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Syrie : le Comité des droits de l’homme de l’ONU dénonce des schémas de disparitions forcées et détentions secrètes

Des experts indépendants des Nations Unies se sont inquiétés, jeudi, des schémas de détentions secrètes et surtout les nombreuses informations faisant état de disparitions forcées depuis le début du conflit armé en Syrie.

Selon le Comité des droits de l’homme de l’ONU, la majorité des disparitions forcées serait « imputable aux forces gouvernementales ».

Il s'est dit alarmé du fait qu’il n’existe pas de registre officiel des personnes disparues ni de procédure judiciaire pour remédier à une telle violation. Le Comité s’est également dit préoccupé par les informations selon lesquelles les autorités ont délivré près de 1.700 certificats de décès de personnes disparues depuis 2018 sans rendre les dépouilles aux familles.

En outre, le Comité s’est inquiété du manque « d’informations et de clarté sur les mécanismes nationaux en place pour traiter la question des personnes disparues, y compris en ce qui concerne la disparition de Syriens et de Libanais dans les deux États, en particulier en ce qui concerne le suivi judiciaire, l’accès des familles à la vérité et la réparation complète ».

Conséquences des bombardements à Alep (octobre 2023)
© UNOCHA/Ali Haj Suleiman
Conséquences des bombardements à Alep (octobre 2023)

Des cas de torture et violences sexuelles

Face à cette situation, les experts appellent Damas à faire la lumière sur le sort des personnes disparues et le lieu où elles se trouvent et, en cas de décès, les identifier et restituer leurs dépouilles. Il s’agit aussi de veiller à ce que les familles soient régulièrement informées de l’évolution et des résultats des enquêtes.

Ils ont exhorté la Syrie à prendre des mesures urgentes pour lutter contre les disparitions forcées et les prévenir, notamment en révisant son cadre juridique afin que toutes les formes de disparition forcée soient clairement définies dans le droit pénal. Le Comité a également demandé à Damas de lutter contre l’impunité et de veiller à ce que tous les auteurs, s’ils sont reconnus coupables, soient punis en fonction de la gravité des infractions commises.

D’une manière générale, les experts onusiens se sont dit alarmés par la persistance de la privation arbitraire de la vie dans le contexte du conflit armé.

Dans ce contexte, le Comité est également gravement préoccupé par les informations faisant état de « violations systématiques » des droits de l’homme, telles que « la torture, les détentions secrètes, les violences sexuelles et les disparitions forcées, y compris dans les zones où l’État partie exerce un contrôle effectif ».

Des enquêtes indépendantes

Tout en notant les mesures prises pour faire en sorte que les auteurs de pratiques illégales au cours d’opérations militaires aient à répondre de leurs actes, le Comité est toutefois préoccupé par les informations faisant état de l’impunité et de l’absence de progrès significatifs dans les poursuites et les condamnations pour les violations présumées du Pacte commises pendant le conflit armé auquel l’État partie a participé, telles que celles qui auraient été commises au cours de l’opération militaire Tadamon (avril 2013), qui a entraîné l’exécution de 280 civils, dont au moins 12 enfants.

Les experts ont donc exhorté l’État partie à intensifier ses efforts pour protéger le droit à la vie et pour donner effet aux droits à la vérité, à la justice et à la réparation intégrale des victimes du conflit armé.

Le Comité a spécifiquement demandé à la Syrie de mener des enquêtes rapides, approfondies et indépendantes sur toutes les allégations de violations des droits de l’homme commises à l’encontre de civils pendant le conflit armé en cours. Cela passe aussi par une reddition des comptes pour les auteurs d’abus, mais aussi une réparation complète aux victimes ou aux membres de leur famille.

Bâtiments détruits dans la ville d'Alep, en Syrie (photo d'archives).
© UNICEF/Ninja Charbonneau
Bâtiments détruits dans la ville d'Alep, en Syrie (photo d'archives).

Loi d’amnistie générale

Le Comité a examiné, les 11 et 12 juillet derniers lors de sessions hybrides à Genève, le quatrième rapport périodique de la République arabe syrienne.

Présentant le rapport de son pays, le  Représentant permanent de la République arabe syrienne auprès des Nations Unies à Genève, Haydar Ali Ahmad, avait indiqué qu’il couvrait une période très difficile, marquée par des défis ayant des répercussions profondes et directes sur les droits couverts par le Pacte, ainsi que sur les efforts de l’État pour protéger ces droits.

Sur le cas de disparitions forcées, Damas avait rappelé cette ordonnance du ministère de la Justice publié en 2024, autorisant la supervision des centres de détention et des prisons à intervalles périodiques, pour vérifier que la détention se fait bien dans les règles, a ajouté la délégation.

De plus, la loi sur la sécurité de l’État n’accorde pas d’immunité aux fonctionnaires qui auraient commis des mauvais traitements, a assuré la délégation syrienne en réponse à la question d’un expert.

S’agissant des décrets d’amnistie générale, Damas a précisé qu’ils concernaient les personnes ayant commis les crimes mentionnés dans les décrets, lesquels excluent certains crimes graves tels que le viol. « Les crimes terroristes sont aussi couverts, à l’exception de ceux ayant entraîné la mort de personnes », avait fait valoir la Syrie.