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Il rêvait de trouver l’Eldorado en Europe mais « c’était une erreur », témoigne un migrant rapatrié au Bénin

« Je pensais me rendre en Europe, trouver l’Eldorado, réussir ma vie, c’était une erreur, je reviens au point de départ et je suis chanceux d’être en vie », raconte Mama*, un migrant clandestin rapatrié au Bénin.

Âgé de 39 ans, marié à deux femmes et père de huit enfants, il a été enseignant en mathématiques et sciences physiques dans les écoles privées et ensuite commercial d’une structure de téléphonie mobile.

Mama menait sa petite vie paisible dans la commune de Djougou, au nord du Bénin, à 462 km de Cotonou, quand sur le conseil insistant d’un proche parent, après mainte réflexions, il prit un matin ses bagages pour l’aventure clandestine en direction de l’Europe.

« Je voulais une vie meilleure à ma vie d’enseignant, je rêvais mieux pour moi et ma famille. Partir de Djougou, j’ai fait ma première escale au Niger, ensuite, un second arrêt en Algérie et j’ai fini mon parcours à Sfax en Tunisie. Dans quelle condition ?» s’interroge-t-il le regard dans le vide, rempli de souvenirs et de remords.

Un trajet périlleux qu’a connu aussi Mme Yaou* commerçante, âgée de 35 ans, veuve et mère de plusieurs enfants.

« Je rêvais de l’Europe, pour gagner de l’argent et aider mes enfants à étudier et changer la vie de mes parents. J’ai pris départ de Malanville au nord du Bénin, mon groupe a fait deux arrêts au Niger, ensuite en Libye, et c’est de la Libye je suis allée en Tunisie », se rappelle Mme Yaou.

Jeunes migrants au carrefour des régions de Zinder et d'Agadez (photo d'archives).
© UNICEF/Juan Haro
Jeunes migrants au carrefour des régions de Zinder et d'Agadez (photo d'archives).

Retour au Bénin : résilience et nouveaux départs

Pour financer son voyage, Mme Yaou a bénéficié du soutien financier de sa mère et avec le complément de ses économies de commerce.

« J’ai dépensé une forte somme pour financer mon voyage. Il y a divers groupes de passeurs à qui il faut payer pour le convoyage. Je dormais dans des endroits insalubres, je ne trouvais pas à manger, j’étais malade. A y réfléchir aujourd’hui je pouvais utiliser cette somme pour renforcer mon commerce au pays », déclare, dépitée, Mme Yaou.

Mama, lui, se souvient qu'en partant de Djougou, il avait sur lui « une forte somme que je préfère ne pas dire ». « J’ai tout dépensé chez les passeurs et j’ai été volé. Je n’avais plus aucun franc pour me nourrir. Quand on traversait le désert à pied, une dame a perdu la vie, elle était souffrante et avait soif. C’était pénible. Elle est morte sans qu’on ne pût rien faire pour elle », dit-il.

Après avoir échoué à traverser la mer, Mama a décidé de contacter les Nations Unies, en l’occurrence l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), pour faciliter son retour au pays.

« Au cours de la traversée de la mer les garde-côtes nous ont interceptés, d’autres migrants se sont jetés dans la mer et se noyaient. Une fois à la rive, l’idée de rentrer au pays m’a traversé l’esprit car je ne pouvais plus continuer à souffrir au risque de perdre ma vie », a avoué Mama, très heureux de retrouver son pays.

« C’est mieux de rester dans son pays que de rester dans un autre clandestinement. Quand j’ai appris que l’OIM recensait les gens qui veulent rentrer volontairement, j’ai sauté sur l’occasion », a ajouté Mme Yaou.

C’est ainsi que le 28 mai 2024, 173 migrants (145 hommes, 28 femmes) ont choisi de rentrer volontairement avec l’assistance de l'OIM au Bénin, en étroite collaboration avec le gouvernement du Bénin.

« Je suis heureux de retrouver ma terre, mon pays. J’ai l’esprit plus calme et je vais me relancer dans mes activités pour construire ma vie ici à Djougou. Je peux réussir ici avec la même volonté que j’avais pour traverser le désert, la mer. Je suis prêt à sensibiliser d’autres personnes à ne pas commettre la même erreur de voyager de manière irrégulière mais de s’informer sur les alternatives à la migration irrégulière et les opportunités locales », a déclaré fièrement Mama dès son retour.

À leur arrivée, les migrants de retour volontaire ont reçu une assistance immédiate de l'OIM Bénin, comprenant la fourniture de nourriture, d'eau, de kits d'hygiène, d'argent de poche pour les besoins immédiats comme le transport vers les zones de retour définitif, notamment Djougou et ses environs, les migrants obtiendront une assistance, pour la mise en place d’activités génératrices de revenu dans le cadre de leur réintégration.

En parallèle, les agents des ministères en charge des Affaires Sociales et de la Santé ont apporté un appui psychologique et sanitaire aux migrants.

La Coordonnatrice résidente du système des Nations Unies au Bénin, Aminatou Sar, a réitéré l’engagement de tout le système à appuyer le gouvernement du Bénin pour une prise en charge adéquate des migrants de retour et surtout pour travailler en amont pour éviter les voyages clandestins qui endeuillent les familles.

*Pseudonymes

Article produit par Yézaël Adoukonou, Chargé de communication au Bureau de la Coordonnatrice résidente au Bénin, et Joseph Kizerb, Chargé de communication à l’OIM.