Aller au contenu principal

Myanmar : le viol, outil de terreur contre les femmes et les LGBT, selon un expert de l’ONU

Un expert indépendant des Nations Unies a réitéré, jeudi à Genève, ses accusations de viols et autres crimes sexuels contre les forces de sécurité de la junte militaire au Myanmar.

Devant le Conseil des droits de l’homme de l’ONU, le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Myanmar a indiqué que la « menace » des violences sexuelles et sexistes reste « une ombre » qui plane sur les femmes, les jeunes filles et les personnes LGBT dans ce pays en guerre civile de l’Asie du Sud-Est.

« Les forces de la junte sont responsables de nombreux viols et autres crimes sexuels », a fustigé Thomas Andrews, relevant que Naypyidaw a lancé une campagne « systématique » pour attaquer les défenseurs des droits de l’homme ainsi que pour « démanteler » les organisations et les réseaux qui soutiennent les femmes, les jeunes filles et les personnes LGBT.

Cette campagne de terreur intervient alors que « jour après jour », la junte militaire et ses forces « perdent du terrain, au sens propre comme au sens figuré ».

« Les bases militaires continuent de tomber aux mains des forces de la résistance. Des dizaines de milliers de soldats ont été tués, se sont rendus ou ont fait défection », a détaillé aux Etats membres, l’expert indépendant des Nations Unies.

Des réfugiés rohingyas traversent la frontière près du village d'Anzuman Para, à Palong Khali, au Bangladesh (archives octobre 2017).
HCR/Roger Arnold
Des réfugiés rohingyas traversent la frontière près du village d'Anzuman Para, à Palong Khali, au Bangladesh (archives octobre 2017).

Massacres perpétrés par des fantassins de la junte

En réponse, la junte « redouble ses attaques brutales » contre les populations civiles tout en essayant de fomenter « la haine et la violence entre les groupes ethniques ».  Les militaires au pouvoir « semblent déterminés à détruire le pays qu’ils ne peuvent contrôler ».

Au cours des derniers mois, de nombreux rapports inquiétants ont fait état de « massacres perpétrés par des fantassins de la junte ». « De nombreuses victimes ont été abattues à bout portant après avoir été interrogées. Des femmes, des enfants et des personnes âgées figurent parmi les victimes », a souligné M. Andrews.

La situation dans l’État de Rakhine, où la junte perd rapidement des territoires au profit de l’armée d’Arakan, est « terrifiante ». « Pour les Rohingyas - opprimés, boucs émissaires, exploités et coincés entre les parties belligérantes - la situation rappelle les violences génocidaires de 2016 et 2017 », a alerté l’expert onusien, ajoutant que l’armée a enrôlé des milliers de jeunes Rohingyas et les a mobilisés contre l’armée de l’Arakan.

« Imaginez des jeunes hommes rohingyas contraints de se battre en première ligne pour l’armée qui est responsable des attaques génocidaires contre leur famille et leur communauté ! »

Des rapports établissent également « un lien entre les soldats de l’armée d’Arakan et les violations des droits de l’homme commises à l’encontre des civils rohingyas », a-t-il dit, relevant que la situation humanitaire des Rakhines et des Rohingyas est « extrêmement grave ».

630 millions de dollars d’achats d’armes en deux ans

Pour financer cette campagne de terreur, la junte ne lésine pas sur ses moyens.  Au cours des deux années se terminant en mars 2024, l’armée du Myanmar a acheté pour « 630 millions de dollars d’armes », de technologies à double usage, d’équipements de fabrication et de matières premières par l’intermédiaire du système financier international.

Selon Thomas Andrews, ces transactions, ainsi que les livraisons de carburant d’aviation, contribuent à soutenir la campagne brutale de violence menée par la junte contre les civils dans tout le Myanmar. « Il faut y mettre un terme. », a-t-il insisté, ajoutant avoir « identifié 16 banques étrangères » qui ont facilité les transactions liées à l’approvisionnement militaire de la junte au Myanmar.   

« Pour être clair, la junte et ses acolytes se sont efforcés d’occulter la nature spécifique de ces transactions, notamment en créant des sociétés militaires de façade ».

Mais derrière ces efforts de dissimulation de Naypyidaw, les mesures prises par la communauté internationale pour « isoler » et réduire la capacité de la junte à attaquer le peuple du Myanmar « portent leurs fruits ». En effet, les achats militaires effectués par l’intermédiaire du système bancaire international ont « diminué d’un tiers ».

Des enfants jouant dans le camp de personnes déplacées musulmanes de Thet Kel Pyin à Sittwe, la capitale de l'État de Rakhine (archive)
© UNICEF/Nyan Zay Htet
Des enfants jouant dans le camp de personnes déplacées musulmanes de Thet Kel Pyin à Sittwe, la capitale de l'État de Rakhine (archive)

Le Myanmar mérite l’attention et l’action de la communauté internationale

« Mais il faut en faire plus et le faire maintenant pour consolider ces progrès, notamment par une coordination stratégique entre tous les gouvernements qui soutiennent les droits de l’homme, afin d’arrêter le flux d’armes de guerre sophistiquées qui sont utilisées pour attaquer les civils innocents du Myanmar », a dit l'expert.

« Pour une grande partie du monde, le Myanmar est loin des yeux et de l’esprit - dans l’ombre d’autres conflits et d’autres souffrances humaines que les membres de cet organe ne connaissent que trop bien », a-r-il ajouté.

Lors de son plaidoyer devant l’organe onusien, le Rapporteur spécial a rappelé que le Myanmar a besoin et mérite l’attention et surtout l’action de la communauté internationale, « non seulement en raison des attaques incessantes de la junte militaire contre le peuple du Myanmar », mais aussi parce que « ces gouvernements disposent dès maintenant d’opportunités qui pourraient faire une énorme différence dans la manière dont cette crise prendra fin et dans le moment où elle prendra fin ».

NOTE :

Les Rapporteurs spéciaux, les experts indépendants et les groupes de travail font partie de ce que l’on appelle les procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme. Les procédures spéciales, le plus grand groupe d’experts indépendants du système des droits de l’homme des Nations unies, est le nom général des mécanismes indépendants d’enquête et de suivi du Conseil qui traitent soit de situations nationales spécifiques, soit de questions thématiques dans toutes les parties du monde. Les experts des procédures spéciales travaillent sur une base volontaire ; ils ne font pas partie du personnel des Nations unies et ne reçoivent pas de salaire pour leur travail. Ils sont indépendants de tout gouvernement ou organisation et travaillent à titre individuel.