Fil d'Ariane
L'ONU entend le témoignage d'un ancien enfant soldat sur la brutalité de la guerre en RDC
Le Conseil de sécurité de l'ONU a entendu mercredi le témoignage d'un ancien enfant soldat qui a raconté son expérience d'avoir été enlevé et forcé de rejoindre un groupe armé en République démocratique du Congo (RDC).
S'exprimant anonymement et par l'intermédiaire d'un interprète, le jeune homme de 16 ans a appelé les membres du Conseil à renforcer la protection et la sécurité dans les zones de conflit afin de garantir que les enfants comme lui n'aient jamais à jouer un rôle actif dans les horreurs de la guerre.
« Quand je suis né, il y a 16 ans, il y avait déjà des conflits armés dans l'est de la République démocratique du Congo », a commencé l'adolescent, racontant l'aggravation de la situation et comment les enfants sont les plus grandes victimes.
« J’ai été obligé de rejoindre un groupe armé alors que j’allais à l’école à pied ».
Son témoignage a mis en lumière les réalités brutales auxquelles sont confrontés de nombreux enfants dans les zones de conflit.
Dures réalités
« Il y a deux mois, lors d'attaques armées contre deux de nos villages voisins, des enfants ont été la cible d'enlèvements et forcés de rejoindre des groupes armés, tandis que d'autres ont été enlevés pour demander une rançon à leurs familles. Cela a conduit au meurtre de nombreux enfants dont les familles n’ont pas les moyens de payer les rançons demandées », a expliqué l'adolescent congolais, décrivant comment des écoles et des hôpitaux sont attaqués et utilisés comme bases militaires.
Il a partagé son expérience personnelle d’avoir été enlevé et forcé à rejoindre un groupe armé.
« Nous avons pleuré et tremblé, les suppliant de nous laisser rentrer chez nous auprès de nos familles, mais ils n'ont pas voulu écouter. C’est à ce moment-là qu’ils ont commencé à nous fouetter et à nous garder dans la brousse. Nous étions fortement gardés et ils avaient ordonné de tuer quiconque tenterait de fuir », a-t-il raconté.
Son témoignage comprenait des descriptions frappantes des épreuves endurées, comme le fait d'être obligé de piller de la nourriture et de voler des véhicules, des filles étant prises comme « épouses » par des soldats.
« La vie n’était pas rose, car le manioc sec était l’aliment principal, et j’avais aussi peur des animaux sauvages dans la brousse ».
Plaidoyer personnel aux ambassadeurs
Après trois années, l’enfant a réussi à s’échapper et a finalement été soutenu par le programme de démobilisation des enfants du gouvernement congolais. Aujourd’hui de retour à l’école, l’adolescent travaille avec le parlement des enfants pour sensibiliser aux droits de l’enfant.
« Je souhaite exhorter le Conseil de sécurité des Nations Unies à travailler ensemble pour fournir une assistance aux enfants touchés par le conflit », a-t-il souligné. « Cette aide contribuera à protéger les enfants, à les aider à accéder à l’éducation et aux soins de santé et à les protéger de la violence dans des environnements où leurs droits sont bafoués ».
Des violations sans précédent
Ce témoignage faisait partie du débat public du Conseil de sécurité sur les enfants et les conflits armés, au cours duquel l’organe composé de 15 membres examine le rapport annuel du Secrétaire général ainsi que des exposés approfondis de hauts responsables de l’ONU, de la société civile et d’experts.
Couvrant la période de janvier à décembre 2023, le rapport révèle des « niveaux extrêmes » de violence contre les enfants dans les conflits armés, avec un nombre sans précédent de meurtres et de mutilations.
L'année dernière, l'ONU a vérifié un nombre effroyable de 32.990 violations graves contre 22.557 enfants dans 26 zones de conflit, le nombre annuel le plus élevé depuis près d'une décennie, a déclaré Virginia Gamba, Représentante spéciale du Secrétaire général pour les enfants et les conflits armés, aux membres du Conseil de sécurité.
Le plus grand nombre de violations graves en 2023 a eu lieu en Israël et dans les territoires palestiniens occupés – notamment Gaza, la Cisjordanie et Jérusalem-Est – ainsi qu’en République démocratique du Congo, au Myanmar, au Nigéria, en Somalie et au Soudan.
Les violations contre les enfants couvertes par le rapport comprennent l'enlèvement, le meurtre, la mutilation, le recrutement ou l'utilisation dans des forces et groupes armés, les attaques contre des écoles ou des hôpitaux, le viol ou d'autres violences sexuelles graves et le refus d'accès humanitaire.
Le piétinement des droits de l’enfant « doit cesser »
Mme Gamba a souligné que la seule façon d'avancer passe par la coopération, la solidarité et la volonté politique d'atténuer, et, à terme, de mettre fin et de prévenir les violations contre les enfants.
Protéger les enfants des conflits est essentiel pour briser le cycle de la violence, a-t-elle déclaré, appelant à une culture de responsabilité partagée pour protéger les enfants. Des règlements pacifiques des différends sont nécessaires pour assurer une protection lorsque les efforts de paix échouent.
Le respect du droit international « est la condition préalable minimale à la protection des enfants », a-t-elle souligné.
« Malgré le solide consensus international atteint sur ces questions, les parties au conflit bafouent ouvertement les droits de l’enfant, avec peu ou pas de conséquences », a-t-elle dit. « Cela doit cesser ».
Des responsables de l'ONU font écho aux appels à la protection
Le Conseil de sécurité a également entendu l'ancien Secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, en sa qualité de Vice-président du groupe The Elders, ainsi que Ted Chaiban, Directeur exécutif adjoint du Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF).
M. Ban a souligné qu'il ne devrait y avoir aucune impunité pour ceux qui commettent des crimes contre des enfants, où que ce soit dans le monde.
M. Chaiban a appelé le Conseil de sécurité à protéger les enfants, à promouvoir la paix et à s'engager dans une diplomatie soutenue pour mettre fin et prévenir les conflits, ajoutant que les acteurs humanitaires, de paix et de développement sont prêts à apporter leur soutien.