Fil d'Ariane
Migrations en mer : les réponses souvent politisées augmentent les risques de traite des personnes (expert)
Les réponses souvent politisées et punitives aux migrations en mer augmentent les risques de traite des personnes, a indiqué jeudi une experte indépendante des Nations Unies, relevant que les obligations de prévention et de protection des victimes de la traite des êtres humains s’appliquent également aux migrants en mer.
Devant le Conseil des droits de l’homme de l’ONU à Genève, la Rapporteure spéciale de l’ONU sur la traite des personnes s’est penchée sur les réponses souvent « politisées et punitives aux mouvements mixtes de réfugiés et de migrants en mer ».
Il s’agit notamment les restrictions à la migration régulière et sûre, l’accès limité à l’asile, les « refoulements » risquant d’entraîner le refoulement, l’arrestation et la détention au moment du débarquement, les sanctions injustes infligées aux victimes pour des infractions liées à leur statut migratoire et la criminalisation des défenseurs des droits de l’homme engagés dans des opérations de recherche et de sauvetage.
« Ces réponses obligent les personnes à entreprendre des voyages plus dangereux et les exposent davantage au risque de devenir des victimes de la traite des êtres humains », a déclaré au Conseil Siobhán Mullally.
Au moins 8.565 personnes mortes sur les routes de la migration
Pour être efficaces, elle estime que les mesures de prévention de la traite des personnes doivent inclure l’élargissement des possibilités de migration sûres et régulières, des voies d’accès à la protection internationale, y compris un accès effectif à l’asile, au regroupement familial fondé sur les droits et à la réinstallation.
Selon les données de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), au moins 8.565 personnes sont mortes sur les routes migratoires dans le monde en 2023, ce qui en fait l’année la plus meurtrière jamais enregistrée. Un peu plus de la moitié des décès ont été causés par la noyade.
« Pour les victimes de la traite en mer, il convient avant tout de garantir le droit à la vie, en tant que droit humain fondamental et indérogeable », a plaidé l’experte indépendante onusienne.
Une façon de rappeler l’obligation des États à veiller à ce que les acteurs maritimes puissent s’acquitter de leurs obligations à l’égard des personnes en détresse en mer. « Il est donc essentiel que les acteurs maritimes soient pleinement soutenus dans l’accomplissement de leurs obligations de recherche et de sauvetage en vertu du droit international ».
Ces obligations doivent être mises en œuvre sans discrimination ni considération pour le statut des personnes secourues et, à ce titre, s’appliquent également aux victimes de la traite et aux personnes risquant d’être victimes de la traite.
Restrictions croissantes de l’accès à l’asile
Par ailleurs, la Rapporteure spéciale s’est préoccupée des « restrictions croissantes de l’accès à l’asile dans de nombreuses régions ». « Les États doivent garantir l’accès aux procédures d’asile pour les personnes interceptées ou secourues en mer », a affirmé Siobhán Mullally, ajoutant que la désignation d’un lieu sûr exige de garantir un accès effectif à l’asile et une protection contre le refoulement.
A cet égard, les États doivent veiller à la mise en œuvre effective de l’obligation de non-refoulement et de l’interdiction des expulsions collectives, en reconnaissant l’obligation de fournir des évaluations individualisées des risques et des besoins de protection pour toutes les victimes de la traite et les personnes qui risquent de l’être.
L’experte a ainsi appelé tous les États à renforcer l’action visant à prévenir la traite des personnes, en élargissant l’accès à des voies de migration sûres et régulières, et à renforcer la protection des réfugiés et l’accès à l’asile, afin de réduire les risques liés aux dangereux voyages en mer.
NOTE :
Les Rapporteurs spéciaux, les experts indépendants et les groupes de travail font partie de ce que l’on appelle les procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme. Les procédures spéciales, le plus grand groupe d’experts indépendants du système des droits de l’homme des Nations unies, est le nom général des mécanismes indépendants d’enquête et de suivi du Conseil qui traitent soit de situations nationales spécifiques, soit de questions thématiques dans toutes les parties du monde. Les experts des procédures spéciales travaillent sur une base volontaire ; ils ne font pas partie du personnel des Nations unies et ne reçoivent pas de salaire pour leur travail. Ils sont indépendants de tout gouvernement ou organisation et travaillent à titre individuel.