Fil d'Ariane
Retour en « enfer » : le voyage d’une humanitaire de l’ONU dans Gaza dévasté
Au-delà de la difficulté d’entrer dans Gaza, les équipes humanitaires doivent maintenant faire face à une prise de conscience. Avec la pénurie de carburant et la diminution des fournitures, il y a une limite à ce qu’elles peuvent faire pour aider tous ceux qui sont dans le besoin, comme l’a déclaré à ONU Info vendredi, Louise Wateridge, une humanitaire de l’ONU.
« Vous pouvez entendre les bombardements du nord, du centre et du sud... Gaza est maintenant un véritable enfer sur terre, il fait très chaud... Les ordures s’entassent partout, les gens vivent sous des bâches en plastique où les températures montent en flèche », a raconté Mme Wateridge, une porte-parole de l’Agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA).
Elle a témoigné quelques heures après son retour dans l’enclave détruite par les opérations militaires israéliennes qui ont suivi les attaques sanglantes du Hamas et la prise d’otages d’octobre dernier.
Arrivée jeudi par le point de passage de Kerem Shalom, dans l’extrême sud de la bande de Gaza, Mme Wateridge a déclaré avoir vu une ville de Rafah « détruite ». La ville avait été sa base lors de sa première tournée en mai, lorsque les forces israéliennes s’étaient emparées de ce point de passage clé, entravant encore davantage l’acheminement de l’aide à Gaza.
Des coquilles vides de maisons transformées en abris
Les scènes de désolation se sont répétées lors du voyage de la travailleuse humanitaire vers le nord et le centre de la bande de Gaza, où elle est actuellement installée.
« La traversée de Khan Younis était choquante - je n’y étais pas allée depuis l’invasion de Rafah le 6 mai et c’était une ville fantôme parce que tout était détruit ».
« Aujourd’hui, de très nombreuses familles vivent à l’intérieur de ces squelettes de bâtiments détruits. Des couvertures ou des bâches en plastique ont été posées là où les murs ont été détruits. Il est donc très visible de voir la différence que l’invasion de Rafah et l’action militaire en cours ont eue », a-t-elle dit.
Anarchie et pillage
L’employé de l’UNRWA a confirmé les rapports faisant état d’un effondrement de l’ordre public après près de neuf mois d’intenses bombardements israéliens qui ont bouleversé la vie normale à Gaza et poussé les gens à arrêter les camions d’aide à la recherche de nourriture lorsqu’ils entrent dans la bande de Gaza par Kerem Shalom.
« La route était pleine de pillards lorsque nous sommes arrivés. Nous sommes arrivés en même temps que certains camions d’aide, et il y avait donc des centaines d’hommes armés qui attendaient leur arrivée. Les camions que nous avons croisés en chemin étaient très détruits - les pare-brise étaient complètement brisés, ils avaient tous des barres métalliques renforçant la zone du conducteur. Nous avons eu l’impression d’être dans l’anarchie la plus totale », a raconté Louise Wateridge.
Tous les bâtiments de l’ONU endommagés ou détruits
Elle a par ailleurs décrit les dommages infligés aux installations de l’ONU sur la route de Kerem Shalom à Khan Younis, Deir al Balah et au-delà, certaines étant marquées de gros trous dus aux bombardements et d’autres étant éventrées, ouvertes aux éléments.
« Chaque installation de l’UNWRA - école, entrepôt, distribution de nourriture, etc. - a été considérablement endommagée, voire détruite. Des trous de balles, des murs explosés, des sols effondrés comme des crêpes les unes sur les autres - vous n’auriez jamais imaginé qu’il s’agissait d’installations de l’ONU protégées par le droit international », a-t-elle dit.
Selon le Bureau de coordination de l’aide des Nations Unies (OCHA), depuis le début de l’année 2024, seuls 14 % du carburant (diesel et benzène) qui entrait mensuellement à Gaza avant octobre 2023 ont été autorisés à pénétrer dans l’enclave (deux millions de litres contre 14 millions de litres).
« Nous n’avons pas de carburant, donc nous ne pouvons aller nulle part - tous les humanitaires », a déclaré Mme Wateridge, confirmant que les opérations d’aide continuent d’être entravées par la difficulté d’avoir du carburant à Kerem Shalom.
« Pour l’UNRWA, il est prévu de distribuer ce que nous avons - de la nourriture et des matelas - mais c’est très limité. Cela montre une fois de plus à quel point la situation est mauvaise pour la réponse humanitaire, alors que nous n’avons même pas assez de carburant pour nous déplacer ».
Outre ces défis, les travailleurs de l’UNRWA sont confrontés à leurs propres problèmes, explique Mme Wateridge. « J’ai hâte de les voir ; ils vont bien, mais ils sont très traumatisés d’avoir été déplacés de Rafah. Ils n’ont plus rien maintenant ».