Fil d'Ariane
Un cessez-le-feu au Soudan est la seule solution durable qui empêchera la propagation de la famine, prévient l’ONU
Alors que la famine a été déclarée la semaine dernière dans des zones du Darfour, au Soudan, deux hauts responsables humanitaires des Nations Unies ont appelé mardi le Conseil de sécurité à user de son influence pour obtenir une cessation des hostilités afin d’éviter une propagation de cette famine.
26 millions de personnes souffrent de faim aiguë au Soudan, plus de 10 millions de personnes ont été contraintes de fuir leur foyer en raison de la violence, de la faim et des privations, le système de santé du Soudan s’est effondré, et une génération entière d’enfants est privée d’une deuxième année consécutive d’éducation.
C’est le terrible constat dressé par la Directrice des opérations et du plaidoyer au Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA), Edem Wosornu, devant les membres du Conseil.
Khartoum en ruines
« Khartoum – la capitale du Soudan, autrefois le cœur battant du pays – est en ruines. La situation humanitaire au Soudan reste une catastrophe absolue », a-t-elle ajouté dans un exposé présenté au nom de la cheffe de l’humanitaire de l’ONU par intérim, Joyce Msuya.
Mme Wosornu a rappelé que le Comité d’évaluation de la famine a conclu que des conditions de famine étaient présentes dans le camp de Zamzam, près d’El Fasher, la capitale du Darfour du Nord, et que des conditions de famine étaient probablement également présentes dans d’autres camps de déplacés dans et autour de la ville.
« Lorsque la famine survient, cela signifie qu’il est trop tard. Cela signifie que nous n’avons pas fait assez. Cela signifie que nous, la communauté internationale, avons échoué. Il s’agit d’une crise entièrement provoquée par l’homme – et une tache honteuse sur notre conscience collective », a déclaré la haute responsable humanitaire.
Des conditions qui empirent
Le Directeur exécutif adjoint du Programme alimentaire mondial (PAM), Stephen Omollo, a, pour sa part, noté devant les membres du Conseil de sécurité que « c'est la première fois depuis plus de sept ans que le Comité (d’évaluation de la famine) confirme une famine, et seulement la troisième fois depuis le lancement du système mondial de surveillance il y a 20 ans ».
« Les conditions de vie au Soudan sont épouvantables et empirent de jour en jour. Cette crise oubliée n’a pas reçu l’attention politique et diplomatique dont elle a désespérément besoin. Pourtant, elle a des implications plus vastes et menace de déstabiliser l’ensemble de la région », a-t-il ajouté, estimant que « la confirmation de la famine la semaine dernière doit servir de signal d’alarme à la communauté internationale et aux membres de ce Conseil ».
Il a réclamé « un effort diplomatique coordonné » pour répondre « aux défis opérationnels et aux obstacles généralisés » auxquels les organisations d’aide humanitaire sont confrontées pour atteindre les millions de Soudanais dans le besoin.
« Aucune des parties au conflit ne respecte ses obligations et ses engagements en vertu du droit international humanitaire. L’espace humanitaire se rétrécit sans cesse. Un accès élargi et de nouvelles voies d’approvisionnement à travers les frontières et les lignes de conflit sont essentiels pour permettre aux organisations d’aide humanitaire de répondre aux besoins extraordinaires qui existent », a-t-il ajouté, dénonçant le fait que les deux parties au conflit bloquent régulièrement les demandes d’autorisation de franchissement des lignes de front. « Cela limite considérablement le volume de l’aide qui passe et nous empêche d’opérer à grande échelle », a-t-il dit.
Les restrictions imposées sur les routes transfrontalières constituent un autre obstacle majeur, empêchant les agences d’atteindre les communautés du Darfour et du Kordofan, a-t-il souligné.
Des équipes humanitaires travaillant « jour et nuit »
Malgré les énormes défis, les équipes du PAM sur le terrain travaillent « jour et nuit » pour acheminer la nourriture vitale là où elle est le plus nécessaire, a déclaré le responsable du PAM.
L’agence onusienne a pour objectif d’augmenter considérablement le nombre de personnes qu’elle aide, avec pour priorité les personnes confrontées à des niveaux de faim d’urgence et catastrophiques ainsi que les personnes déplacées.
Stephen Omollo a appelé le Conseil de sécurité à user de son influence sur les parties belligérantes pour mettre un terme au conflit qui déchire le Soudan, un cessez-le-feu restant « la seule solution durable qui empêchera la propagation de la famine ».
« Pour mettre fin à la famine en cours, il faut de la volonté politique et du leadership. Le PAM appelle le Conseil de sécurité à y parvenir. Le peuple soudanais, épuisé par la guerre et brisé par la faim, ne mérite rien de moins. Nous ne devons pas le décevoir », a-t-il conclu.
La haute responsable d’OCHA, Edem Wosornu, a également rappelé que la communauté humanitaire au Soudan continue de travailler « contre vents et marées pour apporter une aide vitale aux civils dans le besoin ».
« Nous explorons toutes les voies possibles pour atteindre les communautés touchées, y compris par le biais de ponts aériens », a-t-elle précisé.
L’aide en espèces est augmentée dans les zones où les marchés fonctionnent, plus de 100 millions de dollars en espèces et en bons d’achat étant prévus pour être distribués avant la fin de l’année.
La communauté humanitaire fournit aussi des semences et d’autres intrants pour aider les agriculteurs, plus de 1.500 tonnes de semences de sorgho étant arrivées ou étant en route vers le Darfour du Sud, le Darfour du Centre et le Darfour de l’Est pour aider plus de 150.000 agriculteurs.
Ces efforts sont faits dans un contexte où les travailleurs humanitaires au Soudan continuent d’être harcelés, attaqués et même tués et où des convois d’aide humanitaire ont été pillés, a rappelé Mme Wosornu.
Elle a dénoncé les obstacles à la distribution de l’aide. « L’aide retardée est une aide refusée aux nombreux civils soudanais qui meurent littéralement de faim pendant ce temps », a-t-elle dit, notant également que l’appel humanitaire au Soudan n’est financé qu’à hauteur de 32%.
Crimes de guerre commis
Edem Wosornu a souligné que la faim n’était pas la seule menace affectant les gens au Soudan, se disant très préoccupée par les crimes de guerre commis tout au long de ce conflit.
« Les femmes et les filles du Soudan continuent d’être exposées aux pires comportements des parties », a-t-elle dit, notant que de nouveaux rapports ont révélé « des niveaux horribles de violence sexuelle liée au conflit à Khartoum, ciblant des filles dès l’âge de neuf ans ».
« L’accès aux soins de santé d’urgence et aux services de lutte contre la violence sexiste se réduit. Les taux de suicide parmi les survivantes augmentent. Le nombre d’enfants nés d’un viol est en hausse », a-t-elle ajouté.