ils ont grand besoin.
Selon les Nations Unies, depuis le mois d’octobre 2023, 625.000 enfants inscrits dans les écoles de Gaza ont été privés d’éducation et plus de 370 écoles ont été endommagées dans des attaques.
Graves abus à l’encontre des enfants
Avant même le début de ces hostilités sans précédent, on estime que 800.000 enfants de Gaza, soit les trois quarts de tous les enfants du territoire, avaient déjà été identifiés comme ayant besoin de services de santé mentale et de soutien psychosocial.
Selon ce Fonds onusien, les 2,2 millions de Palestiniens de Gaza sont confrontés à une catastrophe humanitaire « monumentale » et à « des conditions inhumaines ». Ils subissent une violence inouïe dans les temps modernes, la famine et la maladie.
Des rapports des Nations Unies font état de graves violations des droits humains et du droit humanitaire à l’encontre des enfants, qui sont monnaie courante à Gaza. Des centaines de filles et de garçons seraient tués ou blessés chaque jour. « À l’heure actuelle, la bande de Gaza est l’endroit le plus dangereux au monde pour les enfants », selon l’UNICEF.
« Le désespoir et la pénurie ont conduit à un effondrement total de la vie des enfants et des adolescent.e.s. Nous essayons de faire tout ce qui est en notre pouvoir pour atténuer leurs souffrances et leur apporter un peu d’espoir », a déclaré dans un communiqué, Yasmine Sherif, Directrice générale d’Éducation sans délai.
Éducation sans délai finance l’éducation dans l’État de Palestine de manière continue depuis 2019, dont une première réponse en situation d'urgence d’un montant de 10 millions de dollars annoncée en novembre 2023.
Abus sexuels sur un Palestinien détenu par Israël : l'ONU réclame une enquête
Le Bureau des droits de l’homme de l’ONU dans les Territoires occupés palestiniens a réclamé une enquête urgente et approfondie sur les pratiques de détention d’Israël après la diffusion d’une nouvelle vidéo qui montrerait des abus sexuels et des tortures infligés à un Palestinien par des soldats israéliens.
Selon un grand média israélien, la vidéo montrerait l’acte commis dans le camp de détention israélien de Sde Teiman, pour lequel neuf soldats ont été arrêtés le 29 juillet.
Selon les services du Haut-Commissaire Volker Türk, Israël doit de toute urgence permettre à des organismes de surveillance indépendants, tels que le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et le Bureau des droits de l’homme des Nations Unies, d’accéder immédiatement à tous les lieux de détention.
Au cours des derniers mois, le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme (HCDH) a documenté un certain nombre de vidéos montrant des violations flagrantes des droits des Palestiniens détenus par Israël, y compris des actes de mauvais traitement, de torture, de violence sexuelle et de viol.
Certains de ses abus pourraient constituer des crimes de guerre
Le rapport sur la détention publié récemment par les Nations Unies décrit de nombreuses violations flagrantes des droits de l’homme et du droit humanitaire international, y compris des violences sexuelles et sexistes, à l’encontre de Palestiniens privés de liberté, dont certaines pourraient constituer des crimes de guerre.
Selon les services du Haut-Commissaire Volker Türk, Israël doit garantir des enquêtes rapides, indépendantes et efficaces sur toutes les allégations de violations liées au traitement des détenus et aux conditions de détention, dont la surveillance des droits de l’homme par les Nations Unies révèle qu’elles pourraient être répandues, et veiller à ce que les auteurs soient tenus de rendre compte de leurs actes.
Compte tenu du fait qu’Israël n’a jamais rendu de comptes pour les violations graves du droit humanitaire international commises à l’encontre des Palestiniens dans le territoire palestinien occupé, le HCDH estime qu’il est également nécessaire de prendre des mesures au niveau international pour garantir le respect des normes internationales dans tous les lieux où des Palestiniens sont détenus.